Une barque en plein milieu d'eaux solitaires. Pas une once de vent, pas un seul courant marin. Tes mains, la seule rame que tu possèdes.
Allongé sur le dos, tu contemples le ciel aussi immobile que toi.
On craignait les tempêtes en mer, mais jamais le calme plat. Pourtant, c'était lui le plus terrible des maux. Les plus horrible des fardeaux.
Il n'y avait jamais eu ni Charybde, ni Scylla - seulement la mort ou le déferlement.
Et tu étais là, au milieu, à bout de souffle.
Au creux de ton être, tu sais que l'ancre ne s'est pas rompue, que le foyer était encore présent. Mais la flamme, soufflée, inondée, n'apparaissait plus à l'horizon.
Où était-il seulement ? Entre ciel et mer, impossible de savoir où finissait l'un et où commençait l'autre. Tout était uni.

Lorsque la flamme s'alluma de nouveau, c'était comme se réveiller naufragé. Perdu, sans repères, mais sur une terre ferme, immobile, qui offrait d'infinies possibilités.
Alors tu t'es mis à courir. Courir loin, fort, droit devant toi. Franchissant obstacles, ennemis, alliés. Rien à faire de ceux que tu pousses de ton chemin - le phare sonne le glas.
Ta main pousse la porte, tes pas franchissent le seuil, tes yeux accrochent son regard.
Tu ne fais pas le tour du bureau derrière lequel elle est assise - tu le franchis d'un saut pour tomber à genoux devant elle.
Passant tes bras autour d'elle pour l'attirer à toi, au sol.
Pleurant.

Fallen.

Elle t'avait manqué.

Tu ris.
Tu ris car elle a rit, tu ris car c'est bien elle, tu ris car tu l'aimes, car elle t'a manqué, car tu as maladivement manqué d'air en son absence. Tu ris puis tu te mets à pleurer, à grosses larmes, contre ses cheveux, contre son cou, l'enlaçant de toutes tes forces, comme si tu avais peur qu'elle disparaisse de nouveau.
Parce que tu en as horriblement peur, Asclepios, parce que tu l'as déjà tenue froide et sans vie contre toi, et que tu ne veux plus jamais vivre ça.

Du retard et un vol.

Tes doigts qui s'enroulent autour d'une de ses mèches blanches, la tirant vers toi pour la mettre en opposition avec les tiennes, désormais noires.
Vous seriez toujours opposés l'un à l'autre.

Mais tu es là.

Et ton front s'appuie contre le sien, alors que ton myocarde semble avoir retrouvé un rythme décent, un rythme régulier, un rythme que tu peux supporter - qui change tant de celui effréné que tu vivais ces derniers temps.

Tu ris doucement, secoues la tête, soupires. La couleur, la sienne, qui parsemait maintenant tes mèches t'étais si étrangère que plus d'une fois la surprise s'était dessinée à ton réveil - l'espoir parfois que ce soient ses cheveux à elle qui ornaient l'oreiller.
Un espoir vain.

La mienne te va si bien aussi. Je t'aurais jamais imaginée blonde.

Ton nez vient frotter contre le sien alors que tu fermes les yeux, vient passer ta main contre sa joue comme si tu peinais à croire en sa présence, comme si le monde entier te regardait, prêt à t'enlever ce que tu avais de plus précieux.

Le plus important c'est que tu sois revenue, Fallen.

Tu l'étreins contre toi, fort, venant perdre ton visage dans ses cheveux. Son odeur a changé, très subtilement, mais pourtant cela ne semble pas réellement te gêner. Avec un soupir, tu penches la tête pour lui adresser un regard en coin, avant de secouer la tête.

Je vais te montrer.