(suite direct de www). A peine tu quittes le manoir Fawley que tu sors ton pineapple de ta poche. Amer et inquiet de constater qu'il a sonné pendant un long moment. Darya a dû s'inquiéter et tu n'as même pas pris la peine de la prévenir. Merde merde merde. Tu pressens la prise de tête au retour - tu dois bien accepter que le manoir des Lestrange n'est plus uniquement chez toi. En son sein règne une nouvelle souveraine à la main de fer. Ça ne va pas se passer comme ça.

Tu transplanes dans la propriété, ouvres la porte principale pour pénétrer l'entrée. Midas t'accueille comme à son habitude, te gratifie d'un maitre ! vous avez passé une bonne journée ?. Il te débarrasse en claquant des doigts de ton manteau. Tu passes l'arche qui mène au salon pour tomber nez à nez avec une Darya furieuse tapie dans l'obscurité. Tu t'arrêtes, droit, et l'écoutes la mine fermée répandre son venin.

— « Pardon ? »

Qu'elle sous-entende que tu as des maitresses t'exaspère. Puis tu penses à Jasper et culpabilises, désespères. Tu es décidément le pire mari possible. Mais tu ne te démontes pas pour autant, feignant avec brio l'outrage qu'elle te fait.

— « Retire ça immédiatement, Darya. Je travaillais. »

Tu ricanes, mauvais.

— « J'enquêtais, même. J'ai simplement été pris dans le feu de l'action et j'ai oublié de te prévenir. »

Tu affirmes, avec une conviction qui en ferait trembler vos fondations.

— « Je ne te trompe pas. Ne te fais pas passer pour la folle hystérique de ce mariage tu m'entends ? Je ne me laisserai PAS insulter par ma femme ! »

Les poings serrés, la gorge nouée. Et toute la frustration qui éclate enfin.

Encore et toujours les reproches. Tu serres les dents, Clovis, alerté par la voix qui s'élève. Si elle continue, Mnemosyne et Evonice vont entendre depuis leurs appartements et ça ne te plait pas du tout. Tu ne tolères pas la pression qu'elle met sur tes épaules, et ce même si tous les arguments qu'elle martèle sans relâche sont légitimes, tu refuses de les entendre.

— « Baisse d'un ton. »

Les lèvres pincées, t'as l'ego mal placé qui en a pris un coup. Recules quand elle avance, le rictus se tord en une mimique dégoutée. T'es tellement frustré que tu illustres parfaitement ces propos. La vérité, tu n'es pas rebuté, juste complètement déconnecté de cette réalité décadente. En oublies presque que tu es marié, la bague n'est que l'objet maudit qui scelle un union imaginaire et fantasmé.

— « Je- »

Putain. C'est vrai qu'elle dirige ton département et que c'est ta supérieure. Tu sais qu'elle a donc accès à tout tes horaires, tout tes allées et venues, toutes tes fréquentations. Piégé comme un rat même en dehors de la maison.

— « Ah parce que tu me pistes maintenant ?! »

Les épaules qui s'affaissent quand ses ongles s'enfoncent dans tes joues. T'as la rage dans le fond des yeux mais tu te débats pas, lui assènes la plus mortelle et silencieuse des défenses.

Et le sifflement entre ses lèvres est l'affront de trop. Tu la toises, amer.

— « Qu'est-ce que tu as dit ...? »

La pointes du doigt, accusateur.

— « Je ne veux pas de ça CHEZ MOI Darya ! »

T'as du mal à contrôler tes ardeurs. T'es injuste et la pire des injustices c'est que tu sais. A quel point tu l'es. Désolé pour elle mais c'est le principal trait de ta personnalité.

Elle dénonce ton audace et tu t'étrangles, Clovis. Serres les poings pour ne pas faire face à l'évidence. Encore trop retourné par les sifflements qu'elle a osé prononcer de ses lèvres pincées. La langue épineuse qui serpente t'arrache des frissons. Le fourchelangue est très mal vu, et si tu n'en as jamais rien eu à faire - tu instrumentalises ses péchés pour voiler les tiens. Comme c'est pratique, Clovis, d'avoir quelque chose à reprocher !

— « Ton language ! »

Et c'est reparti pour un tour. Elle continue de hurler. Tu encaisses les blâmes, tous plus virulents les uns que les autres - et quand l'apocalypse atteint les summums c'est l'apothéose d'un foutage de gueule plus grand encore.

— « Quoi ... ? »

Tu fronces les sourcils, les traits de ton visage déformés par le choc. Si tu étais assis, tu serais tombé de ta chaise. Mais à la place t'es bien debout, bien droit comme un piquet, bien prostré par la déformation de vos réalités.

