Regard qui s’étire sur les coups de peinture alors que les papiers se font de plus en plus nombreux sur ton bureau. Tout se bouscule, le rouge qui pénètre le gris, l’amour qui se voile de sang, encore et encore, ce carmin sous tes doigts. Impossible de réfléchir quand le monde est si bruyant, impossible de penser quand les battements d’ailes des oiseaux dehors viennent s’entrechoquer dans ta poitrine et que tout en toi hurle. Roi qui perd de son sublime et tu auras beau déchirer ton corps pour satisfaire les courtisans tu restes cet héritier ravagé, brisé, le monde comme spectateur de ton déclin, le monde comme juge de ton propre crime.
un crime passionnel
obsessionnel
que tu veux par amour
mais la vérité c’est que le seul cadavre sur le sol c’est le tien
et tu deviens froid

les passants sans visages, les bonjours qui coulent le long de ta gorge car ainsi tu salut; les parfaits, les sorciers, les virtuoses, les talentueux, ceux qui boivent l’alcool de ton existence directement à ton cou. Dans l’ombre de ceux qui ont marqué les psyché tu te contentes d’ôter la poussière des noms tandis que le tien se nécrose, se meurt, prend la forme d’un grand merle qui se joue de toi.

Dans la brume enfin le voilà et ton coeur
oh ton coeur Beau
se brise si violemment
ta main qui vient se plaquer sur ta poitrine, tes doigts qui se crispent sur ta chemise comme pour vérifier; suis-je en train de saigner, est-ce mon imagination, ce vide, cet immense creux est-il là pour se moquer ou ma vie est-elle réellement en danger ? oui, oui je me vide de ma vie, je me vide de mon amour, sur le sol comme un océan et je me noie, si loin de tes sourires je m’y vois mourir
pourtant ce même sourire qui se veut heureux, floraison timide sur tes lèvres alors que tu t’approches sans un bruit.

Monsieur Savoy, cela me fait plaisir de vous revoir. alors que tu te postes à ses côtés ton regard se redresse sur la toile qu’il admire et ton esquisse s’étire un peu plus dans cet envie de paraître enjoué Hardy Silverling. Ses œuvres sont admirables. S’amuser à reproduire le grand genre sorcier pour ne peindre que des scènes mondaines sans intérêt particulier… c’était osé, pour son temps tout du moins. Par ailleurs, celle-ci est ma favorite ; le dernier baiser des amants

Sous vos yeux les amoureux qui se cachent des regards, dans une ruelle recouverte d’une nature voyeuse, fleurs simplement là pour sublimer l’interdit, les mains qui s’accrochent, les lèvres qui veulent se rejoindre pour sceller la condamnation, les bagues ne sont pas identiques, les coeurs eux, battent en unissons. Et tu lui en veux tant, de s’être arrêté devant ces deux malheureux quand toi tu te languis encore de ses mots, de ses poèmes, de ses sentiments.

Ils me rendent… tu inspires une grande gorgée d’air avant de tourner la tête vers lui, redressant tes lunettes sur le bout de ton nez dans un léger sourire étrangement triste.

ft. antoine

Tes épaules sont peut-être un peu lourdes, ce soir, Savoy. Ton sourire un peu plus pâle, ta cravate un peu de travers, ton col non réhaussé. Tu t'es un peu défait, sous les évènements, sous les inquiétudes, sous les tourments. Rien de mieux qu'une visite de ton endroit préféré, dans l'espoir que les toiles qui dissimulent des souvenirs viennent remplacer les tiens.
Tout sauf cette obscurité.
Tout sauf cette aura bleutée.
Tout sauf son cheveux blanc tâché de sang.
Tout, mais sauve-toi, Savoy, je t'en supplie.
Sur la toile devant laquelle tu t'arrêtes, les deux amants n'osent pas tourner leurs regards vers les spectateurs. Peut-être sont-ils inconscients d'être observés - peut-être sont-ils figés dans cette immobilité. Depuis que la toile a été accrochée ici, jamais tu ne les a vus mouvoir plus que d'un souffle ou d'un regard.
Et de tout ce temps, leurs lèvres jamais ne se sont scellées.
Léger sursaut qui se perd sur ton échine, tu tournes la tête aimablement l'inclinant vers le conservateur du musée qui te rejoint dans ta contemplation - une âme douce à l'esprit sensible avec qui il te plaît grandement de converser, mais dont le regard verdoyant te glace et t'inquiète, évoquant un souvenir trop lointain, trop douloureux, pour être ignoré.
Alors tes yeux reviennent à la toile à la place, soupirant doucement.

Messire Cavendish, le plaisir est partagé.

Ses paroles portent plus de sens que tu n'en entends, et c'est les sourcils tirés, que tu viens doucement poser ta main sur ton veston, là où un mouchoir replié, dissimulant une trace de rouge à lèvre, se repose.

Je la trouverai presque cruelle, si je ne parvenais pas à y trouver une morbide beauté qui laisse à voir les souffrances de l'esprit de l'artiste. J'adorerais savoir comment s'y est-il pris, pour d'une oeuvre sorcière en faire une à l'orée des oeuvres moldues, au mouvement si subtil que l'on le croirait inexistant - car là repose toute la peine de cette toile, ne trouvez-vous pas ?

Ta main retombe, ton sourire aussi, et tu te retiens de soupirer une nouvelle fois, tournant ton visage vers lui - mais tes yeux ne suivant pas les gestes, accrochés à la peinture enchantée.

