to the

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Dans le creux de sa poitrine, l'excitation bat son plein. Elle a du mal à contenir l'impatience qui fait bouger lascivement ses jambes contre son lit. Elle vérifie le contenu de son panier pour la énième fois - l'inquiétude d'oublier quelque chose qui pourrait contrarier, l'envie que tout soit parfais. Le petit espoir, au fond de son coeur qui tambourine, d'arriver à faire plaisir. Elle ne saurait faire tomber le sourire qui honore ses lèvres, les étoiles qui ont décidé de briller dans son regard. Passer du temps avec ses amis lui fait toujours cet effet là. Les soirées avec son compagnon Serdaigle ne sauraient déroger à la règle - peut-être même sont-elles un peu favorisées.

Elles sont rares, faut-il dire - et souvent totalement improvisées. Quand l'humeur le frappe, il vient la quérir, l'arracher à toutes ses occupations pour la monopoliser. On lui a dit de ne pas l'écouter, qu'elle ne devrait pas traîner avec - pourtant elle s'y plaît, accepte ses appels avec une certaine fierté. Elle est sûre que si ses camarades avaient pu ne serait-ce qu'entrevoir le sourire d'Eamon, et peut-être même avoir eu la chance d'entendre l'un de ses rares rires, ils changeraient d'avis. Ou peut-être est-elle trop dévouée - mais elle ne changerait ça pour rien au monde. Dire qu'elle se sent privilégiée serait un euphémisme dont elle ne s'est jamais gardée. Persephone aime sans limite et ça n'a jamais été un secret.

Ses pieds dévalent les pas qui la mènent jusqu'à la salle commune de sa maison - sa maison, quel juste titre. Elle s'y sent si bien depuis sa première année. Elle en est si reconnaissante - elle avait peur de pleurer chaque soir en repensant à sa maisonnée. Heureusement, elle a trouvé ici une deuxième famille, un jardin qui a su l'accueillir, des personnes qui la soutiennent, des professeurs qui écoutent les soupires de ses rêves qu'elle ose parfois murmurer. Et si, de temps à autre, quelques personnes viennent couvrir de nuages ses journées, elle ne saurait ni leur en vouloir, ni les blâmer. Ils sont jeunes, font des bêtises, et ce monde magique (qui lui est toujours quelque peu étranger) n'est pas inerte de préjugés.

Elle a pris conscience de sa condition de née-moldue rapidement mais n'en a jamais ressenti une honte. Pourquoi donc ? Pas quand le ciel lui a octroyé ce don qu'est la magie ! Lui a permis de rencontrer de si douces âmes dont elle ne voudrait pour rien au monde se séparer. Ce soir encore, quand ses pas s'arrêtent dans l'entrebaîllement de l'entrée et qu'elle voit sa silhouette et ses cheveux d'un brun si familier, elle remercie la petite âme qui a décidé de la bénir de pouvoirs il y a quelques années.

▬ Eamon ! Désolée, je t'ai pas fait attendre, j'espère.

Elle s'avance dans la salle, sa silhouette chétive pourtant pleine d'énergie si disproportionnée dans l'espace démesuré. Elle pose sur une table le panier qu'elle portait - elle a ramené (n'a pu s'empêcher d'imaginer ses réactions en choisissant chaque paquet) de nouveaux thés et gourmandises qu'ils pourront partager. Elle n'en dit rien - c'est tellement naturel, une habitude prise au fil des années qu'elle adore. Elle aime donner, lui donne tant sans jamais rien attendre au retour (sa présence est déjà un tel cadeau) alors elle se dit qu'elle est déjà gourmande et ne fera pas la bêtise d'en demander trop.

▬ T'as réussi à suivre, en cours ? Je pense que je vais sérieusement réviser le chapitre qu'on vient de finir... Histoire de te piquer ta place au prochain contrôle.

Elle dit ça avec douceur, sans chercher à provoquer.
Avec lui, c'est un peu comme une façon d'apprécier, que de le chercher. 

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Si elle devait dire ce qui l'a attirée chez Eamon, elle dirait d'abord une certaine admiration. Si elle se considère comme une élève somme toute assidue et travailleuse, Eamon lui donnait l'impression de réussir à faire tout ce qu'elle faisait sans le moindre effort. Certains s'en seraient frustrés, se seraient vus devenir vert de jalousie - Persephone, elle, a vu naître en elle une admiration curieuse pour ce camarade qu'elle voyait rarement traîner avec autrui. Elle sait aujourd'hui qu'il n'en est rien, que ses prouesses scolaires sont le résultat logique et mérité d'un travail peut-être encore plus approfondi que le sien - ce qui n'a fait qu'aggrandir son respect envers son compère.

Comme tout le monde, elle s'est pourtant heurtée à un mur ; Eamon n'est ni loquace, ni extraverti comme elle peut l'être. Il n'a d'intérêt que sa propre curiosité à satisfaire et ses propres besoins. Si ça a pu lui rappeler l'un de ses frères aînés, un acharné du travail, compétitif et égocentrique, elle y a aussi vu le reflet d'un chat errant qu'elle avait terriblement envie d'apprivoiser. Et elle y est arrivée. On la dit trop gentille - elle plaiderait le contraire. Ses cadeaux, bien qu'ils servent à faire plaisir, servent aussi à captiver l'intérêt d'Eamon dans l'espoir de le divertir et d'obtenir une place à ses côtés qu'elle a parfois peur de perdre. Ce que certains appellent de la générosité, elle nommerait peut-être avarice. Et quand elle voit dans son regard, au loin, un éclat de curiosité dur à dissimuler, elle se dit qu'elle accepte avec plaisir ce vice.

Bien sûr qu'il a suivi - Eamon n'est que sérieux quand il s'agit des cours. Quand il la rejoint, elle sait que le panier a fait son effet. Et si ses paroles pourraient sonner peut-être un peu sec à certains, elles ne font pourtant qu'agrandir son sourire.

▬ Si, je t'ai écouté.

Elle ne fait que ça, s'il savait. Curieuse de ses interrogations, avide d'entendre sa voix et ses propos, aussi tranchants peuvent-ils être. Elle ne s'en lasse jamais.

▬ Je pense quand même que je peux finir première au prochain test. On verra bien qui s'en sortira le mieux. Si t'es si confiant que ça, tu devrais pas t'en inquiéter, hmm ?

Elle observe, aussi. Sa silhouette, bien plus grande que la sienne, ses cheveux qui suivent le mouvement, son regard curieux. Elle a vraiment l'impression de voir un chat tourner autour d'une curiosité qu'il veut éclairer, et ça l'amuse. L'attendrie, même. Un rire, discret, presque inaudible, sort de ses lèvres cachées par sa main. Elle se sent un peu taquine, peut-être.

▬ Je sais pas ? Et si tu ouvrais, pour voir. C'est pour toi, après tout.

Evidemment, qu'elle en a amené. Peut-être même qu'elle en a mis un peu plus que prévu, après avoir vu la satisfaction sur son visage en le buvant la dernière fois. Elle glisse le panier vers lui, rangeant ses mains derrière son dos ensuite. Ca lui évitera d'inconsciemment les laisser agripper sa manche, à défaut de retenir l'envie d'aller s'appuyer contre son bras. A sa question, ses yeux se plissent, brillent d'un nouvel éclat, son sourire rayonnant - elle scintille à l'idée de passer la majeur partie de sa nuit à boire du thé en sa compagnie.

▬ On peut en essayer autant que tu veux. Moi, j'ai tout mon temps.

Et même si elle avait d'autres plans,
Pour lui elle aurait tout annulé en un instant.
 

