que la vie est agréable quand derrière soi on laisse les erreurs les rengaines les défauts et les amertumes d’aujourd’hui et d’hier. à ses bras, je pense au fait que nous n’avions rien en commun et que pourtant nos pas nous guident sur le même chemin – là où il y a alcool et beau monde.  

« une soirée comment ? » mon corps languissant flotte entre ceux des autres, je porte un doigt à mon oreille après avoir crié mes mots, drôlement amusée de faire la fille qui n’entend pas dans ce contexte. et j’en ris, tellement, lancelot, que je dois le laisser me guider aveuglement car je ne le lis plus, ni ne sait vraiment où je vais.  

enfin nous nous asseyons, et pendant un instant j’ai le regard rivé sur la foule en pleine fête. « lance- » mais en tournant la tête pour lui parler je remarque qu’il s’apprêtait déjà à me parler. « oh. eum. un verre de vin blanc pour commencer ? » je me penchai vers lui pour qu’il m’entende, aussi excitée qu’une adolescente ayant défié le couvre-feu de ses parents. « mais tu peux prendre la bouteille entière, je saurai la terminée comme une grande ! qu'est-ce que tu prends, toi ? » crier n’était pas une base aisée pour ma personne et j’avoue avoir un peu peur d’être ridicule à ne pas maitriser mon propre volume. ma proximité le derangea-t-il à force d'en abuser ?

il acquiesce, toujours poliment – comme une signature de grâce qu’on ne pourrait jamais soustraire à sa beauté. mes yeux sur sa personne j’ai comme l’impression de peser le pour et le contre ; mais c’est surement le désespoir d’être seule et l’envie folle de trouver un peu de chaleur qui me fait envisager mon ami comme une éventuelle aventure d’un soir. heureusement je ne suis plus cette jeune inconsciente en manque d’amour : et il y a un plaisir immense, aussi, dans l’amitié. c’est, je crois, ce qui m’a le plus manqué dans mon adolescence.

j'ai, sans l’aide de quiconque, commencé à me servir moi-même (sans omettre le second verre), et puis je trinque à notre santé sans attendre qu’il m’accompagne dans ma première gorgée.

« non, sauf si tu me colles aux enceintes ? » j’esquisse un sourire amusé, avant que mon regard ne dérive sur ces âmes qui dansent. « mais j’aime les lieux où je ne devrais pas être... » mais je ne saurai l'expliquer simplement – alors j’ampute l’expression de mes sentiments. c'est en observant les corps se mouvoir et l’expression de leur visage que je trouve comment imiter les valides. d'abord, c’est ma tête qui oscille lentement, alors je me lève de mon tabouret, le rangeant sur le côté pour doucement danser au bar. avec le temps, j’ai appris qu’il ne fallait pas forcément marquer chaque temps pour être en rythme, mais de bien compter les mesures. l’expression de mon visage témoigne d’une douceur effrontée, mais en ces lieux on ne m’en tiendra pas rigueur. « personne ne me soupçonne d’être sourde ; personne ne me parlera de ça. personne ne trouvera bizarre que j’ai le regard scotché sur les lèvres de tout le monde ; les gens articulent plus quand ils crient, en plus. ici vous êtes tous mes soumis, à vous plier en quatre pour que je puisse vous entendre : voilà pourquoi j’aime aller en boite. »

belle, somptueuse même ; mais petite ? je lui adresse un sourire amusé : le monde entier est à mes pieds, il l’ignore simplement. c'est un rire qui venu par la suite, pour le récompenser d’énoncer une vérité parfaite. lorsqu'il venu se joindre à ma danse j’ai su, précisément, à cet instant, que l’univers n’avait plus rien à nous offrir tant nous savons nous contenter de nous – individuellement et l’un de l’autre. alors elle a cette allure ci, l’amitié parfaite ? celle qui ne craint ni les tempêtes de colères, ni les pluies d’amour ; celle qui se suffit quitte à mourir et renaître cent fois ? ou bien n’était-ce que moi qui fonçait tête baisser dans une relation à l’image parfaite simplement parce qu’elle me fait rêver... et parce que je l’ai jalousée... oh, qu’importe : les déceptions aussi, avaient parfois de belles allures.

