Le calme enfin et les gestes de Moira t’affectent moins que tu l’auras crains. Tu arrives même à fournir un petit sourire qui s’efface très vite devant son sérieux. La légèreté s’est évaporée aussi vite qu’elle s’était installée.
— Comment ça ?
Quelle enquête ? Dangeureux à quel point ? Qui ?

Vous avez suffisamment travaillé ensemble pour que tu saches que Moira ne t’alerterait pas pour n’importe qui, danger ou non. Tu t’efforces de rester détendu ; les apparences toujours ; mais pourtant dans ta tête ça tourne à toute allure.
Le mot danger, bien dit, les sous-entendus et les non-dits derrière qui prennent corps à toute vitesse résonnent dans ta tête, se mêlent aux questions qui éclatent, tournent, mélangent et retombent enfouies.
Danger, danger. Mort, péril, blessure, sévices. Ton esprit d’écrivaillon pourtant à court de mots les fait défiler toujours plus vite.

— Moira, articules-tu en la regardant, le r qui fond et s’effondre dans ta bouche. Je sais que je ne pourrais pas te décourager avec mes mots, tu sais qu’elle est bien trop têtue pour ça, bien trop engagée, bien trop fière peut-être ?
Tu sais qu’elle ne lâchera pas, quoi qu’il en coûte. Quoi qu’il lui en coûte.

— Qu’as-tu fais ? achèves-tu, dans un murmure discret alors même que le bruit ambiant pas si lointain noierait tes paroles quoiqu’il arrive.

Peu t’importe le danger ; peu t’importe le contexte, les périls à affronter ; tu veux savoir, tu veux agir. Peut-être que d’autres resteraient les bras croisés en entendant un proche (à défaut d’un terme plus précis tu t’en contenteras) craindre pour son intégrité. Peut-être, sans doute, certainement.
Mais tu n’es pas de ceux là, Marian. Et si tu l’as été à un moment, les regrets te poursuivent encore, sans relâche ni fatigue.

Rien fait, pas encore.
Rien fait mais visiblement pas pour longtemps.

Tu ne sais pas ce que tu préfères Marian. Savoir l’acte déjà accompli et te voir les mains liées devant l’inéluctable ou bien attendre justement ce qui arrive, sans pouvoir rien faire.
Tu pourrais tenter beaucoup mais Acid ne se laissera pas faire ; ça tu le sais parfaitement.
Tu es borné, elle n’est pas mieux. Après tout, pour ce que vous faites, l’inverse n’est pas envisageable.

La proximité semble ralentir le temps ; il n’y a rien autour, ni bruit, ni gens, ni lumière ni obscurité. Juste elle et toi dans des postures qui suggéreraient des choses qu’il n’y aura jamais entre vous. Ça t’aurait peut-être fait sourire à un autre moment ; s’il n’y avait pas tout le reste.

Et même si c’est inutile sans doute, presque certainement, tu as quand même envie de plaider la prudence.

— Moira… Je suppose que te dire d’être prudente est inutile, dépassé ou les deux.
Question rhétorique même pas interrogative, vous savez tous les deux.
Comme si la prudence aidait à accomplir des résultats. Comme si Moira t’écouterait dans tous les cas.

Tu n’es pas prudent Marian, tu es égoïste. Ou peut-être es-tu lassé de panser tes plaies, de pleurer tes amis qui partent les uns après les autres, emportés par le monde, emporté par des ennemis nombreux, trop nombreux, toujours plus nombreux, jusqu’à tout submerger.

Engloutir tout l’espoir et toute la force.

— Qu’as-tu fais ? répètes-tu encore, inchangé, inflexible, seule la diction qui s’effondre encore davantage.

— Qu’est ce que tu as trouvé ?
Laborieux mais inflexible, tes yeux rencontrent les siens pour de vrai et le reste du monde disparaît tout à fait sous la tension qui te prend aux tripes.
Si elle te fait confiance à ce point, elle te donnera la vérité, n’est-ce pas ? Vérité dangereuse peut-être, mais la vérité vaut tous les périls ; la vérité que tous cachent et enfouissent mérite de sortir au grand jour et Marian tu veux savoir.