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Tu es redoutable.
Ce ne sont que trois mots ; pas si longs, pas si gros. Pourtant, c'est la surprise qui vient éclairer l'espace d'un instant son regard avant que l'émotion ne s'emprenne de ses yeux, ne les fasse briller qu'un peu mieux. Sa poitrine est déjà pleine, débordante d'une fierté et d'une satisfaction toute particulière que seul le Serdaigle sait faire ressortir. Elle n'en dira rien, mais cette joute scolaire entre eux, bien qu'elle puisse peut-être n'être qu'un détail insignifiant dans la vie de son collègue, est une compétition qu'elle chérit bien plus que beaucoup de choses. Elle lui rappelle toutes ces heures à s'entraîner, à suer, à se donner corps et âme à l'amélioration de la précision de son fleuret. Elle lui rappelle l'adrénaline des matchs, l'apothéose et la joie de monter sur le podium, de récupérer toutes les médailles qu'elle a pu arracher. Toutes les victoires qu'elle a su dévorer - une faim qui, depuis l'arrêt de sa pratique, n'a jamais pu être rassasiée. Eamon savait assouvir sa soif de rivalité, d'un égal qu'elle a cherché longtemps et qui aujourd'hui faisait partie de son quotidien. Et c'était bien plus que ce qu'elle avait toujours pu espérer.

▬ Mais bien sûr.

Avec une certaine appréhension et impatience, elle l'observe ouvrir le panier. Nerveusement, ses doigts viennent s'entremêler et elle se balance légèrement d'avant en arrière sur le plat de ses pieds, habitude récurrente qu'elle n'a jamais su cacher. Elle se sent comme à Noël, dans l'attente de voir un proche ouvrir son présent, la boule au ventre de voir sa réaction et surtout l'espoir qu'il puisse l'apprécier. C'est le dilemme de tant se dévouer dans tout ce qu'elle offre - ne pas arriver à satisfaire, à faire plaisir, est un fléau qui creuse sa poitrine bien plus que toutes les insultes qu'on aurait pu lui lancer.

Alors, quand elle aperçoit dans le regard sombre de son ami quelques timides étoiles, quand elle voit ses lèvres céder à l'appel d'un sourire qui s'affirme d'une douceur rare, elle sent son pauvre coeur s'emballer, partir à tout va dans une course effrénée. Ah. Persephone ne regrette jamais sa décision de s'affirmer à ses côtés, mais si elle devait donner une raison à son entêtement, elle n'hésiterait pas une seconde à repenser à ce genre de moments. Elle gardera toujours jalousement ce secret, cette adoration qui lui donne l'envie de toujours donner plus pour pouvoir revivre cette scène. Eamon est beau - sûrement l'ignore-t-il, sûrement n'en a-t-il rien à faire, mais voir son ami se détendre et vivre un peu son adolescence comme il le devrait satisfera toujours Persephone bien plus que toutes les bonnes notes qu'elle pourra récolter. Bien sûr, elle fera attention à taire ses pensées. Elle aime croire, un peu égoïste, un peu rêveuse, qu'elle fait partie d'une minorité favorisée et elle ne voudrait pas tout gâcher.

▬ Mon père m'a emmenée dans une boutique qui vient d'ouvrir près de là où on habite. Je me suis dit que ça changerait des parfums qu'on peut trouver à Pré-au-Lard.

Elle ne dira pas que ses frères l'ont interrogée pour ses achats en grand nombre, que son père s'est mêlé à la chose quand elle a répondu que c'était pour un ami, et encore moins que ça lui a pris tout l'après-midi, tellement elle était indécise. Elle sourit simplement, s'émerveille à chaque instant de le voir sentir chaque sachet comme un enfant. Qu'est-ce qu'elle est contente d'avoir pris son temps. Timidement, un rare et léger rose vient fleurir sur ses joues. Elle a l'impression qu'un champ entier de fleur vient d'éclore dans sa poitrine ; un ravissement sincère qu'elle a peut-être un peu de mal à cacher. Persephone brille le plus quand elle rend heureux autrui, et ça n'est pas un secret. Elle regarde les tasses voler - après toutes ces années, elle n'a toujours pas réussi à chasser ses habitudes moldues. La magie n'est toujours pas son premier réflexe, il n'y a rien à faire. Peu importe à quel point elle baigne dans ce monde fantastique, elle n'en sera jamais une protagoniste - mais ça lui va. Elle n'aspire pas à être un héro, à avoir son nom gravé dans l'histoire. Sa prétention s'arrête à l'envie de rendre les jours de la population un peu plus légers, un peu plus doux - peut-être un peu plus beaux.

▬ J'en ai goûté quelques uns mais pas tous. A défaut de la violette dont elle le sait déjà fan je recommande celui au citron ! Avec une goutte de lait, c'est vraiment super bon. J'étais un peu sceptique au début, mais l'odeur me faisait penser à toi parce que ça sentait bon, elle ne dit pas, mais il n'y en a pas besoin pour le comprendre alors je me suis dit que ça devait forcément être une bonne surprise. J'ai pas été déçue, personnellement.

Sans rien dire, sans noter son honnêteté toujours aussi inopinée, elle s'écarte de leur table, allant chercher l'eau qu'elle fait chauffer manuellement. Sûrement qu'un sort aurait été plus rapide et efficace, mais tout aussi sûrement n'y a-t-elle même pas pensé. Elle ramène la bouilloire, fait attention à ne pas la renverser et commence à servir le thé. Elle n'était pas très douée, quand ils ont commencé leurs petits rituels - maintenant elle le fait sans effort, avec une certaine élégance, une délicatesse qui lui a toujours été propre. Elle s'asseoit ensuite, faisant attention à plier sa jupe dans le mouvement - peut-être a-t-elle été élevée par des humains, mais elle a toujours eu de très bonnes manières à n'en pas douter.

▬ A part ça, comment s'est passée ta journée ?

Et du coin de l'oeil, elle l'observe, retenant dans son esprit une idée qui vient de germer. Elle ferait mieux de se concentrer sur des mondanités. 

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Si quelque chose perdra Persephone, outre sa bonté d'âme et sa gentillesse dont il est si facile d'abuser, c'est probablement sa franchise parfois quelque peu déplacée. Sûrement qu'il n'est pas (ou peu) opportun de dire à votre camarade de buverie qu'il sent bon le citron, comme ça, sans vraiment préparer le terrain... voire même avec toute la préparation du monde. Mais ça lui importe peu - lui importera toujours peu d'ici une dizaine d'années. Malgré toute l'anxiété, toutes les phrases qu'elle peut tourner en rond dans sa tête pour toujours mieux les préparer, il y a des moments où les mots dévalent ses lèvres sans même qu'elle ait le temps d'y penser. Alors, sans pudeur, elle avoue, peu gênée de ses crimes que certains pourraient peut-être trouver déplacés ou de mauvais goûts.

▬ Bah, tu sais, à force d'être à côté de toi... ou de chercher, quémander du contact comme un chiot en mal d'affection fallait bien que ça arrive.

Que ça arrive, oui - qu'elle s'en souvienne, par contre. Mais comment oublier ? L'odeur était plaisante et lui allait étrangement bien. Parfois il s'y mélangeait l'odeur des potions, des préparations qu'elle ne reconnaissait pas toujours. Au fil des années, c'était devenu une odeur familière, réconfortante, presque apaisante. Mais ça, elle se retiendra (peut-être) de l'avouer.

Assise sur son trône de fortune, elle observe la couleur de l'eau lentement changer, avant de relever son regard sur son camarade. Elle se plaît à observer, en silence, ses manières, ses manies, quand il s'agit du thé (et bien d'autres choses, en toute honnêteté). Il y a dans ses mouvements une certaine grâce qu'il s'ignore peut-être, une délicatesse dans sa manière de traiter la porcelaine toutefois ravissante.

D'un ton désinvolte, il lui raconte sa journée - peu intéressante, dit-il. Persephone voudrait plaider le contraire, elle pourrait l'écouter pendant des heures, s'étendre sur toutes les concoctions qu'il a pu préparées. Déjà parce qu'elle en apprendrait sûrement quelque chose et que toute connaissance est bonne à prendre, mais aussi parce que s'il y a quelque chose qui semble faire vibrer le Serdaigle à part le thé, c'est bien la fabrication de potions. Alors Persephone voudrait bien l'entendre s'épancher en long en large et en travers, si ça lui permet un peu de briller et de s'amuser.