« je suis une femme, lancelot. j'ai juste à être jolie et à attendre : et ma nuit sera chaude. » je passe mes bras sur ses épaules, joignant mes mains pour qu’il ne puisse se soustraire à mon regard. « et comment ça chasse, un avery, en boîte ? » je fronce les sourcils, penche ma tête sur la droite.   « as-tu seulement le droit d’être en boîte ? je ne sais pas vraiment comment ça fonctionne, vos histoires de sang-pur... je reste loin de ça, en général. mais comment résister au capitaine des météorites... tu as dit que tu me raconterais tes aventures de lycée, d’ailleurs. » c’est qu’avec un verre seulement je commençais déjà à m’exciter à parler de tous les thèmes qui me faisaient envie – qu'il patiente encore quelques gorgées et nous aurions de quoi rebâtir un monde merveilleux. si seulement nous le pouvions vraiment... alors il n’y aurait plus cette tristesse mélancolique perchée à son regard. nos corps aussi proches, je ne faisais plus que chercher dans ses yeux, les raisons de ces peines dont il refusait de me partager le moindre mot. « d’où elle te vient, cette espèce d’aura à demi abattue qui se loge dans le fond de ton regard ? » promis, demain je dirai que je n'ai rien entendu.

c'est qu'il ne ment pas, le jeune avery, quand il prétend que son sourire est son arme, même si je trouvais que l'expression de son rire était l'apogée même de toute sa beauté. plus je me languis dans ses bras plus je me demande pourquoi cet homme n'est pas déjà marié et père de deux enfants ? après tout, les mœurs nous ont bien éduqué en nous convaincant que cet avenir était la définition de la réussite heureuse. une légère introspection sur moi même et soudainement je trouvais ma vie bien triste - une gorgée d'alcool et soudainement elle reprit tout son éclat.

et puis finalement, non, c'était son audace, sa confiance, l'ensemble de cette arrogance masculine et pompeuse qui façonnait tout son charisme. dans ce lieux où les classes sociales ne de dessinait plus il parvenait malgré tout à imposer toute l'élégance que son nom lui apportait, et ça, simplement en vivant - oui, lancelot était une créature divine pour qui les coeurs devaient aisément fondre, mais il y a cette noirceur qui le rendait si… peu réceptif à l'attachement.

je rigole quand son front de colle au mien. ma surdité ne cessait de se moquer de moi. de trop loin je ne peux lire sur les lèvres, de trop près aussi… comme si elle me forçait à n'écouter que ceux que je ne pourrais jamais enlacer. je me cambre alors, le visage en arrière, pour trouver cette petite distance qui donnait leur sens à ses lèvres qui me disent des choses.

j'ai déposé mon verre après l'avoir fini, tandis qu'il saisissait le sien ; notre cadence était différentes mais peut-être notre objectif était le même ? j'avais déjà oublié le mien. mes mains libres trouvèrent refuge sur ses joues, car je voulais encore et toujours me perdre dans la complexité de son regard.

« je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un parler du mariage de sa meilleure amie comme d'une source de tristesse… » sans pouvoir lui demander de tout me dire, je me contentais de mettre l'accent sur ce détail incohérent. mes mains glissèrent dans ses cheveux, que je tirai doucement en arrière. « je ne connais de complexités qu'en amour, tu sais. je ne crains ni ennemis, ni menaces - mais je crains l'amour. il.s me manque.nt » qui donc ? je glisse mes doigts sur les siens qui tiennent le verre, guidant le rebord de sa coupe jusqu'à mes lèvres. j'ai besoin d'oublier. « bois plus vite lancelot, je veux retourner au lycée. » je veux mes amours de jeunesse, ma naïveté d'autrefois. je veux que des mots sans conséquences sonnent comme des déclarations éternelles, je veux me perdre, ce soir, pour mieux profiter de demain. déposant une paume sur la courbe entre son cou et son épaule, et ma seconde contre sa nuque, je me suis penchée pour lui dire à l'oreille « emmène moi avec toi. » s'il pouvait errer où bon lui semble moi j'avais encore assez de lucidité pour savoir que le pouvoir d'un grand nom n'était pas si différent de celui de la séduction.

taquine et affamée ne définissaient que trop bien mon état, alors qu’il semblait toujours si raisonnable et parfait. la retenue était une valeur précieuse que l'on retrouvait dans les éducations millimétrées… du moins c’est ce que la vie m’avait laissé penser.

j’arbore un sourire qui laisse prétendre un rire intérieur ; con ? pauvre amie. j’ignore comme ça peut être dur, de voir sa connaissance la plus proche dévouer sa vie à une âme si ingrate que l’on peut la résumer si simplement par un mot pas très savant. mais il vient casser mon bonheur léger, celui qui se contente de se moquer du monde avant que sauvagement on ne juge le mien. je suis sotte. j’ai perdu mon combat : il n’a pas tort. mais dieu comme j’aurai voulu ne jamais l’entendre… alors nous y sommes, au lycée, lance ?

