Coule dans ma gorge un vin rouge, siroté nonchalamment, le regard braqué sur la figure attirante de mon cavalier qui semble terminer de se vêtir. Je n’impose pas mon aide, patiente en me satisfaisant d’avoir mes yeux pour découvrir l’élégance cachée de cet homme pour qui je succombe chaque seconde un peu plus. Ce n’est que lorsqu’il se tient droit, visiblement aux aguets, que je dépose le verre sur la commode et me permets de l’approcher pour ajuster le pli de son costume.

« J’ai l’impression d’avoir mis une laisse à un chien sauvage. Tu n’es pas à l’étroit ? Il y a une veste avec, normalement. Mais mon dieu ce que tu es diablement beau comme ça. »

Puis d’un geste timide je saisis ses mains pour les guider sur le premier liseré en surface de ma robe.

« Tu en penses quoi ? C’est une tenue traditionnelle en Corée. D’un point de vue occidental j’ai surement l’air ensevelie sous quinze robes. » Un pouffement honnête, celui qui trahi l’immensité de mon bonheur intimidé. Je laisse ses mains parcourir ma tenue, empoigne à nouveau mon verre à moitié vide. Un simple tu es jolie qui détient tout un sens unique suffirait à provoquer mes larmes, et c’est pourquoi je le dévore du regard, portant à mes lèvres un peu de vin, sans que mes yeux n’osent regarder ailleurs que son divin visage, duquel il s’apprête sûrement à ouvrir la bouche pour faire trembler mon coeur.

Alors je suis prête à tomber pour lui.

elle. capricieuse pourtant joueuse, mes lèvres deviennent un sourire contre le verre, et je crois comprendre qu’il n’ose affirmer ses compliments sur les détails qu’il ne peut voir. quand il me demande pour mes cheveux, c’est peut être l’occasion ou jamais de lui faire comprendre qu’il n’a pas à poser des questions,
puis-ce qu’il détient tous les moyens de trouver ses réponses.

c’est quand isaac est isaac que je me souviens qu’il ne pourrait me faire pleurer pour de simples mots
parce qu’il est si à tatillon, parce qu’il est à contre sens de ma marche, parce que nous n’y voyons rien dans ce monde silencieux,

parce qu’il ne se soumet pas à mes fantamses : parce qu’il en devient un. inimaginable, pourtant indispensable à présent.

je me penche une seconde sur le côté pour abandonner mon verre sur la commode, saisis à nouveau ses mains car après tout, ne sont-elles pas miennes ? je les dépose délicatement contre mes joues, de sorte à ce que ses pouces se reposent sur mes pommettes, le reste se faufilant entre mes boucles d’oreille et mon cou.

« si tu veux le savoir, pourquoi ne vérifies-tu pas toi-même ? » sentir le frottement de sa paume contre ma mâchoire et le bout de ses doigts doucement traverser mes cheveux me paraît plus sensuel que je ne l’aurai cru. « légèrement ondulés, lâchés, coiffés derrière mes oreilles... je crois que j’aime beaucoup trop l’idée de ta main sur ma nuque et de tes doigts entremêlés dans mes cheveux, pour les attacher. »

doux est-il, ce frisson qui me chatouille l’échine. le désir me suppli alors d’abandonner mes projets, mais la raison me susurre que quitte à vouloir le dévorer, pourquoi ne pas attendre cruellement la fin de la soirée ? quand exténuée je serai ravie de me défaire de ma robe, quand exécrable il sera devenu d’avoir côtoyer si longtemps confrères et inconnus. quand nous n’aurions plus la patience d’embrasser la retenue et la bienséance… là, nous pourrons nous féliciter.

alors qu’il récupère sa veste j’enfile mon voile, sans pour autant qu’il n’obstrue mon visage pour le moment. mon regard soudain se porte sur mon amour de sam, que je m’empresse d’aller embrasser avant de retrouver isaac à nouveau, prête plus que jamais à célébrer cette soirée. toute sourire il ne lui faut pourtant qu’un simple silence pour tuer l’enfant excitée en moi, faire ressurgir la femme éprise plus que de raison.

je saisis le masque, l’admire quelques secondes, avant de le déposer sur son visage. mais mes mains refusent de le quitter sans lui offrir leur caresse, puis elles se posent sur ses épaules.

« est-ce que je peux t’embrasser, avant que nous ne partions ? »

car je n’oserai pas là bas.

il me dit non, avec politesse ; use même de mon nom comme pour justifier cette distance. le sourire qui me gagne est déçu, pourtant tendre. son rire avait le pouvoir de faire fondre mon exaspération. mais s’il faut jouer monsieur walker ; alors nous jouerons — et je suis sûre de ne pas perdre.

cette idée de retard qui pourrait salir son statut, je roule les yeux, fait non de la tête, jamais sans perdre ce petit air de joie qui me rend si belle. aimer c’est trouver du confort dans ce qui ne plait pas, transformer le désagréable en quelque chose de plus chaleureux que foid… aimer c’est être si stupide pour quelqu’un. ça fait du bien.

je suis la directive, prends son bras. je m’approche de son oreille pour lui chuchoter aussi doucement que l’on me l’a appris ;

« j’ai si hâte que vous me demandiez une faveur monsieur le sous-secrétaire d’état... »

ce sont sur ces mots que je nous emmène au gala, bien contente d’être l’impatience et le calme incarné.