Une curiosité sincère, l'envie d'en apprendre plus sur tout ce qu'il pourrait projeter de faire ou d'accomplir. Ils avaient beau être jeunes, elle ne doutait ni du talent de son compère, ni de l'avenir brillant qui l'attendait sûrement. Cependant, sa contemplation est momentanément perturbée à le voir souffler sur ses cheveux pour s'en débarrasser alors qu'elle tente tant bien que mal de repousser des pensées parasites qui persistent. Elle profite du retournement de conversation pour se dédouaner d'une oeillade peut-être trop longue pour ne pas être suspecte, le ton jovial.

▬ Oh, moi tu sais, c'est toujours la même rengaine ! Aller en cours, passer du temps avec les amis, réviser, passer du temps avec toi, tout ça tout ça. C'est dur de ne pas passer une bonne journée quand je suis si bien entourée !

Et pourtant, dans une questions de mois, toute la compagnie du monde ne saura suffire à panser ses plaies.
Son élan est coupé net par une interrogation qui fait nerveusement retomber son estomac - oups. Elle se pensait plus discrète que ça, mais visiblement non. Faut-il dire que l'aigle est perspicace, alors ses regards en coin ne pouvaient rester secrets qu'un certain temps. Sous son regard, c'est une gêne - rare, très rare, peut-être même une première en sa présence - qui vient rendre ses mains un peu tremblantes alors qu'elle les joint sous la table, incapable de soutenir son regard désormais.

▬ Herm... L'hésitation est palpable alors qu'elle cherche les mots - elle n'est pas sûre d'arriver à trouver les bons, dans cette situation En fait, ça fait un moment que je voulais te demander quelque chose.

Un brin honteuse, elle sent ses joues rosir à nouveau - l'impression d'être stupide, sans se rendre compte qu'elle donne probablement l'impression de mener la conversation dans une direction toute autre que celle qu'elle a en tête ; la timidité, les rougeurs, les cadeaux, un moment en tête à tête, il en faudrait moins à certains pour se faire des idées. Rapidement, elle tente de se dédouaner.

▬ Ah ! Mais je promets que c'est pas pour ça que j'ai amené du thé !

Evidemment, comme si elle avait en elle la fourberie de tenter de l'acheter.
Le regard fuyant, les rougeurs qui fleurissent un peu plus sur ses joues, remontent timidement jusqu'à ses pommettes, elle finit par avouer.

▬ Est-ce que... une brève inspiration pour se donner du courage et se lancer. Est-ce que tu pourrais me laisser te coiffer... ?

Une seconde de silence et le rouge mord désormais la majorité de son visage poupin alors que l'angoisse fait voler les excuses hors de ses lèvres.

▬ Je sais que c'est bizarre comme demande, désolée ! Mais c'est juste que tes cheveux ont l'air de toujours t'embêter et j'adore jouer avec ou juste coiffer les gens en général et ça fait longtemps que je l'ai pas fait... Ca serait rien de super bizarre je promets ! Juste, je sais pas, une tresse ? Comme ça, ça te gêne plus et t'aurais plus à les dégager de ton visage...

Elle a du mal à s'arrêter, rongée par la culpabilité de l'égoïsme de sa demande innocente. Et pourtant, sans se rendre compte de la fourberie de son visage chérubin, de sa peau joliment décorée par l'embarras, de ses yeux qui brillent comme ceux d'un enfant prêt à ouvrir des cadeaux le jour de son anniversaire et qu'elle remonte timidement pour affronter les siens, telle une plaidoirie silencieuse, elle demande. Doucereuse, ne voulant outrepasser les limites qu'il est prêt à lui accorder, les mains désormais à ses lèvres qu'elle tente de cacher.

▬ S'il-te-plaît... ?

A défaut de potions, elle fait des yeux de chien battu à tomber.
Et c'est même pas calculé.

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Qu'elle a honte.
Dieu qu'elle a honte.
C'était stupide, une lubie qui l'avait prise il y a de cela un bout de temps, déjà. Elle s'était surprise à faire une fixette sur les cheveux du Serdaigle quand elle se perdait dans ses pensées pendant leurs sessions de travail. Intriguée, elle avait cherché à comprendre pourquoi de telles pensées s'étaient engrainées ainsi dans sa tête au lieu de se concentrer sur ses notes, qui étaient sûrement bien plus intéressantes (et importantes). Elle aurait volontiers mis cela sur le compte d'une certaine nostalgie de jeunesse, quand ses frères l'autorisaient encore à jouer avec leurs têtes comme des poupées. Elle était jeune, très jeune - ça remontait à avant qu'elle ne soit prise par la danse et l'escrime, les entraînements incessants et les compétitions. Mais c'était quelque chose qui l'avait toujours profondément amusée et satisfaite. En primaire, elle était celle qui coiffait toutes les filles de la classe, le sac à dos paré de rubans et d'élastiques, de pinces et d'épingles, de barrettes fantaisies en tous genres. Elle avait même coiffé d'autres garçons, qui pour une raison inconnue s'étaient laissés amadouer - sûrement les yeux de chien battu qu'elle faisait déjà à l'époque. A croire qu'apprivoiser les terreurs en tous genres avait toujours été l'un de ses passe-temps.

Au final, elle n'avait trouvé aucune réponse satisfaisante à ses divagations. La curiosité ? Le manque d'affection ? L'envie de s'amuser ? Une certaine possessivité, peut-être, d'avoir le droit d'encore se rapprocher ? Elle n'en était pas sûre, mais l'envie était somme toute présente. Elle a toujours été avide d'être au plus proche d'autrui, une véritable sangsue, quand bien même elle s'efforçait toujours de rester supportable. Ses désirs semblaient pourtant, cette fois, s'être un peu emballés, et la voilà percée à jour.

Il n'y avait pas de mots assez puissants (ou du moins pas dans son répertoire) pour décrire à quel point la honte la rongeait. Et si elle avait foutu en l'air leur soirée à cause de ça ? Et si Eamon s'en froissait ? S'il pensait qu'elle abusait ? Elle le pensait bien après tout. Elle obtenait déjà tant - sa compagnie, tant dans les révisions que dans leurs dégustations, dans leurs longs silences confortables qu'elle adorait partager ; et pourtant la voilà, avide, affamée de toujours être autorisée à plus. Son avarice n'avait jamais de limite. Et elle n'en était pas fière.

Son estomac coule un peu plus quand elle voit son compère s'étouffer sur sa boisson - lui qui est toujours si calme et composé, c'était une première. Elle a vraiment mis les deux pieds dans le plat, pas vrai ? L'envie de jurer envers elle-même se fait soudainement forte, mais encore plus de s'excuser - prête à déverser un afflux de pardons, la main de son camarade l'arrête avant même qu'elle ne se lance. Ah. Même ses excuses ne seraient donc pas acceptées. La boule qui coule dans son ventre s'alourdit encore et lui donne envie de se cacher. Elle a l'impression de tout avoir gâché. Alors quand une interrogation se fait entendre, incertaine, elle relève des yeux surpris vers lui, tout aussi déboussolée que lui, aussi incongru cela soit-il.

▬ Quoi ?

Maintenant ? A-t-elle bien entendu ? Maintenant quoi ?

▬ Oh.

Ce n'est pas son moment le plus brillant.
Bien qu'elle ne se pense vraiment pas aussi intelligente qu'on veuille lui faire croire.

▬ Heu, bah quelle éloquence Si ça te dérange pas, j'ai toujours des élastiques sur moi alors...

