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out

Noël approche.
Les cieux ne se défont plus de leur manteau grisâtre, préparent leurs flocons qu'ils déverseront sur les trottoirs et le pas de sa porte. Le froid vient mordre sa peau, croquer son nez, manger ses doigts, brûler ses oreilles. C'est l'engouement dans les rues, l'affluence des achats pour les proches, on se prépare aux festivités, l'oppulence dans les vitrines qu'elle ne cesse de croiser.

Elle aimait tellement cette fête, avant.
Ne l'a pas célébrée depuis tant de temps.
N'a plus personne à qui offrir des présents.

Pourtant elle erre dans les rues, les pieds lourds et le coeur de pierre qui coule dans sa poitrine. Cela fait une éternité qu'elle ne s'est pas aventurée dans cette partie de Londres - une obstination qui persévère au fil des années (la peur de les croiser) alors qu'ils habitent à l'autre bout du pays, qu'ils sont déjà enterrés dans leurs misères - comme s'ils allaient la pourchasser. Et pourtant, elle ne peut écarter la possibilité.

Les bruits de la foule assaillissent ses sens ; les pas, les voix, les rires et les échos (c'est toujours un peu trop) la rend mal à l'aise, l'accable, raidit ses épaules alors qu'elle se dépêche dans sa démarche silencieuse. Elle n'a qu'un achat à faire et après elle pourra à nouveau s'enfuir dans les tréfonds de sa demeure où le silence est roi et où le confort de ses couvertures est maître. Une fois dans le bon bâtiment, elle s'enfonce de justesse dans la foule qui emplit l'ascenseur. Sa maigre silhouette disparaît, effacée par celles plus définies et marquées. Ses cheveux, retenus par une simple pince, menacent de se défaire sous les mouvements dans son dos.

A la merci des dieux, les quelques mètres carrés qui accueillent sa présence se vident au fur et à mesure que les étages passent. Bientôt, ils ne sont que deux - elle regarde ses pieds, trop occupée à éviter les spots de lumière de ses pauvres yeux abîmés. Le sol est d'un gris mal lavé. Elle veut tellement rentrer.

Mais la lumière qu'elle hait tant disparaît, laissant place à une étouffante obscurité. Un léger tremblement secoue ses pieds avant de s'arrêter. L'ascenseur est coincé. Par réflexe, elle va mettre la main dans sa poche, cherche sa lampe torche - oubliée sur le bord de la commode dans l'entrée. Elle n'emporte jamais son téléphone. Elle cherche, fouille, retourne le tissu - rien n'y fait, elle est dépourvue de toute source de tranquillité.

Par instinct, son coeur s'emballe, ses mains s'agitent - des spasmes plus que des tremblements. Ses jambes manquent de céder sous son propre poids. Dans le noir profond, où rien n'est visible, se joue pourtant devant elle un film qu'elle n'a jamais cessé de revivre. Peu importe les années, ses démons font toujours d'elle un martyr. Alors elle ose demander, la voix - un tremblement, un murmure, toute aussi douce qu'il y a une dizaine d'année (peut-être juste moins enjouée) s'échappe dans les tréfonds qui les ont condamnés.

▬ Est-ce que vous auriez votre téléphone pour éclairer ? Elle hésite une seconde, finit par avouer Je suis pas très bonne avec l'obscurité.

Elle le fut, autrefois.
Mais elle est devenue bien différente, depuis qu'il n'est plus là.

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out

Elle déteste.
Se déteste.
D'être aussi faible, d'être aussi froussarde - ce n'est que le noir, même les enfants finissent par passer outre leur peur de l'obscurité. Mais elle - elle non. Elle s'y sent enfermée, étouffée. L'impression d'être une proie qui va bientôt être avalée. Qu'on va bientôt venir se saisir d'elle pour l'emmener loin - ailleurs, peu importe où. Dans un endroit où personne ne pensera à venir la chercher, où elle verra à nouveau quelqu'un devenir fou. C'est ridicule. Elle rit, intérieurement, à son propre désarroi. Elle devrait être au dessus de tout ça, après toutes ces années. Devrait ne plus y penser. Elle devrait être plus forte. Devrait surmonter tout ce qu'elle a enduré. Elle devrait être comme tout le monde, comme la personne à ses côtés qui semble angoissée - angoissée, pas paniquée. La nuance est mince entre une réaction normale et disproportionnée, mais elle existe bien.

Elle ne se rend pas compte du doute qu'elle cause, du mirage qu'elle ravive alors qu'elle s'écroule, s'éclate en morceaux - glisse son corps contre la paroi la plus proche avant de le laisser s'affaisser pour de bon. La voix, proche (familière? en cet instant, elle ne sait guère) lui enlève tout possible espoir de soulagement. Sa voix s'étrangle dans sa gorge - les murmures reviennent, la hantent, elle ne sait plus ce qu'elle distingue du réel ou du cauchemar qui ne quitte jamais sa porte.