Qu'est-ce qui la fait à vos yeux favorite aux autres qu'il a pu créer ?

S’il cache contre sa poitrine une relique d’un amour étranglé
tu gardes derrière le lierre de ton coeur des sentiments immortels
tu as vaincu la mort à travers ceux-ci
tu seras ange dans ses pensées
il sera ton salut, ton trépas, ton tout, ta constellation.

Et quand sa voix sonne tu ne peux t’empêcher de te mordre l’intérieur de la joue pour étouffer. étouffer la complainte qui sonne faux, la romance qui se peint sous vos yeux pour mieux vous accuser; vous étiez amoureux, vous êtes vieux maintenant. corps fissuré par l’âge, corps fissuré par les chagrins, par une voix qui se veut sévère quand elle ordonne, par un enfant qui se vide de son sang.

Vous avez raison, oui. De plus, voyez comme ils sont présents et pourtant représentés en si petits face à la végétation tout autour d’eux ? Cela me fait énormément penser à Caspar David Friedrich, un peintre moldu. Un peintre qui se pliait à la nature, l’humain qui n’est que spectateur de la puissance des sentiments, de la puissance de notre monde. victime du désir, victime de l’envie, victime de tout. tu lui lances un petit regard. tu le sais que trop bien, il possède cette âme si douce qui se plonge dans les deux.

Son regard qui te plonge dans un spectacle bien différent et tu le sais très bien, tu es fuyant. Tu ne captes jamais ses iris bien longtemps, tu te contentes de détailler son visage quand il ne le remarque pas, ou tout du moins, tu l'espéres.

Par nostalgie. Elle fait remonter de vieux sentiments et je ne peux m’empêcher d’être profondément touché par cela. ta main vient doucement se poser sur son bras alors qu’un sourire nouveau se dessine sur tes lèvres ((oh comme cela fait mal de le voir si loin alors que tu veux le lui hurler; je t’aime, je t’aime, je t’aime, pourquoi n’es-tu pas revenu. ))
pourquoi n’ai-je jamais eu le courage de tout t’avouer.

vous semblez fatigué. doucement tes doigts remontent pour remettre convenablement sa cravate ainsi que son col, ôte la poussière de son torse, lisse les plis du vêtement et tu te recules, la peine au coeur, l’amour à l’âme

Voulez-vous discuter autour d’un café ? Il ne reste pas grand monde, nous pouvons faire un tour et après y aller, même si vous le connaissez sur le bout des doigts, ce musée. Ainsi vous pourrez me raconter, si vous en avez envie bien sûr, ce qui vous trouble.

ft. antoine

Un sourire étire tes lèvres, incapable de résister - et malgré tes réticences, ton regard se plonge dans le sien.

Vous êtes un conservateur digne de ce nom... Peu de vos collègues connaissent l'art moldu, et pourtant vous en citez un pilier particulièrement talentueux. Un homme d'une créativité exceptionnelle que je place parmi mes artistes favoris.

Ton attention revient à la peinture que tu observes un instant.

Mais là où dans l'art de Friedrich, l'Homme est conscient, trop conscient de la nature, ici, il semblerait que l'Homme ne soit conscient que de lui-même - et que son intégrité est menacée par cette nature qu'il ignore.

Ses paroles te ramènent au musée, que tes pensées semblent avoir quitté un instant - et son contact te fait légèrement sursauter, imperceptiblement, alors que tu poses tes yeux sur sa paume. Tu n'es pas très tactile, mais pourtant, ce genre de petits gestes de sa part ne t'ont jamais gênés - mais continuaient de te surprendre à chaque fois.

J'espère que ce sont de bons souvenirs que vous chérissez.

Un léger sourire - vite remplacé par une moue surprise, alors que tu détournes les yeux sous ses gestes bienveillants mais trop intimes.
Comme s'il te considérait comme un membre de sa famille, profondément familier.

Je pense que vous n'ignorez rien des récents évènements.

Haussement d'épaules - et c'est presque contre ton gré que tu tires légèrement sur ta cravate pour alléger l'impression que ses doigts la rectifient toujours.

... Je vous admets que je ne bois pas de café aussi tardivement. Mais je n'aurais rien contre une pâtisserie.

Un léger sourire alors que ton regard se redirige vers la toile. Tu avais toujours aimé la solitude, ici, mais ce soir tu pouvais faire une entorse à tes habitudes.

Comme une cascade bruyante dans ton psyché, un bruit de fond, un souvenir qui tourne en boucle derrière tes cils blonds et tu demande si tu as vraiment la force de jouer ce jeu. Si tu as vraiment la force de t’évanouir dans un amour qui s’étire, un amour qui perd toute logique. Tu n’es pas comme ces anges qui aime jusqu’à la fin, tu es de ceux qui travaillent dur pour conserver les sentiments, pour embellir les jardins et venir t’y perdre encore et encore.

Vous êtes savant dans l’art et les mots, c’est charmant. tu affiches un léger sourire cependant je ne suis pas un conservateur digne de ce nom, je suis simplement curieux et avide de connaissances, je ne m’arrête pas aux frontières magiques. cela devrait être une norme.

tu glisses tes mains dans tes poches pour retenir cette envie gourmande de les glisser sur sa peau et tu te perds une dernière fois sur les amants qui pour une fois vous observent en souriant et cela te fait quelque peu rosir.

Friedrich vous sied bien. Vous avez sa délicatesse d’âme, vous voyez les couleurs s’amouracher des hommes.

les sentiments importants, les souvenirs comme trophées, tu ne réponds pas, tu te contentes de te plonger dans la contemplation des grands peintres. S’il savait, que tu meurs pour le sourire qu’il t’offrait.

