Il est des silhouette que tu ne saurais oublier, des traits impossibles à effacer tant ils sont liés à des souvenirs profonds et voraces -bien moins fugaces que tu ne l'espérais. À des sourires, des joies, des instants simples en marge de vos vies d'enfants et d'adolescents torturés. Des trahisons aussi. Brutales et enfouies, refoulées pour ne plus y penser et pourtant toujours trop présents. Trop ancrés. Ineffaçables souvenirs qui te donnent la nausée et te font hurler de colère à l'intérieur alors que tu continues de t'y accrocher encore avec force.

Tu ne veux pas oublier Rose.
Ni l'amour ni la rancune.

Tu n'es pas faible au point de vouloir tout effacer, au contraire même, c'est bien pour ça que tu continues de t'approcher. D'avancer, suivre tranquillement aux sons réguliers de tes talons la silhouette jusque son refuge et tu continueras tant que personne ne t'arrêtera. Tu le hèleras avant, d'ailleurs, parce que personne ne doit t'arrêter. Pas aujourd'hui. Rose Reine Yelena Fawley, la plupart te connaissent sûrement à travers les journaux mais qu'importe. Tu as le droit d'être ici. Plus une sang-pur d'après les lois mais humaine toujours pas vrai ? Tu en profites comme tu le peux, avant de leur faire payer à tous leurs egos surdimensionnés.

— Sir Lestrange, comptez-vous vous arrêter un jour ?

De marcher, de fuir.
C'est que tu en as marre de le suivre finalement, alors à peine sortie de l'ascenseur, lui devant tout près, tu as décidé de mettre fin à tout ça.

Tu t'étais toujours prêtée à penser que si l'on t'avait crée avec un coeur c'est à lui que tu l'aurais confié. À ce grand homme aux cheveux de d'or aussi doux que rassurant que maman voulait te voir marier depuis l'enfance mais avec lequel tu t'amusais bien plus encore. Melchior dont la glace te transperce violemment sans que tu ne vacilles pourtant alors que tu cherches l'éclat de ses yeux. Rien qu'un signe qui puisse te raccrocher à ce que vous étiez autrefois.

Mais il n'y a plus rien.

Seulement du vide pour venir saigner des plaies que tu ne voulais pas revoir s'ouvrir. Que tu camoufles d'un sourire, l'air hautain volontairement surjoué.

— Tu devrais revoir tes manières, Mel. Elles manquent de chaleur.

La provocation du bout de tes lèvres pour le simple plaisir de te forcer un passage jusque lui. Il est des déserts qui te terrifient et si tu ne peux l'avouer à haute voix, tu sais que le sien en fait parti. Que si ton père et ton oncle t'ont fait perdre énormément en massacrant les Lestrange, Melchior est sûrement la plus précieuse de tes pertes.

((celle qui déchire le vide de ta poitrine))
Et c'est la douleur qui te ravage.

— Où bien tu n'es comme ça qu'avec moi ? Sans aucune raison, comme c'est désolant.

Des raisons par milliers il en a, tu sais.
Et toi, Rose ?

Toi tu n'en voudras jamais.

Tu ne veux pas céder. Tu ne veux pas car à chaque fois tu y songes tu te demandes ce qu'il resterait de vous si tu flanchais. Si tu faisais un pas en arrière, Rose, que se passerait-il ? Oh je t'en prie. Vous seriez foutu.


Il n'y aurait plus rien de vous, plus de Rose et Melchior.
Simplement Rose.
Et Melchior.

Tu n'es pas responsable des actes de vos parents, personne si ce n'est eux, ne l'est. Pourtant il t'en veut Melchior, et tu devines que c'est parce qu'il n'y a personne d'autre. Parce que tu es là, toi, tu prends ces coups qui ne font que vous déchirer un peu plus. Mais tu refuses d'en prendre plus. Alors que veux-tu. Que veux-tu Rose ? Un soupir pour passer légèrement ses lèvres, tu n'as plus vraiment la patience non plus. De faire semblant.

— J'aimerai discuter. (je viens en paix) Tu ne penses pas que l'on devrait discuter ?

L'hazel de tes yeux qui ne quitte pas les siens, tu sais qu'il en a conscience et c'est probablement pour cela -ou pour se débarrasser de toi plus rapidement peut-être- qu'il vous dirige jusque dans son bureau. Tu sens tous ces regards sur vos silhouettes, entends déjà les murmures par-delà vos épaules. Elle n'a pas honte ? Ils se connaissent ? Pauvre chef.. Pourquoi accepte t-il de lui parler d'ailleurs ? Elle n'a rien à faire ici. Et c'est là qu'ils se trompent.

