Il a plu sur le monde ce matin et encore en cet instant de fines gouttes transpercent la canopée pour venir mourir sur le sol de son intérieur. Il faut dire que les fenêtres sont grandes ouvertes, pour que la moquette puisse mieux amortir leur chute, a dit sa mère avant de partir. Peut-être n'a t-elle pas eu le cœur de les refermer, ou peut-être était-ce dans un espoir vain que les gouttes viennent d'elles-mêmes arroser les fleurs que vous avez apportées. C'est un beau geste vous savez, mais elle n'est pas très douée avec les fleurs et vu les résultats récoltés, elle commence à penser que c'est réciproque. Pourtant elle les trouve belles mais elle ne sait pas s'en occuper et comme toutes les choses un peu jolies, elle finit par les casser. C'est comme ça depuis qu'elle est toute petite Astéria, et ça ne va pas vraiment en s'arrangeant, elle a essayé fort pourtant d'être l'enfant calme, d'être la sorcière douée, d'être l'adulte accomplie, sans jamais y arriver totalement. Ses frères y arrivent pourtant, mais eux ça ne compte presque pas, à ses yeux, ils ont toujours été des grands.  

Vous lui expliquez brièvement le but de votre visite, vous n'êtes pas le premier vous savez. Il y en a eu plusieurs comme vous à venir la consulter, lui commander une rune à graver sur une de vos amulettes. Les artisans sont parmi les plus doués dans leur talent mais savoir graver ne veux pas dire savoir déchiffrer, dès lors on vient la voir elle. Après tout c'est bien dans ça qu'elle s'est spécialisée, c'est pour ça qu'après son DEMA passé entièrement à Poudlard à perfectionner ses connaissances des runes druidiques principales, elle a passé les deux années suivant son diplôme à visiter différents pays d'Afrique afin d'étudier les vévés mais aussi les symboliques autour de la magie chamanique. Vous vous dîtes qu'on la déchiffre plutôt mal elle aussi, mais pour ça elle n'a pas encore trouvé d'alphabet, peut-être au final vous faudrait-il plus un bestiaire.

Comme vous pouvez le voir, son intérieur n'est pas très bien rangé mais il faut dire que depuis qu'elle vit seule elle s'est un peu laissée aller, elle vous avoue à demi-mots que ça donne un but à sa mère quand elle vient la visiter, ranger. Ça la rassure et puis les gestes mécaniques l'aident à ne pas trop oublier, même si elle confond souvent les choses, les objets et les noms aussi parfois. Si vous connaissiez Astéria depuis plus longtemps vous auriez su que ça fait plusieurs années déjà qu'on a diagnostiqué à sa mère un Alzheimer résistant aux soins magiques, qu'elle était encore à l'école quand les prémices se sont installés. C'est peut-être pour ça qu'elle a toujours considéré ses frères comme des adultes et son père comme un étranger, une ombre droite et rigide qui s'est claquemuré dans sa douleur et son silence du quotidien partagé avec une personne tant aimée et si malade. Il n'y a pas d'épaules à hausser ou d'yeux à rouler, il ne vous reste plus qu'à souffler sur la vapeur qui s'échappe de la tasse de thé qui s'est installée devant vous toute seule, suivie de son sucrier animé et armé de sa cuillère, presque prêt à ce qu'on lui dise « assez ».

Vous n'avez rien a objecter et rien à dire pour la réconforter, elle aime vos fleurs mais pas votre pitié, et puis vous savez, tout a déjà été mis en œuvre, tous les moyens ont été étudiés pour retarder la chute, et des moyens ils n'en manquent pas. Les pétales tombent déjà tandis qu'un chocolat se pose sur votre soucoupe dans un bruit mat. Il porte le même nom qu'elle ce chocolat, chez elle ils le cultivent et le récoltent depuis très longtemps, ils lui infusent des propriétés magiques, ils le raffinent et ils le vendent. Il est bien emballé comme un paquet cadeau, de ceux qu'on s'offre à noël ou entre amoureux. Vous pouvez l'emporter si vous ne voulez pas le manger tout de suite, comme un compagnon de poche qui devient rapidement un souvenir puis une surprise quand on le redécouvre là où on a totalement oublié qu'on l'avait mis.

C'est une des choses dont on ne parle pas dans sa famille à Astéria, la grande séparation familiale qui a eu lieu il y a plusieurs siècles déjà, lorsqu'un premier cracmol est né parmi eux. Celui qu'on a isolé comme pour éviter qu'il contamine le gêne sorcier, celui qu'on a préféré ostraciser chez les moldus jusqu'à modifier son nom pour ne plus y être totalement affilié. C'était enlever si peu vous voyez, une petite lettre qui a fait toute la différence pourtant, un simple R enlevé qui a marqué le début des Cadbury non magiques et des Cadburry sorciers. Vous n'en avez jamais rien su probablement mais un parallèle fort subsiste, comme un pied-de-nez à ceux qui les ont abandonnés le milieu d'activité reste le même, dans d'autres circonstances ils auraient pu en rire. Avec humour elle vous dirait que, comme votre chocolat, vous êtes bien emballé vous aussi, mais qu'elle espère que vous avez emporté un parapluie, il ne faudrait pas que vous fondiez sur le chemin du retour, vous sentez qu'elle commence à écourter votre entrevue.

Vous n'avez pas dû vous retourner vers sa porte à présent fermée, dans le couloir qui vous mène aux escaliers de cet immeuble typiquement londonien, une fois le contrat passé, les délais fixé et les exigences exigées. C'est mieux comme ça, vous voyez le chocolat rapide et sucré, plus il est long à passer et plus il devient amer. D'en bas, vous pouvez voir que les fenêtres sont toujours ouvertes, mais les fleurs elles, sont fanées.

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