Ta veste mise en vrac sur tes épaules, tu perds de ta superbe à mesure que tu avales les mètres qui te séparent de l’immeuble de Leslie. Ta coupe n’a plus rien de structurée, tu as l’air d’un vagabond pressé mais qu’importe. À ta hanche, tu sens ton téléphone vibrer sans discontinue mais tu n’y accordes aucun regard. Tu anticipes des appels et des messages assassins de ton père, probablement une flopée de sms inquiets de ta fratrie. Pour la première fois de ta vie, tu es le cœur du scandale qui bouscule les tiens. Tu pourrais être terrifié de ta situation. C’est peut-être parce que tu l’es que tu passes la porte de son immeuble et cours dans les escaliers jusqu’à atteindre son étage. Tu dois le retrouver.

Tu tambourines à la porte, à bout de souffle. Tu essayes de retrouver une respiration décente, mais la course t’as épuisé. Lorsqu’il ouvre la porte tu lui offres un spectacle aussi déroutant qu'intrigant. Tu le fixes quelques secondes avant de lâcher.

— J’ai tout dit à Ciara. C’est fini.

Ta poitrine se soulève, le dire te t’effraie. C’est sans retour en arrière. Tu ne le lâches pas des yeux. Ton poing se serre contre ta hanche quand tu ouvres de nouveau la bouche.

— J’ai envoyé paître mon père.

Tu l’as insulté verbalement et cela pour la première fois de ta vie. Des mots que seul Friday avait eu, jusque-là, le courage de dire. Tu venais de te condamner à un sort terrible. Tu souffles, tu viens peut-être de provoquer ta propre ruine et si dans tes yeux brillent une inquiétude et une panique sincère, ta voix, elle ne flanche pas quand tu lui demandes.

— Vous voulez toujours de moi ?

L’espace d’une seconde tu as peur de passer pour un fou et de le faire fuir. Mais il te tire à lui avec une force que tu lui avais oublié et une passion que tu avais de ne plus ressentir. Tu te sens gonflé d’un soulagement immense. Dans ton ventre ça s’agite, dans ta poitrine ça tambourine. Tu t’étais vanté d’avoir été un gentleman à ses côtés mais dieu qu’il t’avait manqué.

Tu prends son visage en coupe pour ne pas quitter ses lèvres. Tu le sens t’entraîner dans l’entrée pour rejoindre la chambre, d’un coup de talon tu viens claquer la porte. Ses mains s’affairent à te dévêtir. Tu quittes son visage pour jouer des épaules et tirer sur les manches de ta veste pour la faire tomber au sol, tu abandonnes un à un tes vêtements, tes chaussures, tout. Tu n’arrêtes pas de l’embrasser brièvement que pour le forcer à retirer son t-shirt. Tu fonds pour sa peau nue, le contact de cet eldorado dont tu as été privé pendant un mois te fait trembler. Vous tombez sur le lit, tu es déjà à moitié nu, laisse à Leslie le soin de faire sauter la boucle de sa ceinture pendant que tes doigts s’échouent dans ses cheveux. Tu as le souffle court, ne tiens pas longtemps avant de le plaquer sur le lit et de fondre à son cou pour dévorer sa peau. Tu peines à réaliser ce que tu viens de faire, tu l’as choisi lui, uniquement lui.


— Je suis à vous.

Tu grimpes sur lui, imposes ta main sur sa hanche alors que tu l’embrasses partout. Passe de sa bouche, à sa joue, à son cou, pour mieux revenir à ses lèvres ensuite.

— Rien qu’à vous.

Dans ton pantalon échoué au pied du lit, le téléphone vibre. Sûrement encore ton père mais tu ignores. Tu tires sur le sous-vêtement à Leslie, prêt à entièrement le déshabiller.

Tu te stoppes à la seconde où il exprime la négation. Le souffle déjà court d’empressement, tu suspends tes caresses et redresses la tête pour le regarder. Tu as eu peur de lui faire mal, tu cherches dans ses yeux la moindre trace d’inconfort. Il force sur ton torse pour t’amener à te coucher. Tu te laisses guider, sans vraiment comprendre, sans jamais rompre le contact de vos regards. Il caresse ton bras sans se départir d’intensité. Tu fronces légèrement les sourcils, puis, tu crois comprendre.

— Oh.

Tu sens ton palpitant s'accélérer. Tu rougis, tu te sens presque honteux d’avouer.

