Ciel brûlant au dessus de ton visage, immobile sur la plage à fixer les nuages qui se font de plus en plus rares. Chevelure dorée parfaitement coiffée, costume qui n'est là que pour embellir celui sur qui les regards seront rivés.
Mariage étrange qui même pour toi semble désabusé. Arrangé pour maintenir le sang pour maintenir l'ordre et la fierté mais ça touche de trop près à quelque chose qui fait crisper ta mâchoire.  Quelque chose que toute ta vie tu as essayé de maintenir contre ton torse.

Verre à la main, un peu en retrait, le soleil ne rougit pas de ta présence aujourd'hui Melchior car te voilà bien songeur. Si on vient t'adresser la parole tu affiches ton plus beau sourire et entretient une conversation des plus courtoises mais tu angoisses.

Tu angoisses parce que c'est Clovis. Tu angoisses parce qu'il n'est pas sous tes yeux et que tu as l'impression qu'encore une fois il va disparaître devant toi. Qu'au moment ou tu vas tendre la main, nuage de fumée il ne sera plus. Tu as peur que cette fois il ne revienne pas.

Tu as déjà trop perdu Melchior.

En voilà de bien belles pensées pour le mariage de ton cousin. Tu ne t'autorises qu'une fraction de seconde pour laisser un peu d'ombre glisser sur ton visage puis te revoilà, flamme bien docile qui réchauffe les mœurs.
D'un pas sûr tu oses t'approcher de la tante de Clovis, là où il se prépare. Tu ne devrais pas venir si tôt mais d'un élan d’égoïsme tu veux faire taire les craintes.

« Clovis c'est moi ! Je me permet d'entrer !»

Voix tonnerre, aura brûlante te voilà caché du ciel sous cette toiture magique.
Tu t'attendais bien sûr à le voir sérieux, peut-être plongé dans ses pensées, cette mine inquiétante qu'il possède depuis son retour mais là.

C'était autre chose.
Ca donne un coup violent dans ton cœur et tu luttes contre ton corps entier pour ne pas accourir le prendre dans tes bras et fuir d'ici, fuir loin.

Ca te fait mal.

« Je suppose que te demander '' que se passe t-il '' serait trop direct alors à la place je préfère te proposer un peu d'aide. »  Tu t'approches du plus jeune. Il peut hurler ton nom, il peut se blottir dans tes bras il peut te donner des coups ou simplement être une épaule sur laquelle reprendre son souffle, un échappatoire de quelques minutes ou un sort prononcé pour faire fuir ce qui rugit derrière cette apparence délicate. « Je suis là. »

Cette fois je suis là.
Cette fois je suis à tes côtés.

T'écoutes sa rage avec patience, tu lasses le dragon déverser son venin sans broncher, immense statue devant toi Clovis.
Il prononce des mots que tu t'es tant de fois répété en boucle, que tu connais par cœur. Il t'accuse de crimes qui se sont bien trop incrustés sous ta peau pour que cela soit nouveau.

Alors comme toutes les fois, tu poses un genoux à terre face à lui. Tu lèves tes mains pour remettre en ordre sa tenue, sublime, si ses yeux n'étaient pas rouges, si ses mains n'étaient pas crispés il pourrait presque paraître heureux.
(heureux dans un monde bien différent de celui-ci)

« Tu reste droit. »

Tes yeux se plantent dans celui de ton cousin. Ô comme tu aimerai prendre sa place, ton existence n'a pas suffit, te voilà en face de ton plus grand échec ; sa souffrance.

« Malgré tout ce qu'il se passe tu ne t'effondre pas Clovis. Pas parce qu'on te le dicte mais simplement parce que tu as toujours été comme ça. »

Enfin tu te redresses et ton sourire n'est que tendresse. Ton sourire n'est que fierté et compassion.
Pourquoi c'est à lui de devoir porter tout ce poids.
Clovis tu ressembles à un oiseau en cage. Un immense oiseau qui ne désire qu'une chose, fuir ce ciel là pour partir ailleurs, loin.

« Je suis fier de toi. »

Une simple phrase qui brûle depuis sa naissance dans le fond de ta poitrine. Ta main passe sur ta nuque alors qu'un faible rire s'échappe d'entre tes lèvres

«  Mais tu as aussi le droit d'hurler. D'être furieux. »

T'arques un sourcil. S'il y a bien quelque chose que toi, l'incarnation même de l'impulsivité, c'est sur-estimer quelqu'un. Ta sincérité, violente, crue, t'en empêche. Lame à double tranchant. Atout comme étincelle qui commença bien des feux de forêt.
Mais ça, t'as pas besoin de le préciser. Tu sais que Clovis le sait.

Puis tu croises les bras en souriant alors qu'il semble reprendre ne serait-ce qu'un peu de couleurs. Dévier la colère.
Toujours là, dans ton cœur Clovis, toujours brûlante.

