Il est de ces temps sombres où la nuit éternelle étreint, le corps las dont les chemins s’éternisent et se ternissent. Le corps droit ; volonté désarticulée pourtant, maladroitement se tient là. Il n’est plus en paix depuis longtemps, parasité par ces chemins sinueux qui embrasent sa conscience ; il n’est plus là désormais, comme absent et dépassé par tout ce que son regard cauchemardé a longtemps suivi. Comme un corps sans vie, dont le regard asthénique plongeait d’un néant absolu ; Ashe ne se souvenait plus de l’instant où il avait commencé à sentir son corps peser si lourd - ni même quand est-ce que son esprit avait semblé si tourmenté. C’est comme s’il n’avait jamais cessé d’être parasité, enflé par des peurs incommensurables.
Quand il se tient là, trop droit son corps ne bronche pas ; vide de sens il a perdu le fil de ses émotions, perdu les raisons qui l’ont toujours poussé à cogner plutôt qu’à mieux penser.
Son esprit tourmenté à modeler des monstres qui n’existaient pas même auparavant ; mais il consumait si vivement son ardeur et sa témérité qu’il n’en restait plus qu’un homme déphasé.

Si éreinté qu’il ne réagit pas en premier lieu au propre écho de son nom ; pourtant il est une mélodie si rare qui ose s’élancer de ces jours trop obscurs. C’est seulement à ce souffle doux et terrifié qu’il réagit - comme s’il l’avait plus souvent entendu que tout le reste. Le visage pivotant, il perçoit un peu mieux cette frêle silhouette dessinée qu’il aime autant qu’il blesse - et il se plaît presque à se retrouver surpris de la proposition qu’il suit.
Ses mains tremblantes s’étaient resserrées sur les ciseaux et il s’était empressé - trop vite - de découper et cisailler vivement sans faire attention. Son esprit fixé ailleurs, les coups de ciseaux ne résonnaient que comme les aiguilles contre l’horloge et tout n’avait été qu’une sonorité déconcertante courroucée ; Ashe n’avait pas même pris la peine de vérifier, car seulement son propre reflet suffisait à l’enrager.
Il ne s’était jamais détesté - mais il craignait peut-être trop de pleinement se regarder.

— Mes cheveux .. ? Comme premières paroles ; grondées comme s’il venait de s’être éveillé. C’était presque le cas ; et l’une de ses mains indélicatement (même quand il s’agit de lui) vient à cette suite se saisir de quelques mèches bien trop courtes contrairement aux autres.
À sa proposition pourtant, Ashe ne réagit pas dans l’immédiat. Était-ce son esprit trop étreint d’anxiété ou son âme trop épuisée qui ne savait plus de quelle corde jouer ?

Sans pleinement le regarder pourtant - il l'abîmerait sûrement - son orbe unique glisse le long de ses doigts et finit sa route sur le sol. Toujours plus grondant et néfaste, alors qu’il sait si bien combien de fois Parsifal lui-même avait eu ce même acte. Si seulement Ashe était-il si bienveillant avec ses plaies, peut-être n’en seraient-ils pas là en ce moment même. Peut-être même que cisailler aurait été plus aisé.

— Si ça te fait plaisir. C’est si morne et anémié ; tout à l’inverse de ces colères ou l’irritabilité s’embrase. Pourtant à chaque pas vers lui, il ne creuse qu’un fossé plus béant encore. À cette lumière qui le fascine tant il ne renvoie que le revers brutal d’une face lunaire atterrée. Les méandres de son esprit savaient pourtant qu’il aurait aimé que les choses se passent autrement. — Mais ne t’embête pas pour moi. Parce qu’à l’évidence ; il y aura peut-être cette lueur si terrifiée dans ton regard. Peut-être y percevra-t’il de la pluie. Définitivement pourtant, s’il pleuvait ; le temps n’était pas à l’orage. Il n’y avait qu’un ciel poussiéreux, livide comme les pansements sur leurs plaies.

Son regard ainsi suspendu s’attarde et détaille ; les traits si doux qui lui sont offerts mais qu’il ne sait pourtant pas (plus) préserver. Les traits sur lesquels parfois il gronde parfois il cogne comme s’ils étaient terrifiants ; il était le plus terrifiant des deux. Mais son esprit est trop sinueux pour s’interroger sur les questionnements - trop las pour même chercher des réponses à de telles intrigues qui surgissent et s’emmêlent dans ses songes. Il a déjà tellement de questionnements, tellement d’angoisse parfois injustifiée et c’est comme s’il ne réussissait plus à savoir où donner de la tête.
Comme si cette dernière était plongée dans une mer trouble et béante, un néant incommensurable dans lequel il s’était lui-même enfoncé.
Puis furtivement, il y a ses doigts qui effleurent son bras - d’une douceur dont il n’a pas songé depuis longtemps et pourtant, il ne peut en retenir un sursaut involontaire. Comme dérobé de cette même mer qui l’étouffait depuis quelques instants, il récupère les esprits alors qu’il avait l’orbe si fixée sur son visage ; accepte son invitation sans broncher, ni même répondre.
Simplement s’oser à un silence béant, des réponses inexistantes que Parsifal ne mérite pas d’entendre, comme il ne mérite pas de subir - les coups et peut-être, les mots plus lourds et trop profonds de sens.
Mais quand il s’assoit son regard tombe aussitôt sur ce visage bienpensant trop bienveillant ; son regard qui lui-même contemple l’ampleur les dégâts. Il ne se souvient plus vraiment Ashe, de comment il s’y était pris pour s’oeuvrer de la sorte - il savait simplement qu’il avait eu ce sentiment indescriptible de couper. Couper et au final, dans l’anxiété ; sans réfléchir faire tomber les ciseaux, en pensant que c’était suffisant.