▬ Oh. Je vois... Je vois. Désolée.

Désolée de déranger.
Désolée de faire du bruit.
Désolée d'être en charpie.
La dernière syllabe se meurt dans un sanglot retenu, étouffé - pas ici, pas maintenant. Elle ne sait comment survivre, comment tenir bon - alors elle fait comme elle l'a fait de si nombreuses fois; se recroqueville dans la pénombre, la tête contre les genoux. Dessus, ses mains tentent de rester posées sur ses cheveux, mais les spasmes ont raison de sa stabilité. Elle connaît la routine, sait bien qu'elle finira par ne plus savoir comment respirer (l'impression de mourir) la peur qui surgit avec, s'emparera de tous ses pores, de tous ses torts. L'ironie qui parfois la traverse d'être toujours aussi effrayée de la fin dont elle a si souvent rêvé (alors qu'il n'en est rien, que ce n'est que passager) mais son cerveau refuse d'entendre raison. Ca fait longtemps qu'il a fini de négocier. Sa respiration est un tremblement qu'elle tente de maîtriser, de contrôler. Ses mains finissent par se joindre maladroitement, ses ongles s'enfonçant dans sa chair, tentent de l'ancrer dans un semblant de réel, jusqu'à faire saigner s'il le faut. Peut-être que ça la ramènerait à la réalité.

Mais elle n'est toujours qu'un mirage,
Enfermée dans les torments du passé.

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out

Désespérée, elle cherche. Un repère, un ancrage, une bouée capable de la garder sur terre, capable de rattraper l'épave qu'est son coeur, de fermer la plaie qui outrepasse sa raison. Elle ne veut pas - ne peut pas - se briser en public. Ca a toujours été sa règle d'or. Elle sait très bien que sa stabilité n'est que partielle, temporisée par le travail, anesthésiée par l'urgence de son métier, la quiétude de son foyer. Elle sait qu'à nouveau elle finira en sueur, par terre, tremblante, secouée par les sanglots et la peur. Qu'elle devra probablement racheter un nouveau miroir, de la nouvelle vaisselle, à force de les casser sous un éclat de nerfs ou l'ombre qu'elle a cru apercevoir derrière son reflet, ce fantôme qui n'a jamais cessé de la hanter.

Mais en public, Persephone va bien.

Persephone va toujours bien.
Jamais un problème, pas l'ombre d'un pépin.

Elle est un membre à part entière de la société - souriante, travailleuse, fonctionnelle. Loin de toute malédiction. Loin de toute perdition.

Dans les tréfonds des ténèbres, une voix, encore, s'élève. L'excuse en toute nonchalance de sa demande fortuite. Et quelque part, loin, derrière les tremblements, à l'autre bout de sa respiration chancelante, un souvenir l'effleur, plein de douceur.

Une cravate émeraude.
Un sourire discret mais réconfortant.
Une voix qui a murmuré son nom avec tendresse.

Elle se dit, bien évidemment, qu'elle hallucine, qu'il n'en est rien. Elle n'est pas saine, pas stable. Son esprit est un ramassis d'éclats disparates. Sûrement est-elle en train de perdre les pédales, de péter les plombs. Sûrement qu'elle commence à devenir folle - trouve que ça a pris trop long. Elle ne s'en étonne pas, mais cherche bien à couler plus loin dans sa folie. Un instant, elle ferme les yeux, rassemble derrière ses paupières des souvenirs (lointains, heureux) d'heures passées à la bibliothèque, de repas partagés, d'étreintes qui l'aidaient à rassasier sa soif avide de contact et d'attention. De petites attentions. Une amitié qui hante parfois ses journées, qu'elle regrette mais qu'elle n'a jamais cessé de chérir, à défaut de la détruire.

Elle pense avoir trouvé son dernier raccord, sa dernière chance, mais après quelques mots (si familier, l'a-t-elle déjà croisé ? où ? Peut-être un patient, il en défile tant chaque jour) le bruit du métal retentit et leur petit habitat s'en voit légèrement éclairé. Instinctivement, ses yeux s'ouvrent, assoiffés de lumière à dévorer. Ce n'est qu'une lueur pâle, faible, vacillante, venant d'un briquet, mais c'est tout ce dont elle a besoin pour exister, pour résister.

Pourtant son coeur s'effondre.
Les images de ses doigts enlacés aux siens s'effacent.
Est-ce vraiment la folie qui la guette ? Ses fantômes qui la noient ?
Mais le faciès est familier, trop - plus qu'elle ne l'aimerait. Dans l'incertitude de la pénombre, elle reste silencieuse. Elle ne sait trop que dire, ne sait trop que faire. Devrait-elle parler ? A quoi bon - après toutes les années, il n'y a toujours rien à dire.

Pas le droit aux regrets.
Pas le droit de vouloir reconstruire.

Mais elle ose.
Toujours assise dans son coin, comme une enfant punie de ses mauvaises actions. Les tremblements dans ses mains n'ont cessé, mais ont diminué. Ses yeux cherchent les siens, cherchent à retrouver leur noirceur dans laquelle elle s'est toujours dit qu'elle se perdrait bien.