« Sans une once d'hésitation, si je le pouvais je le ferai volontiers. Mais je doute que la jolie Darya soit très heureuse de voir l'échange. Elle perdrait le plus charmant des Lestrange. »

Rire discret
(pour une fois)

« Oh et je ne l'oublie pas, ne t'en fais pas » Tu lèves les mains en l'air, signe d'innocence. T'as tellement crevé tes propres sentiments qu'un mariage arrangé n'est pas une contrainte pour toi. T'as pas d'attaches. Ton cœur n'a jamais battu pour qui que ce soit. Rien ne changerait à ta vie.

Puis tu lèves ton doigt pour le poser devant tes lèvres, cachant un sourire malicieux derrière celui-ci

« Puis si tu angoisses, imagine la personne assise derrière moi qui ne verra littéralement que mon dos alors qu'elle rêvait sûrement de voir le plus beaau des mariage entre les magnifiques Lestrange et les mystérieux Black. » Clin d’œil « On se venge comme on peut, n'est-ce pas ? »

Ton regard suit tes mouvements alors qu'il s'éloigne pour se laisser tomber sur le canapé, comme si le monde entier venait de s'écrouler sur ses épaules. Toi tu restes debout, bras croisés, immobile. Pourquoi tu ris sans cesse Melchior, au lieu de pleurer.
T'as vendu ta vie entière.
Tu possèdes plus rien en toi, plus rien de nécessaire pour ta personne.
T'es juste devenu un programme TV qu'on allume en boucle pour oublier les soucis. Pour oublier les peines.
Un divertissement. Un échappatoire.

Mais tu peux pas lui répondre.

« Moi ? »

Bien sûr que cela ne te dérangerait pas, si c'est pour faciliter la vie de Clovis. Mais ce n'est pas si simple n'est-ce pas.
Tu regardes ailleurs un long moment, posant tes yeux sur ton reflet.

« Tu sais très bien que je le ferai si c'était possible.. » puis tu reposes ton attention sur lui « cependant tu as tort sur une chose Clovis, je ne suis pas plus compétent que toi. »

Parce que c'est toi qu'on regarde quand la foule est perdue dans le brouillard. C'est vers toi qu'on s'échoue.
Puis toi Melchior, t'es un peu trop comme ton oncle.
Tu ne possèdes pas le néant qu'il avait dans sa poitrine mais tu veux tellement bien faire qu'il serait facile d'user de ta bonté.
Une bonté tranchante et qui ne pardonne pas.

« … C'est tellement égoïste de ma part de te demander ça mais, soit courageux. Soit fort, ne baisse pas les bras maintenant. Je sais que tu dois être épuisé et crois moi si un jour tu as besoin de reprendre ton souffle tu pourras t'appuyer sur moi mais aujourd'hui tu vas devoir serrer les dents . » Cette fois tu ne souris pas. Tu lui demandes de maintenir l'immense épée qui le transperce, tu lui demandes de l'enfoncer un peu plus dans ses organes.

T'as envie de hurler, tu te détestes, tenir le rôle de votre cauchemar commun ça te tue. T'aimerais tellement les sortir tous de là. Mais t'es aussi borné et tu te dis que dans un monde où toutes les règles sont satisfaites vous aurez plus de place pour en construire de nouvelles. Tu te dis qu'en courbant l'échine on oublie les chiens qui ont la rage.
Mais ça tu le pense seul.
T'es tellement bouffé par ton héritage
Tellement bouffé par des ordres acides
tellement bouffé comme les cadavres au sang pur qui sont six pieds sous terre
tellement bouffé
que tu parviens plus à trouver un peu de lucidité dans toute cette folie. Que t'y as trouvé du réconfort, dans cette violence. Dans cette stabilité morbide, douloureuse et infecte.

« Allons. T'as toujours été un chouineur. » c'est faux, c'était toujours clovis qui continuait de courir, les genoux en sang, une meute affamée dans son ombre, jamais il ne se tournait. Tu t'avances et tu le prends dans tes bras, mêlée de chevelure blonde, éclat de souvenir enfantin. « continues de pleurer de temps en temps, que je puisse te prendre contre moi, continues d'avoir peur, d'être incertain, que je puisse me moquer un peu de toi. »

sinon à quoi je sers, si tu deviens un roi sans peuple, un roi sans visage.
Puis tu te recules (( toi aussi t'as les yeux humides ))

« Pardon, woah, je me savais sentimentale mais là c'est vraiment naze. » rire léger. Tu veux retourner dans le temps, quand vous étiez que des gamins insouciants. ((t'as jamais été ce gamin, melchior, pourquoi tu veux entrer dans un rôle que t'as jamais eu la chance de jouer))

« mais oui tu as raison, ah, nous devrions y aller. » pas de côté alors que ton bras ouvre l'entrée de la tante, l'invitant à dévorer le soleil, à dévorer son future.