Au sein des sentiers les plus brumeux souvent la colère se perd - braise ardente balayée. Mais jamais définitivement morte, c’est qu’elle ressurgit souvent pour assaillir ; les uns autant que les autres, mais les autres presqu’autant que lui-même. Car quand elle ronge son esprit, ce n’est jamais les autres qui en souffrent le plus. Il est toujours au premier rang de sa propre rage brûlante et les flammes même de l’enfer ne sont pas si écarlates.
C’est que Nahash perché sur son épaule rirait presque de ce malheur dans lequel il ne trouve rien ; si béant qu’il s’y perdrait presque. Si incertain qu’il l’abandonnerait presque.
Mais quand bien même il s’y serait noyé, fermement Ashe reste persuadé d’une chose, d’une chute. Il le faut, de toute manière. Il n’en doute pas, mais il doute bien sûr de ses poings qui malgré leur fermeté, ne seront pas suffisant pour cette tâche presque lamentable.
C’est que c’était si facile, de faire gronder sa colère.

Et c’est pour cette raison qu’il s’aventure plus loin dans ces abysses brumeuses, il n’y a pas de discrétion de sa part, il n’y a que du silence mal imposé. Quand bien même il s’y essaierait, Dieu seul sait qu’il n’y arriverait pas. De son pas trop lourd ou de sa présence trop grossière, Ashe a terminé sa route là où commencerait bientôt son règne. Dans l’auberge, on ne lui adressera bientôt plus de regards, car il s’enfoncera bien vite dans une chambre où elle lui a donné rendez-vous.
C’est ici que les plans d’avenir se dessineront ; ici qu’ils dessineront sa fin. Elle doit chuter, où elle finira par tout consumer.

Et à quelques minimes minutes d’intervalle, s’engouffre dans la pièce ; c’est comme si tout était trop petit autour de lui, ou comme s’il était simplement trop grossier pour ce monde. Des présences trop lourdes qui acculent les plus frêles.
Ashe n’a pas même accordé un regard aux alentours, mais a simplement déposé son regard sur elle, un regard trop dur pour lui être adressé et pourtant, c’est bien vissé dans ses orbes qu’il l’a rejoint. Seulement maintenant installé qu’il s’exprime, comme si tout se dessinait maintenant.

— Non, ça a été. Parce qu’elle devinera sans doute aux travers de cette intonation grave tous les maux qui grondent et la colère qui l’habille. Pourtant, ce n’est pas venir qui fut le plus pénible. En réalité, Ashe s’habituait à laisser un lapse de temps conséquent, pour que jamais personne ne puisse penser à un lien possible.
Ce n’était pas même envisageable, après tout, n’était-ce pas pour lui qu’il fallait en arriver là ?
Un jour ou l’autre, Kumiho finira probablement par l’effleurer de ses sales pattes d’un peu trop près - et il ne le permettra pas.

Alors comment il se sent - c’est une question qu’on ne lui pose plus depuis longtemps.
Si bien qu’il ne sait pas même comment la définir.
— Comment devrais-je me sentir ? Les sourcils froncés déformant le visage tiraillé par la colère et les douleurs ; depuis combien de temps n’avait-il pas été étiré si largement par de grands sourires ? Tant qu’elle sera là, je.. Mâchoire crispée et il peine, dans sa colère à distinguer ce qu’il ressent réellement ; car il a toujours frappé si fort pour satisfaire sa propre répulsion.
Que faire quand même ses poings ne suffisent plus ?
Et il sait à travers son regard - elle a une réponse à sa colère, car le temps viendra où ils crouleront.
Mais il ne fait que patienter,
Chien enragé qui lorgne sur sa proie.

Elle le ronge, le rend lamentable. Ne l’a-t’il pas toujours été, en réalité ? Ne l’a-t’elle jamais consumé au point qu’il ne se distingue même plus, qu’il ne se retrouve que noyé un peu plus dans ses propres immondices ? Mais elle le sait, elle ; semble si durement le distinguer à chacune de ses paroles, chacun de ses gestes aussi grisé soit-il, aussi impénétrable veut-il paraître.
Si tu savais Darya, comme sa propre conscience est morte ; comme il a pénétré son propre esprit pour en dévaster les ruines latentes. Comme son sommeil s’étreint de spasmes à chaque fois qu’il pense à tout ces fragments de vie qu’il a délaissé sur le bord. Qu’il a oublié, peut-être encore. Ce qu’il aimerait s’éviscérer lui-même, pour n’avoir plus qu’à se refléter dans un vie intense et incommensurable.
Pourtant il lutte même à ses mots ; il ne sait pas même la rejeter quand il le veut ; il ne sait pas même quand elle fermente en lui ou quand elle dort silencieusement. Elle anesthésie la moindre de ses émotions et couvre son esprit d’une étreinte véhémente ; pourtant quand elle lui demande ce qu’il veut, il est encore hésitant.