— Je n’ai jamais…

Tu te sens sot à verbaliser ton manque d’expérience. Ce qu’il te propose est nouveau. Tu ne peux pas ne pas en ressentir une certaine appréhension. Mais tu comprends que, pour lui, c’est important. Tu lèves la main pour caresser son bras. Tu es mis en face de ton manque de connaissances, mais ce que Leslie ignore, c’est que tu es le genre de personne avide d’apprendre.

— Montrez-moi, dans ce cas.

Tu esquisses un sourire, glisse ta paume à sa joue. Tu déglutis d’excitation.

— Leslie.


Ton regard échoué sur la poche de ton pantalon. La lumière qu’on y aperçoit trahit, en plus de la vibration, l’appel qu’on est en train de te passer. Tu glisses ton regard vers Leslie. La folie de la passion passée, tu sens ton estomac se tordre. Tu prends peu à peu conscience de ce que tu as fait, ce soir.

— Sûrement. Il a déjà essayé, c’est peut-être son cinquième appel depuis que je suis parti.

Tu laisses ton bras s’échouer contre ton front dans un soupir.

— Il va certainement se rendre chez moi.

À l’ombre de ton avant-bras, tu glisses ton regard sur sa silhouette dans la pénombre. Tu le trouves terrible tant il est beau. Mais dans sa position, l’obscurité est assez grande pour masquer son expression. Tu pinces les lèvres, désolé.

— Il semble que je vais devoir rester quelques jours ici. Quel dommage, hm ?

Tu ricanes, mais tu es tendu, ça se voit. Tu as défié ouvertement ton père et ruiné ses plans. Tu t’en fais tout un drame, ce doit être la panique à bord. Entre Wednesday et toi tu crains que la limite ait été définitivement franchie. Tu as peur qu’il te frappe de nouveau, peur qu’il te déshérite ou pire, qu’il t’en veuille. La rancune, chez vous, est d’une ténacité à toute épreuve.

— Leslie.

Tu redresses sur tes coudes, glisses tes mains à ses bras.

— Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit. Cette mascarade doit cesser, je n’épouserai pas Ciara.

Tu secoues la tête.

— J’aurai dû faire ceci il y a bien longtemps. Vous méritez mieux que la place d’amant.

Tu repenses à ta discussion avec Raspoutine. Tu avais fait ton choix il y a un certain temps mais tu t’effraies des conséquences. Ton père te pourrit sûrement auprès de lui. L’idée te vient que Baron pourrait t'attendre dans ton bureau, mardi.

Tu as la force d’esquisser un rictus amer. RIP toi. Tu détournes ton regard de lui, te cales contre le dossier du lit.

— Vous n’avez fait que rapprocher l’échéance.

Non, c’est un mensonge. Tu te connais. Tu aurais encaissé, tu te serais soumis. Par devoir. Par honneur. Pour toutes ces chimères dont Baron bourré le crâne en te disant que c’était cela que d’être un homme. Leslie a ruiné l’harmonie bancale que tu avais bâtie sur les ruines de ton enfance chaotique. Il a fait de toi un individualiste et un égoïste. Et une partie de toi lui en veut terriblement. Et ça doit se voir, que tu lui mens. Tu ne lui fais pas grâce de la transparence.

— La situation risque juste d’être… Incertaine, disons, pendant quelque temps.

Tu as du mal à trouver de la quiétude, malgré toi ton regard se braque sur le téléphone qui ne cesse de vibrer dans ta poche. Tu fermes les yeux, sembles lutter, souffler.

— Il n’a pas autre chose à faire de sa soirée que de me harceler ?!

Tu finis par te pencher au sol, attraper ta baguette et d’un coup sec envoyé par magie ton téléphone s’exploser contre le mur. Le silence retombe enfin. Ton regard reste fixé sur le cadavre de ton pineapple. Tu finis par te laisser tomber sur les oreillers, cacher tes yeux à l’aide de ton avant-bras. Tu es tendu. Le courage avait été grisant lorsque tu étais parti, grisant que tu avais monté quatre à quatre ces marches pour retrouver Leslie. Il avait été salvateur quand tu l’avais brûlé dans toute ta passion. Mais maintenant que la fièvre est retombée tu te sens stupide. La folie n’a plus rien de belle ou héroïque. Et tu viens de casser ton portable. Tuesday va être furieux.

