Après midi tranquille dans son atelier, caché aux yeux des touristes dans une cour un peu reculée de l'allée des embrumes. Un coin discret et calme, à l'abri des regards, où il peut sortir ses plantes au cas où.
C'est un atelier au charme vétuste: d'ancienne facture, la peinture sombre est craquelée depuis des années déjà, et les vitres opaques ne laissent paraître que des silhouettes informes et immobiles. En y entrant, après avoir frappé d'une certaine manière, on découvre que ces masses sont en fait des plantes, et qu'elles recouvrent plus de la moitié de l'espace principal du modeste atelier, s'organisant de l'entrée jusqu'à une vieille et longue table de travail en bois, où étaient posée ses boutures et repiques.
Cachée entre deux plantes de taille moyenne, un fauteuil et une table d'appoint, et parfois, des perchoirs pour Amaryllis, la chouette gardant ces lieux et s'agitant à l'entrée des clients.

Deux mois après la remise des clés de l'atelier, l'endroit s'est transformé en lieu de travail idéal, bien que trop étroit pour ses plantes et ses ambitions. Un peu serré, rempli de plantes, d'objets d'entretiens et caché dans la cuisine, d'ustensiles de cuisines et de potions, tout donnait l'impression d'être organisé, optimisé.
Tout est à porté de main : les plantes présentes sont nécessaire à la préparation de potions, et celles présente dans la pièce principale, sans trop de danger. Légales.
Au bout de cette pièce, derrière les portes vitrées -aussi opaques- se trouvait le clou de la collection : les plantes les plus dangereuses, comme la belladone, celles pour lesquelles il n'y avait pas d'explication simple qui expliquerait pourquoi il en possède. Mais elles resteront derrière ces portes lourdement verrouillées.
Il faudra se contenter de la digitale, de l'aconit et du sumac vénéneux dans la salle principale, au fond de la pièce, pour frôler le danger volontairement.
Ou la cuisine, où le matériel de potion, à première vue élémentaire, trône à coté de la théière et de l'armoire à épices, stockées dans de vieux pots en verres. Un lieu où une  collection de plantes aromatiques trônent près de l'entrée.

On frappe à la porte, et la chouette crie déjà.
L'attention d'Eamon se détourne d'une autre armoire avec d'autres récipients en verres; des potions, des essences, un fond seulement.
Il referme l'armoire, posée dans un angle mort de la cuisine, et fais quelques pas pour en sortir à pas feutré.
Eamon n'attendait personne aujourd'hui, mais ce ne serait pas la première fois qu'un client vienne sans s'annoncer. Rude et impoli, mais que pouvait-on y faire... Dans le doute, la main traine toujours près de sa baguette, bien calée dans une des poches de robe de sorcier.

Ce n'est qu'un touriste, en fait.
Vêtu comme un sorcier commun, jeune et encore secoué par sa rencontre avec Amaryllis. Peu importe où se posait son regard, rien ne décrochait la déplaisance de son visage. Quitte à être dérangé, cela aurait pu être quelqu'un d'autre non ?

- Vous êtes perdu.

Eamon s'appuie contre l'encadrement de la porte, croisant ses bras à son aise, ne le lâchant pas des yeux.
Attends un peu...
Ce maintien médiocre, cet air fatigué, cette façon de le déranger quand il avait autre chose à faire...
Il claque la langue, le toisant avec un peu plus d'agacement.
Ce type...
C'est le gamin de l'autre fois, qui a acheté le bézoard avant lui, le mettant dans l'embarras : sa production prenait du retard, et il ne prendrait pas le risque de se faire empoisonner lui même...
Finalement, il était peut-être venu au bon endroit, pour son plus grand déplaisir.

- ...Qu'est-ce que vous cherchez ?

Chaque détail est scruté, depuis le pas de la cuisine. Chaque nouveau client passait par une analyse intensive, où Eamon ne ratait pour rien au monde leur attitude et apparence.
Et ce type ne paie vraiment pas de mine.
Au moins, il n'avait pas l'air d'une menace, même s'il se tenait finalement droit.