Mais c’était plus délicat maintenant. Des mains qui délicatement se posent dans ses cheveux c’est comme s’il redécouvrait ce toucher dont il avait oublié la sensation - après tout à chaque fois qu’ils s’effleuraient il le blessait ; à chaque fois Parsifal au regard effaré, aux hésitations sensibles et Ashe simplement continuait.
Comme si de rien n’était - comme s’il n’avait jamais mal oeuvré alors qu’il était terriblement coupable (de tout) ; aussi coupable qu’il le serait bientôt et quand ses songes se dirigent vers cette même idée il s’effare.
Les muscles crispés, pourtant qu’il était si apaisé l’espace d’un temps, d’un instant (ça ne dure jamais longtemps) - alors qu’il lui avait spécifié de ne pas bouger, c’était sans doute la raison de ses multiples échecs parmi ses multiples tentatives d’essayer de ce rendre un peu plus décent.
L’entité tout tremblante comme s’il s’agissait de Parsifal ; mais c’était bien lui cette fois. Comme de ses poings tremblants force d’avoir frappé, force d’être trop brusque et indélicat. Il essaie si durement de contenir ce qui l’hante ; les spasmes et les maux incontrôlés de son esprit, mais c’est comme si le serpent murmurait à son oreilles des inepties. C’est comme si le renard plantait ses crocs et répétait les mêmes refrains en boucle.

— Je ne suis pas doué pour ça. Qu’il énonce dans le silence, comme il l’aurait répondu à tant d’autres. Mais c’est simplement une vaine tentative de garder la tête hors de l’eau, que de maintenir ce contact avec lui. Il ne pouvait pas se confirmer à délaisser, creuser un fossé plus béant encore. Mais il n’était pas simplement peu doué pour ça ; il était simplement rongé par trop de ressentiments différents. Une culpabilité grondante et des tourments qui trépignent dont il ne pourra sans doute jamais lui parler.

Son intérieur est si bousillé ; malmené non pas par ses gestes (qu’il a trouvé rassurant, un instant) mais bien par ses peines, ses maux qui le hantent dont dorénavant il ne débarrasse plus. Le regard s’éprend de rien, pour lutter contre ce noir trop brumeux que délaisse ses pensées, noircies - galvanisées par ses propres mains.
De la même manière dont il s’était saisi des ciseaux ; il s’était saisi d’eux.
Et parmi eux, il y en avait une qui -
Le coeur qui bat rapidement. Frémit trop durement, pleure peut-être, silencieusement. L’angoisse a chassé le vide, mais Parsifal ; qu’avait-il fait ? Si seulement lui pouvait le comprendre sans qu’il n’ai le besoin de tout lui dire. Tout serait plus simple (ou peut-être pas) tout serait simple dans la lumière, mais il n’y a plus que des ténèbres, des ténèbres noires.
Pourtant à chaque élan d’angoisse plus profonde il y a ce retour délicat sur ces cheveux. Comme un geste chaleureux qu’il aussitôt oublie sans le vouloir ; il aurait tant aimé que tout reste comme il y a quelques années.
Du doux aux lèvres et contre la courbe de ses doigts. De la délicatesse au regard jusqu’aux sourires chatoyants. Il n’y a désormais que le bleus des larmes ricochant contre la peau. Douloureux constat, il sait Ashe être coupable de tout depuis même sa naissance il est coupable. Peut-être que s’il n’était jamais naît alors..
Alors peut-être. Peut-être que Parsifal bercerait l’espoir d’un futur bienheureux (sans lui à ses côtés) et peut-être cette âme tuée par mégarde serait elle encore en vie désormais.

C’était aussi paniqué que cela qu’il s’était présenté, quand les mots de Parsifal avaient résonné.
Aussi paniqué que ça ; comme s’il l’avait pointé du doigt, comme s’il l’était déjà. Coupable de tout ; mais il n’avait rien dit, n’est-ce-pas ? Était-il à ce point un livre ouvert ? Sûrement. Il savait déjà de toute façon, tout ce qui l’accablait sans arrêt. Des fantômes légers qui virevoltaient derrière lui, des présences qu’il ressentait toujours à la manière dont Parsifal avait ses propres cauchemars.
— Non. Trop sec, trop droit. Trop graveleux comme la culpabilité qui l’assaille ; impossible pourtant de la laisser sortir. Qu’est-ce-qu’il finirait par être à ses yeux alors ? Tout tomberait et s’écroulerait, et tout était déjà si étouffé. Si déjà mort - comme quelque chose que l’on peinait à forcer d’exister. Déjà sa respiration s’était mise à s’accélérer quand des spasmes incontrôlées firent se distordre ses doigts difficilement contre son pantalon.