— Venez.

Tu as besoin de le sentir. Que tu n’aies pas tout foutu en l’air pour quelques miettes.

Tu grognes à l’ombre de ton bras. Calme, tu n’as pas envie de l’être. Douche, tu t’agaces qu’il parte. Tu souffles du nez pour toute réponse avant de te tourner dans les draps. Tu pianotes tes doigts contre le matelas, la mâchoire serrée. Tu t'attends à voir Baron dans ton bureau demain matin. Tu te rends compte que casser ton portable était probablement la chose la plus stupide que tu pouvais faire. Aucun moyen de contacter Tuesday, Wednesday, Thursday, n’importe qui pourrait t’aider ou seulement te tenir informer de l’état de votre clan après ce soir. Tu presses tes mains contre ton visage, retiens l’envie de hurler. Quand Leslie revient, tu te redresses, ton avant bras en équilibre sur ton coude. Tu secoues la tête.

— Si vous y tenez.

Tu te lèves, nu, ton pas lourd sur le parquet. Tu t’approches de la porte.

— Mais je n’ai pas de pyjama propr-

La claque sur tes fesses te fait écarquiller les yeux. Sans prévenir, tu plaques ta main dans le creux de ses reins et plaque son bassin contre ta hanche.

— Attention, Leslie.

Ton regard brille légèrement dans la pénombre.

— Je suis à fleur de peau, vous pourriez le regretter.

Tu souffles mais la menace n’en a que le mot. Tu ne pourras jamais lui faire de mal, en revanche l'inquiétude quant à ta situation te rends beaucoup plus enclin à chercher l’oublie et le contrôle. Et tu le penses assez intelligent pour comprendre sur quoi. Tu glisses ta main à ses fesses, les presses une seconde avant d’aller dans la salle de bain. Là-bas, tu laisses une eau brûlante détendre tes muscles et t’embrumer l’esprit. Tu y restes une bonne dizaine de minutes et en sort trempé. Tu te sèches, les vêtements que tu as emportés chez lui pour lui tenir compagnie tout ce mois sont sales. Tu pensais faire une machine ce soir, justement. Tu ne te revois pas mettre ton pyjama tout juste balancé dans la panière à linge. Alors en silence tu ressort aussi nu qu'à l'aller, ta serviette sur les épaules. Tu profites de ta baguette pour aller plier ton costume. Tu poses ton regard sur lui, allongé dans le lit. Tu aimerais qu’il te dise quelque chose, mais tu n’as jamais su verbaliser à voix haute ce que tu attends des autres. Alors en silence tu te glisses dans les draps.

— Cessez de vous faire désirer, j’ai besoin de me changer les idées. Venez.

Tu n’as que faire de sous-vêtement, tes priorités sont ailleurs. Peut-être est-ce pour marquer ta rébellion que tu t'interdis à la pudeur pour gagner le lit, nu. Tu n’as pas l’attendre longtemps pour qu’il vienne se coller contre toi. Tu te sens toujours anxieux, bouillonnant. D'inquiétude ou de colère, tu ne saurai le dire. Tu glisses une main absente dans ses cheveux et masse son crâne en laissant ton regard dériver vers son pineapple.

— Des nouveautés, ce soir ?

Vous avez passé votre mois à regarder pendant des heures des toktok que Leslie likait par dizaines la journée. Tu ne doutes pas que durant tes quelques heures au wizgala, il a dû en aimer de nouveau.

— Au vu de votre… Humeur, je parierai sur un retour d’homme bien bâti qui ne font que sourire devant l’objectif.

Tu scroll sur le premier toktok, souffle du nez.

— Qu’est-ce que je disais.

Tu fais défiler pour lui les vidéos courtes. Dans ta contemplation du téléphone, tu songes au fait que vous ne puissiez plus faire semblant de vous voiler la face. Raspoutine a correctement dit les termes, tu a planté ton père pour le rejoindre, vous êtes exclusif, vous habitez ensemble depuis presque un mois. Pourtant, tu ne dis pas le mot. Tu as, quelque part, peu confiance en lui. L’impression qu’il pourrait se saisir que tu le demandes pour s’enfuir. Et alors, Baron pourra te dire “j’avais raison”.

— Leslie.

Tu glisses ton regard vers lui, stoppes une seconde ton massage.

— Ce soir, je ne dors pas au pied de votre lit.