Le portable vibre et tu passes d’un écran à l’autre. Une pression du pouce sur la manette pour mettre le jeu en pause ; tu ne passes pas un très bon moment. Aimer les jeux à la difficulté corsée te laisse parfois dans le regret d’y jouer lorsque se succèdent échecs et frustrations.

Pourtant ça ne se lit pas sur ton visage, l’agacement est quasi imperceptible tant tu restes stoïque. Néanmoins si l’on observe bien, on voit parfois tes doigts se crisper et l’on entend des soupirs plus appuyés que d’ordinaire. Il n’existe rien d’ostentatoire chez toi, Himeka… à part ta violence. Les émotions sont silencieuses, même les expressions faciales éphémères sont discrètes.

Tu es une créature qui n’a jamais appris à affronter ce que tu ressens. Pas assez pour le montrer. Personne ne sait si tu es heureuse, si tu souffres ou si tu as envie d’arracher la tête de ton prochain.

Deux messages apparaissent sur l’écran du pineapple. L’un provenant d’Akane, la petite sœur qui ne sait passer une journée sans prendre de tes nouvelles ; l’autre de Tallulah. Tu ne peux t’empêcher à chaque fois qu’elle te contacte de compter dans ta tête depuis combien de temps vous vous côtoyez.

L’une t’annonce une nouvelle qui t’agace, l’autre panse les plaies ouvertes en t’invitant à manger. Au final tu t’énerves auprès des deux, sauf qu’une débarque dans 20 minutes et l’autre ne risque pas de revenir t’embêter avant… le lendemain comme à son habitude.

L’arrivée imminente – quelque part salvatrice - de l’auror te force à éteindre ta console ainsi que la télé. Une main fougueuse vient caresser la fourrure de ta chienne qui est sagement allongée sur le canapé. Quant au princier félin à la robe azuré, allongé également sur le sommet du meuble, tu le vois qui dort alors tu ne le déranges pas.

Les minutes passent vite, tu as à peine le temps de te préparer qu’elle fait son arrivée. Tu l’accueilles avec un semblant de sourire, efficace et réservé, juste de quoi lui faire comprendre que tu es contente de la voir. Tu repenses quelques secondes au chemin parcouru depuis ton enfance et l’immense travail abattu pour voir en elle le visage d’une amie plutôt que son contraire.  

Pourtant tu ressens toujours cette présence, cette ombre qui plane au-dessus de toi. La haine de tes parents qui te hante ; si bien que tu ne sais toujours pas si tu t’en débarrasseras pour de bon un jour. Au moins, aujourd’hui tu penses par toi-même, c’est déjà un grand pas.

Loin d’être démonstrative dans tes salutations, Ume la Shiba elle, sait comment l’être. Elle bondit de son assise et se rue sur ton invitée. Même sans parler, elle était plus expressive que toi, un comble. Mais lorsqu’elle s’agite ainsi tu la rappelles à l’ordre, lui montrant qui est sa maitresse :

─ Eh, regarde ça. Que tu dis à la jeune femme avant de te tourner vers l’animal. Puis tu frimes un peu : Ume ?! Assis ! Elle s’exécute et tu lui caresses le sommet du crâne en la flattant : c’est bien, gentille fifille. Maintenant, couché ! Tu rencontres moins de succès cette fois cependant. Spontanément la déception s’affiche sur ton visage, que tu tournes vers l’auror avant de conclure : il y a encore du travail, mais ça viendra.

Quelques pas pour l’accompagner dans le salon, vous êtes suivies de près par l’animal ; sous le regard attentif et curieux du félin – Aoba - qui vient de se réveiller. Il bâille, mais ne bouge pas d’un poil. Lui ne vient accueillir personne, ne vient demander de l’affection à personne, sauf sa maitresse parfois.

─ Fidèle à lui-même le matou. Installe-toi sur le canapé, tu veux boire quelque chose avant que je m’y mette ? Comment s’est passée ta journée ? Tu demandes, machinalement. Tu te surprends encore d’être si à l’aise en sa présence… alors que vous vous connaissez déjà depuis plusieurs années.

Tes yeux et ton esprit voient une alliée, ton cœur a parfois des relents de méfiance et d’appréhension. Haines et rancunes sont tenaces lorsqu’elles sont enfouies si profondément en soi. Ce n’est pas un déclic qui t’aide à guérir… mais une lutte de tous les instants.