— Tu ne m'invites pas à m'assoir ?
Drôles de manières.

Les sourcils légèrement haussés alors qu'après deux secondes de silence tu décides de retourner un fauteuil pour t'y installer tout en lui faisant face.

— Mel-

Son prénom qui se bloque dans ta gorge quand tu hésite. Tout se bouscule si fort dans ta tête, tu n'as pas l'habitude d'être aussi peu posée -d'avoir tant à demander que les mots ne parviennent plus à suivre le fil de tes pensées. Alors tu inspires doucement.

Tu ne veux pas le perdre.
Pourtant tu lui en veux pas vrai ?

De te rejeter.

— Je ne veux plus ni te ton silence ni de ton mépris, Mel. Je ne supporte plus.

C'est à croire que tu étais la seule à réellement te soucier de vos coeurs brisés.

— Alors exprime-toi.
Par pitié parle-moi.

Y a t-il seulement quelque chose à récupérer ?

Il a des mots auxquels tu t'attendais, des vérités que tu souhaitais entendre franchir ses lèvres une fois au moins, pour mieux les graver. Tu l'écoutes se confier comme une amie le ferait et tu comprends. Mais comprendre ce n'est pas accepter, pas vrai ? Tu fronces les sourcils, un peu. Il est si facile de s'aveugler à détester que Melchior le fait à la perfection. À croire que dans les drames de vos vies ce rôle avait été taillé exprès pour lui.

Une date.
Il avait rarement été aussi blessant.

— Rien ne sera plus jamais comme avant, Mel.

Les morts resteront morts, les coupables resteront coupables. Contrairement aux idées reçues, il est impossible de changer le passé. Tout du moins, sans créer de nouvelles catastrophes.

Tu le regardes de là où tu es assise, laisse un soupir s'échapper avant de continuer.

— Il ne sert à rien de regarder en arrière pour regretter, tu sais. Ce qui est fait est fait.

Et les mots semblent presque froids ainsi dictés mais tu n'as jamais été connue pour prendre de gants, ça n'avait jamais servi à rien jusqu'ici. Pourtant malgré la lassitude l'inquiétude est bien présente, pétillante dans le coin de tes yeux.

— Pourquoi refuses-tu de te pardonner ? Pourquoi refuses-tu d'avancer Melchior ?

Parce que c'est de ça dont il s'agit, pas vrai ?
De culpabilité.

Il sait. Il sait et pourtant c'est là que vous en êtes aujourd'hui. Tous les deux dans ce bureau à tenter de réparer le passé -tu sais pourtant que c'est impossible, et que tu n'es responsable de rien par-dessus le marché. Mais Melchior est cette âme qui est entrée dans ta vie au meilleur moment et que tu refuses de laisser s'échapper. Alors, quand il ose encore te blesser de ses vérités si cruelles tu exploses, dépassée.

— Je ne suis l'échec de personne, Mel ! De personne, est-ce que tu m'entends ?

Tu te lèves pour le rejoindre, ce Melchior plus grand que toi, pour le toiser d'un regard assassin. À côté tu sembles si frêle et pourtant à cet instant tu es bien la plus forte de vous deux. La colère dans tes iris comme pour le défier, tu ne bouges pas de face à lui, et s'il ose ne serait-ce que penser à s'écarter tu le retiendras de force.

Il suffit juste que j’oriente correctement ma haine n’est-ce pas ?

— Tu vaux mieux que ça. Et moi aussi.

Tous les deux. Pourtant tu sais à quel point l'exercice est compliqué, aussi long que fastidieux. Tu sais à quel point les chances de réussite sont minces, pour ne pas dire ridicules. Mais il le faut. Tu vas pour reprendre plus calmement seulement il te devance, et ce qu'il te dit te touche plus que tu ne saurais te l'avouer.
J'ai besoin d'aide.

Tu ne t'y attendais pas et la surprise te fiche quelques instants. Parce que tu sais que ce ne sont pas des mots lancés comme ça, tu sais que jamais sans doute il n'a su formuler une telle demande auparavant. Et c'est à toi qu'il le demande, Rose, toi son plus grand échec. (l'est-ce vraiment ?)

— Oui.

Entrouvres tes lèvres pour y échapper un petit soupir avant de chercher son regard. Il a besoin d'aide, oui. Tout le monde en a besoin un jour après tout. Alors doucement tu viens trouver ses mains pour les serrer légèrement. De ces pressions infimes mais si puissantes pourtant, qui veulent tout dire. Je suis là.

— Laisse-moi t'aider, s'il te plaît.

Et tu plonges tête la première encore une fois.