quand je virevolte le coeur lourd, inquiète intérieurement des choix qui me mènent sans que je puisse moi-même les guider ; pourtant je le laisse me faire danser, et ça, ça ne me dérange pas. mais ça me ronge, doucement, sa parole soudaine, cette histoire de bataille perdue. devrais-je trembler ? régis par l’alcool j’ai même oublié qui me manque ; ou bien avais-je peur de regretter le passé ? il me faut quelque chose pour me raccrocher au présent.

« lancelot »

je lui fais face, mes doigts serrés sur ses poignets non je ne veux plus tourner, j’ai besoin de son regard. ça serait mal, de l’embrasser ? est-ce que je veux son silence ? ou lui montrer que je ne tremble pas : me prouver à moi-même que je n’attends personne ?

mes mains se posèrent sur ses joues, il me fallait son regard pour ne pas me plonger dans le passé. je lui souris, parce qu’à le voir ainsi, contenu dans la paume de mes mains, c’est comme s’il ne pouvait ni m’échapper, ni m’ignorer : alors j’ai capturé le présent.

« lancelot, j’ai peut-être perdu cette bataille avec mon cœur mais je gagnerai toutes les guerres. » la voix portante parce que je sais que plus on nous entoure plus je dois me faire entendre ; et si j’ai ce talent pour lire les lèvres je pardonne à ceux qui hésitent pour me regarder dans les yeux.

ivre d’ego, d’alcool et d’espoir, je n’ai pas besoin de l’embrasser finalement ; c’est moi qui décide quels mots sont des fusils et quels silences sont des barrières.

« mais toi tu as perdu ta première guerre. »

car je me souviens comme mon étreinte à pu le bouleverser ; il me faut, en tant que véritable amie, lui rendre ses mots.

sous son emprise il prend sa revanche, m’enferme par son étreinte mais je n’aurai jamais fuis lancelot, il ne faut pas craindre ça. dans cette lutte étrange où nous pestons de peur d’avoir été tous deux de piètres soldats, dans le plus profond de nos âmes je n’ignore pas que nos combats ont été de lourds fardeaux. mais regarde comme nous sommes beaux ?

une tendresse soudaine, ses lèvres sur mon front. j’ai toujours cru que ce genre de baisers particuliers étaient réservés aux mariés graciés par la passion pure. mais il sait ce qu’il fait, pas vrai ? il sait.

il a conscience, que je pouvais fondre pour si peu.

c’est ce feu que je cherche en chaque corps, cette flamme qu’il imite mais qu’il ne me donne pas. peut-être pourrions nous nous duper à être ce que l’autre cherche, je n’en sais rien. mais ce soir il incarne une tendresse que je n’ai jamais eu, mais dont j’ai toujours rêvé.

« nous y sommes ? » ça y est nous avons à nouveau dix huit ans. j’erre dans les couloirs en espérant les prochains cours annulés car je me souviens d’à quel point ils étaient compliqué à suivre. j’ai à peine en tête le visage de mes professeurs, je prenais trop de temps à me concentrer sur leurs lèvres ou à regarder sur le cahier du voisin… mais dans ces longs couloirs quelques fois j’y voyais, mes amours de jeunesse. et, s’ils avaient sû, je suis sûre qu’ils auraient embrassé mon front comme il l’a fait ; ça m’arrache un sourire.

« y’a pas d’adversaire ici. » simplement nous deux. mon regard est malicieux, lumineux par l’alcool on y retrouve audace et folie, pourtant si je me souviens bien j’étais timide ? qu’importe. main dans la main je nous extirpe du beau monde, à la recherche d’un fragment d’avant. et le voilà !

la porte réservée au personnel. un coup de main sur la poignée mais elle me résiste, je n’hésite pas une seconde; « alohomora. ». un rire qui m’échappe, un nouveau souvenir retrouvé. on entre tout les deux dans la réserve, et mon dos contre le mur je le tire doucement vers moi. j’ignore si je pourrais revivre mon lycée plus de cinq minutes, mais je suis si heureuse de pouvoir y regoûter.

