Pathétique.

Aujourd’hui plus que jamais, tu trouves ce mot bien approprié pour te décrire.
Pathétique chien qui rentre à la niche, tête basse, pathétique créature qui a passé les années à fuir et qui revient pourtant mendier amour et confiance.
Et par dessus tout pathétique d’y croire.

Tu t’invectives Erin, mais tu y vas quand même.

Tu as récupéré le planning du club où tu l’attends, regard droit, pied fermement campés dans le sol. Espérant que la confiance qui fuit ton esprit viendra par ta posture.
Pathétique, naïve aussi.

Tu as fui, pourtant tu reviens comme si rien n’était.
Tu as tenté d’oublier mais tu savais. Tu sais où il est. Tu ne peux plus faire comme si tu l’ignorais.
Même si tu pouvais, l’aurais-tu voulu ?
Ou plutôt, si tu le voulais, aurais-tu pu ?
Les frontières du vouloir et du pouvoir floues, ne demeure que le désir qui s’est mué en besoin absolu.

Alors sous la bruine tiède, droite toujours (guindée même), tu égraines les secondes dans ta tête, ton Pineapple dans ta poche - éteint, il n’en sortira pas.

Il doit terminer dans quelques minutes, tu le sais. Le pied bat la mesure sur les pavés et ça résonne dans la rue presque déserte. Te morigénant, tu le bloques à terre.

Coulent les secondes comme la pluie sur ton visage, le temps file et la porte s’ouvre. Ton souffle se bloque (idiote, tu es une idiote), tu crois redevenir l’adolescente transie que tu n’as au final jamais été.

Enfin quittes le mur qui t’offrait son appui quand la silhouette de celui que tu attends s’extrait de la sortie du personnel. C’est donc sans ployer (sans doute bien raide) que tu inclines la tête comme salutations, comme si c’était normal, comme si tu étais attendue, comme si tu étais désirée.

Bonsoir Ludwig.

C’est peut-être un mensonge de plus mais si tu y crois suffisamment fort, il pourrait devenir réalité.

Bravache Erin, fière par dessus tout, cette fierté maladive qui t’a poussée à venir ici sans ramper, tête droite, sans aucune idée de ce que tu dirais.
Tu t’es laissée porter par l’impulsivité (ta faiblesse t’a guidée).
Ne rajoutes rien à ta salutation, et la sombre satisfaction vient nourrir ta superbe lorsque Ludwig brise le silence.
Tu serais à deux doigts de compter les points.
C’est ridicule (comme ta venue).

Un sourire sincère s’ajoute ensuite ; complètement narquois mais tout de même sincère. C’est rare, c’est surtout spontané. Définitivement étrange.
— La chance s’acharne à nous fuir, alors je l’ai provoquée, rétorques-tu.
Qui ne tente rien n’a rien, même si tu ignores ce que tu veux.

— Je n’avais aucune idée que tu étais en Angleterre, ajoutes-tu.
Avant de le découvrir dans cette boite au hasard de tes errances nocturnes. Tu affirmeras que la chance te fuit mais pourtant, le revoir après toutes ces années… Qu’est-ce d’autre ?

— Et je n’aimais pas l’idée que tu puisses croire que je t’avais menti par plaisir et non par obligation.
Beau prétexte qui s’offre à toi : tu es venue pour rétablir la vérité bien sûr ! Tu n’es pas venue car il te manque atrocement, tu n’es pas venue car chaque nuit tu penses à lui, tu n’es pas venue car tu murmures son prénom dans ton sommeil agité (ton précédent partenaire d’une nuit te l’a dit, avant de claquer la porte), tu n’es pas venue car il te hante.
Tu es simplement venue rétablir la vérité.

Le mépris qu’il te jette à la figure dégouline sur toi ; comme s’il ne te faisait rien. Peut-être est-ce simplement que tu es passée maître dans l’art de mentir, Erin.

Mentir aux autres, un réflexe (pour survivre encore, pour survivre toujours) ;
Te mentir à toi même, désormais une seconde nature.

Ose me dire que ma présence actuelle te débecte au plus haut point, répliques-tu.

Comme si ça ne t’atteignait pas, tu le mets au défi l’air fier. Pourtant au fond de toi tu cries “ne me détrompes pas, je t’en supplie”
Au fond de toi, tu crèves de savoir que ce qui te prend encore pour lui bat toujours à l’intérieur de vous deux ; tu brûles de voir la preuve que vos morceaux épars peuvent peut-être espérer quelque chose de moins sombre.

Les sentiments te rendent mièvre, Erin. Malgré tout, tu ne te dépêtres pas, la preuve en ta venue aujourd’hui. Tu te présentes cœur ouvert en prétendant le contraire ; drapée dans ton déni portant tu l’implores de crever l’abcès (tu ne le feras pas seule).

Ancre tes yeux dans les siens, si “bornée” comme il dit, en fait tu le pries de te répondre honnêtement ; tu espères si fort que sa vérité soit pareille à celle que ta fierté t’empêche de formuler.

Tu es venue, c’est déjà bien.
Tu es venue, c’est en fait énorme.
Tu es venue, presque mis à nue devant lui, à sa merci, est-ce a s s e z ?