Alors oui, maintenant.
Maintenant ça serait bien.
Même plus tard, elle accepterait.
N'importe quand, en fait.
Même une fois diplômés.
Vraiment, même dans une douzaine d'années.
Mais n'allez pas croire qu'elle est désespérée. Absolument pas. Jamais. Le silence la tue, mais elle patiente. Son coeur bat si fort dans sa poitrine qu'elle a l'impression de l'entendre dans ses tempes - elle ne se souvient pas de la dernière fois où elle a été autant dans l'attente d'une réponse. Elle ne saurait même pas dire si les derniers examens l'ont mise dans cet état. Et elle s'en sentait un peu ridicule. Eamon n'avait aucune raison d'accepter sa demande égoïste et elle en était parfaitement consciente. Pourtant, c'est une approbation courte, presque sèche qui lui échappe (comme à son habitude). Persephone n'est pas sûre d'avoir bien entendu - d'accord ? D'accord, ça veut bien dire oui, pas vrai ?

▬ Uh.

Décidément, son éloquence ce soir est à toute épreuve.
Lentement, elle sent la tension dans ses épaules s'en aller, la lourdeur dans son ventre s'évaporer et avant peu, ses yeux brillent d'un éclat plus enfantin que jamais, un sourire éclatant qu'elle n'arrive pas à retenir. Même le Soleil aurait du mal à rivaliser.

▬ Vraiment ? Merci !

Avec une certaine impatience, elle délaisse son pauvre thé abandonné pendant l'infusion pour se lever et aller derrière lui sans mouvement brusque, malgré son habitude à marcher sans bruit. Elle reste une seconde dans son dos sans oser rien faire, intimidée (terriblement exaltée) à l'idée de pouvoir enfin assouvir son envie. Enfin, d'une main timide, elle vient en glisser une mèche entre ses doigts. Ah.

▬ Ahah, c'est aussi doux que ce que j'imaginais.

Elle avait entendu dire - et avait pu confirmer au sein de sa fraternité - que les garçons avaient tendance à avoir les cheveux doux sans la maintenance souvent effectuée par la gente féminine. Les gestes lui reviennent naturellement, délicats mais habiles, alors qu'elle s'attèle à récupérer toute la chevelure brune entre ses doigts. Et peut-être que ses doigts et ses ongles s'échappent, l'espace d'une seconde, contre une nuque inhabituellement dégagée, contre une oreille quand elle vient récupérer des mèches fugaces. Peut-être même qu'elle se surprendrait à humer tant la bonne humeur la berce. Tant cette proximité lui plaît.

De ses mains expertes, elle commence à tresser, en faisant attention à ne pas faire de noeuds et à ne pas trop serrer. Le but, c'est que ça soit confortable et pratique et non pas désagréable à porter. Elle s'amuse, profite de pouvoir s'ateler à une chevelure plus longue que la sienne à l'heure actuelle. Parfois, ses longs cheveux qu'elle arborait dans sa tendre jeunesse lui manquent, mais elle ne regrette pas. Les cheveux courts lui vont bien mieux. Ils sont juste assez longs pour être retenus par sa pince préférée. Un coup de main qu'elle a pris au fil des années. Secouée d'un léger rire, elle finit par avouer dans une ignorance bienheureuse.

▬ Bon bah, j'ai peut-être abandonné l'escrime mais si Auror ça me réussit pas, j'ai qu'à me rediriger dans la coiffure.

Pourtant elle ne sera ni Auror ni coiffeuse.
Elle ne sera même pas réellement médecin.
Au fond, elle sera juste malheureuse.
La tâche n'est pas éternelle - elle est même bien trop courte à son goût. Mais elle ne veut pas abuser plus que de raison, alors elle sort de la poche de son uniforme un élastique noir discret avec lequel elle vient sceller la tresse, admirant ensuite son oeuvre d'un oeil satisfait.

▬ Voilà ! J'espère que c'est pas trop serré. Si ça l'est, n'hésite pas à l'enlever.

D'un pas léger, elle retourne à sa place, son sourire n'arrivant pas à la quitter alors qu'elle s'acquitte enfin de sa tasse pour prendre une gorgée de son breuvage. Elle a l'impression de pouvoir encore plus le savourer maintenant, un soupire de satisfaction totale s'échappant doucement de ses lèvres.
Quelle bien belle soirée qu'elle est en train de passer.

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C'est une satiété nouvelle qui la remplie. Si elle avait su qu'elle tirerait une telle satisfaction de coiffer Eamon, peut-être l'aurait-elle demandé plus tôt. Peut-être l'aurait-elle demandé plusieurs fois. Persephone avait une légère tendance à trop se reposer sur ce qui lui plaisait - une tendance à l'addiction saine, jusqu'ici, mais qui fait pour sûr parti de ses faiblesses. C'est pour ça, aussi, qu'elle aime autant toucher les autres, leur tenir la main, les prendre dans ses bras, être aussi proche qu'il le lui est permis - la sérotonine et dopamine que ça lui apporte n'est pas à négliger. Mais elle doit avouer qu'elle n'a jamais été aussi satisfaite de simplement coiffer quelqu'un - elle ne s'attardera trop sur cette pensée, mais son coeur n'est pas dupé par ce déni bénin.

La douceur du moment est rapidement brisée par les paroles du Serdaigle qui s'élance sans gêne ni honte sur ses choix de carrière. A ses réflexions, c'est un rire qui résonne dans la pièce ; toujours aussi jovial, toujours aussi sincère. Il lui en faudra bien plus pour cacher le Soleil de nuages.

▬ Pour être honnête, tu n'es pas le premier à me dire ça.

Et sûrement pas le dernier non plus.
La coiffure ne semble pas non plus charmer Eamon, ce qui la fait sourire. Il mentionne son talent, ce qu'elle est pourtant persuadée de ne pas avoir. Assidue, elle l'est. Studieuse aussi. Mais talentueuse ? Non, sans aucun doute. Elle n'est pas comme lui, n'a pas d'empire à conquérir ou de royaume à établir. Elle n'est pas non plus passionnée par ce que la magie ou les potions peuvent lui apporter. Loin de l'engouement que la majorité des gens dans l'école ont pour la sorcellerie. Et c'est dans ces moments là qu'elle ressent le plus la différence entre ses origines moldues et celles des gens comme son camarade qui ont toujours baigné dans cet univers.

▬ Gâcher mon talent, hein...

Silencieuse, elle reprend une gorgée de son thé - le savoure, observant son collègue se diriger vers une fenêtre. Une autre question tombe, à laquelle elle n'a pas forcément la réponse non plus.

▬ Pourquoi pas ?

Elle observe sa tasse, réfléchissant un moment.

▬ A vrai dire, je ne pense pas que je trouverai quelque chose qui pourra remplacer l'escrime.

Si elle ne s'était probablement pas plus étalée que ça sur le sujet avec Eamon pour ne pas l'ennuyer au possible, il n'y avait aucun doute quant à la vivacité qui la prenait dès qu'elle mentionnait ce sport. Elle avait dans ses yeux la même lueur que ces jeunes qui parlaient de vouloir devenir champion de quidditch - la rage de gagner, la faim de toujours se surpasser, d'écraser ses adversaires. Une faim qu'elle ne pourra que reporter sur ses études avant de l'amasser dans les coins de sa maison, tentant de l'oublier, à défaut de pouvoir la rassasier.

▬ Auror me semble juste être une alternative viable et en accord avec mes principes. Même si je doute qu'on m'accepte là-bas, vues mes origines.

Elle sourit - mais c'est un peu amer, envers elle-même plus qu'autre chose. Elle ne peut rien y changer et n'en est pas honteuse, mais dire qu'elle n'a jamais été brimée depuis son arrivée à Poudlard à cause de ça serait d'une stupidité honteuse.