▬ ... Lance ?

Dans sa confusion, elle oublie qu'elle n'a plus le droit à ce surnom.
Sa voix, d'abord légèrement éteinte, écho à nouveau dans le confinement de leur prison.

▬ C'est bien toi ?

Ou n'est-il que le fruit de son imagination, qu'une douloureuse illusion ?
La réponse ne lui importe qu'en vérité peu.
Plus que la lueur du briquet, plus que la douleur de leur séparation,
Sa présence la ramènera toujours un peu à la raison,
Dans le souvenir précieux d'une étreinte qui a été sa maison.

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out

Un mot, un seul, qui claque dans l'air comme son poing a rencontré la solidité du mur derrière elle, il y a des années. Comme ce soupire désabusé qu'il avait lâché, contraint d'abandonner, d'admettre qu'il avait été délaissé. Et elle en était la raison, la racine - le poison. L'obscurité se saisit à nouveau des quelques mètres carrés qui les entourent alors que le bruit du métal à même le sonne résonne dans ses oreilles sensibles - un frisson la parcourt, fait trembler son corps d'un mal être à l'entente de ce son. L'espace d'une seconde, elle rêve de s'arracher à sa propre enveloppe mortelle, trop faible pour vivre dans ce monde.

Elle ne continue pas l'interrogation. Comprend bien qu'elle doit taire sa présence. Sûrement devrait-elle simplement attendre que la lumière revienne, que le mouvement de l'ascenseur ne reprenne et ne termine leurs retrouvailles impromptues et peu joyeuses, pour mieux fuir et sortir à nouveau de la pièce et de sa vie. Pourtant, elle prend une inspiration timide quand il se tourne vers elle. Si elle ne peut définir ses traits, l'obscurité trop profonde pour qu'elle ne perçoit quoi que ce soit avec la maigre lumière rouge, elle sent sa colère gronder comme un tremblement de terre. Elle lui est familière et pourtant différente - exacerbée. Par les années, peut-être. Il faut bien qu'elle l'admette et fasse le deuil de ses souvenirs - elle est face à un étranger, et Lance ne pourra jamais lui revenir.

Fébrilement, elle se redresse - manque de retomber l'espace d'un instant, alors qu'elle s'appuie contre la paroi. Quelques pas qui la mènent près de lui - et pourtant à une distance qu'elle ne s'éfrontera jamais de trépasser. Elle se baisse et ramasse le briquet - fait à nouveau briller entre eux une flamme qui semble timidement tenter de se raviver, contrairement à la leur qui semble pour toujours enterrée. Sa voix est hésitante. Il n'y a plus la candeur de l'adolescence, la jovialité de ses jours d'innocence. Maîtrisée comme un instrument dont elle sait parfaitement jouer, maintenant, elle n'est plus qu'une façade comme une autre. Comme ses sourires qu'elle ne peut plus lui adresser, alors elle se meut comme elle peut dans l'indifférence.

▬ J'avais un achat à faire.

Ses yeux se relèvent sur lui qui semble être un mirage, vacillant au rythme de la flamme qui l'éclaire. Si elle s'éteint à nouveau, elle est sûre de ne plus le revoir de si tôt. Elle devrait pourtant s'écarter, retourner sur le bas côté de souvenirs lointains qu'il préférerait sûrement oublier. Pourtant, elle demande.

▬ Et toi ?

Impertinence qu'elle est prête à aggraver.

▬ Comment tu vas ?

Toujours avare et avide, elle est prête à alourdir la liste de ses pêchés.

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out

Elle aimerait dire que ses mots la blessent. Qu'ils sont peut-être déplacés, après tout ce temps. Que l'eau a coulé sous les ponts. Qu'ils ne sont plus des enfants, des adolescents. Qu'il faut laisser faire son travail au temps. Ou peut-être même être mesquine, et lui dire de cesser ses enfantillages - qu'il lui faudrait devenir grand.

Mais non, rien.
Ca fait longtemps que les remarques ne coulent sur ses plaies sans plus les pénétrer. Longtemps qu'elle a appris à accepter. Longtemps que la culpabilité a fini de la ronger. Longtemps qu'elle a compris qu'elle trompait le monde de son métier, grandiose imposteur qui prétend soigner le monde quand elle a fait s'effondrer celui de tous ceux qu'elle aimait. Longtemps qu'elle a perdu les arguments. Longtemps que la jeune fille joyeuse qu'il a appréciée s'est envolée. Alors son venin elle le prend, à même le sang, à même les veines, sans ciller. Il a fait parti des premiers, mais fût loin d'être le dernier. Elle y est habituée.

Sur ses lèvres, un sourire.
Bien plus huilé que le dernier qu'elle lui a partagé - les années ont fait leur travail. Elle est devenue maître de la résignation. C'est presque une partie de sa profession.