Il y avait des fantômes, tout autour de lui. Une culpabilité grandissante, malmenée par tout ce qui l’enchaînait. Mais n’était-ce pas sa faute ? N’était-ce pas lui qui s’était livrée à cette même peine ? Incommensurable et grondante ; à la manière dont sa respiration se fait plus grandissante.
— Impossible. C’est impossible. Comme un glas de mort latent. Comme des peines qu’il n’entendra jamais ; lui avait-il déjà parlé de la sienne ? Ce qu’il a sur le coeur Ashe c’est la mort qui grandit. Cette impression qu’il s’écoule à chaque fois qu’il gronde d’une colère plus brûlante encore ; cette impression que chaque angoisse l’étouffe un peu plus alors il frappe jusqu’au rouge. Sur lui-même ; sur Parsifal comme si de rien.
Ce qu’il a sur le coeur c’est la peur, insoutenable de se perdre et de le perdre quand il est persuadé d’agir pour le préserver. Ce sont trop de sentiments qu’il ne pourra jamais exprimer. Il ne comprendra jamais de toute façon, n’est-ce-pas ?

— Si je - Ils vont.. Les mots s’assemblent et se désassemblent, sans sens ; suspendus entre les souffles, entrecoupées par les peurs. Mais il sait qu’il l’effraiera bien plus s’il s’ouvre ; et s’il s’ouvre, il n’y verra que de la laideur.
Il entrevoyait déjà assez tout cette immondice au quotidien ; assez pour qu’elle s’en prenne à lui constamment. S’il la dévoilait telle qu’elle était au grand jour, alors quelle éclipse déclencherait-elle ?

La vérité Parsifal c’est qu’il n’a rien éveillé ; tout dort depuis quelques temps (si longtemps) ça semble une éternité. Ça persiste dans ses songes et le long de son échine, comme les marques moins plaisantes qu’il se fait lui-même pour lutter. Se blesser parfois - sous ses colères, le blesser lui aussi, dans son intégralité. Parsifal déjà terrifié et il le sent, sans qu’il n’ai même besoin de le regarder ; il le regarderait avec ces yeux là, de toute façon. Mais aurait-il même le courage de le regarder ? Aurait-il ce courage béant d’ouvrir la fleur, peu importe à quel point elle est laide et morte ? Sûrement pas, c’était déjà assez douloureux comme ça.
Pourtant il pense sans s’arrêter. Il n’y a plus d’autres chemins devant lui, il s’est imprégné des sentiers les moins fréquentables, les plus condamnables. Il ne voulait pas mais c’est le seul moyen de peut-être espérer qu’ils soient tous les deux enfin en paix. Loin des fantômes qui le hantent, des doutes et des colères. Parce qu’elles brûlent en lui comme un feu trop véhément, et que les flammes crépitent jusqu’à acculer ses sens. Il se répète qu’il n’a jamais voulu tout ça, peut-être que ce n’était pas totalement sa faute (ça l’était) peut-être qu’il n’y avait pas d’autres façons de faire (il y en avait) peut-être qu’il n’avait pas totalement échoué (c’était trop tard).

Pourtant il comprend Parsifal, sans même s’oser à continuer. C’était fidèle à lui-même ; mais fidèle à quoi ? À la peur qu’il éprouvait envers lui ? Il le savait, n’en était plus même inconscient. L’expression elle-même tournait en boucle dans sa tête et pourtant, sa remarque avait été si naïve et bienveillante. Mais il n’y avait aucun moyen qu’il ne lui dise ; aucun moyen qu’il s’ouvre sous ses rayons les plus laids. Il l’était déjà tant.
Pourtant toujours à la manière de la lumière, cette même lumière qu’il lui avait montré ce jour-là. Peut-être que s’il n’était pas intervenu, elle serait toujours là aujourd’hui ; peut-être même qu’il pourrait y plonger et qu’elle le bercerait de ses rayons chauds. Pourtant, il voudrait tant pouvoir s’exprimer ; peut-être serait-ce un poids moins lourd sur ses épaules.
Mais c’était impossible. Impossible qu’il le fasse. Même dans ses rêves les plus impensables, il n’imaginait pas un seul monde où Parsifal comprendrait et le consolerait. Il serait sûrement encore plus terrifié, encore plus brusqué par tous ces maux. Il le fuirait peut-être, c’était certain.
Malgré toutes les pensées un peu plus sereines il y en avait toujours des plus sombres encore qui venaient parasiter ses songes ; et alors il sentait presque glisser ce serpent des enfers le long de son échine. Là où ses tressaillements persistaient, frénétiques et brusqués.

— Mais si tu ne le fais pas qui le fera. Presque grogné, peu agressif mais tellement anxieux ; il ne peut ouvrir son coeur à personne. À chaque fois qu’il le fait il a l’impression ; qu’on l’étreint un instant pour mieux se moquer de toute cette laideur immonde qui l’abrite. Un coeur bien laid, pour un être bien hideux. Comme Kumiho - il n’y a que des ombres, des parasites malveillants dont Ashe toujours songe la présence tard le soir.