Lutte perpétuelle.
Une Senjōgahara jusqu’au bout des ongles.  

Tallulah a bien des qualités, tu apprécies tout particulièrement sa franchise. Similaire à la tienne bien que tu puisses te montrer plus directe, plus brute dans ta façon d’exposer tes vérités. Les tiennes sont dénuées d’artifices. Tu dis ce qui est, ce que tu vois, tu constates. Les faits.

À défaut d’avoir raison, tu en es persuadée. Il est difficile de détourner quelqu’un comme toi de ses pensées, ses convictions. La seule raison pour laquelle l’auror se tient dans ton salon, assise sur ton canapé, c’est parce que ce n’est pas impossible de te convaincre. Les arguments doivent être à l’épreuve de tout questionnement.

Tu gères suffisamment d’ambiguïté dans ton travail, tu l’exècres dans ta vie personnelle. L’auror a bien du mérite d’être considérée comme une alliée. Lorsqu’elle admet ses piètres talents de cuisinière, un sourcil se hausse. Tu t’interroges avant d’exprimer tes doutes à voix haute :

─ Tu… tu ne cuisines pas ? Impossible de retenir l’écarquille de tes yeux, pas plus que ce regard en biais alors que tu te plonges dans une réflexion de quelques secondes, sautant aux conclusions : ça veut dire que tu ne manges pas ? Ou mal ? Tu réfléchis aux alternatives et notamment celle que Lulah préconiserait la connaissant. Puis ta tête se mit à dandiner d’elle-même sans que tu puisses te contrôler, une main qui vient se poser sur ton visage consterné. Ah… je vois où ça nous mène tout cela.

La modernité du monde dans lequel vous vivez lui permet toutefois de manger ce qu’elle veut, du moment qu’elle est prête à mettre le prix.

─ Tu m’étonnes que tu m’invites manger au restaurant plutôt que chez toi. Puis cette œillade, vive, furtive, presque honteuse. Tu ne sais exactement combien de secondes passent pendant que tu la détailles de tout son long, tu n’en as pas conscience, ou bien tu préfères ne pas y penser ? Tu penses que les propos qui viennent restent coincés dans ta tête, mais non, ils sont prononcés à haute voix : ça ne t’empêche pas d’être en forme et bien proportionnée. Tu as un autre mot en tête, mais jamais tu n'oseras le prononcer.

L’invitée se contentera de regarder. Encore heureux. Tu ne conçois pas jusqu’à l’idée de lui demander de l’aide. Point de remise en cause de ses talents en cuisine – ou leur absence en l’occurrence – mais bien de l’hospitalité qui est la tienne. Impensable de lui demander de mettre la main à la pâte. Tu es presque vexée qu’elle l’insinue à demi-mot.

─ Je m’occupe de tout. Tu es mon invitée. Tu lui rends son sourire et tu l’écoutes attentivement alors que tu te sers un verre de whisky nippon aux effluves miellés. Surprise lorsque ses cheveux se carminent, oubliant une seconde son unique don. Un regard à mi-chemin entre curiosité et émerveillement. Ce petit tour de passe-passe qui t’amuse toujours autant.

Elle est concise et efficace. On peut croire que son avarice verbale est un problème… pas quand on la connait comme toi tu la connais. À ton instar, Tallulah sait exprimer beaucoup en parlant peu. Le fruit d’années passées à la côtoyer que tu récoltes chaque fois que tu discutes avec elle.

Elle parle d’elle, puis demande implicitement sa réciproque lorsqu’elle te questionne. Tu baisses les yeux, gênée. Non pas que tu ne peux pas lui offrir la pareille… mais tu es contrariée. Et tu n’aimes pas le montrer, encore moins l’exprimer.

Souffrance est chez toi synonyme de silence. Mais tu expies toutefois ce qui te tracasse, car tu as confiance en elle ; elle mérite que tu lui parles de ce qui ne va pas.    

─ Je… je ne pense pas trop aux événements récents. Mes yeux sont tournés vers mon pays… où mes parents mènent une campagne pour me discréditer aux yeux de tous. As-tu seulement conscience de la venimosité de leur poison ? Je ne me rappelle pas te l’avoir dit, mais ma mère est moldue, travaille dans la politique et souhaite être élue Premier ministre. Mon père, ministre de la magie. Leurs ambitions n’ont aucune limite… de même que leur volonté de médire sur moi à la moindre occasion.

