Tu embrasses la tempe de ton mari (ton mari ! Ce mot résonne si délicieusement à tes oreilles !) et le laisses quitter les lieux. Tu te concentre sur son odeur et le bruit de ses pas et attends qu'il soit suffisamment éloigné pour être hors de portée de son ouïe pour faire un signe de tête à l'un de tes hommes. Il s'approche, l'air de te demander si vous pouviez passer à la suite. D'un esquisses un sourire avant de descendre une coupe de champagne.

— Allons lui faire une petite surprise, tu veux ?


L'idée, sur le papier, relevait du génie. Tu avais tout prévu. La grande suite que tu avais louée pour en faire votre chambre donnait sur les jardins, à l'opposé de la salle de réception. Tout avait installé, préparé. À quelques kilomètres de là, un bungalow au milieu des bois avait été préparé. Au micro, l'homme qui anime la soirée annonce la fin des activités, plus que de la danse et de la musique. Tu en profites pour saluer quelques invités et faire une dernière fois du charme auprès de ta belle-mère avant d'annoncer que tu vas, toi aussi, te coucher.

Tes hommes sont partis quelques minutes avant toi. Tous vêtu de noirs et cagoulés. Leur mission était simple, débarquer dans la chambre, surprendre Ezra et le faire taire pour l'emmener au bungalow où tu le libéreras de la plus héroïque des façons avant de brûler avec passion votre nuit de noces. Tu n'as ni plus ni moins qu'organiser le kidnapping de ton propre mari pour réaliser un jeu de rôle grandeur nature destiné à mettre du piment dans vos ébats. L'idée était, tu le répètes, génial. Glorifié dans le rôle du sauveur, tu vous voyais déjà comme dans les films que tu affectionnes tant. Ezra transporté de reconnaissance, sous le charme face à tant de force s'offrirait avec fougue et toi tu seras là pour le satisfaire et le combler en bon héros. Parfait. Absolument parfait. Tu jettes un coup d’œil à ta montre. Ils devraient en avoir terminé. Tu montes à la chambre pour la découvrir légèrement retourné, signe qu'Ezra s'est défendu. Tu esquisses un sourire, ah ! Ton petit diable. Tu prends le temps de te griller une clope et de siroter une bière en te posant au balcon. Tu comptes les minutes, le timing est très important. Enfin, tu desserres légèrement ta cravate et étires ta nuque.

— Bon. Il est temps d'aller s'amuser un peu.

Puis tu sautes du balcon et fonces dans la nuit.

Tu enfonces la porte d'un coup d'épaule puissant qui la fait sortir de ses propres gonds. Il te semble que les murs en tremblent et tu te retiens de sourire. C'est parfait. Une entrée fracassante qui sied à un héros. C'était ton but avec cette petite mise en scène. Apparaître sous un jour encore plus viril, puissant, héroïque. Tu bombes le torse et avec un œil orageux tu embrasses du regard la pièce principale du bungalow du regard. En silence, ton regard passe de tes hommes à Ezra. C'est là que tu remarques le filet rouge qui coule à ses lèvres. Tu écarquilles légèrement les yeux. Ce n'était pas prévu. Tes hommes devaient l'amener au bungalow et lui faire peur sans pour autant le brutaliser. À voir ta tête tes hommes se ratatinent un peu sur eux-mêmes.

— Pa-
— Je vais tous vous tuer. Vos mères. Vos sœurs. Vos filles. JE VAIS TOUS VOUS NIQUER !

Et ce n'était pas dans le texte que tu avais pourtant transmis à tout le monde. Tu t'élances vers le premier homme pour lui asséner un coup-de-poing qui le fait voler et s'écraser contre le mur non loin. Autour de toi les hommes poussent des cris. Tu n'étais pas censé y aller si fort, mais ton regard est trop fou et ta colère trop grande. Tu rugis en te jetant sur le second sous-fifre.

— VOUS AVEZ FAIT SAIGNER MON MARI !

Tu le projettes à terre et le frappes de tes poings une fois, deux fois, trois fois.

— SOMBRE ENCULE DE TA SALE RACE !