Pourquoi persiste-t’il ? Il sait très bien ce qu’il veut, c’est froid et pâteux quand il veut se prononcer.
— Qu’elle crève. C’était si intense et froid à la fois et de sa bouche si muette auparavant, il sent se mêler un goût de sang qu’il aimerait être le sien. Parce que si elle persiste, elle consumera tout ; son existence elle-même laissera des séquelles taraudantes et alors peut-être ne saura-t’il jamais se relever de tout ce qu’elle a délaissé. Tant qu’elle sera en vie.. Parce qu’il comprend qu’elle est une mite qui ronge son esprit ; il le sait, le comprend comme il l’a entrevu en plongeant dans les noires pensées de Hua. Tant qu’elle hantera sa vie, rien ne s’arrangera.
Il s’écoulera toujours si limpidement dans des ténèbres sans fin.

Et aux pensées noires le visage étreint la colère. C’est si douloureux que ses muscles se distordent ainsi pour lui offrir cette physionomie si consumée. Puis il y a le toucher délicat de son index sur sa peau, qui efface un instant seulement les maux térébrants. C’est qu’il aimerait la réserver à un futur avenant, un futur qu’il espère proche. Car son esprit ne sera qu’en paix quand il l’aura fait taire.
Quand il n’y aura plus personne autour de lui pour lui susurrer des immondices à l’oreille, quand il n’aura d’autres idées en tête que les siennes.
Alors quand elle retourne s’installer, il divague légèrement - mais à bon escient. S’il veut pouvoir avoir l’esprit plus clair et moins brumé, il ne doit pas commettre d’erreurs.

— Où elle vit, avec qui. Là où elle travaille, elle n’a m’a jamais rien caché. Mais c’était trop évident pour qu’il puisse remettre en question son honnêteté. Elle vient souvent à la maison, comme ça. Elle vient souvent et elle.. Mots en suspens qu’il ne sait pas même qualifier. Ce qu’elle fait ? Elle lui implante des idées en tête, elle façonne son esprit de mauvaises songes. Elle consume son être plus qu’il ne s’est déjà consumé. J’sais pas, elle fait tout un tas de trucs, dit tout un tas de choses et à chaque fois ça me..
Brûle l’esprit, consume l’esprit sans jamais le libérer. Mais tu as deviné la suite de ses mots n’est-ce-pas ? Quand il a commencé à resserrer ses poings ; quand il a commencé à brouiller dans ses songes son propre visage. Son corps mort pour son esprit en paix, c’était tout ce qu’il désirait.

Alors il pourrait vivre en paix,
C’était ce qu’il espérait.

Elle brûle, se consume déjà presqu’entièrement sa peau, à chacune de ses songes déconstruites ; où va-t’il, vers quel avenir ? Quel chemin finira par se dessiner, quand ils auront accompli tout cela ? Bienheureux il espère - mais il est toujours si trituré par toutes les abysses qu’elle a déposé le long de ses courbes. Des traces éternelles de brûlures latentes aux extrémités du coeur et dans sa colère qui s’abîme encore plus sur son visage, il y a une trace délicate. Crépitement presque sur sa joue ; comme s’il se sentait calmé par son délicat toucher rien qu’un instant.
Immobile, qu’il redresse ce visage aux allures de calme en perdition. Comme elle lui demande et visse cette fois son regard dans le sien, un regard incorruptible. Qu’il n’ai crainte à ses côtés, car ils gagneront et vaincront pour sûr.
Car si c’est la colère qui embrase une partie de sa raison alors, il sait qu’il ne pourra plus lui être utile ; il sait que rien ne s’actera s’il la laisse le surplomber - il ne peut pas faire ça.