▬ Tu dis que j'ai du talent, mais j'en suis pas si sûre. Toi, tu es talentueux Eamon. T'as la flamme pour ce que tu fais, ça te fait vibrer. Et tu y excelles, sans même parler de ton travail dantesque. Moi, la magie, ça m'intéresse évidemment mais je suis loin d'être douée. Je m'en sors parce que je bosse, mais je n'ai pas plus d'affinitée que ça avec toutes ces choses. Auror, c'est un peu tout ce que j'ai trouvé qui soit raccord avec ce que j'aimerais être plus tard.

Elle hésite une seconde, finissant par avouer quelque chose que même sa famille ignore, le regard rivé vers l'extérieur à son tour. Le monde dehors lui paraît si lointain et incertain.

▬ J'ai pensé à quitter Poudlard avant le DEMA. Retourner du côté des moldus pour aller à la fac, peut-être. Quitter le monde magique. Je pourrais passer plus de temps avec ma famille, aussi.

Mais ça voudrait dire quitter sa seconde maison. Quitter tous ses amis. Quitter Eamon. Et elle n'est pas sûre d'arriver à le supporter, à défaut de s'être faite à l'absence de ses proches.

▬ Enfin, j'ai encore quelques années pour décider de tout ça. Qui sait, peut-être que je finirai par trouver quelque chose qui m'inspire réellement.

Mais elle en doute. Une nouvelle gorgée de son thé et elle remonte ses yeux, enfin, sur la silhouette de son camarade. Un sourire taquin prend place sur ses lèvres, comme si l'incertitude du futur n'avait jamais pris place dans la conversation.

▬ Dans tous les cas, j'espère que tu ne m'oublieras pas quand tu seras super célèbre. Qui sait, peut-être que je passerai te voir entre deux potions pour avoir un autographe. Ca doit se revendre à bon prix, ce genre de choses.

Sarcastique, railleuse - en tout bon respect, bien évidemment.

to the

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En toute sincérité, elle n'attendait ni approbation ni refus en retour. A la limite, une opinion peut-être exacerbée par une volonté de vouloir être en contrôle, par un désir d'être froid, intouchable - elle n'est pas dupe. Pas entièrement, en tous cas. Eamon se donne des airs de méchant, et sûrement n'est-il pas aussi tendre qu'elle, mais ce n'est pas non plus un démon. Pourtant, malgré sa lucidité, elle se pense rêveuse, farfelue, quand elle se laisse aller à penser qu'il pourrait réellement tenir à elle, ne serait-ce qu'un peu. Elle ne se pense qu'une lubie passagère (malgré le temps, malgré les thés, malgré les années) juste une envie à assouvir dont il finira par se lasser - elle en est triste, mais pas rancunière. Elle prend tout ce qu'il lui donne et acceptera de le laisser partir sans en être amère (oh, si elle savait, qu'elle serait la première à l'écarter, et à quel point elle en pleurerait).

C'est donc la surprise qui peint son visage quand son non catégorique ne tombe lourdement. Il s'approche et au rythme de ses pas, son coeur tambourine. Son cerveau lui souffle doucement de ne pas se perdre dans des illusions, qu'il a peut-être cédé à son caprice, mais Eamon est libre, loin de toutes attaches. Même celle qui porte son nom. Elle ne quitte son regard, ancrée dans sa chaise. Malgré les appels de sa raison, elle rêve peut-être d'y voir une envie de la retenir, une once de possessivité, d'obsession. N'importe quoi qui lui vaudrait une place à ses côtés, même si elle se faisait folie ou déraison.

Il lui dit d'oublier son jugement, de rester dans ce monde qui ne lui convient qu'à moitié. De ne pas le laisser l'avaler. Dans ses yeux se mue une certaine incompréhension - briller ? Elle ? Absurdité. Elle n'était qu'une ombre dans les couloirs, qu'un visage parmi tant d'autres, qu'un nom à oublier, qu'une note sur un carnet. Persephone n'était personne d'important, et elle ne le serait jamais. Elle n'a rien de solaire, n'a rien de cosmique. Elle n'est que tristement ordinaire - n'a jamais prétendu le contraire. Et sur son visage souriant, elle, si douce, si positive, consciente de son travail, de ses résultats, de sa valeur et de ses capacités, n'a pas une seconde à hésiter.

▬ Eamon, je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais je crois que tu as peut-être trop d'attentes à mon égard. Je ne suis pas faite de lumière. Je ne vois pas de quoi l'on pourrait me dépourvoir.

Pourtant elle a tout à perdre.
Et elle perdra tout.
Sa lumière, sa passion.
Ses amis, sa famille.
Sa maison.
Eamon.

Ses dernières paroles l'adoucissent pourtant un peu. Laissent sortir naturellement de ses lèvres un rire - une rare honnêteté, pourtant maladroite (et même ça elle a appris à l'apprécier). Elle tente de s'en cacher, mais c'est indubitablement de la tendresse dans son regard et son sourire. Damnée soit-elle, elle sauterait à pieds joints en enfer si ça signifiait pouvoir l'entendre rire.

▬ Enfin, ça serait triste si tu venais à me laisser derrière. Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur. Même si tu te lasseras peut-être de tout ça bien avant nos diplômes, j'aimerais en profiter plus longtemps.

Au compte goutte, elle laisse tomber ici et là les inquiétudes qui fleurissent dans le creux de sa poitrine. Celles qu'il sème, sans s'en douter ou en pleine connaissance de cause, elle ne saurait dire et n'a rien à lui reprocher, elle l'accepte avec toutes les craintes qui le suivent. Elle n'a jamais voulu le côtoyer autrement que dans toute son entièreté. Mais sûrement n'a-t-elle jamais sous-entendu avant qu'elle n'était pas si simplette qu'elle le laissait paraître, qu'elle n'était pas aussi confiante qu'elle aurait voulu l'être. Travailleuse, studieuse, assidue - mais toujours habituée à être cajolée et choyer, elle qui se plaît à plaire au monde, à fleurir en foule, la voilà bien troublée d'avoir trouvé quelqu'un dont elle craint l'abandon. Elle ne lui demande pourtant rien, ne pleura pas pour obtenir son attention. Ne quémandera pas sa présence plus que de raison. Trop tendre pour attacher de force à son coeur qui que ce soit, elle se préoccupe bien plus de ses buts, ses objectifs, de ses passions, son horizon. Alors elle profite de ses soleils, de sa pluie, dans l'attente incertaine de la sécheresse et de l'inévitable perdition.

Ses yeux descendent sur sa tasse presque vide.
L'ombre d'une seconde, on croirait voir un nuage sur le champ de violettes.
Mais elle le chasse vite, polit ses lèvres d'un sourire.
Changeante comme les saisons.
Elle craint déjà la solitude de l'hiver quand il n'a fait que planter en elle des bourgeons.

▬ J'ai presque fini, tu veux boire lequel ensuite ?

Autant changer de conversation.

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Elle a fait une bêtise. Elle s'en est rendue compte après que les mots aient dévalé ses lèvres. Encore une fois, son manque d'hésitation, son honnêteté, lui coûte. Un motif récurrent au fil des années qu'elle n'arrive pourtant pas à corriger. Sous les commentaires acerbes du Serdaigle, elle se terre dans sa chaise, les épaules tendues. Ses mains ont retrouvé leur place sur ses cuisses, jouant nerveusement avec ses doigts, tirant légèrement sur ses ongles. Elle a du mal à avaler sa salive. Encore plus de mal à affronter ce regard qu'elle pensait ne plus avoir à soutenir ou à subir. Son favoritisme a une limite et elle l'oublie parfois. Et voilà où elle en est, à se faire sermonnée. Son coeur coule dans sa poitrine, loin de tout printemps, de toute douceur, de toute passion, de toute floraison. Elle voudrait lui dire pardon, mais comprend bien que ça ne changera rien, voir que cela serait mal vu. Alors elle se terre dans son silence. Dans celui qui envahit la salle commune qu'ils partagent, la culpabilité venant ronger tous ses pores. Si elle n'est pas aussi prédominante à l'époque qu'elle ne le sera plus tard, il n'y a aucun doute qu'elle est déjà bien facile à faire émerger.

