Ashe n’a jamais aimé Noël. Peut-être avait-il simplement oublié le sens désigné par la fête - et pourtant à une période, aussi minime soit-elle, il s’en était peut-être amusé. Voir les populations londoniennes s’entasser dans les allées l’avait toujours ennuyé, et pourtant c’était parmi celles-ci qu’il se tenait aujourd’hui ; regard déposé sur les stands, lointain. Peut-être au fond, regrettait-il cette période de sa vie, où il s’en amusait plus qu’il ne s’en ennuyait, où son regard doucement intrigué se déposait sur tout ce qui brillait un peu trop. Désormais, malgré les étincelles des guirlandes papillotantes - il avait l’impression d’être engouffré dans une anfractuosité sombre et incommensurable. Le regard mort presque sur les entités qui s’égayent dans le chemin, de toutes ces couleurs qui façonnent un décembre bien entamé, les pas avancent, suivent la foule qui s’empresse et disparaît.
Et aux allures d’un stand - la foule se dissout, si bien que, sans personne pour porter sa marche, il s’arrête un instant brusquement, le pas stoppé par ce coin rien qu’un peu, déserté par les rires et les engouements. Son orbe indélicatement reporté sur les alentours le fait se rendre à l’évidence ; il s’est déjà bien éloigné. Et ce sans même un instant s’arrêter, seulement le regard posé sur ce qui l’entoure, peut-être sans même savoir pleinement profiter.
Suspendu un instant, il n’a pas entendu les rires ni même les bonds au loin - il y en avait tellement après tout, qu’il aurait bien eu de la peine de tous les distinguer. C’est seulement lorsqu’il sentit quelque chose se heurter contre lui que son esprit s’éveilla de nouveau.
Entre la neige virevoltante et l’écho de sa voix, Ashe mit longtemps à assimiler les choses, si bien que la première fois qu’il posa son regard sur elle, il se retrouva figé un instant.
Intemporelle, peut-être et pourtant déposée là, même recouverte de neige il ne lui fallut que très peu de temps pour assimiler les choses. Peut-être même qu’il ne l’entendit pas au départ, peut-être n’était-ce qu’un écho, qui sait ? Et pourtant, quand ses yeux se posèrent sur sa silhouette, c’était comme si elle s’était déposée là, délicate, dans la neige fragmentée. Et entre les bonds, Ashe ne dit rien ; peut-être trop plongé dans l’irréalité du moment. Ça lui semblait impossible, comme s’il était certain d’avoir fait en sorte que ça l’était, pendant longtemps.
Quand elle s’est jetée dans ses bras juste après avoir jeté en cri l’écho d’un surnom précieux - il mit un peu de temps avant d’oser poser à son tour, ses mains dans son dos. Comme s’il effleurerait de trop près une songe passée, mais qui ne s’effacera jamais dans son esprit.
Alors, chaque syllabe de son prénom - pour le peu qu’il y en avait - semblait trop étroite de ce qu’elle représentait réellement.
— Amy.. ? Il n’y avait aucun doute, de toute façon. C’était bien la seule pour l’appeler ainsi ; la seule pour bondir ainsi et l’enlacer de la sorte. C’était vif, et il ne s’y était pas attendu ; ça faisait trop longtemps qu’il n’avait pas eu de contact si chaleureux et bienveillant. Et pourtant, Amy avait toutes les raisons de le blâmer. Tout le monde en a toujours eu.
Mais elle n’a pas hésité une seule seconde avant de se jeter et de fondre en larmes dans ses bras ; Ashe se sentait un peu coupable. Il n’avait pas imaginé qu’il la reverrait un jour, ça lui semblait presque impossible.
— Ça fait tellement longtemps.. Si longtemps qu’il n’avait pas pensé le redire un jour, si longtemps qu’il n’a même pas remarqué avoir resserrer ses doigts dans son dos.