▬ Je pourrais faire ça, en effet.

Elle ne dira rien.
Ne dira pas qu'elle a brûlé toutes les lettres venues de sa propre maison, de ses parents, de ses frères - mais les siennes ? Elles n'ont pas bougé. Au fond d'un placard, précieusement gardées, par la même boîte vernie et cadenassée. Elle ne les lit plus, mais ne pourra jamais se résigner à les jeter. Encore un fantôme qui la suit, un boulet qui s'ajoute à ses pieds.

▬ A défaut de lumière, je ne peux pas trop juger, mais si tu as assez d'énergie pour être en colère, c'est que tu dois être en forme. Bien, c'est tout ce que je demandais.

Une inquiétude qui peut sembler superficielle dans la légère raillerie de ses propos (mais elle sait, il sait - sûrement, peut-être a-t-il oublié) qu'elle s'inquiète toujours, qu'elle s'en fait sans cesse, pour ses proches comme les inconnus, et qu'à défaut d'aveux et de pardons, sa sincérité est ingénue.

Mais il n'en a probablement que faire.
C'est pas grave, elle ne lui demande pas de l'accepter.
Elle n'a pas attendu toutes ces années pour le lui demander.

Le briquet, elle le lève légèrement - se permet d'éclairer un peu plus ce visage qu'il ne daigne lui montrer. L'impression d'être en face d'un enfant pris de colère lui traverse l'esprit. Fragile, sensible. Ebranlable. Abandonné. Rancunier. Des facettes qu'elle lui connaissait. Mais elle ne sait toujours quelle est donc cette flamme nouvelle, mauvaise, qui semble l'animer. Pourtant elle ne doute une seconde d'avoir potentiellement pu en avoir semé les premières braises ou de les avoir enflammées.

▬ La dernière fois qu'on était dans le noir, comme ça, je m'étais amusée à te raconter des histoires d'horreur. Mais je doute que l'occasion s'y prête à nouveau.

Des histoires de chez elle, de son monde, rien à voir avec les contes qui hantaient les couloirs de l'école. Un peu plus de sourire, le visage qui s'incline légèrement sur le côté (elle l'a fait tellement souvent, dans le passé, mais elle n'est bien qu'un fantôme de ce qu'elle eut été), alors qu'elle continue cette conversation dont il ne veut probablement pas. Pourtant elle ne tarit pas de sujets superficiels - parler, elle peut le faire. S'étendre même, pendant des heures. Tant que ce n'est pas important. Tant qu'il ne s'agit pas de se livrer. Tant qu'il s'agit de garder tout le monde hors de portée.

▬ Mais puisqu'on est coincés ici, autant converser. Si tu as des histoires, je serais ravie de les écouter.

Oh, elle est sûre qu'il en a à raconter, plein.
Et elle y est potentiellement le vilain.

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out

Dire qu'elle ne sait pas qu'elle devrait s'éloigner est un mensonge. Elle sait parfaitement. Elle ne cherche pas à reprendre leur relation où elle s'est arrêtée, n'a pas cette prétention. Elle parle juste - survole les éclats. Omniprésente sans pourtant chercher à creuser les crevasses qu'elle a pu laisser. Inconsciente, peut-être. Mesquine, sûrement. Cruelle, à n'en point douter. Mais à défaut de ce qu'on a toujours pu lui dire, Persephone ne s'est jamais pensée gentille ou altruiste. Elle est égoïste. Elle ne cherche à entrer dans la vie des autres, à les rendre heureux, que pour sa propre satisfaction. C'est pour cela qu'elle peut écouter, qu'elle peut panser les plaies, qu'elle peut autant se dévouer, pour ensuite mieux se dérober. Se soustraire à toute cette attention, à ce sentiment d'être spécial qu'elle a pu donner. Parce qu'elle ne fait pas ça pour rester. Parce qu'elle n'est pas un ange et qu'elle fait simplement ça pour se sustenter. Pour combler ses propres crevasses. Et dans les sanglots longs des violons de l'automne qui blessent son coeur d'une langueur monotone, elle les abandonne.

Dans un monde où elle est entourée à toute heure de la journée,
Il ne reste pourtant qu'elle. A jamais, juste Persephone.

Il lui dit, lui siffle - arrête ça. Son sourire ne s'estompe pas. Elle fatigue, elle sait, ça n'a jamais changé. Fatigante et toujours plus fatiguée. Toujours là à ouvrir plus de plaies qu'elle ne pourra jamais en soigner. Elle en est bien attristée mais n'a jamais su s'arrêter. A défaut de pouvoir arrêter la chaîne de destruction qu'elle n'a jamais su casser, elle se prêtera toujours à sourire pour ne rien en montrer.

▬ Non.

Il tente, à nouveau, d'être tranchant. Crache son venin. Elle se dit que ça lui va étonnement bien. Si sa douceur lui manque, si elle trouvait son sourire plus beau que tout, si elle le trouvait éclatant dans sa jeunesse, elle ne saura pourtant le haïr dans ses ténèbres. Elle aimerait être en colère. Aimerait se rétracter sous les coups qu'il tente de lui mettre. Aimerait s'envoler sous le vent glacial qui l'entoure.