L'homme au couteau lâche son arme et recul contre le mur en balbutiant au côté de son collègue qui, lui, tente de s'enfuir par la porte. Tu te redresses en laissant le corps du second sous-fifre inerte pour attraper par le col le fuyard et le plaquer au sol.

— N-NON !

Mais tu frappes et dans un crac de mauvais augures, l'homme s'évanouit. Tu te tournes contre le dernier de tes hommes.

— Je suis désolé, c'était un accident je vous jure pitié !

Tu le saisis à la gorge pour le soulever.

— Tu as fait saigner mon mari.

Il chiale à présent.

— JE SUIS DÉSOLÉ PARDON MONSIEUR PRIEST PARDON !

Tu le lâches et il s'écrase platement au sol en balbutiant des excuses. Il rampe vers Ezra pour s'excuser davantage tu lui assènes un coup de pied au visage pour le faire valser plus loin.

— Tu l'approches pas, tu le touche pas, tu le regardes pas fils de pute, c'est clair ? CASSEZ-VOUS !

L'homme plonge sur le corps d'un de ses camarades pour le tirer maladroitement vers l'extérieur. Tu te précipites vers Ezra pour le défaire de ses liens et prendre sa tête entre tes mains.

— Oh bébé, qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Oh mon cœur...

Tu étais furieux. Le plan était précis, parfait ! Tes hommes n'avaient qu'à suivre à la lettre ce que tu avais prévu, mais non ! Si tu étais lucide et sage, tu aurais l'honnêteté de reconnaître que la seule chose que tu n'avais pas planifiée dans ton scénario était la réaction d'Ezra. Mais sage tu ne l'es pas. Impulsif, assassin, puissant et dangereux, oui ! Ta seule conscience est Oswin et elle n'avait jamais participé à ta "surprise". Tu encadres le visage d'Ezra entre tes mains, sincèrement inquiet et pris de remords. Ça ne devait pas se passer comme ça. Du pouce tu essuies le sang qui souille le coin de sa bouche.

— Ils sont morts... Tellement morts...

C'est la voix d'Ezra qui te fait reconnecter avec la réalité. Tu sembles reprendre conscience de ton environnement mais, bien vite, ton mari semble faire le lien. Agacé tu te lèves et hausses la voix.

— Ils devaient te faire peur ! Simplement te faire peur et te kidnapper ! Que je puisse te sauver !

Il plaint d'avoir pété le nez d'un de tes hommes et tu fais un pas vers lui en criant.

— ET TU AS EU RAISON !

Tu ne comprends même pas la source de son agacement, trop concentrer sur le tien.

— Ils ont ruiné ta surprise ! Ils t'ont blessé, t'as bien eu raison de leur niquer la gueule !

Tu croises les bras sur ton torse en hochant la tête. Ezra s'est défendu et si tu ne l'avais pas prévu, tu ne peux pas t'empêcher d'en ressentir une pointe de fierté.

— Tu as su appliquer mes leçons, j'en attendais pas moins de toi. Évidemment que l'homme que j'ai épousé n'allait pas se laisser faire, j'suis trop con !

Mas tu n'exprimes absolument pas la moindre pointe de remords. En fait, tu ne vois pas du tout où se situe le problème. T'es tellement honnête et innocent dans ta toxicité que t'en deviens déconcertant.

— Le plan de base, c'était qu'ils te kidnappent sans te faire de mal et t'amène ici. Ensuite moi je devais débarquer en héros et te sauver. Bien sûr ça t'aurait excité au possible et on aurait passé une putain de nuit noce. C'était un jeu de rôle, bébé.

Tu t'approches de lui et poses tes mains sur ses épaules.

— J'ai leur nom, ils s'en sortiront pas comme ça. Une balle dans le crâne voilà ce qui les attend.

Tu serres ses épaules, le regard orageux.

— Qu'on te touche, c'est interdit.

T'es vraiment trop con, qu'il dit. En temps normal, ça ne te vexerait même pas, parce que c'est loin d'être la première fois, que tu ne fais même plus attention à ce que tu considères être une simple ponctuation de fin de phrase. Mais là, il se permet de t'insulter pour l'erreur d'autres et ça te sort par les yeux. Tu pestes aussi mauvais perdant que frustrer.

