La Saint-Valentin. T'as toujours détesté cette fête. Pas parce que tu la trouves objectivement nulle - mais parce que t'es ce célibataire aigrie qui supporte pas de voir des effusions d'amour quand toutes les filles que tu fréquentes finissent constamment par te lasser au bout d'une semaine à peine. Alors prôner les bienfaits de l'amour quand on y croit pas c'est compliqué d'être crédible. Si Blair, lui, croit surtout en toi, c'est ton jeu d'acteur qui va faire la différence aujourd'hui.

Tu te rends sur le lieu du shooting, en plein centre de Londres. Des studios réservés à la production magique, y'en a pas cinquante dans Londres. Mais cette publicité sera diffusée sur le magicnet seulement - les moldus ne connaissent pas Icare, un sportif de Quidditch à la renommée mondiale. Toi oui par contre, tu peux que le connaitre, c'est un de tes premiers amis depuis que t'es arrivé en Angleterre.

— « Hey Icare. Ça va ça baigne ? »

Qui lui dit que c'est toi qui a insisté pour qu'il soit sur le projet ? T'as du faire un caprice à Blair pour qu'il propose au directeur artistique de le caster lui et pas un autre.
C'est con et surtout compliqué d'expliquer ; mais t'aurais pas supporter un autre aujourd'hui. T'es d'humeur massacrante.

— « Ouai c'est drôle ouai... »

Rictus en coin. Icare et le premier degré c'est ça l'histoire d'amour du jour. Tu glisses ta main sur son épaule, lui tapotes le dos comme si vous étiez des amis très proches. Tu te permets d'être tactile parce que tu sais que ça le gêne pas.

— « Écoute je suis crevé mais sûrement pas autant que toi. Apparemment tu t'entraines dur pour les matchs de cette saison. T'as intérêt à gagner parce que sinon t'es privé d'invit' VIP à nos rassemblements ok ? »

Tu te diriges vers les loges ou des portants de vêtements sont installés. Tu commences à fouiller pour dénicher la tenue parfaite, alors qu'une maquilleuse rode autour de vous.

— « C'est quoi l'idée ? Toi on va te mettre torse nu pour faire télécharger witcher aux minettes qui voudraient que leur homme ressemblent à ta parodie de sportif ? »

Charmant, toujours charmant.

Y'a quelque chose de stimulant avec Icare. Il n'arrête jamais de sourire, quoi que tu puisses dire. Ça te fait pousser des ailes Zadig, c'est aussi putain de dangereux - parce que tu te retiens de déraper. A force de tout encaisser, il va y avoir un jour où tu vas vraiment lâcher une dinguerie que t'auras laissé échappé. Et ce jour-là t'es pas certain qu'Icare soit vraiment prêt à te pardonner.

— « Un peu oui que ce n'est pas de tout repos. »

Faut dire qu'en ce moment Zadig tu dors pas beaucoup, tu enchaines les soirées la nuit et les projets le jour. Ton teint en a pris un sacré coup et la maquilleuse grogne quand tu t'assois devant le miroir et qu'elle doit couvrir tes légères imperfections. Ça c'est le stress et l'alcool pense-t-elle la bouche fermée. Encore une fois pas besoin de mots pour que t'aies deviné.

— « Voyons Icare... On sait tous les deux que la mode n'est pas ton meilleur atout. Tu portes mieux les vêtements quand tu n'en portes pas du tout. »

La maquilleuse souffle du nez mais ne dit toujours rien. Ils sont tous habitués ici à tes réflexions et à ton tempérament. La différence avec les autres c'est qu'avec Icare ce n'est pas spécialement méchant. Tu le taquines juste.

— « Moi je vise toutes les autres. Toutes, en vrai. »

Quand elle a fini de te maquiller, tu te regardes dans la glace et fronces les sourcils.

— « Un peu de bronzeur s'il te plait. J'ai l'air d'un cadavre. »

Tu lèves la main devant toi et soupires.