Oui je suis au courant. Cela m’effraie. J’étais .. tu ne peux pas le lui dire, que tu étais mort d’inquiétude, que tu ne dormais plus, de le savoir sur place, de l’avoir imaginé dévoré par les flammes … bouleversé en apprenant ce qu’il s’est passé. Vous n’avez rien eu de grave j’espère.

Un coup d’oeil discret jeté sur l’amant oublié alors que tu te mords l’intérieur de la joue

Une pâtisserie, c’est une bonne idée. Vous avez bien raison de ne pas boire de café si tard, mon mode de vie n’est pas des plus exemplaires.

ft. antoine

Un sourire attendri te fait doucement incliner la tête, avant que tu ne la secoues.

Je ne sais pas si je suis si savant que cela, mais je vous remercie pour le compliment.

Tout comme lui, l'avidité était responsable de ta volonté à découvrir l'art et le monde, tout en douceur, tout en beauté. Et sa remarque te fait hocher la tête, car ô combien souhaiterais-tu arpenter les allées de musées mixtes qui pourraient chatoyer de leur multiplicité de part leurs oeuvres si semblables et pourtant si éloignées ?

La norme, oui... Un objectif qui me semble plus lointain chaque jour.

Expiration lourde avant que tu ne secoues la tête, hausses les épaules doucement, comme pour te défaire de ces tourments.
Voilà qu'il t'affuble d'un nom d'un autre, et tu l'observes un instant, surpris.

Plutôt que Friedrich, je me verrais son Voyageur - mais merci, Sire Cavendish.

Ta tendresse revient lorsqu'il se pare d'inquiétude, et doucement, te permettant d'être aussi tactile avec lui qu'il l'a été avec toi, tu déposes ta main sur son épaule.

C'est fini, maintenant. Je vais bien et les blessés ont bien été pris en charge. Aviez-vous quelqu'un d'important dans la foule ce soir là ? Ou y étiez vous ?

Tant de peur pour une grandiloquence faramineuse dont l'objectif publicitaire avait fait d'une politique engageante une attaque terroriste.
Tant de peur pour une volonté de parler plus fort que les autres.

Vous savez quoi ? Allons grignoter dès maintenant, vous avez raison. Je connais le musée par coeur, mais vous, je ne vous connais pas assez à mon goût.

Léger rire, tu penches la tête, l'observes un instant.

Vous êtes un artiste, n'est-ce pas ? Votre mode de vie est justifié par cela.

Tant que vous revenez, Voyageur, alors cela me va. murmuré et tu ignores s’il l’a entendu, un frisson qui a parcouru ton corps et c’est le fruit de tes sentiments qui comme un violent hurlement a voulu se faire entendre. Tu baisses un instant les yeux, laisse les boucles rousses cacher tes iris, plongés dans tes émois, heureusement il te sort de là, te fais observer un tout autre combat. Un champ de guerre désolé où un enfant appelle son père, un champ encore fumant de mots, de flammes, de sorts jetés.

Non je n’y étais pas, quelqu’un qui comptait énormément pour moi par contre s’y trouvait. J’ai eu … un léger rire alors que ta main se pose sur ta poitrine, tes doigts venant se crisper sur le tissu la peur de ma vie, je suppose.

quand tout autour de toi est devenu brûlant, quand tu pouvais presque sentir le souffle du dragon car ton cœur bat en unisson avec le sien. Tu as eu si peur oui, peur de le perdre encore, peur de devoir poser tes genoux sur une tombe anonyme, une tombe recouverte de fleurs et la tienne passerait alors inaperçue. dans les roses un simple pissenlit ne serait qu’une sombre blague et tes larmes immobiles dans l’émeraude de tes yeux; impossible de pleurer pour lui, pleurer c’est aimer et tu dois cacher les sentiments, tu dois cacher le printemps qui n’a jamais quitté tes poumons. et vous y dormez, au bord des rivières, dans l’herbe, à l’ombre des chênes, vous y dormez, main dans la main à parler d’un passé déjà étouffé, d’un futur imaginé qui n’aura jamais le temps de fâner
car il ne pourra simplement pas prendre forme
t’as tout tué

il te connaît, il te connaît par coeur, à vrai dire. Il connaît les courbes d’un corps déchiré, il connaît les soupirs de ta voix en écho avec ses caresses, il connaît tes larmes et tes déclarations, tes mots et tes sentiments, il connaît tout. Mais tu dois jouer un nouveau personnage pour feindre la découverte et jamais il ne s’approchera autant de toi.
tes épaules sont basses quand il chante cela
et ton sourire est si triste

avec plaisir. allons-y.

tu remets correctement ton écharpe qui pendait à ton bras, te dirige lentement vers la sortie, les yeux jeté à la mer pour en ignorer la noyade de tes cils

un bien piètre artiste, mais oui, j’en suis un. peinture poète et littérature, jamais gagnant, mais je m’y efforce.

ta main qui lui tient la porte et quand il passe devant toi tu inspires, bloque ta respiration, hors de question que son parfum laisse des griffures sur ton cœur. Dans le froid tu t’engouffre et laisse les nuages danser autour de tes lèvres

vous vous en souvenez, cela me touche. un moment de flottement et tu ris enfin je veux dire, vous l’avez remarqué. c’est si étrange de danser dans les souvenirs et le présent. c’est si dangereux, aussi. la marche est silencieuse à ses côtés mais ton corps se met à grelotter.
l’hiver s’annonce égoiste et tu te dis; peut-être ne verrais-je pas la neige, cette année, peut-être vais-je simplement m’oublier.

