Te souviens-tu de nous

Le claquement régulier des talons sur le sol, tes talons alors que tu te diriges d’un pas décidé mais élégant vers la demeure Lestrange. Tu voulais voir Evonice, pour ne pas dire que tu en avais besoin parce que cela aurait été exagérer mais une part de toi le ressentait ainsi. C’était beaucoup de changement, de son côté, du tien, et il y était des sujets que tu refusais d’aborder aux méandres du Ministère. De peur qu’on vous entende peut-être. Qu’on vous dérange. On vous dérangeait toujours. Inspiration pleine à tes poumons alors qu’une fois tes chaussures essuyées tu toques à la porte.

Porte délicatement ouverte par un elfe de maison, on prends ton manteau, remerciement aux galbes de tes lèvres, un murmure léger alors que tu pénètres dans la demeure. Cette maison qui aurait pu être la tienne. Si les choses avaient été différentes. Sublime mais si différente du Manoir Black, c’était peut-être mieux, bien mieux ainsi, tu ne te serais surement jamais senti à la maison dans cet endroit. Mais te sentais-tu seulement à la maison quelque part Darya ?

On t’annonce qu’Evonice n’est pas là pour le moment. Qu’il te faudra donc attendre. On te dirige en silence vers un salon, tu t’en doutais probablement un peu qu’elle ne serait pas immédiatement là, tes iris qui se laisse happée par la chevelure blonde, fantôme. Ton corps qui marque doucement un arrêt.

— Bonjour Clovis.

Tu te surprends à ce que ton ton ne soit pas aussi sec qu’il pouvait l’être lorsque vous étiez plus jeune. Il a grandit. Il est beau. Il a changé. Il est revenu quand personne ne l’attendait. Il est revenu. Mais depuis son retour vous ne vous étiez pas vraiment croisés.

— J’ai vu pour ta-votre promotion, comme chefs de aurors. Félicitations, c’était mérité.

Un presque, si ce n’est un vrai compliment. Tu ne sais si tu peux toujours le tutoyer. Y penser ça te ramène à bien d’autres souvenirs, lointain. Si lointain.

— Je suis désolée de ce qui vous arrive à tous, la perte de Lestrange père et Uriel. Et toutes les obligations qui doivent en découler.

Parce que il l’avait dit, qu’il n’en voulait pas à l’époque. Peut-être que ça avait changé. Surement pas. Tu te souviens de l’enterrement. Tu te souviens de son père, qui te semblait si semblable au tien. Et tu te souviens de la liberté qu’il avait Clovis, et qui doit être éteinte désormais.

— Tu, Vous,..

Ta langue qui claque d’agacement.

— Tu as belle allure pour un zombie revenu d’entre les morts. Il faudra que tu me souffles ton secret.

Tu ne sais pas pourquoi tu laisses échapper cette dernière phrase. De ce ton amusé que tu prenais avant pour le piquer. Ça ne corresponds pas à ce que tu devrais dire, la tenue que tu devrais avoir, mais les derniers jours sont longs, lourds. Il pourrait toujours te jeter dehors. Il en aurait tous les droits.

Te souviens-tu de nous

Rictus arraché à tes lèvres pourpres quand dans un regard il te fait comprendre que le vous n’est pas de mise, et dans un sens tu sens comme un soulagement Darya, parce qu’il n’est plus grand monde que tu peux te permettre de tutoyer, parce qu’ils te semblent tous si loin quand le vous vient se mêler.

Tu n'es pas surprise de savoir que les deux frères ne s’appréciaient pas plus que ça. Mais il en restait qu’une perte restait une perte et pas des moindre pour Clovis. Tu hoches doucement la tête. Un instant silencieuse. Uriel était ce qu’il était. Mais il aurait bien aisé pour toi de feindre l’aimer. Tes lèvres qui esquisse un sourire léger.

— Un peu avant les fêtes de Noël oui. Mon père avait insisté, il avait peur que Uriel change d’avis si je passais les trente ans. Que je ne sois plus assez désirable.