— Non. Non. Ce n’est pas important.. Pas important le sang sur ses mains tant que ce n’est pas sur les siennes. Pas important cette culpabilité qui le ronge tant qu’elle ne le force pas à enrouler de nouveau ses mains sales - si sales - autour de sa gorge une nouvelle fois. Il se replie un peu, se fige encore plus ; le souffle chaud qui s’accule et pourtant il fait toujours si froid, tellement froid. Comme un soir d’hiver sous la pluie, comme grelottant sans personne pour l’accueillir. Terriblement seul et pourtant, c’est bien lui qui a refusé son aide à l’instant. — Mais.. Il se perd sans jamais se retrouver, admire ses mains se brusquer sur ses propres vêtements sans qu’il ne l’ai décidé. Sans qu’il ne contienne ses propres spasmes incontrôlés - mais quand ; quand tout ça prendra-t’il enfin fin ?
Quand aura-t’il finalement l’esprit en paix ? — Mais qu’est-ce que je vais faire.. alors.. Pour lui-même ; des pensées trop hautes et des maux encore trop bas. Des questionnements anxiogènes qui l’étouffent à chaque fois qu’ils pensent enfin pouvoir s’en défaire. Mais la peur et les fantômes jamais ne s’en vont, jamais définitivement. Peut-être sont-ils encore là. IL aimerait regarder mais doit rester tranquille ; n’est-ce-pas ce qu’il lui avait demandé ? De ne pas bouger, pour lui un instant. Rien qu’un moment.

Il ne s’était pas attendu à une réponse Ashe - plus encore il se suspendait dans le vide. Il savait, que Parsifal ne pouvait - à son contraire - pas lire en lui. Il ne pouvait pas entièrement le comprendre, mais qu’est-ce qu’il aurait aimé pourtant simplement en cet instant. Un fardeau était toujours moins lourd à porter quand il était partagé, mais n’était-ce pas égoïste et insensé ? Lui qui n’avait jamais compris sa peine - alors que Parsifal lui, s’était démené à lui expliquer.
Il était bien stupide alors, que d’espérer en vain. Peut-être n’y avait-il pas d’espoir et Ashe songea qu’il était préférable qu’il soit le seul à endosser ce fardeau.
C’était de sa faute, de toute façon. Il ne méritait que trop de ténèbres pour doucement l’envelopper à la façon dont on l’avait étreint fut un temps - il semblait si lointain désormais. Trop lointain. Il n’y avait que des mains terriblement froides désormais, à la façon dont agissaient celles qui cisaillaient sa chevelure mal structurée. Mais il y a cette voix douce, qui toujours le sort de cet océan sinueux dans lequel il s’enfonce à chaque doute, chaque spasme - un souffle léger.
Et ça lui plaisait finalement, de ne pas avoir de réponses.
Trop habitué à ce qu’on lui murmure des immondices, pour lui confirmer qu’il était si mauvais et laid. C’était peut-être mieux ainsi mais ça n’effaçait jamais tous les maux qui le rongeait.

Il aimerait savoir remercier sans avoir les tonalités grondantes. Mais tout ce qu’il perçoit (semble entendre) c’est toujours ces fantômes, les mêmes qui persistent. Les mêmes qui déambulent et rongent ; ça l’effraie parfois qu’ils parasitent à même les murs, comme de rien. Alors dans les nuits les plus sombres Ashe perçoit, même dans ce petit félin maladroit - les orbes des plus grands démons. De ceux qui hantent sans nécessité d’agir ; il y en a tellement.
Dans ces ténèbres et parmi les fantômes qui le troublent ; plus que jamais il a besoin de le savoir. Ici, présent peu importe qu’il soit loin ou proche - il a besoin comme brusquement de savoir qu’il est là. Qu’il n’est pas seul l’espace d’un instant, que les monstres qui hantent et bougent dans les galaxies virulentes ne bondiront ni sur lui ni sur Parsifal ; que sa présence est plus que réelle (sacrée).
En un geste désespéré (incontrôlé) sa main froide contre sa chevelure fraîchement arrangée ; il a effleuré un instant le dos de sa main. Présence rassurante mais pourtant désespéré, terriblement.
De penser et se demander encore et encore quand la sentence finira par tomber ?
Quand est-ce que la laideur lui sera finalement dévoilée ; qu’est-ce qu’il fera alors ? Qu’est-ce qu’il deviendra, qu’est-ce qu’ils deviendront, car ça avait toujours été plus question d’eux que de lui.