— « Je vais le faire moi-même, c'est bon. »

Et tu chopes la petite houpette pour venir légèrement réchauffer le creusé de tes pommettes.
Une fois prêt tu regardes où en est Icare. Quand vous êtes tous les deux et avant que le tournage ne débute, tu te surprends à le détailler trop attentivement.

— « C'est le Quidditch qui t'a dessiné comme ça ? »

T'es presque jaloux, ça t'arrache une grimace.

— « Putain mais t'as gagné en muscles depuis la dernière fois. »

Et tu t'avances pour effleurer ses abdominaux du bout des doigts, sans gêne et sans demander la permission.

Icare est comme ça. Léger, solaire, enthousiaste pour tout et rien. Il est agaçant et détestable et pourtant tu n'arrives pas à le détester, ou même lui dire clairement ce que tu ressens. Parce que quand il te parle il arrive à t'apaiser au lieu de t'énerver.
Tu restes stoïque face à ses paroles. Il te sauce et tu hausses les épaules, plus concentré sur ses muscles qui te font sentir ridicule que par la profondeur de ses mots.

— « Le maquillage, c'est pour tout le monde. Suffit juste de savoir l'utiliser pour des retouches. Tu sais que sur les photos ton teint peut paraitre brillant sur certaines zones ? C'est à ça que sert la poudre matifiante. »

Tu grimaces. A t'entendre on dirait une gonzesse. C'est trop. Tu détournes le regard quand les stylistes reviennent vers vous. L'une d'entre elle arrange les plis de ta chemise ouverte, alors qu'une autre s'occupe d'étaler au pinceau une crème pailletée sur le torse d'Icare.

— « Ok les gars, on commence le shooting dans dix minutes. Vous allez vous installez sur le fond blanc derrière les projecteurs, et on va vous amener les accessoires. Pas de mouvements brusques, pas de sports, vous devez pas transpirer. »

Tu lèves le pouce en l'air et fais signe à Icare de te suivre. Tu connais bien les lieux, et c'est loin d'être ton premier shooting. Discrètement, tu observes un peu tout le personnel, te demandant si Blair aurait déjà mis à l'essai le livreur de pizza, Sol. Mais il n'est pas là et tu soupires. T'installes là où ils vous ont demandé, les bras croisés sur ton buste.

Tu glisses à ton compagnon alors que les metteurs en scène trainent au loin une baignoire remplie d'objets sur le thème de la saint-valentin.

— « Et sinon, t'as une meuf en ce moment ? »

Tu hausses les épaules. T'as aucune idée de si ça va durer longtemps. Le problème c'est aussi de voir s'ils sont satisfaits des prises le premier coup ou s'il va falloir recommencer plusieurs fois et sous plusieurs angles. Tu appréhendes un peu Zadig, t'es habitué à faire du bon travail et tu sais pas si Icare est assez expérimenté pour ça. C'est que ça te mettrait mal à l'aise de devoir prendre sa défense devant les membres de l'équipe. T'es pas connu pour être tendre et indulgent avec qui que soit - presque plus tyrannique que ton manager lui-même ou que le directeur artistique de ce studio.

— « Non, on va en choisir deux trois et faire des photos avec. Faut que tu trouves l'accessoire qui te corresponde. »

Tu tires la langue et accueilles la baignoire remplie d'objets en te penchant au-dessus pour fouiller. Tu l'écoutes d'une oreille plus attentive qu'il n'y parait. Notes qu'il n'a personne en ce moment (et pourquoi ça t'intéresserait ?)

— « Ouai j'imagine que tu dois recevoir des centaines de DM sur witchtagram. »

Tu le louches sur lui une nouvelle fois, avant de vite te concentrer sur les objets. Tu en prends un dans tes mains, un petit canard de bain orange que tu écrases entre tes doigts.