Elle se rend bien aussi compte, à la manière dont il la fixe, qu'il n'est pas dupe une seconde à son sourire. Malheureusement, son coeur s'est échoué sur une rive, alors le temps qu'il s'en remette, c'est tout ce qu'elle peut lui offrir. Il détourne le regard et elle a l'impression de pouvoir respirer. Elle ne comprend pas - ne comprendra malheureusement jamais - pourquoi il a tant de faciliter à la chambouler, à retourner son monde de quelques mots, d'un sourire, d'un rire, ou d'une colère mal placée. Eamon jouait d'elle comme il le voulait (et plus tard, ça ne ferait qu'empirer).

Pourtant, sa simple voix suffit à rallumer en elle quelques éclats qui crépitent doucement, dans une lueur tamisée. Trois mots, encore, qui lui annoncent que l'orage n'est que passager, qu'il n'est pas là pour durer. Alors, son corps se relâche, ses épaules se détendent et un soupire de soulagement s'échappe discrètement de ses lèvres pendant qu'il s'éloigne. Il en faut si peu pour qu'elle oublie tous les torrents qu'il lui fait naviguer, tous les torments qu'il est prêt à lui infliger. Et ça n'est pas prêt de s'arrêter. Elle se dit qu'elle a le droit à un peu de répit, à un moment de sérénité. Mais sa question l'interpelle, et elle répond à moins d'une seconde d'écoulée.

▬ Non !

Sa voix est sortie un peu plus vite, un plus forte, un peu plus paniquée qu'elle ne l'aurait voulue. Elle n'est pas encore maître de ses émotions, n'a pas encore assez huilé la machine. Mais ça finirait par arriver. Sur son visage se dépeint une certaine horreur à l'idée même que de l'acheter avec du thé. Ses yeux brillent, agités d'une toute autre tempête, de sentiments qu'elle ne comprend pas et qu'elle n'arriverait jamais à expliquer. Mais elle tente, maladroitement, d'au moins en transmettre l'idée, à défaut de pouvoir tout lui avouer.

▬ Je jure, c'est juste pour pouvoir partager. Elle soutient son regard avant de le fuir. Sur ses joues, un rose, léger (elle était si facile à embarrasser, avant) alors qu'elle finit par avouer. Enfin, c'est aussi une excuse pour pouvoir passer du temps avec toi mais...

Mais c'est dur à dire. Oui, il y a des soirs, des journées, où elle n'a pas du tout envie d'en boire, où elle préférerait un café ou même ne rien boire du tout. Où elle veut simplement passer du temps à ses côtés. Où elle veut simplement avoir un prétexte pour lui parler. Pour pouvoir se rapprocher. Pour pouvoir le monopoliser. Elle continue, comme si sa poitrine avait amassé tout ça en secret et qu'il venait juste d'en trouver l'entrée.

▬ Et puis, c'est aussi parce que sinon tu ne m'écouterais pas quand je te dis de prendre une pause. Je sais que tu aimes travailler, mais parfois t'en fais vraiment trop. Et elle, elle s'inquiète. Comme l'idiote qu'elle est. Quand tu bois du thé, t'as l'air d'enfin pouvoir te reposer et te détendre et te laisser un peu aller.

Parce qu'elle parle, elle parle, elle dit beaucoup de choses de surfaces, sans grand intérêt, quand bien même il continue de l'écouter mais elle observe, aussi. Elle est un peu comme lui. Elle scrute ses expressions, cherche ses regards, essaye de décrypter la moindre petite attention, aussi maladroite soit-elle, comme une âme déshydratée dans un désert.

▬ Je suis pas stupide, je sais bien que c'est des prétextes égoïstes et que c'est pas simplement pour faire plaisir. Et elle se doute bien qu'il s'en doute aussi. Mais t'as l'air tellement content quand j'en apporte et que t'en découvres de nouveau qu'à chaque fois que je passe devant une boutique je finis par y entrer pour en prendre sans même y penser deux fois.

A ce moment, ses joues lui brûlent comme si elles étaient teintées du rouge des Gryffondor et son regard est parfaitement coincé sur ses mains, incapable de le regarder en face. Elle n'avait pas du tout prévu d'étaler ses émotions maladroites ce soir. Elle se pense chiante, honnêtement, trop émotive. Trop attachée. Trop lourde. Trop encombrante. L'impression d'enchaîner les gens quand ils n'ont que l'envie de partir - mais Persy aime, elle aime fort, toujours si fort, parfois peut-être un peu trop, ça cause à son petit coeur des bleus et des hématomes qu'elle a du mal à soigner. Elle n'a jamais su pourquoi elle avait autant d'amour à donner, mais ça déborde et elle n'arrive plus trop à le canalyser.

▬ Je dis pas que je pense jamais que si j'en apportais pas tu me trouverais aucun intérêt mais... C'est pas du tout la raison première pour laquelle je fais ça.

C'est timide, maladroit, mais plein de bonne volonté.

▬ J'ai juste envie de passer du temps avec toi.

Même juste un peu, juste ce qu'il est prêt à lui accorder.
Elle a l'impression que ses yeux brillent et qu'elle pourrait en pleurer, ses rougeurs dévorent son visage et remontent jusqu'à la pointe de ses oreilles, dévalent sa nuque dégagée, alors qu'elle tente aussi bien qu'elle ne le peut de s'en cacher, regardant au dehors, loin de lui, loin de son jugement qu'elle ne sait pas si elle arrivera à affronter. Elle mord nerveusement sa lèvre, l'impression d'étouffer dans la chaleur de son corps. Qu'est-ce qu'il lui a pris de balancer tout ça ? Qu'est-ce qu'il lui a pris d'ouvrir son coeur alors qu'il n'en a probablement rien à cirer, qu'il ne voulait sûrement qu'une brève clarification ?
Elle se sent stupide, se faisant aussi petite qu'elle le puisse.
L'envie de disparaître ou de lui faire oublier tout ce qu'elle vient de déblatérer. Mais les mots ont coulé, et elle prie pour qu'une amnésie subite ne vienne le frapper. Ah. Elle qui pensait qu'elle avait réussi à tout bien enfermer au fond de sa poitrine, elle porte vraiment son coeur sur sa manche.
Quelle tanche.

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Elle ne savait pas à quoi s'attendre. Elle commençait à connaître Eamon, alors la première réaction qu'elle attendait de lui était du sarcasme. Peut-être une remontrance. Sûrement un recadrage. Elle n'avait aucun droit de vouloir s'accaparer son temps, lui qui, contrairement à elle, avait un but précis à atteindre. Et pour sûr il ne la laisserait pas le ralentir, aussi bonnes et altruistes soient ses intentions. Il n'était pas ce genre de garçon. Elle le savait parfaitement. Elle savait aussi très bien qu'il n'était pas le genre de garçon dont ses parents approuveraient la fréquentation - ou ses frères, à vrai dire, bien que ses trois frangins aient toujours été plus des dobermans encore que ses propres géniteurs. Elle les aimait tous énormément, mais ils avaient tendance, dans leur bonne volonté de vouloir la protéger et ne vouloir que le mieux pour elle, à parfois l'enfermer dans un monde de simplicité dont elle voulait se dégager. Persephone aime la vie. Elle aime ce qu'il y a de meilleur et de pire dedans, les hauts et les bas, les tristesses et les joies. Elle aime la croquer à pleine dents, la vivre à cent pour cent, avec tout ce que cela implique. Elle aimait aussi penser que tout le monde mérite sa chance. C'est cette pensée même qui l'avait poussée à aller parler à Eamon, plutôt que de rester sur les rumeurs qu'elle avait pu entendre, sur les on-dits qu'on lui avait murmurés et qui n'étaient pas vraiment reluisants. Elle sait. Elle sait ce que ça fait. Elle a été le sujet de murmures, de messes basses. L'est sûrement encore. Elle avait beau s'être intégrée dans l'école, la société magique en dehors était encore plus intransigeante. Et peu importe ses notes, certaines personnes ne passeraient pas outre sa nature de née-moldue avec gentillesse. Elle était préparée à se battre pour se faire une place.