D’un geste, tu attires ton téléphone vers toi, recherche les articles de presse sorciers qu’Akane t’a envoyé… et tu dévoiles toute l’ignominie de ton géniteur, tendant l’appareil à ton amie pour qu’elle s’en saisisse. Tu plonges ensuite ton visage dans tes mains, quelques secondes qui ont l’air d’une éternité.

Tu te demandes encore comment vous en êtes arrivés là. Et les événements d’il y a trois ans qui refont surface tordent ton visage dans tous les sens. Mais ça tu refuses de le montrer.

Pas même à elle.  

Tallulah a un mérite ; un que tu sais reconnaître sans même oser le contester. Elle sait trouver les mots. Pas ceux que tu veux entendre, ceux dont tu as cruellement besoin, que tu ne sais pas réclamer. Non, que tu ne veux pas quémander plutôt.

C’est dans ta nature, Himeka. Tu ne cries pas au loup, tu ne demandes pas d’aide. Tu t’enfermes dans un silence de mort pendant que ton regard hurle cette vérité que tu ne sais pas avouer ; même à une amie comme elle. Tu as conscience que l’auror est habituée depuis. Tu redoutes donc d’affronter son regard parce que tu sens qu’elle peut lire en toi si elle le désire.

Tu te caches donc derrière tes mains, tu réprimes parce que tu crois qu’à force tu parviendras à supprimer. Mais c’est impossible. Cela va d’ailleurs à l’encontre de tes propres principes, pas ceux qu’on t’a inculqués de force ; ceux que tu as toi-même forgés. C’est un comble de te voir fuir tes propres idées par peur de les assumer. Tu vivrais tellement mieux si tu étais capable de montrer ce que tu ressens sans artifices.

C’est ce que tu désires sans être capable de le faire. Il y a certains qui ne cherchent pas à aller plus loin que tes silences, ils s’en contentent. Il y a ensuite Tallulah. Qui fragilise le masque que tu portes sans avoir été jusqu’à le briser. Elle en est si proche pourtant.

Si proche qu’elle finit par y arriver petit à petit. Surprise de la voir soudainement se saisir de tes mains ; tu ne peux plus te cacher. Que faire ? Rien. Tu restes paralysée. L’intensité de son regard force tes obsidiennes à la fixer dans le blanc des yeux. Tu lui dois bien ça. Elle qui s’est armée de patience pour en arriver jusque-là. Tallulah remporte une nouvelle bataille ; tu es heureuse d’échouer, heureuse d’être sans défense, malgré le silence, malgré le facies stoïque.

Tu écoutes religieusement ses paroles pendant que sur tes traits s’esquisse ce qui ressemble à un sourire ; la reconnaissance qui se lit dans ton regard presque larmoyant. Tu as peur de te dévoiler, mais tu fais face à cette angoisse pour elle, pour ton amie.

Mais ce ne sont pas des propos mielleux qu’elle t’offre. Elle ne te caresse pas dans le sens du poil non plus. Elle t’imite : franche, directe, sans ambages. Oh… elle te connait si bien ça en devient presque effarant. Elle sait beaucoup, mais pas assez à ton goût. Himeka… tu dois rectifier le tir.

─ Je n’ai pas besoin de ce pouvoir qu’on me donne, Lulah. Je n’en veux pas. Tu n’es pas comme eux, toi. Tu ne te nourris pas de la même chose que tes géniteurs. Tu ne partages pas toutes leurs idées, encore moins leurs ambitions. Toi ce que tu as toujours voulu c’est : je veux une vie normale. Loin de tout cela. Loin de la mégalomanie qui tue l’empathie. Je suis coincée entre ce que je veux et ce que je sais que je n’aurais jamais. Mes parents ne changeront pas. Je dois vivre avec ça.

La frustration se lit sur ton visage, que tu gardes tourné vers elle. Tallulah exprime une vérité qui se confronte à la tienne. Tu ne peux échapper à l’une comme à l’autre. Un soupir s’échappe du bout de tes lèvres alors que ta main passe dans ta chevelure ébène.

─ Je ne supporte plus ce que je ressens, Lulah. Ces émotions me font mal. Parfois je me dis que… je voudrais y mettre fin. Tu fronces les sourcils, consciente que tes propos peuvent être mal interprétés, tu reprends donc, calme, douce voix contrastant le chaos émotionnel dans lequel tu es plongée : mais c’est ça la vie. La peur, la colère, la haine, le désir, l’amour… si j’arrêtais de ressentir ces émotions, ça équivaudrait à mourir. Alors quand je sens que je ne peux plus les contenir, je… tu serres le poing, tu le lèves tout en fixant ton amie ; je serre mon poing et j’envoie tout ce que je ressens dedans pour m’en débarrasser de la meilleure des façons que je connaisse.