— Parsifal.. Car le peu de raison qui ne soit pas encore totalement noyée par les flots ravageurs laisse persister l’appel de son nom. C’est la seule chose à laquelle il peut se raccrocher maintenant, même s’il le déteste peut-être.
Ça serait tellement probable, et c’est terrifiant.
Qu’il aimerait parfois s’y raccrocher comme s’il n’était pas totalement bousillé (corrompu) de ses instants ou tout est soit noir soit rouge. Comme si cette vision colorée et pigmentée du monde lui avait arraché ce jour-là ; peut-être se trouvait-elle dans cet oeil qu’elle lui avait ôté (elle était tellement responsable) - tellement détestable.
Et comme il s’est suspendu à l’appel de son nom, il se suspend cette fois à cette main qu’il a cent fois déjà brutalisée. La tête qui bascule jusqu’à ressentir sa chaleur contre sa joue (elle était si froide en vérité) ; mais quand il s’agissait de lui, le peu de lumière restant était suffisant.
Comme s’il n’était lui aussi qu’un fantôme, qu’un faisceau un instant. Une délicatesse rassurante qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps ; mais l’empêchait-elle de totalement sombrer ou était-elle en partie responsable de tout ?

Et ses propres doigts à leur tour s’enroulent autour de cette main tant de fois brutalisée. Il n’en a jamais effacé l’historique ; il l’a simplement oublié un instant comme il leur a fait oublié à tous, ce jour-là. Comme il aimerait oublier toute la douleur qu’il a fait naître en lui comme chez lui.
Comme si c’était sa main à elle qu’il avait réussi à préserver des coups, simplement un instant. Dans les nuits sans violences, il n’y a que des maux trop douloureux, des épaves de cruauté qui n’agissent pas mais se meurent en silence.

Il l’a à peine touché ; quand il resserre ses doigts, il n’y a que du vide. Un néant brutal est infini, l’a-t’il même effleuré ? Il ne sait plus exactement, il sait simplement que des mots vident de sens ricochent dans son esprit et qu’il est persuadé que quoi qu’il finisse par opérer, la situation sera la même.
Toujours évité sans doute - mais comment pouvait-il ne pas le comprendre ? Combien de fois avait-il répété ce geste et combien de fois Parsifal avait eu une réaction aussi similaire ? Comme son esprit n’était pas prédisposé à se souvenir - il l’a répété, encore et encore. Oubliant peut-être la douleur que ce jour avait laissé. Alors il se tient là ; comme une coquille vide incomprise, mais qui était le plus incompris d’eux deux ? Ses doigts passent dans ses cheveux et l’espace d’un instant, Ashe se surprend à en sursauter ; comme s’il avait oublié d’où provenaient-ils. De ce même corps qu’il tente d’aimer peu importe ô combien il l’a blessé.
À chaque fois, il donnait cette impression morbide de s’enfoncer plus indélicatement dans les abysses. Et quand son regard se suspend à son tour dans le vide, c’est pour laisser sa main se resserrer sur elle-même, constater ce vide béant. Constater que ces mains - aussi grossières soient-elles - ont blessé encore et encore mais avait-il le choix ?
Y avait-il même un autre sentier où il pouvait s’enfuir ? Tous les chemins le menaient à ce renard de rose et de sang.
Où les corbeaux croissent et où le monde le pointe d’un doigt accusateur.

Si Parsifal ne le bénissait plus de sa lumière ; ils se plongeraient tout deux dans un enfer infernal. Taraudant dans lequel lui déjà s’enfonçaient. En constatant cette même main, il se rendit compte des entailles ; celles causées par sa colère, qu’elles soient visibles sur son propre derme où sur celui des autres. Peut-être même Parsifal, c’était inaltérable.
Et ce qu’elle était assassine cette main - meurtrière même. Dans l’obscurité, il avait besoin d’y voir plus clair ; Parsifal avait toujours été la solution.
Autrefois il l’enserrait et son monde s’éveillait.
Maintenant il n’y a que sa colère qui l’enserre. Et s’il s’y essayait de nouveau, alors il le blesserait, c’était évident. Un toucher froid, voir glacé - aujourd’hui plus que jamais, il en avait besoin. Pour se persuader d’être toujours là, pour que les fantômes un instant se perdent.
Mais de la façon dont il trouvait logement dans sa chevelure, Ashe n’avait plus aucune idée de ce qu’il pouvait faire. C’était rageant, comme c’était rageant d’avoir perdu ce contrôle sur tout, même ses émotions. Un grondement de rage au creux de la gorge - une colère qu’il s’est affligé avec le temps mais cette fois, elle avait des arômes de tristesse. D’incompétence peut-être.

— Je ne sais pas. Il n’en savait rien ; il ne comprenait plus rien. Pas même pourquoi était si flou et abîmé à partir du moment où il l’effleurait. Pourquoi le mal le suivait partout, tapissé dans sa robe de nacre - c’était comme s’il ne connaîtrait plus rien d’autre que des doutes et des peurs.
Mais tout finissait toujours par s’arranger - même si cela n’était jamais comme il l’espérait. Peut-être le Corbeau ou le Renard saura-t’il comment remettre sa conscience en place, c’est vrai. Lui, était incapable de pleinement réfléchir ; eux le savaient. Ils avaient toujours mieux su comment agir que lui-même.
Ce que c’était rageant. De ce même espoir déjà mort qu’il relevait légèrement la tête, l’orbe s’étant perdue un instant sur son visage, pour en constater l’impact. Il l’avait créé si faible, force de l’avoir brutalisé sans jamais le comprendre.
— Comment te toucher, pour que ça soit simple. Peut-être que ça ne pourra plus jamais l’être, après tout. Lui-même avait oublié la douceur. Il avait oublié son toucher comme effervescence contre sa peau - les sourires bienveillants et la candeur de son regard. Maintenant, il n’y avait que des cris et de la terreur, des larmes et des peines sans fin.