Rictus perdu à tes lèvres pourpres. Tes iris ambres qui se logent à lui.

— J’eusse espérer que tu avais prévu de faire ton grand retour initialement à ce moment pour me voler la vedette. J’aurais été déçue autrement.

Ton sourire qui se loge un peu plus creusé, qui disparait la seconde d’après. Tu loges ton corps confortable dans le canapé d’émeraude, garde ton dos bien trop droit, alors que ses mots t’arraches une moue amusée. Et que farouche tu lui réponds.

— C’était donc vrai, et dire que j’avais parié sur le jumeau maléfique. Je vais devoir 20 gallions à Alamak.

Vous vous toisez, détaillez, sans pudeur pour lui, dans la réserve pour toi, comme deux prédateurs assimilant le terrain. Grimace aux galbes de tes lèvres de ses félicitations. La place d’Uriel.

— Merci. C’est …enfin ce n’est pas…C’est surtout le concours de circonstances qui a fait son œuvre. Tu t’en doutes. Je fais mon possible pour être à la hauteur.

Mais tu n’es pas au poste depuis longtemps et c’est beaucoup à gérer. Même pour toi.

— As-tu des plans un peu ? Enfin vois-tu un peu le bout de tout ce qui t’arrive ?

Tes doigts qui lissent ta robe, même si tu ne le montreras pas, tu n’aimes que peu être détaillée de la sorte.

Te souviens-tu de nous

Rire à tes pourpres lèvres, tu l’entends qui soupire, et tu esquisses un sourire malingre.

— Tout est périmable pour Canopus Black. Et plus il approche de ses soixante ans et plus il déprécie de voir que sa vache de concours ne lui a pas encore ramené un peu de prestige. Il doit déjà chercher un autre vieux cheval à qui me refourguer.

Tes iris ambrée se perde aux méandres de sa question, tu serres tes bras contre toi avec douceur.

— Cela me paraissait impossible. Je ne sais pas. Je t’imaginais libre quelque part.

Parce qu’il avait toujours été l’écrin de la représentation que tu te faisais du mot liberté, de tout ce que tu enviais et détestais à la fois chez lui.

— Libre. Ca t’allait mieux que mort à mes yeux. Mais on m’aurait pris pour une folle si j’avais osé le verbaliser, elle te pleurait déjà tellement. Cela aurait été cruel de ma part. Surtout pour une intuition sortie de vieux souvenirs.

Grimace à tes lèvres quand il enchaine. Vous aviez fait ça en effet. Et ce n’est nullement des bons souvenirs que de te le rappeler, ton regard qui se perds un instant, tes paupières qui se ferment, se rouvrent.

— Oui. Ne pense pas que je suis fière de ça. On a détruit une vie.

Il n’est nulle raison de nier une évidence. Tes ongles qui viennent pincer doucement la peau de ton poignet, discrètement.

— Mon familier.

Sourire à tes lèvres, alors que tu ne peux lui dire que tu es fourchelang, cela ne devait se savoir, c’était si mal vu. Pire encore ton père te tuerait si Clovis savait.

— On communique en morse en battant des cils.

Si le ton est sérieux, il vire aisément vers ce timbre amusé que tu peux parfois avoir. Ce n’est pas comme si tu pouvais lui dire la vérité. Ce n’est pas comme si tu pouvais ne pas jouer l’ambivalence. Un soupir d’aise à sentir le thé, les effluves de vapeur qui s’échappe à la tasse, tes lèvres qui glissent un merci dans un doux sourire. Relève tes iris à lui alors que tes doigts se logent délicat à la tasse.

Ton rire pour accompagner le sien.

— Et dire que je ne serais pas là pour te ruiner ton mariage. Enfin après si tu cherches une assistance pour fuir, je serais ravie de t’organiser ça.

Un clin d’œil léger.

— Prends le temps qu’il te faut, les gens parleront de toute façon.