Un regard vif, vers le sac de sable trônant en plein milieu de ton salon. Tallulah doit se douter qu’il n’est pas là pour faire joli… mais jamais elle n’a pu voir ce dont tu es capable. Car cette violence ostentatoire qui s’oppose à ces émotions discrètes et fugaces, c’est bien là l’un de tes secrets les mieux gardés.

─ Je vais te le montrer… mais pas le ventre vide. Va mettre la table et donne à manger à Ume et Aoba. L’ordre est doux, mais l’impératif n’en est pas moins péremptoire. Et puis ça lui donnera l’occasion de s’occuper de tes précieux bébés, une marque de confiance en plus. Toi tu t’affaires à cuisiner ce qu’elle désire, allant même jusqu’à demander ce qu’elle préfère ; l’hospitalité nippone dans toute sa splendeur. Avant le clou du spectacle.

C’est ainsi que tu te libères de ta frustration, Himeka. Depuis ta plus tendre enfance, depuis les premières leçons des différents « sensei » comme on le dit chez toi. L’idée n’est pas venue de toi, mais bien de ta génitrice moldue. Elle voulait que tu saches te défendre.

C’est aussi une façon de garder le contrôle : l’abandonner. Mais pas n’importe comment, bien sûr que non. Car même l’explosion est canalisée pour ne pas heurter ceux que tu veux protéger. De là à dire que tout est millimétré… c’est faux. Mais au final, comme addiction, ça reste sain. À part la cigarette ou l’alcool, tu n’es pas soumise aux vices. Tu les utilises plutôt que de les subir. La nuance est importante.

Certains diront que ce n’est pas assez, qu’au final tu n’es pas totalement libre. Mais ce n’est pas ce que tu recherches. Tu préfères une liberté conditionnelle que totale, de quoi garder les pieds sur terre. Tallulah quant à elle, se réjouit déjà d’en être témoin, sans même envisager un seul instant qu’elle ne sera pas spectatrice de ce moment… mais qu’elle aura bien un rôle à jouer.

Le genre de surprises que tu sais tenir. Une fois le repas concocté, vous vous installez à table ; tu lui souhaites un bon appétit dans ta langue natale et comme toujours avec tes invités, tu les laisses commencer et te dire si cela leur plaît avant d’attaquer ton plat. L’hospitalité dans toute sa splendeur.

Anticipant des questions qui pourraient tomber d’un moment à l’autre, tu prends la parole, tu t’ouvres davantage, sans une seconde d’hésitation :

─ Comme tu dois le savoir, ma mère est moldue. Elle lorgne sur un poste au gouvernement… le plus ambitieux, évidemment. Depuis que je suis petite, elle souhaite honorer les traditions et la devise de notre famille, pour complaire à mon père. Il faut bien lui reconnaître une chose… elle joue son rôle d’épouse à la perfection. À cette pensée tu ne peux réprimer cette petite grimace de dégoût sur ton visage. Comme mon père, elle souhaitait que chaque enfant Senjōgahara apprenne à se défendre, fille ou garçon, aucune importance. Que je sois la « belle princesse » de leur progéniture ou non ne me prohibait en aucun cas des enseignements de mes maitres, c’était même plutôt l’inverse. Ils étaient sans pitié.

L’épiderme recouvert d’hématomes après les leçons, les os fragilisés, parfois brisés ; tu n’as eu aucun répit, Himeka. En tant qu’ainée, tu es celle qui aura tout encaissé sans broncher. Mais plutôt que de subir, tu t’es servi de ça comme une force, une façon de t’endurcir. Car tu savais qu’un jour… tu ne serais plus celle qui encaissera les coups, mais qui les distribuera. Les yeux dans les yeux avec ton invitée, tu reprends avec un enthousiasme nouveau :

─ Qu’est-ce qu’un sorcier sans sa baguette ? Quand il en est dépossédé, que peut-il vraiment faire ? On m’a appris à considérer la baguette comme un outil, que ma véritable force venait de moi-même, de mes muscles, mon esprit. Notre force, vient de là… dis-tu posant la main sur le haut de ta poitrine, comme pour marteler cette idée dans la tête de ton amie. C’est peut-être cliché… mais ça n’en reste pas moins vrai. J’ai abandonné l’idée d’encaisser les coups sans les rendre. Et je me sers maintenant de ce que j’ai appris depuis toute petite… pour me libérer de ce que je n’ai plus la force de canaliser.