Il était bel et bien ici pour lui dérober plus de ressources encore... Les jeunes n'ont plus aucun respect de nos jours, vraiment, à venir sur son propre territoire lui couper l'herbe sous le pied ! Si cela n'était pas rémunéré, il l'aurait déjà jeté dehors.

Eamon relève légèrement la tête à la mention de l'aconit. Il lui en reste, oui... Suffisamment même. Mais l'envie n'y est pas, partager ses maigres ressources avec un malandrin de cet acabit ne l'enchante guère. Juste par rancœur.

Ah, oui l'apothicaire.
Finalement le propriétaire des lieux lâche l'individu des yeux, taisant un long soupir. Ce n'était pas prudent.

- Bien sûr que vous l'êtes...

Et il s'en tamponne royalement les amygdales.

- Si vous le recroisez avant moi, dites lui de ne pas communiquer mon adresse à n'importe qui.

Bien sûr qu'il appuie 'n'importe qui' d'un regard en coin sur son interlocuteur. De bas en haut. Depuis quand ce vendeur lui envoyait les jeunes idiots du village d'on ne sait quel endroit miteux chercher des ingrédients ?! Il y avait un standing ici, celui d'être un minimum doué, ou bien sapé, au moins. Pas des stagiaires !
Il mérite mieux.

Eamon reste ensuite silencieux, posant son regard sur ses plantes, évitant la rangée où il avait posé ses plantes d'aconit. Bien sûr, il voulait les plantes dont la manipulation est complexe. Où serait l'intérêt ?
Peut-être que le silence est long. Amaryllis a tout le temps de s'agiter et battre des ailes, défendant son perchoir avec ferveur.
Rien de tout cela ne dérangeait Eamon, qui finalement, plante son regard dans celui de l'invité.

- Vous l'avez toujours ?

Avec un peu de chance, cet idiot se baladent avec des amas mal digérés dans son sac par pur plaisir. Il avait la dégaine pour, de toute façon.
Finalement, il se détache de son mur pour se tenir droit, toujours les bras croisés.

- Pas de bézoard, pas d'aconit.

Une esquisse de sourire commerciale, qui tombe à l'eau bien vite; rien qu'essayer de sourire avait fatigué ses zygomatiques.
Il n'y avait plus qu'à attendre sagement son départ, et profiter du retour au calme pour se préparer du thé et oublier cette rencontre absurde.

C'était un risque qu'il était prêt à prendre, oui. Un échange bête et simple. Mais maintenant que cela sortait de la bouche de l'intrus, Eamon n'en était plus trop sûr. Surtout avec le sourire qu'il affiche.

- Si vous l'avez sur vous, oui. Mais maintenant que vous le mentionnez...

Il hausse les épaules.

- Si vous me faites attendre, perdre mon temps, il faudra payer. Plus vite vous le ramener, moins cher ce sera bien sûr.

Mais le visiteur ne s'arrête pas là : il négocie plus, jouant sur la valeur des ingrédient. Pauvre malheureux, il n'a même pas réfléchi à la qualité de ces derniers. Il s'est cru dans un supermarché de basse classe, proposant des produits cueilli la semaine dernière déjà, entreposé dans ses seaux d'eau sans aucun égard pour la plante et ses besoins ?
Il est jeune, c'est excusable. Même si, à son âge, Eamon n'aurait pas osé prononcé une ânerie pareille.

- Bien sûr ! Si on ne s'applique pas entièrement sur ses potions et que l'on ne se procure que des branches épuisées par le temps et le manque d'entretien, oui.

Il s'avance de quelques pas lents, son regard toujours planté sur le jeune homme. Ce moment où son regard se baladait sur ses plantes ne lui avait pas échappé.

- Vous l'aurez sûrement constaté... Ce n'est pas le style de la maison.