— La Wyverne blanche. Un grondement presque calme brouillé dans tout ce rouge ; et en écorchant de nouveau son regard il sait Ashe, que cette appellation ne lui sera pas inconnue. Tout lui semble presque impossible mais sais-tu Darya, toutes les marques inclassables qu’elle-même a déposé sur lui.
Et à ses phalanges qui glissent inlassablement le long de la joue il s’est déjà imaginé ses doigts à elle ; ils étaient pourtant bien moins délicats. Plus rugueux contre sa peau, plus écorchants. Il sera celui qui l’aura tué. Répété à lui-même, pour mieux s’imprégner de sa future sentence ; ça semble correct. C’est correct.
Si pied sous-terre, ça lui semble plus que correct, c’est presque son idéal - c’est son idéal. Loin de maux qui lui pèsent et loin de sa présence maladive.

— C’est une sorcière. Et elle.. Hésite un instant, se perd peut-être un instant ; comme si elle brûlait d’elle-même son échine. Chaque détail à son importance - c’est ses mots. Elle tombera bien plus vite s’il lui dit tout ce qu’il sait ; mais il sait tant de chose Ashe qu’il peine parfois à ne pas s’emmêler dans ses propres songes. La magie noire. Elle l’utilise - c’est ce qu’il veut dire, il ne sait pas comment. Elle est dangereuse, évidemment ; elle l’a démontré. Il sait qu’elle l’utilise, sur lui, sur elle, sur tout ceux dont elle éprouvera un tel désir.
Pourtant prêt à prendre milles coups de plus si c’est pour qu’il sorte enfin de cet enfer sans limite. Si c’est pour qu’il puisse être en paix, car il sait son corps consumé par chacune de ses tentatives pour l’écorcher un peu plus.
Chaque minuscule goutte de cette même magie sur son corps écorché - il sait que jamais elle n’hésitera à en faire usage de nouveau, si c’est pour satisfaire son plaisir.
Alors rien que l’imaginer au centre d’une tragédie toute manigancée - c’est galvanisant.

Elle écrase doucettement de ses doigts la colère sur son visage. Elle ne s’est pourtant pas éteinte - peut-être ne le fera-t’elle jamais, mais l’espace d’un instant, c’est cette emprise qu’elle maintient sur son être qui lui permet d’y voir plus clair. Toutes ses songes déconstruites dans des ténèbres astrales lentement se recomposent - il devait le faire, il n’avait pas le choix. C’était pour le protéger, peut-être avant lui-même, mais c’était à la fois pour finir par être en paix, peut-être était-ce alors la bonne route à prendre.
Il ne fait aucun doute que Darya ne la craint pas, c’est ce qu’il comprend en noyant un instant son regard dans le sien, pas un seul instant troublé. Lui est faible, quand elle se tient face à lui ; quand son regard persiffle comme sa langue à ses oreilles pour lui susurrer des immondices. Alors il faut que cela cesse, peut-être est-il enfin temps.

— Les hommes, les femmes, peu importe. Il songe, à priori - mais c’est la réponse qui semble la plus appropriée ; n’était-ce pas Hua elle-même qui l’avait spécifié ? Sa songe elle-même se mêle aux mots déposés par cette idée d’alibi. C’est qu’en faisant ça, il sauverait probablement Hua également, en plus de lui-même. Mais serait-elle prête à blanchir totalement leurs propres intérêts ? Tout est encore trop flou pour qu’elle fasse partie de cette pièce cyclopéenne, n’est-ce-pas ? Pas encore précisément. Il ne peut pas la mêler à ça - pourtant il le devra probablement. Je trouverai. Et alors, il n’y aura qu’un sang persistant sur ses mains et rien d’autre.
Tout cela ne s’axe que pour un futur meilleur, que pour une sagesse lentement retrouvée ; il ne faudra laisser aucun détail au hasard et Ashe le sait.

Alors Ashe est prêt à se salir les mains, ne l’a-t’il pas toujours fait ? Quitte à ce qu’elle lui apprenne comment mieux frapper, autant qu’il en apprenne comment mieux planter. Je le ferai. C’est à lui de le faire, n’est-ce-pas ? Personne d’autre ; seulement lui. C’est moi qui dois le faire. Ravagé ou simplement parasité, c’est qu’il reste persuadé qu’il n’y a de toute façon que lorsqu’il la regardera mourir que sa colère mourra à son tour.
Et il le faut, il n’y a pas d’autres solutions, cette simple idée fait fleurir son sang dans ses tempes. Un tour puis deux, jusqu’à ce qu'il resserre ses poings pour mieux les regarder à présent, et il le voit cette fois, noyé dans des fleuves de sang. Si c'est le sien, ils en seront ravis.