Transplaner chez toi avait le désavantage de baisser les barrières, les sorts et leurs protections. Tes mains immédiatement levés s'en occupent alors que tu laisses Croyance se remettre de ses émois.

Mobby !

Avec un bruit sec, l'elfe de maison apparaît, te regarde avec un sourire. C'est presque un soulagement de le voir ici, toujours à tes côtés.

Je te présente Croyance, il est comme un fils pour moi. Il va rester quelques temps ici, mais il n'a pas le droit de sortir. Tu pourras t'en assurer ?

L'elfe hoche la tête et disparaît - les bruits dans la cuisine t'indiquent que tu l'as dérangé dans la préparation du repas.
Tes mains retombent, alors que tu as fini tes sorts - et tes yeux se posent sur Croyance, enquêteurs. Tout ce que tu as pu faire, c'est empêcher le transplanage - tu t'assurerais que la porte resterait inviolable aussi. Pour le reste, Mobby ferait l'affaire.
Il pouvait outrepasser ce genre de sorts, lui. Les avantages de la magie domestique.

Je tiens mes promesses, je ne t'abandonne pas.

Tu allais donc le garder ici. Chez toi.
Une demeure toute de sepia, de poussière et d'antiquités. Par-ci et par-là des touches de cuirs émeraudes ornaient les canapés et les fauteuils. Le bois était omniprésent - les livres aussi. Tous dûment lus et commentés sur des notes qui trainaient entre leurs pages.
Au moins, la luminosité était d'un agréable orangé, filtré par les grandes fenêtres donnant sur le musée.

Tu réalises soudainement que tu n'as peut-être pas fait preuve de beaucoup de tact.
Doucement tu te tournes vers lui, tendant tes mains, rangeant ta baguette.

Tu es chez toi, ici, c'est ma maison.

Tu ne t'approches pas, cependant - attendant de lui qu'il se calme, qu'il respire, qu'il prenne ses marques. Une légère odeur de nourriture te parvient et tu te dis, que ça, peut-être, ça pourra un peu plus l'apaiser.

Je suis désolé. Tu peux me détester, Croyance, mais je te l'ai promis. Alors non, je ne pourrais pas te laisser sortir d'ici. Cette pleine lune, tu vas la passer à mes côtés.

Un sourire navré, contrit.

Je sais que ce n'est pas ce que tu voulais. Pas comme ça. Mais c'est le seul moyen. Sinon... Je devrais effectivement te mettre derrière des barreaux.

L'honnêteté s'appelle à toi, Savoy, celle que tu refuses souvent d'écouter.

Mais j'admet que je n'ai pensé à ma position politique qu'après avoir pris la décision de t'amener ici. Je ne chercherai pas le pardon - seulement ta liberté.

Lente expiration. Très lente.

Tu as le droit à la haine.

Et pourtant, tu t'avances vers lui, viens le prendre doucement par le coude, le redresser. Tu restes prudent, précautionneux. Tu ne te méfies pas de lui, non, Savoy, tu sais mieux que ça que la menace, ce n'est pas lui. Ce que tu crains c'est les idées implantées dans son esprit, si profondément enracinées qu'il a tourné sa baguette contre toi.
Baguette que tu as laissée discrètement choir dans les oreillers en t'avançant vers lui. S'il récupère la tienne, il aura bien du mal à la contrôler.
Pas contre son propriétaire en tout cas.

J'ai une chambre d'ami que tu pourras prendre. Elle a une salle de bain attenante - une baignoire te convient, j'espère ?

Tu t'approches de lui en l'emmenant, réalisant que les odeurs doivent l'agresser - espérant que celle qu'il connait, la tienne, pourra le calmer un peu. Un minimum.
La culpabilité te dévore lorsque tu le mènes le long du couloir jusque dans la pièce agréablement nimbée de lumière. Était-ce ainsi que tu lui rendais la liberté ? En l'en privant ?
C'est trop tard pour expier tes péchés, Savoy. Tu as toujours réfléchi avant d'agir - et tu le sais parfaitement que la question était déjà réglée, dès l'instant où il t'en avait parlé.
Comment protéger une arme, après tout, si ce n'est en la gardant pour soi ?

Ce qui est bien avec ta culpabilité, Savoy, c'est que tu es le seul à pouvoir la provoquer. Toute tentative extérieure ne provoque pas grand chose chez toi, si ce n'est de la colère.
En l'occurrence, tes dents crissent alors que tu t'arrêtes dans la chambre, le regardes. Tes yeux restent doux malgré la fatigue que sa remarque te provoque. Et tu sais très bien qu'elle ne sera sûrement pas la seule.

Tu préfères une prison du Ministère lorsqu'on aura découvert que tu as été poussé à tuer des civils ?

Ton ton est calme. Plat. Une simple constatation, en fin de compte. Rien de plus. Pourquoi y aurait-il quoi que ce soit de plus ?
Tu te diriges vers la salle d'eau, en ouvres la porte, te tournes vers Croyance avec un regard attentif.