Mais elle est là.
Constante immuable.
Fantôme intouchable.
Secrets inavouables.

Et elle sourit. Parce qu'il aura beau lui mettre sur le dos tous les méfaits du monde, parce qu'il aura beau la haïr jusqu'à leur dernière valse, parce qu'il aura beau tenter de la réduire en pièces, la déconstruire dans toute sa laideur, elle ne fera qu'acquiescer.

Parce qu'elle sait déjà,
Que peu importe ce qu'il pourra lui dire,
Que peu importe ce qu'il pourra lui faire,
Que peu importe le mal qui, pour l'apaiser, sera nécessaire,
Elle l'a mérité.
Parce que c'est de sa faute.
Parce que c'est toujours de sa faute.
Parce que tout est de sa faute.
Et elle n'a jamais pensé le contraire.
C'est bien sa culpabilité qui lui garde une place en Enfer.

Alors, toujours, elle sourit. Soutient son regard qu'elle devine toujours noir, sans savoir s'il s'agit de leur teinte naturelle ou de la colère, s'ils sont teintés par tout ce qui le rend amer, et elle chante, dans sa douceur, dans son manque de prétention. Dans toute la sincérité qu'elle aurait voulu avoir le jour où elle l'a délaissé.

▬ Ca m'intéresse. Ce n'est pas parce que je ne fais plus partie de tes histoires que j'ai pas envie de t'entendre les conter. Ce n'est pas parce qu'elle n'est plus là qu'elle n'a jamais cessé de s'inquiéter. Si ça vient de toi, je doute que quoi ce soit puisse me lasser. Alors, raconte. Je suis toute ouïe. Raconte moi donc toutes les histoires que tu peux bien avoir à raconter.

A défaut de la pénombre de l'ascenseur,
Elle pourrait bien passer sa nuit à l'écouter.

black

out

Dans toute sa douceur, dans toute son honnêteté, qui s'avérait parfois déplacée, Persephone savait se montrer impétueusement têtue. Une qualité qui savait se montrer en défaut. Sa persévérance (ou son acharnement) l'avait aidée dans sa quête de savoir, dans sa carrière, dans ses études, à n'en point douter. Elle l'avait aidée à enjamber les murs qui en entouraient certains (elle repense à un sourire arrogant, une cravate bleue et des cheveux bruns qu'elle aimait bien) et à en convaincre plus d'un. Mais en dehors des clous de l'éducation et de l'époque où elle était un bout-en-train, un petit soleil qui attirait tout un chacun, son entêtement était devenu pour ceux et celles qu'elle a laissé, cassés, sur son chemin, une véritable malédiction. Elle s'en doute. Peut-être. Légèrement. Une pensée vague qu'elle ne saurait définir. Elle s'imagine aussi que ça n'est peut-être pas juste pour eux, mais ce n'est pas ça qui va la faire s'en abstenir.

Et c'est un peu ironique.
Parce qu'ils sont là, tous les deux. Parce qu'ils sont bien cassés, tout amochés, réduits en miettes. Parce qu'il est bien plus grand qu'elle, qu'il la surplombe avec aisance. Parce qu'il pourrait lui faire tant de mal, qu'il pourrait sincèrement la réduire à néant. Parce que ça serait tellement simple de la forcer à s'écarter de son chemin pour de bon, quitte à se salir un peu les mains.

Mais c'est lui qui se rétracte, et elle qui se tient bien droite.
Alors qu'elle était encore entrain de trembler dans un coin comme un enfant, prête à pleurer, prête à s'effondrer, il y a de cela quelques minutes. Mais c'est lui, maintenant, qui s'agite, qui s'anime, qui se déverse tout en tentant de se dessécher. Qui a la voix pleine de venin pour la repousser. Mais elle est là.
Elle est toujours là.
En face de lui et dans le fond de ses pensées.
Et elle compte bien y rester.

▬ Oh, vraiment ?

Elle ne s'arrête jamais.
Ses yeux se plissent, son sourire ne disparaît.
Sa tournure de phrase l'amuserait presque.

▬ Ravie de savoir pour Naomi. Ca fait longtemps que je ne lui ai pas parlé.