« bienvenue dans mon univers lancelot. » mes doigts se mêlent aux siens. « la première fois que j’ai fait ça, j’arrivais à peine à prononcer alohomora. »

la lumière s’invite et c’est vraisemblablement lancelot qui nous offre ce confort ; j’en souris. enlacée dans ses bras ça me donne envie d’y dormir sans plus jamais être lâchée, qu’une main toujours vienne agripper ma taille pour chasser la solitude et ses peurs loin de moi… sur la pointe des pieds j’essaye du mieux que je peux de tenir sans qu’il m’emporte avec lui, et à mon tour je l’enlace en nouant mes bras autour de son cou. mais cette étreinte n’est pas de celles qui mènent à plus charnelle ; non,

il y a quelque chose de triste dans la force qu’il met à me tenir.

« lancelot… »

j’ai envie de lui demander à quoi il pense, qui voudrait-il avoir contre lui de la sorte ; mais pourquoi détruire ce moment ? je lâche prise, pose mes mains sur ses épaules pour l’écarter, passant le bout de mes doigts sur ses joues dès l’instant qu’il m’offre à nouveau son visage.

« on peut y rester, jusqu’à ce que la réalité nous rattrape. » quand le travail viendra nous rappeler à l’ordre, quand les relations d’aujourd’hui viendront écraser celles d'antan. mais pour le moment je crois pouvoir faire en sorte que ce rêve n’appartienne pas qu’au sommeil.

« c’était avec owain. » et rien qu’à dire son prénom j’ai le visage heureux, le coeur plus léger ; alors j’ébouriffe ses cheveux à ma façon, l’envie maladroite de transposer ce souvenir à ma réalité. « il avait les cheveux plus courts, blonds, coiffés n’importe comment. le regard espiègle, le sourire ravageur. » selon mes mots j’ai caressé ses cernes, passé un pouce sur ses lèvres. « il m’a dit qu’au japon, dire que la lune est belle ça voulait dire je t’aime. et puis il m’a dit que j’étais vraiment très belle. » sourire mélancolique, je repose mes mains sur ses clavicules. « à l’époque je voulais archibald. c’était le vilain garçon, celui qui promet des merveilles en tendant les mains vides… j’étais si stupide lancelot. j’aurai dû choisir owain. mais j’avais peur des serpentards. » le monde aurait-il été différent ? moi qui suis si heureuse de mon chemin. « je n’osais pas grand chose auparavant. » peut-être que c’est ce regret qui a fait de moi l'entrepreneuse intrépide que je suis. ou peut-être était-ce l'alcool ; pour ce soir.

la main contre sa nuque, glisse dans ses cheveux ; et je me penche, sur la pointe des pieds. ça y est, j’ose ; et j’ai perdu à notre jeu. le bout de mes lèvres vinrent chercher les siennes.

stupide. au passé, pour que cela disparaisse dans l’oubli, parce qu’aujourd’hui je ne le suis plus - je ne le veux pas. mais il se corrige, l’adapte à mon présent, prétend dans un doute que ce qui m’a trahi dans l’enfance continue de me trahir aujourd’hui ; et comment répondre qu’il a tort ?

pourtant je n’ai pas l’impression d’être stupide. il ignore, je crois, comme la confiance écrase la honte - il ignore parce qu’il ne croit pas assez en lui, j’en suis sûre. lancelot a beau être grand, fier ; il est un homme qui aime. ça nous rend bête, d’aimer ; sauf quand on ose le dire à haute voix. mais il ne parle qu’avec sa tête, rarement avec son coeur - ce qu’il doit penser stupide chez moi c’est peut-être ce qu’il n’est pas capable d’accepter chez lui.

mes lèvres posées sur son doigt je n’ai pas quitté ses yeux, qui restent froids. j’ai le sourire qui s’étend, contre sa peau, j’accepte : dépose un baiser contre ce doigt qui me sépare de ses lèvres, puis reprend mes appuis contre le sol, droite, fière, prête à lire ce que j’aurai pu faire taire.

