Soupir discret, bien que long et chargé alors que Teivel disparaît se préoccuper de ses lacets. Il n'y a plus de surprise à ce que l'on vienne ainsi lui rendre service, que Teivel ou Croyance s'impliquent dans son bien-être. Eamon ne se pose plus de question, regard distraitement perdu dans ses plumes.
Plus de questions non plus sur les étranges créatures qu'il attire dans son quotidien. Tant qu'il réalise sa tâche, qu'il ne prenne pas trop de place et ne casse pas ses tasses, il peut rester.

L'angelot prétend le connaître.
Immuable et silencieux, son attention se pose sur cette absurdité, mais son regard vacille à peine. Peut-être qu'il a raison. Un an qu'il erre derrière les comptoirs avec lui, peut-être que le patron fatigue et laisse occasionnellement -et il le remarque, le fourbe- sa façade se fissurer.
L'observait-il, dans ses moments où il se sentait à l'abri du regard d'autrui ? Teivel semble suffisamment lorgner sur lui pour remarquer ses lacets défaits.
Eamon l'aurait remarqué également, s'il n'était pas préoccupé.

Ses yeux noirs le suivent dans son ascension, désapprouve devoir monter si haut pour soutenir son regard, lui qui s'y faisait, à apprécier le monde de sa grandeur.
Eamon se sent déjà cynique rien qu'à toiser le bleu de ses pupilles, lui qui prétend reconnaître ses moments de doutes. Il a de la chance, l'oisillon, d'être tombé sur un de ces jours où il a raison.


Fidèle au prodige du cous de potion, à s'élever seul, à la seule force de son intellect. Trop fier pour partager la gloire, trop angoissé à l'idée de laisser voir l'équilibre fragile de son univers et ainsi le menacer.
Au regard solidement ancré dans le sien pour prononcer cet unique sévère.
Non, il n'a besoin de personne.
Il se rassure ainsi, quand les plus proches s'évanouissent dans la nature et ne reviennent plus à lui.


Comment pourrait-il l'aider plus que cela, de toute façon ?
Son corps se détourne lentement, puis ses yeux, pour passer à coté de lui et récupérer sa tasse de thé, la dernière de la journée, qui annonce la fermeture du salon.


Bien qu'il ait bien travaillé, le jeune homme.
Eamon se repose contre le comptoir, se tournant vers ce dernier, tasse reposant au creux de sa main. Se laissant à le déchiffrer du regard aussi, pensif.

Alors l'employé s'emporte, comme vexé qu'il ne saisisse pas cette occasion si rare, si parfaite, comme un enfant roi. Et Eamon, compétent, efficace, maître de la situation, il n'oscille pas une seule seconde.
Mais pas longtemps.
Teivel le menace.
Teivel a toute son attention. Tendu, il garde cette baguette de vue alors que le jeune serveur laisse son imagination guider sa tirade. Mais le serpent ne connait que le bluff. Il ment pour survivre, s'élève pour paraître plus imposant.
Eamon n'est pas un bon duelliste.
Ses poisons sont son seul moyen de se défendre, et face à une baguette, ne semble pas faire le poids...
Mais Eamon a ce qu'il faut pour l'achever sans hésitation. Cela lui suffit pour garder un air suffisant, levant légèrement le menton avec un vague rictus au coin des lèvres devant le danger.

Teivel l'éliminerait le premier sans aucun doute...
Avec ses discours, puis sa magie. Il déblatère, et sans ce bout de bois magique, Eamon serait déjà dans ses pensées. Non, il le tient en haleine, tendu et alerte, Teivel, derrière ces airs princiers et imperturbables. Ses mains toujours à sa tasse, ses lèvres moqueuses, et son regard qui cherche la moindre erreur de sa part; celle où ses lèvres récupéreront la majorité de son attention, quelques secondes où il pourra à son tour le pointer de sa baguette.
Rien.
La sienne vient déranger son torse.
Il restera silencieux, lui et son orgueil.

L'ombre attire son regard, finalement. La seconde d'après, il ne reste rien de son espace vital. Sa tasse lui glisse des mains et se brise au sol, mais cela ne peut pas être plus secondaire dans l'immédiat pour l'empoisonneur. Finalement son visage laisse place à autre chose : ses mâchoires se serrent dans une légère grimace, ses sourcils se froncent par la confusion. S'il pouvait, il gronderait déjà. Sans cette baguette, il le repousserait aussi fort qu'il le peut, et à défaut, tente de gagner ne serait-ce qu'un peu d'espace en se protégeant d'un bras, perdu entre leur torse. Coincé, maintenant, dans l'étreinte de Teivel. Il embaume son air, et c'est irritant. Il le retient contre lui et l'empêche de réagir. Oh, qu'il les hait, ces bons duellistes contre lesquels il ne peut se battre en temps réel...
Subir l'humiliation. Puis se venger.
"Voulez-vous de mon aide, Eamon Ainsley ?"
Non.
Le serpent ne rêve que de le voir se tordre de douleur devant ses yeux. Il se retient, et lorsque la baguette le libère enfin, ce bras prisonnier vient agripper la mâchoire de son employé fermement pour repousser son visage du sien, avant que la raison ne s'en mêle et le fige, ne laissant que ses yeux pour déverser sa haine sur lui, lui lançant un regard noir.