Faut dire qu'elle l'a fuit, elle aussi. Bien qu'elle ne s'était jamais vraiment envolée de sa mémoire - impossible. Naomi avait été son étoile du berger pendant des années. Le pilier qui soutenait sa fondation. Sa porte d'entrée au savoir magique. La soeur qu'elle a toujours un peu voulu avoir mais qu'elle n'aurait jamais osé voler. Les rires d'une chambré qu'elles ont partagée. Et pourtant, aujourd'hui, après avoir entendu pour sa légilimenti, elle était un tout autre genre de présence. Une potentielle menace à ses secrets. Sûrement qu'elle savait. Elle n'en doutait guère, pour tout dire. Et si rien que ça l'horrifiait, l'idée que quelqu'un puisse avoir une idée de ses années les plus noires, de ses secrets les plus sombres, une toute autre pensée l'obsédait bien plus - peut-être qu'elle a parlé. Elle fixe Lancelot, son visage, ses traits. Une observation qu'elle a toujours eu, à laquelle elle s'est toujours adonnée, peut-être renforcée par ses années chez les aigles - une tendance à analyser le terrain pour mieux attaquer les proies. Et peut-être qu'il sait, qu'elle le lui a dit. Si c'est le cas, son visage n'en trahit rien. Mais la pensée la hante, ancrée dans un recoin.

▬ Contente aussi que ta libido soit comblée.

Des mots inhabituels de sa part, elle qui a toujours semblé être un diamant d'innocence. Mais elle a changé. Il a changé. Rien n'est plus pareil.

▬ Ca a l'air d'aller, du coup. Pourtant, j'ai l'impression que t'es énervé.

A court de patience, aussi.
A qui la faute, elle se le demande bien.

▬ Tu fais quoi maintenant, du coup ?

Elle fouille sa mémoire une seconde, souvenirs d'une discussion anodine qu'elle n'a pourtant jamais oubliée. Comme elle n'oublie que rarement ce qui le concerne.

▬ Il me semble que ce qui t'intéressait c'était de devenir auror, non ? Ca s'est concrétisé ou tu fais quelque chose de différent ?

Et c'est peut-être vicieux. A nouveau cruel. De faire comprendre qu'elle se souvient de lui, de ses aspirations, de ce qu'il rêvait d'être, de tout ce qu'il a pu lui partager et qu'elle y pense encore. Si elle ne sait pas qu'il vole, il ne faut pas lui en vouloir. Les sports magiques n'ont jamais su capter son attention et elle est bien ignorante de ce monde. Pourtant, s'il le lui disait, elle irait le voir voler dès qu'elle le pourrait, à n'en point douter. Même s'il n'en saurait probablement jamais rien.

▬ J'espère que tu fais quelque chose qui te plaît, en tous cas.

Ca serait déjà ça.

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out

Elle n'obtient aucune réponse. Elle sent la colère qui monte, fort. Toujours plus forte. Elle la sent qui engouffre cette petite cage d'ascenseur qui semble bien petite pour eux, malgré la place qu'il y a. Elle se doute, à nouveau, que ses mots n'étaient pas les bienvenues. Elle voudrait être capable de s'arrêter mais (il sait, sûrement) elle n'a jamais su comment. Il y a longtemps, déjà, parfois, les mots glissaient tout seuls, faute à son honnêteté qu'elle n'était pas capable de contrôler. Parce que son inquiétude est vraie, parce que son envie d'en savoir plus est réelle et qu'elle aimerait bien à nouveau marcher près de lui. Pas sur des chemins qui se croisent, elle n'oserait pas, n'aurait pas la prétention de vouloir autant (même si elle a toujours été avare depuis la nuit des temps). Elle rêve juste d'une ligne parallèle, aussi éloignée soit-elle. Où de temps en temps elle pourrait lui demander "ça va ?" et il lui répondrait que oui ou que non ça lui importe peu tant qu'elle peut continuer leur échange, aussi maigre et mondain soit-il.

Alors, quand il sort sa baguette au lieu de lui répondre elle en reste un peu bête. Son expression ne trahit que sa surprise, assujettie au léger tremblement de l'ascenseur quand il se remet en place et qu'il ne la passe pour s'enfuir. Elle aimerait dire que son coeur se brise, mais ça fait longtemps qu'il n'en reste plus que des miettes que l'on ne cesse de piétiner. Elle n'aura pas l'audace de dire que c'est de sa faute et qu'il lui fait du mal. Non, tout ce qui résonne en elle à cet instant c'est bien fait, on peut pas dire que tu l'aies volé. Et ça devrait suffire à la raisonner, à lui dire qu'il faudrait peut-être abandonner.

Mais elle est têtue.
Il n'y a rien à faire.

Alors elle relâche la flamme du briquet dont elle n'a plus besoin vu que le monde les éclaire à nouveau et elle s'empresse de le suivre. Et elle voudrait le rattraper, elle court vite après tout mais faut pas se mentir quand il fait une enjambée il lui en faut trois pour l'égaler.

▬ Attends, Lancelot !

Sa petite voix résonne et elle fait tout ce qu'elle peut pour le rattraper - un peu comme elle rêvait de le faire quand ils étaient plus petits. Elle a déjà laissé sa main partir une fois, elle crèverait si ça arrivait à nouveau. Alors, quand elle arrive enfin à sa hauteur, le coeur qui bat follement dans sa poitrine, elle lui attrape le poignet (elle en a souvent rêvé) de l'arrêter et de tout lui expliquer. Pourtant, dès qu'ils se retrouvent à l'arrêt, elle retire sa main comme si elle s'était brûlée. Et sur son visage, c'est la crainte qui se lit l'espace d'une seconde. L'envie de se désinfecter les mains lui prend le ventre furieusement. Elle l'a salit. Elle avale sa salive difficilement, retient le réflexe de vouloir nettoyer ses mains et à la place elle lui tend le briquet. Elle aimerait un armistice, mais c'est tout ce qu'elle a à lui donner.

