Salle désertée que tu ne quittes pas, absorbé par la contemplation de ton café depuis longtemps refroidi.
Un pinceau souple dans la main, tu le trempe distraitement dans ta tasse pour étaler le liquide brun sur le papier. Tes traits humides dressent le portrait de la salle déserte que tes yeux ont détaillée avec avidité.
La langue à peine sortie, les doigts fermes sur le pinceau, tu appliques ton geste. Rude journée, aujourd’hui encore alors comme tu en avais l’habitude lorsque tu travaillais à la Gazette, tu es venu trouver du réconfort dans la foule bariolée du Chaudron Baveur.

Depuis que tu travailles en indépendant, tu as perdu l’habitude d’y venir plusieurs fois par semaine mais la solitude t’étreint trop fort parfois, seul dans ta maison un peu trop grande. Les fantômes prennent trop de place et trop de corps, alors pour les fuir tu trouves refuge dans tes endroits réconfortants. Les librairies, la petite table ronde au fond du Chaudron Baveur où tu as étalé tes encres et tes crayons.

Mais pourtant malgré ton application rien ne vient aujourd’hui ; c’est un jour sans comme il y en a de plus en plus depuis août. L’art se vide, l’art te quitte, il pourrit dans l’humidité constante de ton chagrin trop lourd.

Le calme si naturel que tu n’y prêtes plus attention se brise ; des cris des cuisines se rapprochent jusqu’à toi. Il faut bien plusieurs secondes pour te tirer de ta rêverie, plusieurs secondes pour que tu lèves la tête et aperçoives sortir en furie un employé du Chaudron qui bataille après ce qui semble être une énorme mouche : tu la vois depuis ta place.

Il vitupère, tente de l’attraper sans que rien n’y fasse ; le pinceau échoué dans ta tasse tu te redresses en râclant la chaise - le moyen le plus pratique pour toi de signaler ta présence.
La baguette sortie, tu projettes sur un poteau habilement, sans arrière pensée ou moquerie : Besoin d’aide ?

L’excuse t’arrache un sourire ; tu n’es pas du genre bruyant, c’est un fait.
D’un geste, tu balayes, comme pour dire “pas d’offense”, sans sortir ta baguette. Parfois, les gestes communiquent mieux ; tu saisis ces occasions dès que tu le peux.

Laissant derrière toi tes affaires que tu rassembles d’un bref coup de baguette, tu t’approches du devant de la salle où la mouche coupable demeure. Elle est vraiment grosse, tu ne peux pas la louper. Un sortilège d’attraction la ferait exploser à coup sûr ; tâchant par la même occasion la nourriture posée juste en dessous.

Et vu l’état dans lequel ton interlocuteur est, tu supposes que ça n’est pas une option.
Proche d’une table, sur une serviette, tu projettes, un peu perdu : Est-ce que vous avez une idée de comment faire ?
Un peu ridicule pour une mouche, toutes ces précautions. Mais le ridicule ne le devient vraiment que si on le pense ainsi.
Chasser une mouche, pourquoi pas ?

Ta coopération ne demande pas grand chose ; désireux d’aider et sans rien de mieux à faire, alors tu hoches la tête.

Des attrapes mouches. Petit sourire s’étire sur tes lèvres lorsque tu penses à ces gadgets moldus dans l’immense lieu de passage qu’est le chaudron baveur.
Très bonne idée.
N’en déplaise aux conservateurs, les moldus vous sauveront la mise cette fois et ça ne sera ni la première ni la dernière. La petite mouche de ce soir ou celles des soirs suivants ne poseront plus de problèmes, n’en déplaisent aux aigris et aux obtus.

Je ne bouge pas ! s’affiche sur la même serviette, bientôt complété par une autre question :   Il n’y a plus personne en cuisine ?
La salle est désertée, tu le constates - une fois de plus, tu t’es laissé aspiré par tes encres et tes crayons ; laissé aspirer dans tes tentatives de produire quelque chose. Les tentatives n’ont rien donné, les heures passées à essayer te paraissent perdues. Autant tenter de faire quelque chose d’utile de ta soirée.