ah, nous y voilà. C’est encore ouvert, j’en suis rassuré. la cloche qui annonce votre entrée, le bout de tes doigts rougis par le froid et à part un jeune homme vous êtes les derniers arrivants. cette pâtisserie est douce de par la chaleur qui s’en dégage, les plantes qui viennent courir le long des murs et les vieux meubles semblant venir d’une autre époque. tu y es doucement tombé amoureux, ils servent des spécialités de ton pays, nostalgique et gourmand, tu es charmé.

tu viens alors t’installer à une petite table à l’écart, ôtant ton manteau presque à contre-coeur, posant ton écharpe sur le dossier et tu soupires longuement je crois que je prendrai un chocolat chaud pour accompagner tout ça, je meurs de froid.

ft. antoine

Ô, Antoine, si, tu l'entends.
Mais le ton de sa voix ne te semble pas destiné. Trop intime, trop précieux, trop hurlant. Il est le cri qui ne cesse de s'égosiller en silence - et ça t'intimide soudainement, ça ne peut pas t'être destiné.
C'était sûrement ce souvenir qui le taraudait auquel il s'est adressé.
Ce que tu ignores, c'est que le souvenir c'est ton visage. Le seul qui change c'est lui, dans le reflet de tes yeux - mais comment pourrais-tu le deviner ?
Alors tu fais la sourde oreille, tu prétends, tu ignores. Tu n'as pas l'habitude de le faire, mais cela paraît mieux ainsi, n'est-ce pas ?
Et tes traits se parent de compassion, alors que tu hoches la tête.

Je vous comprend. J'ai failli y laisser quelqu'un moi aussi. J'ai été terrifié. Parcourir les lieux après c'était...

Tu secoues ta tête, te refuse d'en parler davantage. C'était un sujet trop fragile encore, trop sensible.
Un sujet qui te retournait encore les entrailles quand tu te réveillais, suant, la nuit, retrouvant ta vieille amie l'insomnie pour ne pas revoir ses cheveux poissés de sang et de cendres dans un lit de plumes noires.

Tu te contentes de le suivre, souriant aux quelques rares personnes croisées sur votre passage. Lorsqu'il te laisse passer devant lui, c'est à ton tour de t'arrêter - et de venir renouer correctement son écharpe qu'il n'avait fait qu'enrouler autour de son cou.

Ne prenez pas froid - et dites vous que parmi les poètes vous serez un génie de la peinture, et que parmi les peintres, vous serez le poète le plus exceptionnel.

Un sourire, avant que tu ne t'avances en dehors du musée.
Sa remarque sonne étrange, et tu lui jettes un regard étonné avant qu'il ne se rectifie.

Oui... Vous avez de discrètes tâches de peinture par-ci et là. Pas celles qu'un simple conservateur de musée aurait.

Un sourire - et tu te contentes de marcher à ses côtés silencieusement alors que vous vous approchez d'un petit bâtiment qui a l'air bien plus agréable que le froid environnant.
L'intérieur n'en est que plus charmant. D'une autre époque et par conséquent particulièrement à ton goût, le lieu charme de sa provincialité conviviale et attendrissante. T'asseyant en face de ton compagnon du soir, tu défais ta cravate, ôte ta veste, conscient qu'en simple chemise et veston tes traits semblent toujours moins durs.

Vous avez raison... Mais ce n'est pas raisonnable de prendre un café... Peut-être un thé, alors ?

Pensif, tes doigts étreignent la carte, alors que tu te perds dans la contemplation du menu.

Devant l’ange tu te contentes de baisser les yeux
ignorant le paradis qu’il évoque sur ses lèvres
ignorant la bonté dans le fond de ses yeux et quand il ôte sa cravate et son manteau tu te surprends à rêver d’une toute autre nuit.

Leur thés sont délicieux, vous pouvez en commander un sans hésiter, vous ne serez pas déçu.

Regard qui fait semblant de se perdre sur une carte que tu ne parviens pas à déchiffrer et c’est un certain chagrin qui s’égare sur ton visage. Tu sais cependant ce que tu comptes prendre. Tes jambes viennent se croiser. Ta lèvre mordillée d’un air rêveur alors que tu repenses aux mots qu’il t’a offerts un peu plus tôt.

Vous êtes observateur, pour ça

tu lèves tes mains, dévoilant les tâches de peintures mais aussi alors que le tissu tombe; les marques d’une guerre perdue. Inattentif à la vue tu souffles un léger rire, reposant tes avants-bras sur la table, les doigts venant se perdre sur le verre vide en face de toi.
Le serveur étant arrivé tu redresses la tête, laisse le directeur commander sa boisson et sa pâtisserie tandis que tu t’offres le plaisir coupable de retomber dans de vieux souvenirs

Des amaretti à la rose pour moi et un chocolat viennois. hochement de tête de l’homme en face de vous qui s’éloigne et ton cœur se serre légèrement. Ton coeur se serre car ces moments comme ça tu aurais voulu en devenir ivre, en passer une centaine à ses côtés, l’aimer encore et encore, en perdre la raison. Mais tu ne pouvais pas, tu as joué avec le diable en te laissant séduire pour une “ unique fois “ sous les étoiles, dans un café à l’ombre des regards curieux.
Tu sais toi-même que tu n’en as pas le droit.

