Les pas qui sonnent par trois, humain et bois côte à côte qui se mène l’un l’autre vers un bien curieux destin. Dans le couloir exigu, il distingue à peine le contour du nom qui marque la porte. Halloway. L’ami a tenté de fuir ses démons ; de s’enfoncer dans les abysses qu’il s’est escrimé à regarder.

Raspoutine y descendrait aussi.

Droit devant la porte, il n’hésite qu’un instant avant de frapper deux légers coups. Croyance Halloway ? C’est votre médecin, Raspoutine. Aujourd’hui il aborde une autre robe ; une cape qui lui permet d’être parjurateur, de s’enfoncer dans une intimité qu’il n’aurait jamais franchie dans d’autres conditions. Le Docteur se permettait pourtant des ignominies pour sauver ses patients.

Un sort léger ouvre la porte et il s’enfonce dans l’appartement rongé par la même drogue qui roulait dans les veines de son protégé. Je suis entré.

La porte se referme derrière lui.

Malheureux sont les fidèles qui se doivent de ressentir. L’adoration de leur être revenait à ressentir la fin de chacune de leurs cellules, la trahison disgracieuse du corps qui se plie à l’esprit ; ou au contraire se refuse à le suivre dans sa quête de gloire.

Heureux était Raspoutine qui avait passé ses jeunes années à calfeutrer soigneusement son repère, sa caisse noire comme il aimait l’appeler quand il venait s’enfoncer dedans. Ne restait alors de l’humain qu’une pureté étrange, faite de bienveillance et de douceur. Dans le gris acier se reflétait un rêve d’azur dépassé. Alors il rentre dans cet enfer et s’en fait immédiatement Prince.


Tu as pris de la drogue. La paisibilité de la voix contraste avec la dureté de l’information qu’il transmute pourtant en factuel ; l’ombre du reproche bien loin. Les pas esquivent le sang, la saleté et les miasmes pour se rapprocher du corps. Un premier sort pour le détacher de ses chaînes, un autre pour le faire léviter alors qu’il dégage le canapé miraculeusement préservé. La magie qui s'enchaîne pour vérifier les constantes, les niveaux de sang et de besoin qui clignotent méthodiquement devant les prunelles avisées du médecin.

Tourmantine. Je ne connais pas assez ses effets pour te faire vomir, Croyance. Il va falloir que tu gères la redescente. C’est un calmir qui s’échappe de sa baguette, avant d’extirper une veste d’Antoine qu’il avait empruntée quelque temps auparavant sans jamais lui rendre. L’intime conviction d’en avoir un jour besoin s’était réalisée utile. D’un geste doux, il dépose la veste sur le corps du loup. Je vais nettoyer la maison et la purger de tout résidu. En attendant, tu ne bouges pas d’ici.

[CROYANCE]

La honte. Voilà une bien étrange conception.

Il se meut dans la pièce - sorcier au doigt d’argent, il répare, il guérit même ce qui ne s’anime pas même ce qui n’est fait que de bois. Bien vite le logis s’habille de nouvelles parures, les odeurs sont chassées par celle du propre, bientôt il n’y a plus de drogue, enveloppée et cachée dans son manteau gris.

Je sais que tu hais les menteurs, que tu ne supportes pas les illusionnistes et pourtant te voilà à utiliser une poudre qui ne fait que ça.

Le factuel s’étale - tranche avec la régularité du scalpel.Le pas droit qui s’approche, il s’agenouille à nouveau près de son patient, contemple les ravages. Puis-je te toucher ? Il faudrait effacer les marques. Je voudrais inspecter tes tendons aussi, sans t’emmener à Sainte-Mangouste.