Sûrement, pas du tout.
Les plantes ne manquaient de rien, et resplendissaient. C'est la politique de l'atelier Ainsley : aucune potion ne peut atteindre son potentiel maximal sans des ingrédients d'une qualité tout aussi exceptionnelle. Déjà à Poudlard, il allait chercher lui même le plus d'ingrédients possibles, frais. On ne rigole pas avec la qualité.

Eamon s'arrête, laissant une distance raisonnable entre eux. Le but n'était pas d'être proche au point de sentir son odeur d'étudiant miséreux, mais bien de réaffirmer sa présence.
Vraiment, rien de ce que ce type avait sur le dos lui donnait l'impression qu'il paierait au prix juste ses fleurs. Qui à part lui reconnaîtrait leur valeur, cependant ? Il faut bien payer le loyer. Faut bien ce bézoard pour le reste de ses activités...

- Je veux bien vous faire cette fleur. Pour le moment. Après tout, c'est votre première fois ici.

Il est pressé. Thirsty pour le bézoard. L'idée d'en avoir sans être obligé de sortir et, que Merlin l'en préserve, croiser des apothicaires qu'il connaît... Cela vaut énormément.

Son regard s'adoucit finalement, ou plutôt, devient las. Le jeune homme étant passé d'un enfant égaré à un client finalement solide et sans marchandise sur lui, Eamon daigne le laisser tranquille.
Bien que toujours raide.
Toujours fermé.
Son regard se décroche enfin de lui, ayant mieux à regarder. Amaryllis par exemple, toujours attentive et dérangée par la présence d'Argus.

- Monsieur Ainsley.

Un pas en arrière, puis il décroise les bras, l'invitant d'un léger et flegmatique geste de la main à le suivre.
Il longe la table de travail, où traînent encore des notes posées sur de vieux livres, des pots vides et les jeunes plantes attendant d'être transvasées. Quelques boutures siégeaient à leur côté, ainsi qu'une tasse de thé vide.
Ses pots et plantes étaient disposés en rangée, à la façon des pépinières. L'atelier aurait pu être un petit paradis baigné de lumière, s'ils n'était pas à Londres ou si la moitié des plantes n'avaient pas de hautes branches. Les premières vitres du conduit de lumière laissaient passer un maximum de luminosité dans la première moitié de la salle, et dans le fond, elles étaient opaques à nouveau. Ce serait plus facile avec plus d'espace...
C'est là, d'ailleurs, que trône au fond de la rangée, ses plants d'aconit, dans de massifs pots. Elles se dressent fièrement, solides, aux fleurs d'un bleu profond. C'est presque sa fierté. Eamon a eu le temps d'apprendre à gérer le petit jardin secret de son ancien employeur, et de sauver les plantes d'une mort certaine.
Son client allait sûrement y trouver son bonheur; il devait y avoir une quinzaine de branches d'aconit en fleurs.
Eamon s'écarte, pour le laisser passer, puis retourne vers la table y récupérer une paire de gants en cuir, couvrant la majorité de l'avant-bras.

- Je préfère vous donner ceci, si vous voulez vérifier de plus près...

Il revient vers lui tranquillement, et lui tend les gants. A priori, rien de trop dangereux. Mais on n'est jamais trop prudent. Imaginez qu'on l'accuse d'un second empoisonnement...

- Faites attention au sumac, juste à côté.

Ce serait dommage qu'il se retrouve avec une dermatite de contact sévère, et qu'il se retrouve bloqué avec des cloques sur les mains. Vraiment dommage. C'est si dommage qu'il a d'ailleurs mis, dans cette allée même, toutes les plantes causant des problèmes si on entre en contact avec, d'une manière ou d'une autre. Le mettre en garde pour seulement deux d'entre elles, c'est un cadeau de la maison.

Et il reste là, au bout de la rangée, à l'observer inspecter sa plante comme un père inquiet, mais fort.