Mais si elle était prête à affronter toute la population magique, elle n'était pas sûre d'arriver à affronter Eamon. Elle avait pris le risque (involontairement) d'étaler ses sentiments, bien qu'elle ne s'était absolument pas rendue compte du message sous-jaccent qu'elle avait pu transmettre, perdue dans une ignorance et une inconscience bénies. Et si Eamon décidait de claquer la porte qu'elle avait ouverte timidement, elle ne pourrait rien y faire. Elle accepterait en silence, se déverserait peut-être en larmes dans la solitude de sa chambre, mais elle reviendrait tout sourire en tentant d'effacer ce moment (si seulement il lui faisait la faveur de l'accepter malgré tout). Alors, au fond de son estomac, c'est la peur qui la tord. La peur d'avoir perdu la place qui lui avait été accordée après un long travail pour le convaincre qu'elle le méritait, pour lui faire baisser les murailles de ses défenses et lui prouver qu'elle n'était pas un danger. La peur que sa réponse ne lui convienne pas - car après tout ce temps, malgré tout, le Serdaigle savait se montrer toujours plus imprévisible et dur à cerner, et elle n'était pas si perspicace. Du moins, pas autant que lui. Et elle n'était pas assez douée pour arriver à lire au travers de toute l'impassibilité qu'il maîtrisait et qu'il lui arrivait parfois d'envier. C'était aussi la peur de perdre quelque chose qu'elle considérait comme précieux. Elle n'était pas trop sûre de pourquoi, mais elle savait que ne plus le voir la rendrait bien malheureuse. Elle chérissait cette amitié, cette rivalité, à n'en point douter. Personne dans tout Poudlard à part lui ne pouvait lui offrir ce qu'elle attendait. A part lui. Peu importe à quel point il n'était pas idéal, à quel point ce n'était pas une âme charitable, à quel point il pouvait se montrer sournois et s'amuser à se jouer d'elle.
Elle savait, tristement, que ça ne pouvait être que lui.

Contre toute attente, c'est un rire.
Un rire qui lui fait relever les yeux vers sa provenance. Inopiné. Rare. Eblouissant. Avec n'importe qui d'autre, elle se serait pris une gifle, la honte la balayant à l'idée qu'on puisse faire un pied de nez à ses aveux, qui, malgré tout, lui avaient demandé un certain courage. Elle aurait peut-être protesté, aurait cherché des excuses.
Mais la voilà muette.
Les lèvres entre-ouvertes, les yeux s'illuminant d'une adoration nouvelle et son coeur qui trébuche, se ramasse pour mieux repartir au galop. Elle ne peut que le regarder, qu'admirer la symphonie si douce à ses oreilles, qu'aprécier cette pépite dont elle ne veut manquer le moindre aspect. Silencieuse, elle tente de graver ce moment dans sa mémoire (elle veut bien en oublier tous ses cours si ça prend trop de place). Elle aperçoit des larmes à ses yeux, qu'il tente de chasser loin (elle resserre ses poings, chasse l'envie d'être celle qui vient les cueillir) et s'il cache ses yeux, ce qu'elle regrette (avide, avare, elle veut toujours plus) elle ne détache ses pupilles de son sourire absolument radieux. Muette dans son incompréhension, elle s'en inquiète peu. Il peut bien lui rire au nez, si elle peut entendre ce rire à nouveau, si elle peut le voir briller autant, elle lui fera bien tous les aveux les plus stupides du monde.
Elle voudrait l'entendre encore.
Ne serait-ce que juste encore un peu.
Son coeur honnête lui fait comprendre cet aveux.
(Et elle n'entend pas la petite voix discrète, le murmure heureux,
Qui lui susure que c'est sûrement ça, que d'être amoureux)

Il dit être surpris - elle l'est aussi. Elle ne s'attendait pas du tout à un rire aussi jovial, en réponse. De tous les scénarios qui lui avaient traversé l'esprit, celui-ci n'était peut-être même pas sur la liste - dieu sait pourtant qu'elle fut longue. Morose, aussi. Elle ne sait pas si ses joues sont encore plus rouges, ou si elle s'est juste transformée en toaster à ce niveau, mais au diable les émotions qu'elle porte comme un livre ouvert. Ses yeux se reposent sur elle et l'éclat dedans la rend toute chose. Elle se sent vraiment stupide, une main portée à sa propre poitrine - à force d'avoir le coeur qui bat autant, elle se demande si elle ne devrait pas consulter. Sûrement que ça n'est pas sain d'avoir autant de palpitations. Il lui faut une seconde, mais elle ose répliquer, après une légère hésitation et un timide bégayement.

▬ Il faut bien que quelqu'un le fasse ! Tu vas finir par te tuer à la tâche, un jour. Vraiment ! Je ferai quoi, moi, si je perds la seule personne qui arrive à rivaliser avec mes notes ? Déjà que les cours ne sont pas des plus divertissants...

Et elle prend son rôle, l'espace d'un instant.
Malhonnête, pleine d'excuses pour couvrir son affection, ses attentions.
Sauf qu'elle porte sur son visage une moue, incapable d'être impassible.
Un demi-mensonge qu'elle refusera d'avouer mais qui est aussi limpide que de l'eau.
Le voilà qui leur sert du thé et, l'espace d'une seconde, elle admire ses mouvements. Et la tresse qui orne ses cheveux. Ca lui va bien, vraiment. Un sourire timide pointe le bout de son nez sur ses lèvres. C'est la fierté qui vient la bercer, cette fois. Elle repense à la sensation de ses cheveux. A la beauté de son rire.
C'est moi qui ai fais ça.
D'abord silencieux, c'est un rire, doux, beaucoup plus calme que celui de son congénère mais sincère, qui lui échappe. Elle se sent aussi légère qu'une plume, maintenant qu'elle est loin de ses remontrances, de l'angoisse de sa réaction. Alors, à nouveau, elle brille - peut-être encore plus maintenant qu'elle sait pouvoir être honnête avec lui. Un soulagement qui vient rassurer l'abondance de ses sentiments. Il s'excuse - elle répond en secouant sa tête, radieuse dans sa réponse.

▬ Hmhm, c'est pas grave. elle ose, même. Moi, j'espère que ça arrivera à nouveau.

Parce qu'elle ne le dira pas, mais il était tellement beau.
Délicatement, ses mains viennent chercher sa tasse. Elle porte ses lèvres proche du liquide, souffle doucement dessus dans l'espoir de le refroidir un peu. Les yeux qui étaient sur elles fuient, dans la discrétion, et elle penche légèrement sa tête dans l'incompréhension. Elle cligne des yeux, attendant une explication. Sa phrase l'arrête dans son mouvement et rapidement ses joues chauffent à nouveau, d'un rose confortable cette fois, qu'elle porte à ravir, toujours éclatante dans son sourire.

▬ Merci à toi, aussi. C'est toujours un plaisir.

Plaisir, c'est un tel euphémisme.
De nouveau pleine de bonne humeur, elle s'empresse de boire une gorgée de son thé qu'elle a hâte de gouter avant de grimacer, portant une main à ses lèvres avant de laisser sa langue très légèrement sortir. Un juron manque de sortir avec.

▬ Ouh, j'aurais dû attendre un peu plus. C'était pas très mâlin.

Mais ça sent tellement bon, elle n'a pas envie d'attendre, impatiente. Alors elle balance un peu ses pieds sous la table, faisant attention à ne pas venir taper ceux qui traînent non loin pour ne pas le déranger. Elle voudrait profiter du silence, mais elle ne peut pas s'empêcher de demander, toujours envieuse de l'entendre parler.