▬ Tiens.

Elle cherche ses mots, une seconde. Hésitante. Elle a peur de provoquer sa colère à nouveau. Elle n'est pas très douée pour gérer les orages.

▬ Je me doute que tu veux pas qu'on redevienne... amis.

Amis c'était un peu faible, comme mot. Un joli euphémisme pour la relation qui les avait liés. Quand on n'arrive plus à se passer de la présence de quelqu'un dans sa vie, sans que ça ne soit de l'amour, est-ce que c'est pourtant toujours juste de l'amitié ? Elle n'a jamais trouvé la réponse. Et elle pense bien qu'elle ne pourra jamais la trouver. Pourtant, elle ose relever les yeux. Timide. Déboussolée. Elle ne sait plus trop quoi faire pour le garder près d'elle.

▬ Je suis désolée. Mais je sais... Enfin, je me doute... que tu t'en fous probablement.

Ca lui fait une belle jambe, qu'elle s'excuse. Elle le sait. Ca ne change rien au problème et ça ne lui explique toujours rien.

▬ Mais j'aimerais beaucoup qu'on en soit plus au silence radio, toi et moi. Si...

Elle inspire un petit peu, prend tout son courage à deux mains, bien qu'elle soit prête à ce qu'il ne valse en dehors de la conversation une énième fois.

▬ Si tu veux pas... ou si on peut pas reprendre là où on a laissé les choses... Est-ce qu'on pourrait tenter de reconstruire quelque chose ?

Et ça se lit dans ses yeux qu'elle est peut-être un peu désespérée. Qu'elle n'a jamais fait ce genre de choses. Les gens, elle continue de les laisser partir, de les garder loin d'elle. C'est la première fois qu'elle s'autorise à espérer. Mais elle ne s'attend pas à ce que ça réussisse, en toute honnêteté.

▬ C'est égoïste, je sais. Ca m'étonnerait pas si tu veux plus entendre parler de moi tout court... Mais je voulais au moins prendre le risque de demander.

Parce qu'au moins, elle aura tenté.
Le tout pour le tout, elle s'y sera prêtée.
Maintenant, pour le reste, c'est lui qui a les clefs.

black

out

Elle avait osé espérer.
Pour une fois, dans sa petite vie faite de résignation et d'abandon, elle avait été au devant d'une proposition. D'un j'aimerais bien que tu restes ou plutôt tu me manques, je regrette, et j'aimerais bien que tu reviennes. Elle avait pris le risque de tendre entre ses deux mains son coeur, à la merci de son ancien camarade. De lui dire tiens, je sais que j'ai abimé le tient, alors je veux bien qu'on se partage le mien. Et si elle avait eu peu d'espoir de succès, que ça n'était qu'une douce fabulation, la possibilité l'avait quand même effleurée. De jours où ils pourraient, à nouveau, tenir des conversations tantôt insignifiantes mais tout de même charmantes ou partager pendant des heures des débats passionnants dans lesquels elle se perdrait avec bonheur. De sa compagnie, dans les bons moments comme les mauvais. De pouvoir le voir sourire ou pleurer. Pour une fois, elle s'est dit que le risque en valait la chandelle et qu'elle pourrait sûrement passer outre sa peur de salir, sa peur de détruire, sa peur de faire du mal. Sa peur de décevoir, aussi. Elle s'est dit que si c'était Lancelot, alors, peut-être. Peut-être que ça pourrait aller. Peut-être que l'avenir lui semblerait enfin plus intéressant que le passé. Peut-être qu'ils pourraient avancer.

Mais à peine avait-t-elle tendu ses mains vers lui qu'il s'était emparé de son coeur pour le réduire en miettes - mais aussi de ses mains. Et plus que la douleur sous sa poigne et le contact d'une peau à même les plaies et les craquelures qui recouvraient la sienne, c'est un mélange trop familier qui ne remonte en elle. La peur. Le dégoût. L'angoisse. La panique, qui n'est jamais si loin. Ce réflexe de combat ou de fuite qui se déclenchait mais qui, comme le reste chez elle, était tout cassé. Alors elle s'immobilisait, incapable de réagir comme une personne fonctionnelle. Son visage perd rapidement de ses couleurs, alors que l'orage qu'elle avait provoqué dans les couloirs de Poudlard ne revient lui éclater à la figure comme s'il avait été figé dans le temps toutes ces années. Ils sont au centre de l'attention et elle tente de se faire aussi petite que possible. Les regards, elle n'a jamais trop aimé ça.