Pas besoin de parler bien fort, ils sont si proche.
Ses doigts se referment un peu plus dans ses joues alors qu'il plisse les yeux, le détaillant sévèrement du regard.

Pauvre fou, convaincu de devoir le sauver de ses tourments pour une raison encore obscure...
Le silence s'installe à nouveau alors qu'il y réfléchit. Ses doigts se détendent, sans complètement le lâcher. Ses traits aussi, laissent derrière eux une part de fureur.
Après tout, pourquoi ne pas simplement l'envoyer dans la gueule du loup ? L'envoyer perdre des plumes face à Savoy ? Il ne serait plus son problème.

Sa main glisse finalement de sa mâchoire pour se refermer sur son col, le tirer imperceptiblement vers lui. Ses yeux plongés dans les siens.

Son sourire s'étire. Un rictus de ceux qui ne paie pas de mine, un moyen subtil de laisser son envie de régler son compte, à cet effronté, paraître sans trahir son état. Eamon est de ceux dont les sourires sont funeste.
Teivel se permet bien trop de suggestions à son goût. Petit employé qui se permet de lui dire comment être intéressant, qui s'invite là où il ne faut pas.
Alors Eamon prend le temps de le dévisager, de ces yeux fous à ses chaussures. Alors qu'il s'éloigne enfin de lui, mains en l'air.


La relation professionnelle et complaisante qui a pu régner à la Harpie Dorée s'est éteinte à la seconde où cette baguette s'est posée sur lui.


Un coup d'oeil à cette baguette brisée.
Malgré ses aises, cela ne le rassure pas plus que cela; une autre pouvait très bien être cachée sur lui.
Et ses propres mains restent près de la sienne, parce qu'il n'a pas fini.


Peut-être que si. Juste pour un caprice.
Mais ça, c'est à l'arrière de sa tête. Il ne laisse paraître qu'un regard perçant, avec ce même sourire infaillible gravé sur ses lèvres. Un air dansant entre la frontière d'une fausse bienveillance et de la moquerie.
Teivel l'invite.
Teivel l'instable, qui ne lui inspire que peu confiance.
Eamon hausse finalement, légèrement, les sourcils. Incrédule. Cela ressemble à un autre menace, un piège tendu une fois de plus.


Sa langue claque contre son palais, et il rompt finalement le contact visuel, désintéressé.


Matérialiste, ou tout simplement avare.
Toujours sur ses gardes, toujours à en vouloir plus.
De l'espace ne lui offre rien.
Juste un territoire inconnu, clos.

Eamon, le chien de course favori de Teivel.
Teivel qui sait tout ce qu'il se passe dans les coulisses.
Propos qui le laisse plus apathique que ce sourire qui tord ses lèvres, qu'il épie sans gêne. Il garde sa salive pour lui : si cela s'avère être vrai, alors il le constatera bien un jour.

Et si lui ne perpétue pas le meurtre, ne glissant que le poison dans la main tremblante de ses clients, Eamon a le cran de passer à l'acte.
Cela avait failli arriver, et son regret était de ne pas pouvoir y assister lui même.
Il a vu ces visages cherchant désespérément de l'air prendre des teintes inimaginables, et la peur qui transparaissait du fond de leur regard. Ces visages qui ne l'ont jamais arrêtés, dans ce choix de carrière.
Eamon soutient son regard, et si ses yeux parlaient, ils seraient déjà plus bavards que lui. Et deuxièmement, ils lui diraient que, oui, il l'insulte.

Finalement, Teivel l'emmène. Eamon s'accroche à son bras, sans grande conviction, et fronce finalement les sourcils à la mention de fantôme.
En voilà une étrange anecdote...


Horrible voyage, pour arriver dans un horrible manoir.
Eamon ne les apprécie plus autant qu'avant, associés à de pénibles souvenirs. Architecture familière qui ne le surprend pas au moins de laisser de la surprise sur son visage, non; l'empoisonneur observe, détaille les moulures et les meubles, évalue l'étendue de la demeure.
Aucun regard accordé à son hôte, alors qu'il reprend un peu de sa contenance. Droit. Trop bien élevé, élégance qui ne fait plus qu'un avec lui, parfaitement mêlée à son impudence.