Quand il l’effleurait c’était pour le blesser, même quand sa voix s’éclaircissait (quand bien même elle était si obscure) c’était pour le terrifier - et Ashe à chaque fois ne pouvait que se terrer dans cet ignoble constat. Les ténèbres à flot toujours s’enroulaient autour de son corps et alors jamais plus il n’eut pleinement conscience de la douleur qu’il procurait aux autres.
Avant tout, il se l’infligeait lui-même. Bien évidemment, il l’infligeait aux autres. Efficacement certains en riait et lui aurait pu fut un temps en pleurer mais on lui avait même arracher les larmes ; sa tristesse aussi laide que sa colère ne servait qu’à blesser alors quand il se sentait aussi vide et perdu, tout semblait si calme et silencieux.
Comme s’il était seul ici sans personne, comme s’il discernait toute cette plénitude astrale qui le bordait ; se défaire de ses peines il aurait tant aimé. Sûrement le monde ne devait-il pas être de cet avis et Parsifal enfin répond.
Comme une clairvoyance soudaine ; ses mains qu’il déclare. Et Ashe sourcils froncés se questionne sur ce détail qui le chiffonne - les mains, mais pourquoi les mains ? Comme s’il avait oublié un instant tout ce qui était arrivé, il se souvient bien que lorsqu’il a frappé une fois, lorsqu’il les a enserré d’autres ; ses mains, il tremblait toujours un peu plus que les autres fois.

— Tes mains.. Il se souvient pourtant les avoir tant malmenés et à ses yeux, il n’y avait rien de si étrange. Rien d’autre que des tremblements et des hurlements et pourtant, ça devrai être suffisant.
La douleur lui était commune et c’était comme si elle était normale, au final. Peut-être que c’était inévitable, n’est-ce-pas ? Ou peut-être n’était-ce pas normal, inquiétant et affreusement tétanisant. Ashe ne s’en était pas rendu compte, mais d’autres en revanche, peut-être.
Il fixe les habiles du regard et se questionne - depuis combien de temps, peut-être une éternité - a-t’il oublié la douceur d’un toucher qui ne brutalise pas ? Lui-même ne saurait l’énoncer ; c’était si intemporel.
Si intemporel qu’il s’efforçait d’être si douloureux rien que par son existence.

— Le reste.. Qu’il répète comme un automatisme, peut-être pour s’assurer qu’il a bien entendu et pourtant, même s’il accepterait ; qu’adviendrait-il ? Sans doute les réactions demeureront similaires et peut-être qu’un simple réalité tout était affreusement condamné à rester ainsi. Peut-être Ashe avait-il écorché de trop prêt son derme - peut-être qu’il n’était plus question de ses mains mais de son être tout entier.
— Je ne suis pas sûr. Ça ne change rien. Pas sûr et sûr de rien, comme il n’est plus sûr d’où aller sans finir désespérément meurtri. Il n’est plus sûr de pouvoir l’effleurer ailleurs, pas même comme il le faudrait. Il était suffisamment indélicat et laid, trop meurtrier et pas assez aimant.
À quoi ça le mènerait, de toute façon ? Il était toujours figé. Toujours brutal et malheureusement s’était-il douté que tout s’effondrerait de la sorte un jour ou l’autre - trop doué à l’indélicatesse.

Il n’a besoin de rien d’autre mais il aimerait tant. Peut-être tout serait-il plus simple au final ; qu’il puisse aisément dire ce qui tant le contrariait. Il s’était persuadé, rendu à l’évidence.
— Que tu restes. Il aura murmuré sans politesse. Peut-être que s’assurer qu’il était bien là l’empêchait partiellement de se faire happer par ce qui le galvanisait tant. Mais peut-être que plus Parsifal demeurait auprès de lui, plus il se consumait.
Dans tous les cas ; ça ne pouvait pas marcher.