Une bouchée de ton plat, une gorgée de ton verre, tes obsidiennes rivées sur l’auror. Tes intentions sont claires ; Tallulah n’a pas caché l’envie de te voir à l’œuvre… elle ne sera pas déçue.

─ Je serais toi, je me préparerais. J’ai accumulé beaucoup d’énergie et de frustration, plus que je ne peux contenir. Tu es prévenue. Si tu souhaites fuir… c’est maintenant ou jamais.

D’ordinaire, c’est l’auror à la chevelure écarlate qui mène les échanges. Tu es plus dans la réaction que l’action, Himeka, du moins lors d’une conversation. L’initiative est timide, timorée. Tu n’oses pas t’imposer, par politesse, par respect ou par crainte.


C’est bien grâce à Tallulah et cette atmosphère qu’elle crée qui te permet d’être si confiante à l’idée de t’ouvrir davantage. Il faut plus d’un assaut pour faire tomber ton armure et ça, elle l’a bien compris. Elle aura été patiente et elle est aujourd’hui récompensée.

Tu aurais eu du mal à envisager cela quelques années auparavant… mais la jeunesse n’est pas synonyme de sagesse, loin de là. L’âge fragilise peut-être le corps, mais il aiguise aussi l’esprit. Surtout le tien. L’expérience est un atout glané grâce à l’enthousiasme, la fougue et l’avidité d’apprendre d’une tête toute fraiche ; comme l’était la tienne à une époque.

Affranchie de l’emprise de tes parents, tu réfléchis par toi-même, bien que les séquelles de ton apprentissage subsistent encore. Peut-être même que tu ne te débarrasseras jamais de tout ce qui t’a été inculqué. Mais aujourd’hui tu peux le dire, l’affirmer haut et fort : tu décides de ton destin.

Tu es maître de tes actions, comme ce sourire mutin qui s’affiche sur ton visage. Discret et éphémère certes, mais l’œil perçant de ton amie ne le manquera pas. Tu le sais bien, tu la connais à force.  Toi c’est la réplique que tu n’ignores pas, tu rebondis dessus à la seconde où ses mots viennent à tes oreilles :

─ « Toujours prête. » Mon père adorerait entendre ces mots. C’est un précepte qu’il prônait sans arrêt. Mais être préparé, ce n’était que la partie émergée de l’iceberg. Derrière il y a tout le reste. Anticiper la prochaine action, toujours avoir un coup d’avance, ne jamais rien prendre pour acquis. En y repensant… il nous éduquait comme un général qui formait ses troupes pour le combat.

Et ceux que tu livres sont douloureux certes, mais l’enrichissement n’est pas négligeable. Les mirettes noires valsèrent sur ta chienne, puis de nouveau sur l’auror ; elle semble ravie de découvrir de nouvelles facettes de toi, pendant que tu cherches à la rendre un peu plus loquace :

─ Te battre ? Vraiment ? Tu ne vas pas me dire que tu n’as jamais de paperasse à faire ? Si c’est le cas, l’injustice est totale, car moi j’ai l’impression de ne faire que ça. Remarque… lorsque j’assistais les ambassadeurs avec lesquels je travaillais, c’était le même combat.

Un soupir, une caresse sur la tête de l’animal qui profita de croiser ton regard pour se frotter à ta jambe. Tes obsidiennes pour flatter du regard Ume qui manifestait son contentement d’être choyée, puis le regard bascule sur ton invitée, le ton plus sérieux, le visage plus fermé :

─ Merci d’être là, Tallulah. D’être là pour moi, de me donner ton amitié. J’ai… j’éprouve toujours autant de difficulté à le manifester, mais… je… je veux que tu saches que t’avoir dans ma vie est une véritable chance pour moi… d’une certaine façon, c’est même inespéré compte tenu de mon passé, des idées qu’on a plantées dans mon crâne comme des clous. J’ai de la chance de t’avoir.

Puis ton regard fuit, il cherche quelque chose à fixer sans trouver. Cette déclaration vient un peu de nulle part, semble presque injustifiée. Mais ça ; comme le reste, ça a le mérite d’être là.