Il délaisse l'employé modèle, ses pieds le guidant à pas lent le long du mur.
Comme s'il est chez lui.
Pas besoin de lui dire deux fois, et il l'aurait fait tout seul de toute façon.
Curieux d'en voir plus, de laisser ses doigts glisser le long de la cheminée.


Comme du besoin de Teivel de travailler dans son salon de thé. S'ils sont bien chez lui, alors Teivel a plus des airs de mécène à cet instant qu'autre chose, ou d'aristocrate déchu à la richesse déclinante.
Peu à peu il arrive vers le canapé et se laisse s'y asseoir. De poser ses yeux sur les coussins, suivre les motifs du bout des doigts, avant de, enfin, observer son employé en silence.


Invité capricieux, auquel il ne manque plus qu'un verre en main.


Ou un accord.
Lui qui semble si pressé de l'aider.
Faible sourire qui étire finalement ses lèvres; au final, ce genre de situation ne lui sont pas si étrangères.

Le fou, lance en main.
Rien de rassurant. La sienne reste près de sa baguette, dissimulée, menacée d'être utilisée à chaque geste brusque de l'hôte. Ce dernier qui n'a que du cidre à proposer. Léger mécontentement qui pèse sur les sourcils d'Eamon devant une boisson si anodine.
Mais il n'aura fallu que d'un verre servi pour lui faire comprendre qu'il perdrait s'ils devaient en venir aux sorts.

Et il parle, l'homme ailé, et frappe le mur de sa lance.
Eamon observe, verre en main, avant de venir noyer son dépit de quelques gorgées de cidres; le seul serveur de son salon de thé est détraqué. Il se déclare, s'impose à son service mais refuse de tuer.
Son regard se détourne de lui.
De retour dans son air désinvolte. Comme s'il est chez lui, à retirer les fils qui dépassent du coussin.


Risqué.
Aussi impuissant qu'il puisse être, le serpent ne manque pas une seule occasion de se moquer de lui.
Mais Teivel réussit malgré tout à le laisser pensif.


Le poulet a l'air d'en savoir trop.
S'il passe ses journées à déchiffrer son visage -ce qui en soit reste inquiétant-, cela ne l'étonnerait pas qu'il ait fouillé un peu plus à son sujet. Nouvelle gorgée, lente, se forçant à apprécier le breuvage offert par son hôte tout aussi forcé, avant de soupirer, se laissant un peu plus s'enfoncer dans le canapé.


Même si elle vient d'un homme qui lui semble le moins fiable au monde.
Finalement ses yeux reviennent se poser sur lui, ses ailes, puis ses yeux, alors qu'il vient s’accouder au bord du canapé, reposant sa tête dans sa main.


Désagréable dans ses propos, mais véritable question qui ne se veut pas tant blessante qu'honnête.
D'un refus, il passe finalement à un entretient.
Go Teivel. Time to shine.

Une magie qui imprègne un loin, efface so souvenir... Voilà Eamon attentif.
Désireux d'obtenir un tel sortilège pour son atelier, que les ennemis en restent loin, sans jamais l'apercevoir. Tapis dans l'ombre, pour toujours.
Puis, sa langue.
Eamon observe, restant de marbre. Mais il retient, pour plus tard. Toute information grappillée lui servira, comme ces allures imperturbables.
Et Teivel continue de parler, promet un certain talent pour mettre ses victimes au pied du mur. Un autre prédateur, qui traque sous la lumière du jour et mène ses proies dans un cul de sac.
Une autre approche que la vipère, définitivement.
Pourquoi pas...
Une gorgée de cidre, après avoir observer le fou furieux déposer son arme au mur.


L'air las, comme si sa main était forcée.
Elle l'est, mais l'occasion est trop belle pour ne pas la prendre.
Teivel est cependant bien trop optimiste s'il pense avoir la confiance d'Eamon. L'oisillon n'aura que des miettes. Une tâche ingrate nécessaire malgré tout, petite vengeance à laquelle il réfléchit pendant les heures de travail; sûrement ce qui a attiré l'attention même du serveur.


Le nom d'un elfe de maison qui l'a vu grandir, et qui sert désormais un grand homme qui lui fait de l'ombre. Son seul ami, d'après lui.
Sa disparition apaisera sûrement la colère de Jovanah Ainsley...

L'empoisonneur se redresse, cette fois austère.


Regard planté dans le sien, sombre, pressant s'il en avait le pouvoir physique un couteau à la gorge comme menace.