Voulez-vous m’en parler ? tu lèves alors tes doigts pour les porter à sa tempe, effleurant une de ses boucles grisonnantes pour venir se poser sur cette ride entre ses sourcils, un sourire bien trop tendre sur les lèvres alors qu’il devrait simplement être taquin de pourquoi votre coeur s’est autant serré ?

une seconde de flottement alors que tu croises tes bras sous ta poitrine

Ah, pardonnez ma curiosité, c’est simplement de l’inquiétude, j’ai l’empathie débordante je suppose.

ft. antoine

C'est donc pour un thé que tu penches à son conseil - un thé blanc à l'hibiscus, un de tes préférés. Le serveur qui prend en note que tu souhaites aussi prendre un éclair au café, et voilà que c'est au tour de vis-à-vis de commander - et tes traits se décomposent au souvenir frappant, des mêmes paroles énoncées par des lèvres différentes.
Si différentes que ça ?
Un instant, les cheveux du conservateur sembleraient presque longs, ses traits plus efféminés, son regard moins brisé. Un instant, tu as l'impression que tes mains ne sont pas encore ridées, que ta fatigue est moins marquée, que le souvenir n'est que présent, et que l'avenir est un mirage peint par le soleil sur une chemise froissée.
Un instant, tu n'as que la vingtaine, et elle aussi. Son rire éclatant, ses mains tendres, ses regards que tu n'aurais jamais voulu perdre.
Mais ce n'est qu'un instant, et tu as l'impression que ton coeur se brise une nouvelle fois lorsque tu reviens à la réalité.
Où elle n'est pas.
L'homme tend la main, effleure ton front, et tu te recules peut-être trop vivement.
Elle aussi, elle faisait ça.

... Pardonnez moi.

Tu te râcles la gorge, secoues la tête, lui offres un sourire - forcé.

Ne vous excusez pas de votre bienveillance. Quant à mon recul, je suis navré - je ne suis pas un accoutumé des contacts physiques. Et... Je me suis perdu dans un souvenir, veuillez m'en excuser.

Passant une main sur ton front, soupirant à la longueur de tes cheveux, tu lui adresses un nouveau regard navré.

Je ne saurais que vous dire. Échangeons, plutôt. Dites moi, Sire Cavendish, ce que vous avez pensé du discours énoncé lors de ce fameux attentat.

Un léger sourire, alors que tu effleures ta lèvre inférieure du pouce, pensivement.

... Ou pourquoi vous avez choisi cette pâtisserie plutôt qu'une autre, si vous souhaitez mettre de côté les sujets délicats. Je ne fais que dans la politique, je devrais faire attention à cela.

Comme si tu venais de plonger tes mains dans une immense flamme. Tu l’as tant rêvé, cet incendie, que tu en oublies ses brûlures et alors qu’il se recule d’un coup tu en fais de même, ramenant tes poignets sous ton torse, croisant les bras alors que tu viens te mordre la lèvre. La douleur est palpable, elle te tiraille, te rend si fragile à cet instant et sa voix semble si loin. Tu ne parviens plus à entendre ce qu’il te dit, tu as confondu le mirage et la réalité, le passé, le présent, tout.
Il te vole le droit de t’excuser alors tu ravales la peine, tu baisses le regard sur le flou du tout, sur l’étendu des couleurs qui perdent sens.

Comme rester debout sur une étendue d’épines et c’est si dur de ne pas t’effondrer sous la pluie de flèche qui gronde devant toi.

Vous autres, sorciers, possédez la magie comme arme tandis que moi, je n’ai que mes mots. J’ai une grande estime pour les discours parlés mais malheureusement je suis très critique et ce que le Corbeau a chanté… eh bien, les âmes fragiles et brisées tomberont sous son joug, sans l’ombre d’un doute, mais il en faudra bien plus pour faire chuter les sorciers. tu fais un petit non de la tête Il n’a pas montré ses couleurs car il veut accueillir au creux de ses bras les blessés, les furieux, les amoureux mais parfois il faut teindre de pourpre l’étendard, ainsi il sera plus voyant.

tu joues d’un air distrait avec la manche de ta chemise, l’esprit ailleurs.

Cette pâtisserie est ma favorite, depuis que je suis tout petit, j’en mangeais souvent, peut-être trop même, lors de mes années passées à Florence. Et ne vous en faîtes pas, la politique ne m’effraie pas. Cependant..

Tes yeux sont humides et si tu caches avec malice le tremblement de tes mains, tu ne peux plus tenir

Veuillez m’excuser un instant. tu lui offres un sourire tout aussi forcé que celui qu’il t’a offert un peu plus tôt et disparaît, allant te cacher dans les toilettes du salon de thé. Ta main se plaque sur ta bouche, expiration tremblante pour atténuer le sanglot alors que ton dos glisse le long du mur pour que tu viennes rejoindre le sol, cachant ton visage entre tes bras.
Que ça fait mal, de devoir te tenir devant un homme qui se trouve
si
loin
alors que fut un temps tu le gardais contre toi, tu lui disais ô combien tu l’aimes
ô combien tu l’aimerais
toute ta vie
et bien au delà

ft. antoine

Peut-être ta réaction était trop vive - peut-être n'aurais-tu pas dû être aussi virulent. Tu étais surpris - cela s'est trop vu, s'est trop inscrit dans tes gestes.
Tu peines à savoir comment te racheter après ton erreur.
Mais ses paroles, ah, ses paroles t'intéressent, Antoine, ses paroles viennent se faufiler, intrigantes, profondes, et lentement tu hoches la tête, tu l'estimes un peu davantage.