▬ D'ailleurs, j'espère que tu me laisseras encore te coiffer, de temps en temps. C'est tellement plus marrant sur des cheveux longs ! Et puis c'est thérapeutique, aussi. Promis, je te ferai pas des couettes. Et j'y mettrai pas des barrettes roses.

L'image lui vient en tête.
Elle couvre ses lèvres d'une main, un léger rire derrière.
Elle doit avouer que ça serait tentant, quand même.
A nouveau derrière sa main, c'est un léger bâillement qui la saisit ensuite. Mais comme une enfant têtue, elle l'omet. Elle n'a aucune envie d'aller se coucher.

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C'est tout bête et simplissime, mais ça ne l'avait pas encore frappée. Dans la petite phrase (simple, anodine) qu'Eamon ne se permet de lancer, elle se sent soudainement bouleversée. Ses protestations à elle n'étaient que mauvaise foi, mais dans sa réponse se trouvait un pépin rare, un éclat de sincérité. Et elle comprend, enfin, la raison de sa colère passée.
Il appréciait l'avoir à ses côtés.
Il était simple de penser que c'était quelque chose qu'elle avait acquis - Eamon ne plie pas pour faire plaisir, seulement quand ça lui chante, alors la côtoyer aussi longtemps devait bien signifier quelque chose. Et sûrement, faute de pouvoir s'empêcher de dénigrer son importance, sûrement qu'il ne ressentait qu'une minime fraction des vagues de sentiments qui l'habitaient.
Mais il appréciait sa compagnie.
Il appréciait la rivalité qui les berçait, saine et motivante. A toujours faire mieux. A toujours se dépasser. Avoir quelqu'un à la hauteur de ses espérances. Courir en craignant toujours d'être dépassé pour se forcer à accélérer. A ne jamais décrocher.
Et elle se permet d'être un peu présomptueuse, quand elle pense que sûrement doit-il apprécier ces petits moments de douceur (même avec ses commentaires acerbes). Si Eamon était une tundra glaciale, elle voulait bien être le feu de bois (faible mais persistant, entretenu, une constante à ses côtés) qui viendrait parfois l'apaiser.
Alors, dans sa poitrine, ça galope toujours un peu plus. Elle a l'impression que malgré la pénombre de la salle, c'est l'aube qui se lève dans ses poumons. Une facilité à respirer, à exister. A se dire qu'on est accepté comme on est. Et elle se dit (espère s'y tenir) qu'elle se permettra peut-être d'être un peu plus audacieuse. De ne pas se contenter d'entretenir avec peur des braises mais bien de les faire briller. Alors, elle pense, elle songe. A l'envie d'à nouveau le coiffer. De glisser ses doigts dans ses cheveux, d'en profiter. De se perdre dans la sensation de sa nuque qu'elle peut toucher (et de remarquer en retenant un sourire) son corps immobile qui semble se raidir. De se permettre d'attrapper sa main, parfois, juste parce qu'elle a envie d'y toucher (elle a toujours eu l'envie) de coller sa paume à la sienne, comparer leurs tailles (et peut-être d'entrelacer leurs doigts) mais ça elle ne se l'avoue peut-être pas. Elle se dit qu'elle se permettra dans ses jours de tristesse de venir chercher le confort de ses bras (elle trouvera une excuse) mais c'est au fond parce qu'elle espère qu'il sera peut-être un peu maladroit (qu'il la serrerait si fort que sa tristesse éclatera) et ça lui irait très bien comme ça. Elle songe et si ses sentiments ne portent toujours de nom, elle leur offre la place qu'il leur faut au fond d'elle (même s'ils ont toujours l'air de prendre plus de place au fil du temps) elle se demande si d'ici leurs diplômes elle ne sera faite que de pensées d'un nom qu'elle ne déteste pas. Elle songe, silencieuse à peine une seconde et finit par souffler.

▬ D'accord. J'y penserai.

Sans dire qu'elle n'a déjà plus à hésiter.
Cruelle, elle veut laisser une trace d'ombre dans ses pensées pour une fois. Et elle se dit, dans un recoin de son âme, que si c'est ce qu'il faut pour qu'il pense à elle quelques fois, elle se l'autorisera.
Il la reprend sur son impatience - c'est une tare qui ne la quittera pas à la fin de l'adolescence, malheureusement. Elle se retient de lui tirer la langue.
Et il lui dit qu'il va y réfléchir.
Et dans sa tête ça sonne un peu autrement,
Ca veut dire qu'elle va occuper ses pensées un moment.
Et ça suffit à la faire sourire.
Dès qu'il lui tend la perche, elle la saisit, ensuite.

▬ Oh, pour toi non ? Un peu de déception. Moi, j'adore. Bon j'ai pas l'habitude qu'on me coiffe, mais coiffer les autres je veux dire. J'adore le faire aux autres dès que je peux.

Une occurrence commune, loin d'être une exception. Elle réfléchit, s'abreuve de son thé sans bruit. Finit par faire éclater ses pensées de son éternelle honnêteté.

▬ Mais je crois bien que c'est les tiens que je préfère.

Le regard sur le côté, dans ses pensées. Avant d'acquiescer, comme pour confirmer. Elle en est sûre désormais. Et puis il la regarde (elle sait bien que son bâillement n'était pas discret) mais elle refuse toujours d'admettre sa fatigue. Alors, quand Eamon parle à nouveau, elle s'apprête à le rebuter - lui ? La fatiguer ? Ah ! Mais c'est le meilleur moment de sa journée ! Son regard est sérieux mais elle s'arrête. L'observe.

Et après une seconde, à son tour, un rire se meurt derrière ses lèvres.
Elle tente de le retenir derrière son poing, baisse même un peu la tête comme si ça allait tout faire disparaître. Ca se transforme doucement en un rire cristallin, mais qui sait se faire discret. Elle tente de l'effacer un peu plus - un soleil qu'il est facile de rater.

▬ Oh, Eamon !

Et dans sa voix on sent son rire, on sent la chaleur de l'été.
On sent à quel point elle s'y plaît.

▬ T'aimerais que je m'en fatigue. Ca te permettrait de retourner à tes bouquins, si j'allais me coucher.

Alors elle étire son sourire chérubin en un rictus plus joueur, plus provocateur. L'air de dire qu'il ne lui fait pas peur.
(Qu'il fait juste battre son coeur)

▬ Mais tu te débarrasseras pas de moi comme ça, j'te le dis ! Il t'en faudra plus !

Elle en est fière. Impassible, non. Mais tenace, oui. Et il le savait - la preuve, ils étaient en train de prendre un thé.

▬ Ou alors il me faut un plan machiavélique. A peine une seconde de réflexion et elle s'éclaire Oh ! Je sais ! Au pire, je m'étalerai sur toi. Comme ça, tu pourras pas voir ce que tu lis. Et je peux dormir en même temps. Le meilleur des deux mondes.

Et elle ignore la pensée de pouvoir dormir sur un torse qui se soulève à un rythme régulier, bercée par une odeur de citron frais. Un air satisfait peint son visage alors qu'elle remonte sa tasse de thé à ses lèvres. Au delà des épices, qu'elle savoure et apprécie, c'est un parfum de victoire. Elle s'est jusqu'ici retenue de trop le toucher, de trop empiéter sur son territoire, mais s'il ne l'avait déjà ne serait-ce qu'aperçue avec ses autres amis, sûrement savait-il alors qu'elle était tactile, toujours agrippée au cou de quelqu'un, en train de serrer leur main.

▬ Je vais t'abandonner, en fait. Je ne sais pas si tu seras assez pour me retenir. Peut-être que tu ne m'apportes pas assez. Serpentard a clairement besoin de mes talents.

Et toujours ce rictus sur ses lèvres.
Elle aussi elle peut jouer au méchant.