Peu importe finalement ce que cette bête requête pouvait signifier. Lui demander de rester - c’était si déraisonnable et il le savait pourtant Ashe. Le savait de la façon dont les êtres malades réduisent les autres, de ceux qui s’approchent rien qu’un peu - en un tas de poussières insignifiant. Parce qu’à chaque fois qu’il effleurait quelques idées ou même les échines un peu courbées elles finissaient consumées. Il se rappelle Ashe à chaque fois qu’il l’effleure (il le bat) à chaque fois qu’il l’appelle (il le gronde) et comme à chaque fois il ne reste que des fragments.
Il ne peut pas même tenter de les cueillir qu’ils fanent. C’est sa faute n’est-ce-pas ? Quand son esprit s’éclaircit ; jamais pour longtemps, il le sait et le distingue si clairement. Quand on ne lui murmure pas les pires ignominies, il sait qu’il est responsable de tout comme ce jour-là, où il se sait partiellement fautif pour tout, éviscéré de toutes les émotions mais bercé par tous ses maux.
C’est comme lorsque son unique oeil a percé à jour ce visage qu’il ne connaissait pas et qu’il a tué ; c’est comme s’il avait tué les dernières effluves de raison, peut-être même d’humanité ce soir-là. Mais on ne l’a presque - jamais forcé alors, il n’y a pas d’autres fautifs que lui. Il pensait que ça l’allégerait peut-être de laisser léviter ses songes avec les siennes - mais Parsifal était définitivement trop fragile pour en entendre davantage.
Était-ce réellement pour cette raison que tout restait si fermement enraciné dans sa gorge ? Que même les doutes les plus profonds tortillaient ses intestins dans un rythme malcommode ? Alors qu’il se rongeait lui-même l’esprit, une présence délicate - que son regard tombe aussitôt, trop brusquement peut-être sur cette chevelure qui tombe contre lui, ce visage qu’il redessine un instant.
Ce n’était ni ces fantômes qui le hantent, ni ces démons qui le suivent ; c’était lui et un court instant, Ashe en fut rassuré. Rassuré mais pas moins surpris que son visage laissait transparaître ce petit air éberlué ; était-ce parce que cela faisait si longtemps que rien de tel ne s’était produit, ou était-ce simplement l’indélicatesse dont il faisait lui-même habituellement preuve qui le rendait si étonnamment surpris ?

Parce que c’était en sommes si rassurant de le savoir ici - parce qu’il avait presque oublié tout ce qu’ils composaient autrefois (une sérénade peut-être bienheureuse) et que les ténèbres l’avait rongé. Quand son esprit se noie dans la contemplation de son visage, il oublie bien trop la réalité. Ashe se demandait si peut-être ; dans un monde où les choses se seraient passées autrement, il aurait été capable de mérité cet acte aussi éthéré.
Bête alors il s’hésite et s’abandonne, son regard trop insistant (il ne l’avait pas même remarqué) s’abandonne droit devant lui cette fois et ses muscles se relâchent. Lui-même ne s’était pas pensé si peu indélicat ainsi déposé. Pourtant, il en avait presque oublié pourquoi ils étaient là. Son esprit avait été trop boulversé et assaillit par les peurs, et sans doute tant d’émotions différentes qu’il ne saurait effacer.
Et il y en avait tant d’autres - la simple idée peut-être, qu’un plénitude de ce genre puisse s’effacer. Et elle s’effacera, il le savait, il n’avait qu’à en douter un instant. Il n’avait qu’à l’effleurer de trop près - comme il l’avait fait précédemment et bêtement alors consulte ses mains. L’idée lui paraît stupide perçue de la sorte mais il était vrai que depuis le temps, il avait eu le luxe de s’en rendre compte.
Cet instant lui paraissait à la fois si éternel et si hors de l’espace temps - comme s’il n’y avait aucun moyen qu’il se soit fermement dessiné dans ce monde. Ça lui semblait si bête de s’accrocher aussi fermement à un contact si simple, léger, même habituel pour cette relation qu’ils étaient censés avoir. Alors à cette idée il y en a une autre de question - plus parasite qui s’envole.

— Pendant combien de temps.. S’hésite et s’arrête. De ces longues pauses interminables qu’il lance toujours. Si bien qu’il semble avoir aussitôt oublié la suite ; c’est faux. La vérité c’est qu’il hésite. Il y a tant de choses qui demeurent sous silence et pourtant, il aurait préféré que cet instant demeure le plus calme possible.
Peut-être qu’il aurait aimé ne pas même y discerner l’ombre d’un mot ; de lui-même. Pourtant même dans ces instants les plus calmes il y a toujours ces démons qui fermement l’enlacent pour lui poser des questions. De l’autre côté il n’y a qu’un ange assoupi un instant mais terrifié réellement.

— Est-ce qu’on peut rester comme ça - à ton avis ? La question sonne creuse ; là où ses mots sonnent vides de sens mais désireux d’une réponse. Comme si elle gonflerait plus vivement dans ses peines si elle n’en trouvait pas. Ce genre de questions sempiternelles que le renard faisait rentrer en tête pour ne jamais effacer. Mais combien de temps pouvaient-ils rester ainsi ? Ashe aurait aimé répondre une éternité mais c’était impossible. Il se questionne et se souffle malmène ses songes rapides ; combien de temps avant qu’il ne fasse une autre aussi grave erreur ? Combien de temps avant que les démons l’entraînent ? Combien de temps avant qu’il ne redevienne cette créature grotesque et brutale ?
Avait-il finalement arrêté de l’être, l’espace d’un instant ?