Te souviens-tu de nous

Tu arques ton sourcil quand il se met à tousser. Ton regard toujours calé sur lui. Tu ne relèves pas son ton, et son agacement. Pas décidée à te laisser atteindre par cela, il avait joué au mort, il n’allait pas en plus te faire la leçon. Si tu devais dénoncer la moindre intuition tu n’en aurais pas fini.

Et il pique. Droite en ton assise.

— Tu me connais à peine Clovis que veux-tu reconnaitre.

Vipère à tes iris, alors que tu viens boire une gorgée chaude, brûle tes lèvres, brûle ta gorge.

— Le peu que tu connais s’étends à ce que tu as entendu, et des bribes que tu as vu. Et des joutes verbales stupides. Ne t’étends pas au déplaisir de penser que cela suffit à me connaitre. Pour le reste…

Une autre gorgée.

— C’est ce qu’on appelle être agréable Clovis.

Le ton est sec. Tu ne sais ce qu’il cherche mais cela ne t’intéresse guère. Tu n’as pas le temps pour ce genre de petit jeu. S’il n’est pas d’humeur à faire quelques joutes, alors pas la peine d’en faire plus. La rencontre choc de vos personnalité encore. Sa façon de t’aborder te déplaît Darya, brute. Désagréable. Mais cela change-t-il des autres fois ? Pas vraiment. Tu ne t’étendras pas à faire une généralité cependant.

— Je n’ai pas le temps de jouer. Quant à tes choix de vie, tu n’as pas vraiment le choix de rentrer dans le rang. Alors ce n’est plus qu’une question de temps. J’ai autre chose à faire que d’en rajouter. Cela ne me concerne plus.

Uriel est mort. Tu peux penser ce que tu veux, mais les frasques de Clovis ne seront plus jamais ton affaire, parce que tu ne porteras de toute façon pas son nom. Si cela t’attriste pour Evonice, tu as déjà bien assez à faire.

— Uriel est mort. Ta débâcle ou ta débauche ne m’incombe plus. Et ce n’est pas la première fois que je propose de ruiner ouvertement ton mariage. Enfin.

Te souviens-tu de nous

Rictus à tes lèvres. La seule chose que tu es daigné lui offrir en effet. Pourquoi aurait-il fallu que tu offres plus. Tu aurais pu, tu ne l’as pas fait pour de nombreuses raisons, mais si t’as été difficilement capable de montrer la moindre affection à ton propre frère, il aurait été étrange de le faire avec Clovis qui te t’avait aisément tapé sur les nerfs, que tu avais jalousé, envié.

Ton regard qui glisse vipère avec lui dans un sourire.

— Je n’en doute pas.

Au prénom d’Evonice ça t’étire un sourire plus doux, plus agréable parce que penser à elle ça t’adoucit, ça t’apaise. Parce qu’elle te comprends, parce qu’elle tu lui fais confiance, parce qu’elle est elle et que vous ne vous êtes jamais lâché. Tu le regardes se déplacer, faire les cent pas. Ses traits qui semblent adoucies. Tu le regardes sans pudeur Darya, observes, détailles, Clovis a changé. Mais c’est dur de vraiment comprendre.

Tu inspires doucement. Fais non de la tête quand il s’excuse.

— Je me relèverai. Je me relève toujours. T’as pas à t’excuser. Mais merci.

La fierté. L’ambition. La confiance qui transparait à tes traits, comme avant. Comme cela a toujours été. Comme cela le sera toujours. Rien ne te fera tomber. Pas encore. Pas tant qu’il te reste des choses à accomplir.

— Je suis désolée pour toi aussi.

Tu pouvais au moins lui laisser la sincérité de ça. Ton oreille attirée par le bruit au dehors, le timbre régulier des talons, de la clé qui tourne dans la serrure.

— Merci pour le thé. Et la discussion.

Tu le regardes quand il part, dirige toute ton attention vers Evonice qui franchit la porte, la beauté de sa chevelure, le sourire que tu esquisses de la voir, lève ton corps pour la rejoindre.