« tu me dis de courir après un amour de jeunesse ? »

je souffle, et le sourire grandit de lui-même. mes bras viennent enlacer sa taille, ma joue vient trouver les potentielles palpitations de son cœur. moi je peux parler les yeux fermés. « laisse aux bancs de l’école ce qui leur appartient. ce n’est pas parce que je suis sourde que je ne sens pas ton cœur battre, c’est parce que tu refuses de vivre dans le présent. » puis je lâche prise, cueille son visage entre mes douces mains. « de nous deux c’est toi le plus stupide, et tu le sais, pas vrai lancelot ? » c’est de la peur ? ou une illusion ? « moi je t’amène dans mes souvenirs pour qu’on en rigole, mais toi tu veux y rester. pourquoi as-tu peur de grandir ? » pense-t-il se tuer lui-même s’il disait au revoir à ce qu’il a eu, ce qu’il était ? « j’ai toujours été curieuse de toi. »

qu’il est doux, ce silence, quand mes yeux se ferment pour apprécier l’étreinte d’un homme. mais qu’il est effrayant, aussi. alors je me redresse, le regarde, lui, ses lèvres, ses lèvres qui toujours parlent pour égayer mon monde sans lumière. amoureuse par l’alcool, le regard tendre ; il est lancelot mais pour le moment il est tous les hommes que j’ai aimé, ceux à qui j’ai eu peur d'avouer, ceux que j’ignore encore. il est cet amour qui me fuit, il est ce dont je crois pouvoir me passer pourtant ce que je cherche dans chacune de mes rencontres. il est un fantasme et quand j’aurai décuvé, il redeviendra lancelot — l’ami qui jamais n’aura céder à ma faim.

enfin, il parle. et j’en ris, parce que c’est vrai : curieuse de tout. je veux éradiquer les non-dits, faire disparaître les chuchotements, que ne naissent plus jamais une seule parole dans mon dos… je veux savoir parce que je n’entends pas les ton de voix qui expriment plus que les mots. je veux, parce que j’ai peur. mais tu le sais, lancelot ? tu t’en doutes.

« tu dis de ces conneries ! » mots perdus dans une rigolade.

quel luxe as-tu capitaine, de te plonger dans le noir, quand moi je dois perpetuellement garder les yeux ouverts pour n’ignorer personne. « je ferai rien. » ne t’inquiète pas.

et je caresse ses joues, replace derrière ses oreilles quelques mèches qui n’ont pas besoin de mes services, m’improvise le contact doux et chaleureux que l’on espère avoir sans oser donner de nom. « tu verras, lancelot. » je récupère l’une de ses mains pour la serrer dans la mienne. « la chute n’est pas si terrible. » on se relève toujours d’un amour qui meurt. les fleurs ne fleurissent pas qu’une unique fois. « je peux dormir chez toi ce soir ? » garder ta compagnie, ta chaleur, ta présence. lui associer le nom d’un autre, croire en un rêve. ne pas être seule. pas ce soir. « je veux juste dormir dans tes bras. » me sentir aimé, faire honte au passé. prévenir l’avenir, aguicher le prochain. je veux goûter à la complicité pour être sûre de savoir la trouver chez une âme qui voudra de moi. « tout ira bien pour nous… » d’un sourire heureux, pour que ses paupières le laissent observer l’optimisme soulé. celui qui loge dans les verres mais qui survit dans le sang et dans le cœur. « lancelot. » regarde moi et apprécie la vie qui nous a été donnée.

tombent des non, enrobés de leur peur, de leur souvenir nacrés, de leurs failles brûlantes, de leur sérieux déconcertant. tombent les refus au bonheur, les claques sur la paix, les cauchemars sur les rêves. lancelot se cajole tout seul dans tout son mal être et mes beaux yeux jamais ne sauront le dévêtir d’autant de noirceur ; je le vois, je le sais. il souffre, il a le cœur qui s'effrite et ses doigts ne peuvent retenir les miettes qu’il laisse derrière lui.

front contre front deux âmes en peine pourtant le reflet n’est pas le même. je le regarde, sans arme, incapable de le défendre du moindre des remords qui se faufile dans ses beaux yeux. alors il a choisit la douleur pour femme ? grand bien lui fasse. moi je préfère la chaleur.

« toi tu ne peux pas. » une bise sur sa joue après que la lumière nous découvre, je serre ses mains dans les miennes comme pour une dernière étreinte. je suis sourde à l’abandon, et je ne coulerai pas avec toi.

derniers mots échangés et je nous sépare, rejoint ce lieux où traînent tous les corps, ne perd pas une minute avant de danser au creux de la foule. c’est ici que réside tout le bien, c’est ici que l’on existe à cent et pas tout seul. c’est bel et bien là que je voulais crever cette nuit, pour renaître heureuse demain.

si ce n’est pas dans les bras de lancelot que ma nuit sera bordée ce n’est pas grave — les bras de n’importe qui feront tout aussi bien l’affaire ; parce qu’à mon cœur ils ne représentent que les bras d’une seule personne.