- Monsieur est-il satisfait ?

Il a intérêt...
Son ton froid est de retour. C'est le même depuis neuf ans déjà, et on aura dû mal à faire mieux.

Eamon l'épie.
Argus Catwright...
Non, cela ne lui dit rien. Pas de Catwright notoire pour rester dans sa mémoire, et lui était visiblement trop jeune pour avoir piqué son intérêt à Poudlard.

La belladone est bien présente, dans son atelier. Cachée, derrière les portes verrouillées, avec d'autres, comme du colchique d'autmone, du datura, du phytolaque et autres merveilleuses plantes pour lesquelles il n'a pas de bonnes excuses pour justifier leur présence ici.
Il les garde à l'abri des regards jalousement, leur réserve un soin tout particulier.

Eamon désigne d'un geste de la tête les vitres au dessus de leur tête, avant de laisser un léger soupire échapper ses lèvres. Il est mignon...

- Elles s'ouvrent.

Mais cela ne s'arrête pas là.

- L'aconit peut aussi survivre à la mi-ombre. Bien sûr, c'est mieux de les élever en plein air...

Son regard se détourne et se perd dans les feuillages, un vague air déçu prenant place sur son visage.

Il n'a pas ce luxe.
Il aurait pu, à la demeure familiale, mais il n'y a plus sa chambre. Des enfants, parfois, y jouent. On le garderait à l'oeil, dans le jardin. Jovanah ne serait pas dupe...
Une serre dans un quartier où on ne pose pas trop de question, au final, ce n'est pas si mauvais.
Elles ont également besoin d'un sol profond et bien drainé, et là, la magie aide beaucoup. Un pot, plus grand à l'intérieur qu'il ne le laisse passer. Un enfer...
Et parfois, les sortir dans la cours, même s'il préfère éviter : personne n'ose trop s'aventurer ici, mais il ne peut pas s'empêcher de surveiller ses précieuses plantes. Une perte de temps pour lui.

Argus se tourne vers lui et croise les bras.
Eamon fixe ce geste, puis relève les yeux vers les siens, un sourcil arqué. Vraiment ? Il se sentait si sûr de lui ? Bon...
Il observe ses plantes. Le coût de l'entretien lui revient à l'esprit.

- Ca dépend de combien vous en voulez... Pour quatre branches, je vous propose un bézoard et cinq gallions.

Au cas où il demande moins, il aurait un peu de marge...  Et imaginons que le wikipedia du fandom n'ait pas détruit ma notion de la valeur d'un bézoard, faisons comme si je ne me suis pas trompée et que cela ne vaut pas dix aconits.
Pour la beauté de l'improvisation et de la réflexion panique et sur le vif.

Rare, il est vrai. Intéressant, un euphémisme. 
Traiter cet endroit de serre est pour le moins bien ignorant, une description que son nouveau propriétaire désapprouve entièrement.
Ses yeux évitent ceux de Catwright, préférant traîner sur le doute transpirant au coin de ses lèvres ou pesant sur ses sourcils. Un homme qui réfléchit est un mauvais présage.

Il maudit une nouvelle fois cet apothicaire à la langue bien pendue, qui mériterait que ses lèvres se scellent une heure ou deux, le temps qu'il apprenne à les garder ainsi, la prochaine fois qu'il songerait envoyer quelqu'un dans son atelier.
Son antre.
Ce qui se rapproche le plus d'une maison. Un havre de paix, loin d'être un centre d'intérêt commercial mais qui a le malheur d'en devenir un lorsque les temps sont durs, alors profané par des inconnus dans son genre. Argurs Catwright est la dernière personne, à première vue, que le sorcier aurait laissé entrer.
Tout ce qui l'importe est ici; tout ce qui est important, à l'abri des regards et des mains baladeuses. Ses thés, ses plantes, ses poisons, ses potions, la moitié derrière des verrous.
Comme ses intentions.

