Ses hauts talons tintent contre le sol, si bien qu’il s’agit d’une hymne qui lui est propre, délicate, pourtant si solennelle. Elle perçoit si bien ce tapis qui se déroule, se perçoit si bien à l’apothéose de son rang. Dans ce miroir, reflet d’une silhouette qu’elle orne d’une robe longue - reflet d’un corps aux arabesques délicates et de membres parsemées de bijoux qu’elle a pioché si fièrement dans sa boîte de Pandore.  On ne le croirait pourtant pas si rongé par les maux qu’on déposé les précédents évènements et pourtant - ah ! Elle y essuie déjà une larme toute imaginée sur sa joue légèrement teintée.
Père rassurez-vous, je ne serai pas comme vous - jamais !

Mais il est temps que les serpents dansent entre eux et que rien d’autre n’opère que leurs propres sifflements. Les vipères ne s’entendent bien qu’entre elles, pas vrai ? Et alors qu’elle pivote les talons sur une table gracieusement décorée, c’est un des elfes de maison qui vient lui renseigner l’arrivée de son invité. Un allié en sommes, un écrivain à la plume peut-être indélicate pour certains ; c’est que Mnemosyne se ravit de son arrivée. Qu’elle s’empresse d’un pas vif de l’accueillir, coup d’oeil sur l’horloge qui indique une heure bien précise.
C’est qu’elle déteste les gens en retard - heureusement qu’il n’en fait pas partie.

Prestidigitatrice de la bonne conduite et des bonnes oeuvres, c’est un sourire sincère qui bénit son visage, et toute trace d’agacement quelconque s’il avait existé se serait aussitôt effacé.
— Quel plaisir de vous recevoir. Ornement d’une courbe incontestable, alors qu’elle le prie d’entrer, comme à son habitude. Qu’il était agréable de recevoir quelqu’un de son rang - ou presque ; car Mnemosyne n’est pas sans oublier ce sang perfide qui rugit dans ses veines. Quel odieux mélange ! Mais elle est prête à faire l’impasse sur ce malentendu, un petit instant. Vous êtes toujours le bienvenu ici, évidemment. Serpent chantant sans perdre une effluve de temps.
Pourtant ils auront bien le temps de se perdre en formalités.
— Je vous en prie, venez vous asseoir. Je nous ai dressé une table. En partie faux - car ce genre de tâches, elle ne s’en occupe pas le moins du monde, mais c’est tout à son affaire qu’elle s’occupe à d’autres. Elle est si occupée ; le monde ne l’attendra pas si elle est trop longue.
Et droite comme habile à son habitude, elle lentement se dirige vers une table où elle a déposé de quoi faire ; une porcelaine délicatement dressé et Mnemosyne prie à son hôte de bien ici trouver place, si le coeur lui en dit.

À son tour prend place face à son allié - sourire ornant son visage, Mnemosyne s’émerveille des réactions qu’elle provoque, elle était certaine après tout, d’être à la hauteur du jeune homme. Cela n’a jamais été relativement compliqué, mais elle s’était toujours assurée de faire bonne figure, même auprès de ceux qui semblaient valoir moins qu’elle. C’était par ailleurs toujours de cette même façon qu’elle l’accueillait, car les lions rugissent ensemble - il était de son devoir de s’assurer que tout cela s’arrange de la façon la plus parfaite.

— C’est la moindre des choses, vous savez. Sourire poli et malicieux aux lèvres ; ce genre de familiarités ne sont que trop ennuyantes et pourtant, elle prend toujours un malin plaisir à caresser ses alliés dans le sens du poil. Mais Declan serait sûrement totalement d’accord avec son point de vue - aussi grande soit elle, il est parfois impossible de ne compter que sur soi-même. Alors qu’elle lui laisse libre choix de toucher à tout ; comme à son habitude, car ce qui est interposé ici l’est bien évidemment pour lui - elle prend la peine de leur servir un peu de thé. Tout va pour le mieux ; rien ne saurait plus me ravir que de vous recevoir aujourd’hui ! C’est même un soulagement. Car le Ministère n’est sans doute pas un lieu de tout repos, et que Mnemosyne à ses limites. Les temps peuvent se montrer plus ardus que prévu, surtout en vue des évènements récents, et bien que ces derniers ne quittent jamais pleinement son esprit, Mnemosyne a rapidement compris que le temps ferait les choses.

Thé qu’elle affectionne particulièrement servi dans chacune des tasses, elle espère qu’elle saura ravir son invité ; mais après tout, n’ont-ils pas déjà tant d’avis partagés sur tout ?
— Comment vont les choses, de votre côté ? Qu’elle demande à son tour ; ouverte aux discussions, car il y en a très certainement beaucoup à dire. Et certainement beaucoup de venin à cracher, sur ce monde magique en déclin. Mais Mnemosyne est persuadée que comme elle a su ravir son convive d’attentions rigoureuses, il aura évidemment de quoi persiffler avec elle, après tout ; les serpents voient tout et entendent tout.

Mnemosyne a le sourire qui borde les lèvres, ravissant - persifflant. Contre les extrémités de sa tasse, ses ongles contre la porcelaine s’adonnent à une mélodie alors qu’elle écoute avec grande attention les railleries de son invité. Et c’est ce qui la ravit toujours si bien, cette longueur d’ondes qu’ils partagent. Il n’a pas de non-dits, pas de sourire jetés pleins d’empathie pour une communauté détestable. Mnemosyne détestait prendre des pincettes - elle détestait ces faux-semblants et ce faux progressisme. Tout était si hypocrite à ses yeux ; mais c’était galvanisant.

— Je croyais que ces fâcheux progressistes se suffiraient du peu d’audience qu’on leur a accordé fut un temps, mais misérablement voilà qu’ils se propagent comme la peste. Grimace, car le terme même et suffisant pour la faire tiquer - si seulement elle avait le pouvoir de bâtir un pays à son image, plus encore ; la communauté magique ! Ah, elle sera sans imperfections, à ses yeux. Pour son plus grand bien-être. Les bâtards sont donc si entêtés que ça. Ah - ne le prenez pas mal, je vous prie. Car le sang pur lui aussi se perd, mais Mnemosyne n’est pas méprisante au sujet de son partenaire ; il faut bien se montrer compréhensive après tout, cela ne doit de prime, pas être simple à vivre. Après tout, Declan n'est autre qu'un serpent persifflant à ses oreilles, et pour son plus grand plaisir. Il faut parfois faire des exceptions, mais Mnemosyne reste néanmoins persuadée que le sang pur est un signe d'une société qui jamais n'aura été basculée. L'entrée des non-magiques dans une société qui n'a jamais été établie pour eux était une grossière erreur.  

Cet inlassable désir de progrès les mènera à leur perte. Soupir las, quand elle joue de ses doigts entre ses mèches dorées. Les Hommes sont irrécupérables ; ils sont si naïfs et cupides. Quand elle les percevait au ministère, ils étaient semblables à des rats. À ce titre, ils pouvaient au moins se vanter d’être distrayant ; les idiots avaient toujours des centaines de raison de l’être - à les entendre. Et vous verrez - quand ils le comprendront, ils ramperont à nos pieds pour être sauvés. Mais ceux qui se complaisent dans des idéologies stupides ne peuvent être sauvés ; ils sont condamnés, chiens errants, à croupir dans l’obscurité - ombres des serpents.