— « Tu me compares à ton malade de père... »

Parce que c'est lui, encore lui.
Parce que c'est le tien aussi.
Ce sont toujours les pères les coupables, furieux et avides, malheureux et cupides - à abuser de leurs enfants innocents. Les transformant en coquilles vides.

((voilà ce que vous êtes aujourd'hui))
des adultes détruits.

— « Darya... »

Tu avances vers elle, réduis la distance qui vous sépare et lèves le bras, timide et hésitant, pour la poser sur son épaule.

— « Je ne te ferai jamais ça. »

Mais le reste, tu as déjà commencé. Tout le reste ; les tromperies les mensonges, le manque de respect.

— « Jamais. Et c'est chez toi. Excuse-moi. »

Excuse-moi d'être moi, et un peu lui aussi. Car il n'est jamais très loin.

Elle reconnait qu'elle n'aurait pas du crier. Et toi tu n'aurais pas du te laisser aller avec Jasper. Pourtant, des deux c'est toi le seul coupable, Clovis, et ça t'emmerde de pas avoir un million de reproches à lui faire sur lesquels tu pourrais lâchement te reposer. Non... Comme à son habitude Darya Black est parfaite, et s'efforce d'être une femme parfaite, et une épouse parfaite - et son rôle de victime te dégoute. Elle te force à épouser le rôle du coupable.

— « C'est bon, laisse tomber. C'est moi, j'ai été désagréable et je ne t'ai pas prévenu. »

Tu tournes la tête, sentant une présence dans ton dos, alors que Midas s'avance timidement vers vous.

— « Maitre... Maitresse. Je vous ai préparé une infusion. »

Il tient maladroitement un plateau d'argent entre ses mains, alors qu'il s'impose entre vous. Il a envers toi un sourire compatissant qui t'exècre encore plus. Mais tu ne fais aucun commentaire.

— « Tenez maitresse. »

Qu'il tend en premier, avant de se tourner vers toi, la tête baissée et respectueuse.

— « Cela vous aidera à dormir, et à vous apaiser. J'ai glissé pour mes maitres une pincée de poudre de pierre de lune. J'espère que mes maitres ne m'en tiendront pas rigueur. »

Tu prends la tasse en soupirant, faisant signe à Midas de vous laisser seuls. Tu la portes à tes lèvres, la regardant dans les yeux pendant plusieurs secondes avant de reposer le thé sur la table basse derrière elle.

— « Mais je ne te mens pas, Darya. »

Menteur, menteur, menteur. Le parfum de Jasper encore imprégné dans tes boucles blondes. Tu te laisses tomber dans le fauteuil, une main sur ton front. Tes yeux se baissent entre tes doigts, cherchant du regard les détails dilués dans l'obscurité. Soudain, deux gros yeux jaunes attirent ton attention sous le canapé. Tu t'écris.

— « PUTAIN ! Qu'est-ce que c'est que ça ? »

Sur quoi tu enquêtais ce soir ? Tu grimaces, baisses les yeux sur la chaine enroulée à ton poignet. Est-elle en mesure de comprendre ? A t-elle déjà deviné que quelque chose ne va pas ? Tu te sens acculé au bord du gouffre de la vérité. Il va falloir que tu lui donnes quelque chose si tu veux préserver le reste. Pour prouver que tu ne lui caches rien il va falloir que tu te dévoiles.

— « Une affaire perso. »

Tu te laisses tomber dans le fauteuil et à la vue du serpent tu t'écris. Tu détailles l'animal avec méfiance, même quand elle explique pourquoi il se trouve là. Tu sais ce que c'est, que de parler avec quelque chose que personne d'autre ne peut entendre. Tu la comprends mieux que personne. Cependant, tu l'imagines tenir des confidences avec lui qui pourrait alimenter des intentions véhémentes.

— « Il ne compte pas m'attaquer j'espère ? Je ne sais pas de quoi vous discutez entre vous mais s'il pouvait éviter... de surgir comme ça. »

Tu t'adresses au serpent, tu te sens ridicule.

— « Recule, mon cher. Je ne veux pas de mal à ta maitresse. »

Passes une main sur ton visage pour cacher un soupire. Darya exige une promesse.

— « Je me sens sous pression, là. Deux contre un. »

Tu hausses les épaules.

— « Je ne te mens PAS, je te l'ai déjà dit ! Je ne te partage juste pas ... des affaires privées. Je pensais pouvoir garder ma quête secrète mais je... »

Tu baisses les yeux. C'est le silence, bercé uniquement par le son de l'horloge.

— « Si tu l'avais su avant, tu ne m'aurais jamais épousé. »

Elle ne fait que confirmer tes craintes. Si Darya décide un jour que tu l'as suffisamment bafouée pour crier vengeance - rien ne l'empêcherait de lâcher sa créature sur toi. T'es pas à l'aise dans ta propre maison. Mais tu ne fais plus aucun commentaire sur sa présence, parce que ce n'est plus le centre du propos. Darya exige des réponses, renforce sa position en affirmant sa loyauté à ton égard. Tu as presque pitié, elle t'attend et tu ne rentres jamais.