Je préfère ne pas te laisser seul dans l'immédiat.

Une grimace se dessine sur tes traits avant que tu ne passes ta main sur ton visage, expirant lentement d'une fatigue qui, à force, peine à être contenue.

Je sais que... ce n'est pas une solution idéale. Mais je l'espère temporaire. Tu t'es condamné, Croyance et je refuse de t'accompagner sur le chemin de l'autodestruction.

S'il pouvait se montrer aussi farouche avec d'autres, sûrement tu n'aurais pas eu à en arriver à la, Savoy. Mais qu'allais-tu donc faire maintenant ? Les enfants, c'était l'affaire de Maxine, jamais la tienne. Les créatures tu n'y étais généralement pas aussi attaché. Alors que faire ?
Peut-être commencer par mettre tes affects de côté, non ? Ne penses-tu pas que ce serait une bonne solution ?
Tant de bonnes choses sont nées d'égoïstes intentions. Tant pis si à la fin, il ne te considèrera plus comme son papa. Tu n'en avais jamais demandé autant après tout.
Tu ferais ton deuil - sûrement comme Oliver l'avait fait avant toi.
Brisait-il les coeurs des hommes comme il brisait les coeurs des pères ?

Joli français.

Il t'entraîne et tu te laisses faire. La nudité des autres hommes semblait être un sujet délicat en Angleterre, mais élevé d'un internat à un autre, aux douches communes, tu n'en avais jamais été embarrassé. Cela t'avait au final aidé - beaucoup de jeunes hommes comme Croyance se réveillaient nus dans les bois. Détourner les yeux par pudeur était toujours mal interprété par ceux qui cherchaient tout sauf le rejet.
Sur le corps de Croyance, les traces sont multiples. Tes yeux se plissent, les notent attentivement. Ce qui lui était fait, était d'une haute illégalité. Le responsable aurait à affronter la justice - tu t'en assurerais.
Mais sur le moment, tu ne dis rien. Tes bras croisés, ton corps nonchalement appuyé contre l'embrasure de la porte, tu restes attentif aux informations.
Et ton attente se voit récompensée. Un nom et un métier - deux informations précieuses. Il n'y avait plus de doute que tu avais pensé au bon Isaac dès le départ.
Isaac Jeremiah Walker.
Le sous-secrétaire d'état aurait des explications à fournir.

Je me suis parfaitement débrouillé avant que Mobby n'insiste à me rejoindre. Ce n'est pas mon elfe de maison, quoi qu'il en dise. C'est un ami, et j'aimerais que tu le traites ainsi.

Un ami qui de façon très têtue défaisait tes sortilèges de protection jusqu'à ce que tu acceptes de le garder à tes côtés.

Lui non plus n'avait pas voulu de mon aide au départ.

Un rire, ironique, alors que tu secoues la tête, passes une main fatiguée sur ton visage.

Je t'invite à lui demander. S'il ne t'arrache pas les tripes pour l'affront tu auras peut-être plus d'informations.

Finalement, tu t'approches, vient prendre la brosse pour la mouiller, t'accroupissant près de lui.

Tu serais venu si je te l'avais proposé ou aurais-tu essayé de m'oublietter encore ?

Un instant tu hésites - mais finalement tu décides que tant que tu ne le touches pas directement, ça devrait aller. Alors, savon mis sur la brosse, tu commences à lui frotter le dos - observant l'étendue des traces de magie noire pigmentant à jamais sa chair.

Tu es trop vieux pour être adopté. Et je ne t'aurais pas donné mon nom de famille, même si tu en voulais.

Haussement des épaules - tu ne réagis pas à ces brimades, indifférent. Il n'avait pas à t'apprécier pour ce que tu fais. Ce n'est pas nécessaire.
Et puis, les parents n'agissaient-ils pas souvent des façons les plus détestables pour le bien être de leurs enfants ?
Décidément, Savoy, tu ne voulais vraiment pas en avoir. Ne pas avoir adopté semblait avoir été la bonne décision.
Tu n'était visiblement pas un bon père du tout.

Tu te permets un soupir.
Toi non plus, tu ne le savais pas. Et le fait que tu en aies douté suffisait. C'était la preuve qu'il te fallait, après tout, non ? Que sa volonté ne lui appartenait pas entièrement.
Peut-être qu'au final elle ne lui avait jamais vraiment appartenu.
La brosse fait un bruit agréable sur sa peau, l'odeur douce du savon venant t'apaiser doucement. Tu réalises que tu as laissé ta veste et cravate chez lui. Qu'il lui faudrait des affaires, aussi.

Tu veux vraiment à ce point là que je t'embrasse, ou c'est juste la seule interaction avec les hommes que tu connaisses ?

Tu n'en avais pas la moindre envie. Tu avais l'instinct de le protéger, de le bercer et de l'apaiser, mais rien de cet ordre là. Les seuls baisers que tu pourrais lui offrir étaient ceux sur son front - mais il ne te laisserait probablement plus de sitôt faire cela. Tu avais joliment grillé votre relation sur une impulsion. Il était trop tard pour la réparer. Peut-être que ça servirait à quelque chose, au moins.

