Elle ne porte qu'une robe dont les fines bretelles découvrent ses épaules.
Et l'intraveineuse au creux de son coude.
Frêle est son cadre parsemé de tâches pâles. Peut-être aurait-ce pu être des tâches de rousseur, si le soleil la voyait plus souvent.
Si elle voyait l'astre solaire récurremment.
Tendre est sa silhouette dans la lumière déclinante, alors qu'elle finit d'arroser ses plantes.
Les perles d'eau tombent une à une des pétales et des feuilles tremblantes.
La nature l'aime, mais l'effort, aujourd'hui, ne l'aime pas.
Appuyée sur le porte sérum, elle oscille.
Oisillon qui ne s'est jamais servi de ses ailes.
Déclinante est sa force, tout comme la lumière.
De ses yeux.

Ah...

Expiration tremblante alors qu'elle rejoint lentement le sol, s'assied à même les perles d'eau qu'elle a fait tomber - et qui tombent encore, de son visage cette fois-ci. Un sourire sur les lèvres, déréalisation au bout des doigts, elle contemple le vide, qu'elle connaît si bien.
Un pas en avant, un pas en arrière, funambule qui a l'habitude de tomber.
Elle attend.
La chute.

La maison.
L'odeur de la chaleur, du soleil, du printemps, de l'été, du feu de bois et des sourires effacés.
La tendresse d'une étreinte dont on ne saurait jamais se lasser.
Appuyée contre son pilier elle se laisse aller, un sourire aux lèvres alors qu'une larme de soulagement coule le long de sa pommette.
Quelle piteuse poète.

Mon Raspoutine.

Abri qui ne peut que la sauver.
Chaleur qui ne peut que réchauffer.
Tendresse qui ne peut que la bercer.
Ce qu'elle l'aime, Raspoutine, comme on aime un lit bien fait après une dure et froide journée.
Mais elle, elle n'a connu que lui.
Jamais le lit.
Jamais l'abri.

Je ne peux me refuser d'errer - c'est tout ce que je sais faire.

Doucement, sa main frêle relève l'arrosoir, indique les plantes autour d'elle.

Qui prendrait soin d'elles si ce n'est moi ?

La tête renversée, elle lui adresse un regard d'un pâle qui ferait peur aux défunts.

Vous vous occupez tous de moi, je ne peux vous mettre ce fardeau supplémentaire sur les épaules.

Au creux de ses maux elle se laisse bercer.
Silencieuse, telle une plante.
Qu'on aurait oublié d'arroser.

Oui... Un serment. Il n'aura pas fallu de serments pour ceux que tu sauves chaque jour, pas vrai ?

Toujours admirative, toujours si attendrie.
Elle s'appuie sur lui.
Jamais fardeau, toujours si légère, si affaiblie,
Qu'elle pourrait déjà être évanouie.

Je vis ici. C'est mon enfreinte à moi. J'en ai le droit.

Et elle le regarde dans les yeux comme on regarde un ciel dépourvu de pollution.
Emerveillée, tremblante, s'accrochant à la vision.
Ô ce qu'elle aimerait lui épargner les siennes.
Qu'elle devine dans ses paupières tombantes,
Et son sourire éphémère.

Tu as l'air si fatigué. Parle moi.

C'est comme son traitement à elle, de l'écouter.
De l'entendre.
De le libérer, comme elle peut.
Car elle n'est rien qu'une plante dont on prend soin.
Elle ne peut qu'être jolie en silence.
Mourant de soif.
Souriante.