— « Je te remercie pour la considération que tu me portes. »

Mais tu ne t'excuses pas pour autant du peu que tu lui offres. Tu fais tourner le thé dans la tasse, y observes ton reflet, réfléchis par le liquide translucide maronné. Est-ce vraiment maintenant que tu vas lui révéler le plus grand échec de ta vie ?

— « Mon père n'est pas mort. »

((oui))

— « Il a trouvé un moyen de survivre, par le biais d'une magie très rare, très ancienne et surtout profondément maléfique. »

Ça te parait surréaliste.

— « Il ne respire plus comme toi et moi, il a réussi à trouver un autre moyen, plus abjecte encore que la nécromancie. »

Tu lèves ta main pour montrer la chaine qui brille à tes doigts depuis quatre ans maintenant.

— « Il a enfermé un morceau de son âme là-dedans. »

Et c'est la première fois que t'as l'air aussi détaché quand tu le racontes, parce que tu n'en peux plus d'être muré dans la honte. C'est lui qui devrait.
Mais il vit en toi désormais.

Tu ne t'attendais pas à une réaction aussi modérée. Aussi pudique. Ça te glace le sang, Clovis, mais d'un autre côté t'es soulagé qu'elle n'en fasse pas des caisses. Tu sais pas si tu aurais pu supporter qu'elle s'effondre ou qu'elle te juge. Pas après ses grands discours sur votre couple et surtout sur votre mariage. C'est égoïste Clovis, mais tu as besoin qu'elle soit à tes côtés. Tu as besoin qu'elle t'aide à porter cette merde sur tes épaules. Tu ne peux pas constamment te reposer sur Jasper. Et tu ne pourras pas indéfiniment compter sur lui.

— « Il semblerait que ça soit le mot, oui. »

T'as le sourire crispé et les dents serrés. C'est indélicat de dire ça et pourtant elle l'a dit. Tel père tel fils tu entends sa voix te maudire. Dans ton esprit cloisoné personne ne peut venir t'aider.

— « Mon but... Le détruire, pour toujours. Je ne sais pas pourquoi il est mort... je trouverai les raisons de cet attentat. Les vraies raisons... »

On croirait entendre Léon, c'est déplorable.

— « Mais cette chose n'aurait jamais du continuer d'exister. Elle n'aurait JAMAIS dû être créée ! C'est le mal incarné. »

Ce qu'elle te propose... tu as l'impression d'entendre Jasper. Si tu lui cèdes cette place à elle aussi, tu l'imagines déjà furieux. Tu ne peux pas.

— « Tu es ma femme. On fait équipe, c'est ce que tu as dit ? Alors faisons équipe. »

Il y a de plus en plus de monde au courant.
Tu ne sais pas comment le vivre... Mais tu as l'espoir qu'ils réussissent là où tu t'es contenté d'échouer misérablement.

Elle reste très réservée. Décidément ça t'angoisse. Tu l'aurais imaginé plus expressive, plus concernée. Mais Darya Black (Lestrange) reste fidèle à elle-même. Vous vous ressemblez plus que ce que tu ne veux avouer - à toujours refouler vos émotions, à taire vos faiblesses. Tu baisses les yeux lorsqu'elle s'approche, ne réagissant que peu à son baiser chaste. Tu n'as pas le temps d'attraper ses lèvres qu'elle s'échappe déjà.

— « Oui... Je te préviendrai. »

Tu fixes d'un oeil méfiant le serpent s'enrouler autour de sa taille. Tu n'es pas sûr d'être à l'aise d'avoir cette créature rodant dans la maison, mais tu feras avec. Recules d'un pas pour les laisser passer. Tu réagis tardivement pour lui souhaiter la bonne nuit.

— « J'arrive. »

Tu restes seul un instant, abandonnant les tasses vides sur la table basse du petit salon. L'habitude de savoir que les elfes de maison nettoieront derrière vous. Quand l'obscurité achève d'englober la pièce, tes pas claquent et avalent la distance jusqu'à l'entrée. Tu montes les escaliers, défaisant ta cravate au passage (celle que Jasper avait renoué quelques heures auparavant). Une fois dans la chambre, tu l'observes devant le lit.

— « Je suis là. »

Inspires, expires. Tu la rejoins, glisses derrière elle tes mains sur ses épaules pour les masser tendrement. C'est maladroit mais tu y mets du tien. Lorsqu'elle se retourne enfin, tes doigts pianotent ses côtes et agrippent ses hanches. Tu la ramènes à toi pour l'embrasser. C'est le cadeau que tu lui fais pour expier et dissimuler un peu plus tes péchés.