Non.

Léger soupir, tu rinces la brosse, recules tes doigts, t'écartes. Tes yeux se posent sur le miroir, affrontent ton propre reflet. Tu ne le regarderas pas, s'il souhaite se nettoyer en paix.

Je pense plutôt que nous sommes tous destinés à honorer nos propres noms. Je ne voudrais pas te donner le mien, car tu ne vivrais plus qu'au travers de lui. Je ne suis pas méconnu du public. Je ne voudrais pas que tout le monde te pointe du doigt en ne connaissant de toi que le nom de famille qui n'est pas le tien.

C'est une raison, en tout cas.

Léger amusement qui se peint sur ton visage, tu secoues la tête.

Dans ce cas pourquoi passes-tu ton temps à les quémander ?

Une idée fleurit dans ton esprit, alors que tu fermes les yeux, appuies ton crâne contre le mur derrière toi.

Si c'est pour me déstabiliser, ça ne marche pas très bien.

Légère expiration alors que ses murmures t'atteignent. Tu peux comprendre, la haine, la difficulté. Il ne se rendait pas la vie facile, comme si ce qu'il subissait déjà était insuffisant. Peut-être qu'il méritait la paix, mais il n'allait pas la chercher.
À vrai dire, tu avais même l'impression qu'il la fuyait.

Je sais.

Oui, tu le sais, Savoy. Que tes actes sont répréhensibles. Que les rares de tes décisions égoïstes, le sont à un point honteux. Que celles pour le grand bien en sacrifient beaucoup trop.
Mais quelqu'un doit faire ces choix. Quelqu'un doit décider pour les autres qui se terrent dans l'indécision. Quelqu'un doit se faire détester en sacrifiant quelques pour sauver tous.
Ce rôle, tu l'endosses depuis douze ans, si ce n'est plus. Que dire à ce moment là ? Que tu avais l'habitude ?
C'était faux.
Jamais tu ne te ferais à ces sacrifices nécessaires.
Et chaque instant avec Croyance te rappelait pourquoi tu n'étais pas censé t'attacher à quiconque. Vivre seul était plus facile. Sans faiblesses. Sans reproches. Sans douleurs ni trahisons.
Oliver t'avait condamné, semblerait-il. Tout comme il avait condamné son fils, bien auparavant.

Tu ne le regardes toujours pas. C'est à peine si tu l'entends demander. C'est à peine si tu l'écoutes demander.
Pourrais-tu le laisser sortir ?

La pleine lune est pour bientôt. Je te fournirais la potion demain - tu n'auras pas à t'inquiéter, elle sera efficace.

Un soupir alors que tu lui tends le peignoir accroché à la porte - toujours sans lui adresser de regard.

Tu demanderas à Mobby. S'il juge que tu peux sortir sans le fuir, sans aller voir celui qui te séquestre durant la pleine lune, alors tu pourras y aller avec lui.

Finalement, ton visage se tourne vers le sien, avec un sourire profondément triste. Tu commençais un peu à fatiguer - trop d'interactions sociales sur lesquelles tu te devais de réfléchir.

Si ta proposition tient toujours, je resterais avec toi tous les soirs, y compris celui-ci. Sinon, je te laisserais tranquille. La maison est grande, et ce n'est qu'une question d'une semaine.

Tu te détournes, avances vers la chambre. La buée s'est déposée sur la vitre que tu observes quelques instants.

Tout devrait être vite réglé.

Il t'approche, il te touche, et tu reportes ton regard sur lui. Patient, pensif, aussi perdu qu'il semble l'être. Tes doigts se lèvent, effleurent sa joue avant qu'il ne s'écarte et retombent, inutiles.

Comme ton sang n'a pas été versé ?

Ta voix suinte d'ironie, d'un sentiment autre aussi, que tu as du mal à identifier. Peut-être de la rancoeur. Tu l'ignores.
Mais perdu sur ce grand lit Croyance a l'air ridiculeusement petit.
Tes pas résonnent de tes talonnettes contre le sol, alors que tu vas chercher une brosse dans la salle de bain. T'asseyant derrière lui, tu saisis les longues mèches blanches humides pour les démêler.

Je te mentirais en te disant que je sais ce que je vais faire.

Tu l'ignores. Tu n'as pas encore eu le temps de consacrer ton esprit à cela.
Alors tu te contentes de rester avec lui, à ses côtés. De démêler ces mèches sauvages et insubordonnées.
Que vas-tu faire au juste ? Il semble qu'il n'a aucune volonté d'aller à l'encontre de ce Serment Inviolable pour lequel il a signé. Mais s'il refuse de témoigner, quelles preuves auras-tu de ce que tu avances ?
Aucune, et tu le sais bien. Manquerait plus que l'opinion publique pour s'en mêler et il serait encore moins à l'abri chez toi qu'il l'était chez lui.