— « Moi ? Et bien... Ouai non pas vraiment. C'est compliqué je me lasse super vite donc j'arrive pas à construire une relation sur le long terme. De toute façon haha ! L'idée de partager mon quotidien avec une seule personne c'est un peu cauchemardesque tu trouves pas ? »

Parce que c'est jamais la bonne.

Et voilà. La pression que tu ressentais jusqu'à présent est retombée en flèche. Icare ne fait que te répondre bêtement sans même rebondir intelligiblement. Il répète comme un perroquet et ne te remets pas en question une seule fois. T'as le seum Zadig, parce que tu ne comprends pas pourquoi un mec aussi simple d'esprit peut t'intimider à ce point.

— « Ouai. Si tu le dis. »

Tu te renfermes un peu, te saisis de quelques objets pour les placer de ton côté. La directrice artistique du shooting vous rejoint à ce moment-là pour interrompre votre conversation.

— « Ok les gars on peut y aller ? »


La séance photo avait duré plus d'une heure. C'est exténué que tu jettes les accessoires moites dans la baignoire. Malgré la sueur qui fait retomber la laque de tes cheveux, tu brilles toujours autant de paillettes. T'as le sourire vissé aux lèvres. Oui... parce que malgré ton agacement, ton professionnalisme a rapidement pris le dessus - ainsi tu avais souri, tapé la pause. Tu avais aussi été exigeant avec ton partenaire, le faisant recommencer plusieurs fois pour créer les photos parfaites.

Tu te diriges sans un mot vers le vestiaire. Exiges à l'assistante de Blair une boisson fraiche qu'elle s'empresse d'aller chercher du côté du staff et tu récupères des vêtements propres pour aller te laver. Une fois sorti de la douche, tu retournes dans la loge que tu partages avec Icare, la boisson starbuck dans la main, tout juste livrée par Hey Presto!

— « T'es encore là ? »

Lui aussi sort de la douche on dirait.
On dirait ?
Tu regardes un peu trop près Zadig.

— « C'est quand ton prochain match ? T'es chez les Scies-Herbes c'est ça ? »

Tu fais genre tu te rappelles pas... la vieille technique de séduction. Pourquoi est-ce que tu agis de la sorte alors que c'est ton pote, merde.

— « Je rigole je m'en souviens. »

En plus t'es pas drôle. Mais tu sais qu'il va rire.
Parce qu'il est le seul à rire.

Il a ri et pendant un instant tu t'es perdu à fixer ses grandes dents blanches, imaginant et fantasmant le goût qu'aurait sa salive si tu la goutais du bout de la langue. Tu te racles la gorge et reprends tes esprits, l'écoutant d'une oreille distraite. Le désir se mue en dégout vorace. Tu n'assumes pas plus loin que tes pensées tordues, et t'arrêtes au jugement malhonnête qui en découle. Articules difficilement, forçant le ton de ta voix à ne pas trahir ton indifférence cruelle.

— « Je vois. »

Tu ajustes tes cheveux devant le miroir. Pas de défilé prochainement - mais un tout autre projet. Tu as été contacté par la production de DALS et tu sais que les primes commenceront le mois prochain. Tu te demandes s'il a été invité à participer lui aussi.

— « Tu pourras bientôt me voir à la télé et sur les réseaux. »

Tu passes ta langue sur tes lèvres dans un rictus fier et audacieux. Recules, le sac sur l'épaule, prêt à partir. Tu effleures son bras dénudé du tien, réprimes un frisson.

— « Pourquoi ? Tu veux trainer avec moi ? »

Tu penches la tête sur le côté.

— « Grouille-toi alors. Je vais décaler à mon appart récupérer des affaires et aller à un évènement influenceur ce soir. Ça t'intéresse d'être mon accompagnant ? »

En vérité, ça te ferait du bien d'être vu comme le super ami d'Icare. Un bon point pour ta popularité et une pierre à l'édifice de tes mauvaises idées.