Elle écoute sa colère, ses mots qui, toujours, ne lui font pas si mal que ça, à défaut d'avoir le coeur déjà éclaté, mais qui ne cessent de faire enfler sa culpabilité. Elle prend tellement de place en elle qu'elle a l'impression d'étouffer. Ses lèvres tremblent légèrement et pourtant elle soutient le regard qui la toise, même si dans ses yeux une lueur de détresse sonne l'alarme.

Et elle voudrait lui dire.
A quel point elle sait qu'elle n'a pas de droit.
A quel point c'est égoïste.
A quel point elle n'a jamais eu la prétention de se penser victime.
A quel point il a raison.

(Ca veut sorti de ses lèvres mais ça se coince dans sa gorge)
Ca ou les larmes, elle ne saurait faire la différence.

Et elle voudrait lui dire, aussi.
A quel point son monde ne brille plus tant.
En tous cas, tant qu'il n'en fait pas parti.
Depuis cette dispute à Poudlard, c'est comme si tout était gris.
Et tout l'était vraiment
(Elle est triste, elle a honte)
De devoir lui demander la couleur de ses yeux
Parce que malgré tout ce temps à les contempler,
Elle ne peut plus s'en rappeler.

Elle ne sait trop que dire ; elle n'a jamais été bonne avec les conflits. Elle sait que s'excuser n'est pas la solution - mais des solutions, elle n'en voit pas. Elle n'en voit plus. Et ça la tue. Parce qu'elle a beau avoir tout cassé, elle est désespérée de rabibocher ce qu'il peut bien rester. Elle ne pleure pas - elle ravale ses larmes. Même si ses yeux brillent. Même si elle doit se mordre la lèvre pour ça. Une victime, elle n'en est pas une. Coupable, par contre, elle l'a toujours été. Depuis ce fameux jour de Juillet. Des fois, elle rêve de dire à la petite fille qu'elle était à quel point elle a été bête. Elle voudrait lui hurler dessus - si seulement ! Si seulement elle ne s'était pas égarée. Si seulement elle avait été assez intelligente pour arriver à suivre ses frères. Si seulement elle avait crié plus fort, si seulement elle s'était débattue plus vivement, si seulement elle avait été plus - quelque chose ! Tout ! Tout ce qui aurait pu éviter ça. Mais elle ne l'avait pas été et l'été l'avait emportée. Et ça, c'était de sa faute. Et elle n'en avait jamais douté. Et tout ce qui en a découlé derrière aussi. Des peines à purger, elle en avait pour plus d'une vie. Si elle le pouvait, elle prendrait la place de ses frères mais même avec ça elle n'était pas sûre d'arriver à expier ses péchés. Quand elle finit enfin par retrouver sa voix, elle tremble (et peut-être qu'elle se casse un peu, sur les premiers mots) Ses mains sont moites. L'envie de vomir lui tord l'estomac. Elle rêve de retirer ses mains. Elle trébuche mais elle ne veut pas avoir l'air faible. Elle n'a pas le droit de l'être.

▬ Tu as raison.

Et pourtant, elle n'arrive pas à accepter la résignation.

▬ Je-... Désolée.

Désolée de tout ce qu'elle lui a fait.
Désolée de tout ce qu'elle aurait dû faire.
Désolée d'être partie.
Désolée d'avoir causé tant de misère.
Désolée de ne pouvoir rien y faire.

▬ Tu as raison.

Elle sonne un peu comme un disque rayé, mais son cerveau a du mal à fonctionner. Elle s'attendrait presque à ce qu'il la percute aussi fort qu'il le peut, alors, par habitude (trois mois, c'était long, à force on s'y fait) elle répète ce qu'elle a déjà tant plaidoyé. Et ses yeux tombent sur leurs mains et son teint déjà pâle finit livide. Elle pourrait presque voir dans sa déraison la corruption se propager, toutes les saletés qu'elle trimballe le manger. L'envie de le repousser, de lui dire de se nettoyer - à cause d'elle. L'envie de nettoyer ses mains déjà toutes esquintées, d'y ajouter encore plus de plaies pour au moins s'apaiser. Ne serait-ce qu'une seconde. Même si ça revient toujours. Elle qui avait été pendue à son cou, s'était baladée à ses bras, aurait pu dormir contre lui - un simple effleurement était assez pour la faire perdre des couleurs. Alors les contacts prolongés, ce n'est plus ce que c'était.

▬ Je n'essayerai plus de te retenir...- Je. Je vais abandonner. Je te laisse partir.

Un haut le coeur.
Le souvenir d'une main qui la saisit.
Elle veut courir.
Elle n'arrive pas à relever ses yeux.

▬ Lâche-moi. S'il-te-plaît.

La demande la scinde en deux, quand elle ne rêve que de l'enlacer. Quand elle a rêvé de pouvoir se saisir de sa main à nouveau.
De pouvoir se balader ensemble en public.
Et à son ton, pourtant, ça sonne presque comme une supplique.