De nouveau, l'intrus fourre ses mains en poche.
Son visage reste impassible, mais Eamon commence à y voir une suite logique et à l'appréhender : il y cherche une attitude désinvolte, avant de lâcher une idiotie, comme un échange pur et simple pour plusieurs branches d'aconit.
Cinq.
Branches.
Respire, Eamon. Ferme juste les yeux un peu plus longtemps et inspire.
Ses yeux noirs croisent finalement ceux du jeune importun, avant de s'attarder sur ce sourire naissant. N'aurait-il pas fini ?

Cet air détaché, tranquille...
L'envie de le jeter dans le sumac envahit son esprit, il est vrai.
Regardez le, ce jeune sorcier à peine tombé du nid, le provoquant chez lui sans aucune gêne...
Quel imbécile. Eamon est presque désolé pour lui.
Il n'est pas botaniste, il est bien pire. Il a juste besoin de qualité, et est prêt à investir énormément, ou à taire ceux menaçant sa progression.

Il n'y a rien de chaleureux sur son visage ou son attitude, même fausse.
À coup sûr, personne ne sait qu'il est ici. Personne ne songerait à venir chercher dans les tréfonds des allées embrumées. Un sort, rapide et précis, transformer Catwright en furet et le lancer tout entier dans le sumac vénéneux.
Il déloge sa baguette de sa poche avec douceur, ne le quittant pas des yeux. Eamon espère voir au fond de ces pupilles qui avait osée se détourner de lui du doute à nouveau.
Un geste de baguette, élégant et vif.
Un accio informulé, pour récupérer ses gants. Un sourire étend finalement ses lèvres, doucereux, à l'intention de son client.

- J'apprécie votre discrétion, monsieur Catwright. C'est sûrement une qualité précieuse, autant que peut l'être une branche de mon aconit...

Eamon ne peut se permettre aucun risque. C'était juste, comme prix, acceptable, s'il était un vulgaire apothicaire. Mais il est mieux, il gère lui même sa marchandise, s'en occupe et reconnaît les avantages dans ses propres concoctions.
Cela lui fait mal, mais il accepte le deal.
S'il reste un botaniste pour lui, parfait.

- Vous ne manquez pas d'audace.

Eamon s'avance vers la table pour y déposer les gants, avant de se tourner, droit et solennel, vers Argus.

-J'espère que c'est la dernière fois que vous en ferez preuve sous mon toit.

Un irrespect, pas deux. Baguette toujours à la main, en évidence le long de sa robe de sorcier, pour dissuader toute envie de répliquer une nouvelle fois avec insolence.

- Je vous préparerai les branches à votre retour, ainsi que du thé.

Non négociable.

Le voilà bien silencieux.
Une douce musique à ses oreilles, qu'est le simple bruit de la serre, d'un lointain passage dans l'allée des embrumes et d'Amaryllis, trahissant parfois sa présence d'un mouvement ou d'un petit cri timide.
Ses yeux aussi se régalent. Une biche devant des phares de voiture, voilà ce qui se tenait devant lui. Si ces secondes pouvaient durer des heures, ce serait parfait. Mais il prend ce qu'il peut. Si ce n'est que le temps de cligner des yeux, il en profite.

Un hochement de tête, rien de plus.
Argus Catwright apprend vite. Peut-être qu'il ira loin, dans la vie. Suffisamment loin d'ici. Un regard vers sa baguette, qui ne fait en rien broncher le faux botaniste. Imperturbable. Austère.
Elle était là pour une raison, calculée, comme le reste. Comme le fixer du regard sans relâche, attendant son prochain mouvement, qui lui même dicterait le sien. Pour capter ce qu'il pouvait bien se passer entre ses deux oreilles : s'il allait s'enfuir, ou honorer leur deal. S'il devait l'empêcher de partir, être prêt à réagir au quart de tour comme un serpent serait prêt à se jeter sur une misérable souris prise au piège.