— Ils auraient fait leur job correctement, tu ne tiendrais pas le même discours. Tu serais déjà à quatre pattes à crier.

Tu fous un coup de pied dans une autre chaise en râlant. T'en démords pas, c'est con ont ruinés ta nuit de noces et tu es trop rancunier pour pardonner. Ça ne te fait rien de visualiser le flingue sur leur tempe et la gâchette qui s'enfonce. Tu n'es plus innocent depuis bien longtemps. Tes parents n'ont pas attendu de mourir ou de te laisser dans la cave pour t'apprendre à devenir monstrueux. La mort est bien plus simple à distribuer que l'amour à récolter. Totalement désinhibé face à la violence, tu ne comprends pas tout de suite l'énergie qu'il déploie pour te dissuader de les punir. Tu fronces mes sourcils, dubitatif, observes le couteau qu'il pointe sur toi avant de le planter dans la chaise. Tu roules des yeux tel un ado râleur.

— Ah ouais, c'est eux qui foirent et c'est moi qui prends, super.

Tu souffles du nez de mauvaise grâce, boudeur.

— T'es trop doux. Tu les gâtes. Ils ont fait foirer ma nuit de noces, je suis furieux Ezra.

Tu te tournes vers, glisses une main dans son dos pour caresser ses hanches.

— Ouais, c'était le plan.

C'est effrayant le flegme avec lequel tu balances ça.

— Je t'aurai consolé, soigné et chouchouté.

Tu te penches à son cou.

— Parce que t'aimes ça, que je te chouchoute, hein bébé ?

Ça devait être parfait, ça peut, peut-être toujours l'être. Tu te colles à lui pour le prendre dans tes bras, embrassé sa nuque.

— T'aimes pas ma surprise ? J'avais tout prévu pour que ce soit inoubliable.

— Kidnappé, pas agressé. Et c'était une surprise.

Les mots sont importants. Tu le berces dans tes bras et joue de contact et de douceur pour essayer d'échauffer ce que la débandade de tes hommes à refroidi. Tu es plutôt doué à ce jeu. Tu sens Ezra se détendre (abandonné) et tu poursuis.

— Soigner ton cœur, bébé. Soigner ta peur.

Tu sens que tu t’apaises et te rassures un peu. La nuit n'est peut-être pas finalement gâchée ce qui te pousse à revoir l’exécution des quatre branquignoles. Tu souffles dans son cou, embrasses sa peau de baisers lents et tendres que tu places partout où tu en as l'opportunité. Tu es occupé à le dorloter jusqu'à ce qu'il commence à s'agiter. Tu lèves la tête vers la porte.

— À quelques kilomètres du manoir, c'est un vieux bungalow de chasse de ce que j'ai compris.

Tu attrapes son menton pour caresser sa joue du pouce.

— T'es sûr ? J'ai aménagé une chambre ici.. T'sais, avec des jouets.

De quoi vous divertir de différentes façons toute la nuit. Mais à son regard tu comprends qu'il va te falloir céder. Évidemment, le lieu n'est plus excitant maintenant que tes hommes ont fait n'importe quoi ! Revoilà l'ombre de la mauvaise humeur dans le fond de ton regard. Le reste de la nuit à intérêt à être belle si Ezra veut vraiment te pousser à ne pas sévir. Tu glisses tes bras autour de lui pour le porter.

— Faut pas te fatiguer mon bébé.

La porte qui pendouille mollement sur le côté franchie, tu t'avances en direction du manoir au pas de course. Avec une bonne foulée tu vous enfonce dans la nuit et vous fait traversé la partie boisée du domaine pour finir par déboucher au bout de l'énorme jardin. Il y a encore quelques lumières, sûrement quelques couche-tard occupés à boire et rire mais tu ne vous fais croiser personne. En franchissant la porte de votre suite tu donnes un coup de talon dans la porte pour la fermer. Ezra toujours dans tes bras tu niches ton nez contre le sien.

— Son Altesse est contente ?