... Il veut se faire révolutionnaire et sauveur des causes perdues, voire même martyr ? C'est ça que vous pensez qu'il peut devenir ?

Il était dangereux de marcher sous l'étendard d'un homme pareil - car il cessait d'être homme et devenait idée, devenait direction et espoir, là où de son vivant il n'était qu'une voix dans une foule en colère, qui n'était remarquée qu'à crier plus fort.
Mais si dans son sillage il marquait les coeurs de sang, il ne serait jamais oublié.

... Florence ?

Le balancement te déstabilise et te perd un instant, entre ces deux sujets opposés, entre le présent et le passé qui ne cessent de se bousculer.
Et lorsque tu lèves tes yeux sur lui, c'est un regard humide que tu découvres avant qu'il ne s'enfuit.
Était-ce ta faute ? Avais-tu été trop indélicat ? La question te hante lorsque les pâtisseries arrivent, accompagnées de la note. Et glissant dans le carnet de quoi payer vos collations, tu te relèves pour aller t'enquérir du bien-être de celui qui t'avait entraîné jusque là - et que tu avais chassé.

Sire Cavendish ?

La porte n'est pas verrouillée et tu t'y glisses - surpris de le trouver à même le sol. Alors tu tournes le verrou, vient t'asseoir à même le carrelage froid, sans le regarder - l'accompagnant simplement.

Beau.

Un léger sourire, adressé au vide devant toi.

Vous êtes une âme incroyablement sensible, vous savez ? Je vous admire. J'aurais rêvé de faire le métier que vous faites, de veiller sur l'art, d'être le passeur de la beauté que la créativité d'autrui peut offrir. Pourtant, je vois bien que vous êtes malheureux.

Ta main vient simplement se poser sur le sol près de lui - paume vers le haut, s'il veut de ce soutien là.

Je me doute que c'est peut-être quelque peu intrusif et déplacé, mais si vous avez besoin de vous confier, ou de trouver en un autre un soutien, je veux bien apprendre à mieux vous connaître et vous apporter un support. Je ne pourrais peut-être pas soulager vos peines, mais si vous me le permettez, je vous écouterais, Beau. C'est peu, mais apparemment, parfois ça fait un bien fou.

Quand la porte s’ouvre c’est un sursaut qui t’arrache de tes larmes et tu te sens incroyablement petit face à l’ombre qui se dessine sur tes courbes. Il prononce ton titre et tu ne peux t’empêcher de souffler un léger rire sous l’angoisse, t’essuyant brutalement les yeux pour les faire rougir mais chasser les sanglots

.. Savoy. Et tu t’arrêtes alors immédiatement car la douleur est trop vive, tu baisses la tête pour venir faire tomber tes boucles devant tes yeux, tremblement certain de tes épaules. Il n’aurait pas dû venir, te voir ainsi. Tu es supposé être fort, Beau, tu ne peux pas t’écrouler face à un homme que tu ne connais pas, après tout, cela ne fait pas de sens.
Ta main vient alors, dans une hésitation palpable, rejoindre la sienne. Et elle est si fine, si pâle, recouverte de ces tâches rousses qui font de toi l’écho du souvenir. Dans le brûlant de sa paume tu te sens à nouveau protégé, comme si plus rien ne pouvait t’atteindre; il est là, il est revenu. mais pas pour toi. Tristement il ne reviendra jamais pour toi.  

Vous êtes trop bon, mon prince, mais je suis navré, mes peines sont trop virulentes, elles pourraient vous couper et laisser à jamais sur vos joues des cicatrices délavées. pourtant tu entrelace tes doigts aux siens tandis que ton autre main vient se glisser sur ta nuque pour y laisser des griffures, punition discrète d’avoir autant abusé du contact de sa peau sur la tienne.

Le corbeau ne sera jamais martyr, Monsieur, il fera pire,  il en tuera des centaines pour couvrir ses crimes et faire couler l’or et l'héroïsme sur ses épaules. Il accusera les grands sorciers d’avoir tué les nouvelles jeunesses, il accusera les grands sorciers d’avoir corrompu les mœurs.

Ta voix tremble alors que tu as la tête basse, posée sur tes genoux.  

Les toilettes fermées à clé sont faites pour les amants impatients, nous sommes une bien grande déception pour une vessie pressée qui au moins aurait aimé entendre des gémissements.

un léger rire étouffé, rire qui bien vite se brise en sanglots et tu oses chuter, tu oses t’effondrer, tu oses pleurer en sa présence.

Je suis navré.

ft. antoine

Doucement, tes doigts se referment sur les siens. Il a les paumes chaudes, mais le bout des doigts froids - et tu frictionnes son pouce du tien pour essayer de le réchauffer.

"Mon prince" ? Voilà un beau titre dont vous m'affublez.

Un amusement léger, superficiel, pour ne pas exprimer à quel point une telle dénomination te fait étrange, à quel point elle évoque des souvenirs, des sentiments que tu ne reconnais pas - une autre vie, peut-être, Antoine ?
Et doucement, ses doigts entrelacés tu les serres des siens, pour l'empêcher de s'échapper si l'idée lui en venait.

Pensez-vous, mon cher Beau, que je ne porte aucune cicatrice ? Vous seriez surpris à quel point ma peau est durcie - mettez moi à l'épreuve, que je vous soutienne.

Sa voix qui déraille, qui se tourne sur le sujet interrompu, et tu pèses ses paroles pensivement, envisage ce qu'elles dissimulent, hochant lentement la tête avant de soupirer - passer ta main libre sur tes traits que l'inquiétude noue.