Ce n’était pas une question piège, à vrai dire Ashe pouvait-il l’affirmer ; il n’attendait pas de réponses. Il avait espéré simplement qu’au moins il lui réponde. Il n’avait pas espéré de réponse affirmée, parce qu’elles étaient toutes si lointaines dans son esprit. Combien de temps alors ? Lui-même n’en avait aucune idée, comment pouvait-il lui reprocher de ne pas savoir ?
Quand le temps lui-même, laissait cette traînée amère le long des sentiers - quand il s’enfonce un peu plus dans les ténèbres et leurs vices et qu’il n’en ressort que trop abîmé. Ils étaient deux finalement, peut-être qu’il l’avait tiré et que désormais, plus jamais ils n’en sortiraient. Dans les vestiges de ses pensées, il n’y avait plus de lumière ; mais un trou béant noir. L’espoir s’était terré, peut-être qu’il était inévitable qu’il se terre, après tout ? Y avait-il vraiment une raison pour laquelle l’on aurait dû leur accorder un pardon, un espoir même minime ? Y avait-il une raison pour laquelle ils méritaient d’être sauvés ?
Ashe en doutait. Il doutait de sa capacité à analyser et prendre en considération les choses, Parsifal devait s’en être rendu compte, avec le temps. Pourtant rien n’a changé peu importe ô combien lui a douté.
C’était une simple nervosité partagée, une angoisse qui les rongeait. Et il laisse ce long silence (parasite des morts) en écho à ses réponses, simplement le temps de trouver une raison à cette question si stupide, quand il y repensait.
Elle comptait tellement pourtant qu’elle lui avait brûlé les lèvres comme il s’était brûlé autrefois. Alors brusquement l’esprit résonant ;

— Tu ne sais pas.. Ça veut dire qu’on peut, laisser traîner, peut-être. Simple suggestion, effluve de pensée qui le traverse. Il ne sait pas, lui non plus - ils pourraient rester comme ça. Longtemps à laisser les maux les ravager davantage, longtemps proches sans rien entendre d’autres que leurs respirations respectives.
Tout ces mots qui se perdent dans ses pensées lui semblent alors bien moindres, peut-être même stupides. Pire encore ; insensés quand il se souvient cette façon qu’il avait de serrer le poing pour mieux frapper. Mais dans sa violence il n’a laissé rien d’autre que de la douleur.

— Ça serait bien, si on pouvait… Mais il était évident que c’était impossible car comment ? Et la question lui arrache tout ce qui reste à cet instant. Peut-être qu’il s’était lui-même consumé et que tout était de sa faute - c’était sûrement ça.
Peut-être que tout ce qu’il avait à faire ce soir c’était
L’étreindre. Silencieusement, pour retrouver la laideur aigre du lendemain, et peut-être que tout semblera un peu moins délicat quand il rongera son esprit et sa peau de ses mains. Les vestiges bleutés sur sa peau sonneront peut-être mieux que des baisers délicats ; n’était-ce pas ce qu’elle lui avait répété tant de fois après tout.
(On ne pourra certainement pas) Certainement plus - le jour où je serais devenu trop laid à tes yeux ; et ce jour, quand il le regardera les yeux gonflés d’une terreur encore inconnue, qu’est-ce qu’il se passera ? Cette question naît et Ashe un instant s’en crispe sévèrement.
Laisser traîner, encore et encore.
Laisser traîner pour que ça empire pour que ça se consume pour que ça meurt ?

Pourquoi, au juste ?

— Peut-être. Enfin je pense.. Enfin, je doute. Ça gronde dans sa gorge mais il ne le prononcera jamais. L’avouer, ça évoquerait ses doutes, ça évoquerait qu’il savait très bien que tout imploserait.
Sans qu’il ne puisse rien faire que de le regarder et le supplier d’être patient ; qu’il arrangerait tout comme il lui demandait tout le temps. La vérité, c’était qu’il n’avait aucune idée de comment les sauver.

Il y a les lourds silences et les peines béantes, les coeurs brisées et les bras qui entourent lentement ses jambes - les serrant un peu plus contre lui comme pour en recoller hâtivement les morceaux. Coquille brisée et intérieur démoli ; il y a à ses côtés une figure morte qu’il a créé.
Et au fin fond de ses pensées, il le sait. Étroitement dans sa conscience, il se souvient du temps où sur son visage - il y avait une courbe délicate et des rires cristallins. Désormais il ne perçoit que de la peur dans ce regard qu’il contemplait pourtant si clairement autrefois.

Pourtant il reste là et attend. Il laisse les non-dits lui ravager l’esprit et la conscience - ce sang qu’il a sur les mains depuis un moment désormais. Et parfois il lui jette un regard ; il espère peut-être parfois n’avoir jamais été l’auteur de tout ça. Peut-être parfois espère-t’il simplement revoir les contrées astrales dans son regard, mais il sait éperdument que si elles devaient se manifester, ça serait loin de lui.
Loin de ses poings et loin de ses courbes ; parce qu’à chaque fois que le monde le frappe c’est lui qui frappe plus fort, et ce n’est jamais sur le monde qu’il s’acharne.
Il serait presque peiné s’il lui restait un peu de bon sens ; mais tout est mort et simplement peut-il continuer de contempler ce massacre qu’il a dessiné, admirer les traits qui lentement se déconstruisent.
Et lui, pendant ce temps gardera encore milles secrets ; sans jamais ni se prononcer ni s’oser.
Et si tout éclate alors, il sera aux premiers rangs pour admirer le regard effaré son oeuvre, nauséabonde et indélicate - il ne pourra que contempler la terreur et se résoudre à ce qu’il a finalement toujours été.
Bien loin de cette utopie dans laquelle il s’était enfermé autrefois.