Rien ne lui dire l'impression qu'il était parti pour le menacer, déjà par sa surprise, ensuite par le ton de sa voix. Sa silhouette se détend, sa baguette disparaît de sa main avec autant de délicatesse qu'elle y est apparue. Son regard aussi est plus cordial, alors qu'il se dirige vers la sortie sans oser lui tourner le dos complètement.
Oh, oui... Un gamin intelligent, en fin de compte.
Un sourire en coin réussit à se frayer un chemin sur son visage impassible, un vague amusement qu'il se laisse éprouver alors qu'il se retourne.
Cinq minutes.
Lui qui ne semblait pas vouloir se dépêcher, au départ...
Et s'il ne venait pas, il y avait toujours son nom gravé dans sa mémoire.

- Bien...

Eamon en profite pour retourner en cuisine, arrangeant l'espace de travail pour écarter son matériel de potion d'un coup de baguette, et mettant l'eau à chauffer.
À la façon d'un apothicaire, il conservait ses thés dans des récipients en verre brun. Pas besoin de lire, ou de réfléchir à quel thé servir au pauvre garçon.



Au retour d'Argus Catwright, une théière d'où se dégageait de la vapeur. A regarde d'un peu plus près, elle avait une silhouette d'Occamy, s'échappant du bec verseur. On ne rigole pas avec le thé sous ce toit non plus.
La chouette n'était plus à l'entrée, mais à peine aurait-il fait quelque pas, que, près de l'entrée de la cuisine, pousse à nouveau un cri alors qu'elle se retourne sur son perchoir vers le nouvel arrivant, gonflant son plumage. Résonne alors des pas de la pièce qu'elle gardait, pour ensuite révéler Eamon, tasses en main, l'air aussi aimable qu'à sa première apparition. Quand il remarque qu'il s'agit bel et bien de son client, bézoard à la main, son air se détend.

- Audacieux et ponctuel !

Léger sourire; Eamon sait apprécier quelques qualités, peu nombreuses certes, mais arriver à l'heure, ça se récompense.
Il s'avance dans la serre et pose les tasses à table sans qu'elle ne fasse un bruit à son contact, avant de lever les yeux vers lui, attendant qu'il le rejoigne.

- Dites moi, Catwright... Avez vous déjà goûter du thé blanc ?

Il s'attend à un non. A son allure, il aurait parié qu'il s'agit d'un homme du café, mais n'importe lequel. Le premier qui lui tombe sous la main.
Eamon avait préparé du thé blanc à l'açai, pour contraster avec l'ambiance de son atelier et de ce début de rencontre. Un thé raffiné et doux, la douceur de l'açai contrebalancé par l'amertume du thé blanc. De l'eau chaude parfumée pour certains, certes, mais un mélange parfaitement harmonieux et réconfortant.
Il sert une tasse, laissant la théière faire sa magie et altérer la forme du thé qui vient de verser dans le récipient comme si cela avait toujours été normal. Et quelque part, ayant grandi avec ce genre de détails grâce à Jovanah Ainsley, cela avait toujours été normal.
Une fois remplie, il la pose à la place désignée pour le jeune sorcier, en face de lui, toujours dans une retenue exemplaire.
Il se sert à son tour. Ses yeux sombres se posent alors sur lui, attentif.
Cherchant un peu de méfiance sur le visage de son tout nouveau client.

Du thé à la menthe ?
Ses yeux détaillent le visage d'Argus Catwright, avec moins de jugement cette fois, et plus de curiosité.

- Oh... Avec plaisir.

Pas de l'earl grey, typique de l'Angleterre ? Intéressant comme choix de thé, culturel peut-être. Intéressant de constater qu'il pourrait s'entendre avec n'importe quel maman, grâce à ses goûts en boisson chaude.