Je suis heureux de voir que vous ne ferez pas partie des convaincus. J'aurais éprouvé grande peine à voir une âme aussi douce que la vôtre perdue dans ses étouffantes plumes.

Son commentaire te fait rire doucement alors que tu serres de nouveau sa main - et tu adresses un regard patient à son échine courbée sur ses genoux, venant de ta main libre doucement flatter son épaule.

Je ne vous reproche pas d'être en proie à la souffrance. Et pour ceux qui regretteront entendre des pleurs au lieu de gémissements, j'ai envie de leur dire qu'ils ont à prendre leur mal en patience - d'autres prendront notre place quand vous vous sentirez capable de sortir d'ici.

Un sourire léger alors que tu appuies ta tête en arrière contre le carrelage frais.

Ne craignez pas vos larmes, Beau. Elles sont aussi belles que vous.

Sa main qui se serre à la tienne, l’autre qui vient s’égarer sur ton épaule et il est trop. Trop là, trop présent, trop bon, trop, le souvenir trop brûlant, ivre, ivre de lui ivre de ses lèvres de son amour de sa passion la passion de l’oublier et tu ne peux y arriver tu le veux tu le veux tu veux tout recommencer alors tu
respire.
Un hoquet pour reprendre le contrôle de ton corps qui s’effondre alors qu’il se drape d’une bonté nouvelle. Une bonté qu’il n’avait jamais porté à ton égard, il te propose, veux te soutenir et toi tu creux crever, tu veux te vider de ton sang, lui montrer la nécrose qui prend forme entre ta cage thoracique. Antoine
Antoine
Antoine
Antoine je ne peux rien dire Antoine je meurs Antoine si je te parle alors je prends feu Antoine si je t’approche à nouveau je viendrais arracher tes étoiles et tes émois et je ne mérite plus rien de tout cela.

Ne dîtes pas de bétises.. offrez ces louanges à d’autres. Alors que tu redresses la tête, fait rougir tes yeux alors que tu essuies maladroitement les larmes. Tu tentes alors de lui offrir un sourire, dans le flou de tes sanglots passés tu ne peux plus voir la souffrance qu’il te procure, tu ne peux plus voir les pommettes, l’angle de sa mâchoire, ses lèvres roses et tant désirables.

Vous êtes spectateur de mon ridicule et j’en suis navré, Savoy. S’il s’autorise à te nommer par ton prénom, toi, tu ne le peux. Tu as trop de fois soupiré son prénom, tu risquerais d’y prendre goût, une nouvelle fois. Mais tu ne pourras malheureusement pas y survivre, cette fois.

Enfin, je ne veux pas tester vos plaies, je ne veux pas voir si votre peau supportera mes coups, je ne veux pas que vous me souteniez. Tu observes un instant la cabine des toilettes et reprends ta main pour la faire passer sur ta nuque, quittant le chaud de sa paume, tant de fois désiré. Je ne veux pas être un poids pour vous, voyez-vous. Et ne dîtes rien, je le sais, vous avez l’âme si belle, vous voulez porter sur vos épaules les douleurs des autres, mais ne prenez pas les miennes, elles sont vieilles et ne se refermeront sans doute jamais.

Tu oses alors te redresser, lissant les plis de ton pantalon et tu lui adresses un sourire si
brisé
si malheureux

Je vous demande encore une fois pardon, allons déguster nos pâtisseries, qu’en dîtes vous ?

ft. antoine

Un léger rire, tu secoues la tête, lui lances un regard amusé, malgré les larmes qui maculent son visage, qui collent ses cils roux entre eux. Et son sourire forcé te fait légèrement fondre, et tu tends la main pour enlever une larme qui a coulé au coin de celui-ci - reculant ta main ensuite, calmement.

La bêtise c'est de croire que vous ne méritez pas un peu de bonté.

Tu secoues la tête une nouvelle fois, détournes le visage, hausses les épaules. Tu ne trouvais pas qu'éprouver de la souffrance était se tourner en ridicule. Au contraire, affirmer ses larmes devant quelqu'un pouvait être une preuve de force et d'un courage extraordinaire. Tu n'en étais pas capable, tandis que lui tournait son visage rougi par le chagrin à ta contemplation.
Quelque part, il y avait de la beauté à en être apte.

Je suis simplement flatté que vous m'ayez laissé approcher dans cette situation.

Mais peut-être était-il trop blessé - car voilà qu'il te repousse, que ses doigts fins qui semblaient si familiers au creux de ta main disparaissent, et que ses paroles viennent te faire reculer, te chasser de cette ouverture que tu avais cru déceler. Tes lèvres se serrent en une fine ligne alors que tu l'écoutes repousser la main tendue, se perdre dans cette souffrance dont tu ignores tout.

Je n'insisterais pas.

Peut-être que ta gorge est un peu trop serrée lorsque tu dis cela, lorsque tu retiens un soupir, lorsque tu réalises que c'est vraisemblablement la première fois que tu as voulu tant aider et que ton aide a été rejetée. Il y a bien eu des mensonges pour t'éloigner, tombant des lèvres de ceux que tu souhaitait aider, mais personne ne t'a jamais dit ouvertement ne pas vouloir de ton soutien.
Jusqu'à lui.
Expiration soucieuse, tu te relèves à ton tour - l'espace étroit vous rapprochant lorsque tu es enfin debout, un souffle de distance entre vous, avant que tu ne recules, déverrouilles la porte, l'ouvres pour lui.

