Ce sont les premières fêtes de famille que le clan maudit que vous êtes s'apprête à célébrer en la présence de la moitié seulement de ses membres. Elle repoussait l'échéance sous le prétexte du travail, s'empêchait d'y penser sous l'excuse facile des dossiers à traiter, mais n'aurait jamais cru que ce serait aussi dur. Le gala d'Halloween était déjà bien amer, mais les fêtes de Noël et tout le symbolisme qui les accompagne, c'est encore pire. Bien pire.

Voilà une demi-heure environ qu'elle a transplané devant le portail de la demeure familiale, sans se résoudre à entrer pour le moment. À la place, elle se tient devant les tombes qui bordent le fond du grand jardin, son manteau boutonné jusqu'au cou, son sac de présents encore à la main. Elle laisse son regard vagabonder sur les stèles parfaitement entretenues par les elfes de maison, insensible au froid. Son cœur se fait vide alors qu'elle se remémore les hivers passés, les chaleureuses fêtes des dernières années où toute la famille était présente et heureuse d'être réunie.

Perdue dans ses souvenirs, elle ne voit pas le temps passer. Elle finit par cligner des yeux pour se ramener à la réalité, chasser l'humidité au bord de ses cils, et tourne les talons pour pénétrer dans la demeure familiale. Les elfes de maison l'accueillent et la débarrassent de son épais manteau ainsi que de son sac. Son regard s'attarde un instant sur les fastueuses décorations de fête, et son cœur se serre. Elle tâche alors de reprendre un masque impassible, et fait son entrée dans le salon où l'attendent son frère et sa sœur. Sa robe de velours d'un vert impérial bat ses chevilles lorsqu'elle avance, et ses talons claquent sur le parquet, aussi sévères que son expression quand tu lui fais remarquer son retard.

Le Ministère ne s'arrête pas de tourner le 25 décembre, petit frère.

Un mensonge éhonté, mais qui préserve les apparences. Tu détournes le regard et elle fait de même, trop lasse pour se battre. Alors qu'on sonne à la porte et que tu te lèves pour ouvrir, elle prend place dans le fauteuil avoisinant celui de sa sœur avec un petit soupir. Tout en se penchant pour poser doucement sa main sur la sienne, elle esquisse un sourire tendre et murmure :

Joyeux Noël, Mos.

Vous n'avez qu'un instant à vous, qu'un instant d'affection à l'abri des regards avant que Clovis ne fasse son retour accompagné de votre cousin. Au fond de son esprit, quelque chose lui crie que tout ça sonne faux, mais elle l'ignore et affiche son sourire le plus aimable pour t'accueillir. Peut-être que les choses sont bancales, mais elle ne fera rien s'échouer. Pas aujourd'hui.

Joyeux Noël, Alaric. Il ne manquait plus que toi.

La famille maudite est désormais au complet, prête à s'adonner à un simulacre de festivités en l'absence d'une partie de ses membres.