"Vous faites aussi pousser des feuilles de thé?"
Lui, faire pousser du thé ?
Il le prenait pour quoi, un botaniste ?
Oh.
Oui, plus ou moins.
Un sourire vient perturber son visage neutre, maintenant amusé. Une bride d'honnêteté depuis le début de cette journée.
Si seulement ! Mais ses passions sont toute autre, son temps pris ailleurs.

- Oh, non ! Je n'y avais même pas pensé... Je compose la plupart de mes thés cependant, comme celui ci. Goûtez le donc !

Il l'a vu l'attendre.
Pour l'inviter à le faire, il porte la tasse à ses lèvres et boit une gorgée, le fixant, attendant qu'il le suive.

Où est-ce qu'un être si amer arrive à créer, à côté de potions mortelles et autres tord-boyaux, des mets délicats et doux ?
Où trouvait-il donc l'inspiration, dans toute la rancœur qu'il renfermait en lui ?
Ses recettes s'affinent avec le temps, et les thés s'empilent sur ses armoires, attendant d'être partagé.
Lui amenant une tranquillité nostalgique, lointaine.

Ses yeux se posent ensuite sur ses plantes, coté toxique de la serre, derrière son invité.
Lui amenant une tranquillité nostalgique, lointaine.

- C'est plus simple qu'il n'y parait. Un peu de fleurs séchées, de fruits, et c'est fait. On ne dirait pas, mais c'est l'aconit qui donne ce goût sucré.

Petite blague, petit sourire au coin des lèvres, dans l'espoir qu'Argus a bel et bien bu une gorgée au moins, guettant sa réaction.

Mais assez ri.
Ses joues lui feraient presque mal, à force d'avoir souri. D'avoir été aimable.
Cela n'aura duré que deux trois minutes, mais c'est déjà énorme. Son regard se pose sur le bézoard, quelques secondes, puis il porte sa tasse à ses lèvres, inaugurant son thé.
Cela, l'apothicaire qui lui recommande son atelier, plus l'aconit... Que pouvait bien avoir en tête ce gringalet ?

- Vous êtes apprenti apothicaire ?

Si c'est l'apprenti de Camille Harding, il serait déçu de ne pas avoir trafiqué son thé. Un brin d'aconit, ni vu ni connu, séché parmi les feuilles de thés et les bleuets. Pour de vrai, cette fois...

- Venir jusqu'ici pour de l'aconit... J'espère au moins que ce n'est pas pour les courses de quelqu'un d'autre.

Manquerait plus qu'on envoie un simple commis dans son atelier.

Un échange de regard avec un fond de malice.
Eamon en jouait depuis Poudlard, de cette ambiguïté. Son air innocent ne jouant plus en sa faveur, c'était devenu une arme pour semer le doute. A force de défendre son cas et plaider non coupable, il a compris que rien ne changerait cette idée que les gens se sont faite de lui. Que sa propre famille commençait à croire.
Eamon leur offrait alors un sourire doucereux et ose dire que jamais il n'oserait empoisonner qui que ce soit.
Sauf à Jovanah.

Alors voir l'inquiétude dans le regard du jeune homme le fait rire intérieurement, sa réponse lui plaît également, comme les siennes plaisaient à la doyenne Ainsley.
Son attention lui est entièrement consacrée en révélant qu'il travaille à Sainte-Mangouste, et piquée à vif une fois qu'il mentionne ses recherches.
Prêt à tout pour ses recherches ?
Ils ne partagent pas la même esthétique ou le même maniérisme, mais lui aussi comprend la soif de connaissance ralentie par un système oisif.

- Oh?

Ses yeux s'agrandissent comme s'ils pouvaient voir plus d'information qu'Argus ne donnait, avide de détail. Le figuier d'Abyssinie ne l'intéressait pas particulièrement, mais l'idée que cette plante puisse receler plus qu'il n'y parait l'intrigue.
Pourquoi avait-il besoin d'un bézoard, un antidote, pour une plante à priori sans danger ? Lui même avait baigné dans le DMA en médicomagie, et s'intéressait toujours aux effets que les plantes ont sur le corps. Comme... L'aconit. Le Sumac. La Belladone.
Ses connaissances en potion, botanique et médecine, toutes se donnaient la main dans son obscure passion pour les poisons.