Allons-y, oui.

On préfère se dire que tu es fort, quand tu pleures. On préfère se dire que tu tiens bon. C’est plus sublime ainsi, l’homme face aux sentiments, sans les fuir, il ouvre grand les bras pour que son palpitant absorbe toute la nécrose du monde.
Alors toi
tu te contentes de baisser les yeux
loin d’être fort, loin d’être droit.

Puis le voilà un peu trop contre toi et ton regard est fuyant, tu excuses la rougeur de tes sanglots pour couvrir tes sentiments. Oui. Voix fluette, fragile à travers l’épaisse molasse qu’est ton chagrin. Puis enfin la porte s’ouvre et devant, un homme attendant vous lance un regard soutenu. Un regard plein de vices alors que le sourire prend place sur ses lèvres et il te regarde de haut en bas.

Excusez nous. Simple politesse relativement froide alors que tu viens te diriger à nouveau vers votre table. Tu t’y installe, trouvant avec un certain réconfort que les pâtisseries venaient d’être déposées devant vous.

Cela te vient alors comme un bref flash et tu lèves les yeux vers le directeur Un éclair au café. Tu portes ta main à tes lèvres, comme pour retenir ton souffle. C’est vrai, il te l’avait dit, c’était sa pâtisserie préférée. Les souvenirs comme cascade sur tes épaules et tu souffles un léger rire ému. Il n’a donc pas tant changé que cela. Pardonnez moi, je pensais à voix haute.

tu viens porter à tes lèvres le chocolat chaud, épousant celle-ci d’un peu de chantilly, les yeux clos, savourant la boisson chaude pour accompagner les pensées.

Puis-je satisfaire ma curiosité, Sir Savoy ? Beaucoup de rumeurs sont murmurées dans votre sillage et je ne peux m’empêcher de les écouter. Je sais que c’est .. mal de les laisser parasiter mon esprit mais disons que cela donne un peu de mouvement à mon quotidien. Tu souffles un petit rire, venant croquer dans ta pâtisserie Elles sont ridicules et je sais bien qu’elles sont fausses. J'aimerais simplement savoir pourquoi on vous afflige d’autant. Je sais que vous n’avez pas d’inclinaison pour les jeunes gens … encore moins les hommes.

ft. antoine

Parfois, tu te découvres misanthrope, Savoy. Lorsque le regard des uns se fait trop cru, lorsqu'ils pensent savoir et ne se laissent pas décourager. Cet orgueil hautain de se penser tout puissant sur le fondement d'une information erronée qu'ils pensent avoir surpris.
Le conservateur ne fait que passer à côté de l'homme que tu dévisages. Et lorsqu'il s'éloigne assez, ta baguette se glisse rapidement dans ta main - et l'inconnu n'a pas le temps de ne serait-ce que baisser les yeux qu'il a déjà oublié ce qu'il a vu et pensé.
Pas la peine de l'énoncer.
C'est d'un pas tranquille que tu rejoins Beau Cavendish, le peintre brisé, à votre table où reposent vos pâtisseries.
C'est le coeur tremblant que tu contemples son assiette avant de doucement soupirer. C'est sa réaction qui te tire de ton état et tu souris doucement, penches la tête.

Vous voulez goûter ?

Pour ta part, tu viens doucement saisir la tasse de thé - à la parfaite température - pour y tremper tes lèvres.

Bien sûr - je vous répondrais dans la mesure du possible.

Mais tu ne t'attends pas à pareille exposition de faits que tu ignorais - et la surprise te fait tousser, alors que le thé gardé au creux de ton palais remonte pour s'enfuir par ton nez. Tu attrapes une serviette pour venir la poser contre tes lèvres, essuyant les gouttes qui ont décidé de réussir à quitter tes lèvres, avant de ravaler et tousser vivement - à l'agonie.

Pardonnez moi mais... C'est la première fois que j'entends pareilles choses. Qui vous a dit cela ?

Ephraim avait intérêt à être très loin de tout cela.

Ta voix encore éraillée par l'incident, tu tentes désespérément de garder une apparence à défaut de respectable, humble. Mais le sourire au coin de ses lèvres ne t'aide pas, et tu te laisses à légèrement t'esclaffer de rire, secouant la tête, essuyant ton nez une dernière fois.

Voilà que je me donne en spectacle devant vous. Vous m'aurez vu sous toutes mes coutures.

Tu penches la tête à l'écouter, pensif, te demandant qui pouvait bien laisser ce genre de rumeurs traîner, qui pouvait bien essayer de nuire ainsi à ta réputation - et le vide se fit dans ton esprit avant de s'emplir de tant de noms que tu les balayas de côté, incapable de les trier dans l'immédiat.

Oh, je vous en prie. Je sais bien que les moeurs de mes collègues sont douteuses et regrettables. Je ne pensais simplement pas qu'ils seraient si bas d'esprit à répandre de pareilles choses à mon sujet.

Tu secoues la tête, venant reboire ton thé - le savourant cette fois-ci - en souriant doucement à sa douceur sucrée.

Je ne vous l'ai pas dit.

Oeillade pensive à son égard, tu reposes ta tasse précautionneusement sur sa soucoupe - levant ensuite ton regard pleinement sur lui.

Avons-nous eu une correspondance que j'aurais oubliée ? Je suis sincèrement navré si c'est le cas.

Un doux sourire alors que tu viens pencher la tête, croisant tes poignets devant toi.

J'aimerais réellement savoir comment vous en savez autant sur moi.