- Quelles sont-elles ?

Il reprend sa tasse délicatement, avant de se pencher légèrement vers son interlocuteur, soudain plus intéressant. Son regard moins dur, lui laissant la place de s'exprimer sans craindre une remarque.
Argus à toute son attention.

- Et en quoi cela mériterait d'être financé ? Non pas que j'imagine vos recherches vaines...

Bien qu'il n'avait aucune idée de la qualité de... Chercheur ? Médecin ? Stagiaire ? D'Argus, mais il arrive que de jeunes ahuris se bercent d'illusions quant à leur génie.

- ... Mais je me demande, si vous estimez avoir besoin d'un budget, qu'est-ce qui rend ces recherches nécessaires, selon vous ?

Cela devenait presque un entretien.
Eamon le lâche du regard pour baisser ses yeux vers sa tasse. Son pousse glisse contre la paroi, le temps de réfléchir, puis il la mène à ses lèvres et profite de son thé.
Et l'aconit, là dedans ?

- L'aconit et le bézoard... Est aussi pour ces recherches ?

Le voilà qui se redresse, devient présentable et qui oublie de se méfier de lui. Bien. Ses mains s'agitent, alors qu'il prend la parole et introduit ses recherches. Eamon écoute, attentif sans le montrer, sirotant son thé de l'autre côté de la table.
Il est vrai que les feuilles n'ont pas l'air d'avoir un grand intérêt, lui même ne s'y penchait pas. Alors que s'il y a un intérêt médicinal, il devait y avoir un moyen de le détourner...
Et pourquoi personne ne s'y intéresse ?
Parce que cela semblait peu concluant, et une perte d'argent.

Jusqu'à ce qu'il parle d'antidote, Eamon aurait rejoint la conclusion des supérieurs d'Argus. S'il y a un antidote à en tirer, alors il y a un poison à trouver.

- Empoisonnement maladroit ? Avec les feuilles ?

Ses sourcils se froncent légèrement, comme s'il avait du mal à comprendre; en vérité, il est perplexe de ne pas en avoir entendu parlé plus tôt si c'était bien le cas.

- Bien sûr que c'est dangereux, c'est jouer avec du poison.

Eamon pose sa tasse doucement, toujours les sourcils froncés, en silence.

- Mais inutile ? Non. Ce serait définitivement moins cher de se fournir en feuille de figuier qu'en bézoard...

Et cela n'est pas dénué d'intérêt, quand on vit de passion.
Ses yeux viennent se poser sur son interlocuteur. Cette transition de la passion au sel ne lui a pas échappé... Tout son corps avait le seum, c'était loin d'être discret, de toute façon.
Son regard revient vers sa tasse, passant le bout de ses doigts sur la porcelaine.

- Hm. À peine surprenant, de leur part...

C'est soufflé comme s'il se parlait à lui même, et , avec nonchalance, hausse les épaules. Ses yeux reviennent au jeune sorcier, vague sourire aux lèvres.

- Ils feront mine de vous avoir supporté depuis le début, quand la majeure partie du travail sera fait. Comment comptez vous vous y prendre, du coup ?

Lui, connaître le fonctionnement de Sainte Mangouste ? Pas du tout. C'était une énième porte fermée à son nez, mais au final, n'étaient-ils pas tous les mêmes ? Fermer la porte au nez de talents insoupçonnés ?
Ce "talent" assis devant lui avait accès à des informations intéressantes, alors il fallait bien se le mettre dans la poche...

- Enfin... Ne me dites pas tout. Gardez suffisamment de mystère. Ce serait embêtant que vous révéliez toute votre démarche et qu'un jour, on vous la vole parce que vous en avez trop dit.

Ugh.
Ca fatigue, d'être sympathique.