si elle laisse ses doigts voleter autour de la flamme de son briquet, un moment, en l'observant vaciller sous les brises d'un soir d'octobre, mi-hypnotisée mi-en transe, envy finit par enfouir ses idées pyromanes tout au fond de la poche de sa veste, là, entre le métal glacé de son étui de rouge à lèvres préféré et le verre givré de son écran de pineapple, effleurant juste de quoi attirer un frisson dans son dos. lorsque ses yeux se reposent sur toi, clope au bec, elle inspire une bouffée puis veille à ne pas te souffler la fumée au visage avant de se saisir de sa cigarette pour te sourire.

elle le pense et pourtant elle y trouve une certaine cruauté, au fait bien particulier de se dire qu'en dépît du passé, ton visage, son côté familier, lui crieront toujours "maison" comme un écho qui se dissipe. poudlard a été son foyer pendant trop longtemps et c'est quelque chose de précieux, des soirées parfum highlands que même les plus douces des us girls ne parviennent pas à effacer. et si les volutes qui s'échappent de ses lèvres n'ont pas l'odeur des cheminées, son allure lui rappelle les brouillards.

c'est qu'être une enfant lui manquerait presque.

et pourtant dans cette nostalgie elle ne retrouve que ton visage, quelques bouts de peau, de cheveux, d'être mais pas vraiment d'éclats de voix. elle se demande, envy, si vous avez déjà eu une vraie conversation auparavant. si elle accorde trop de crédit à quelques frôlements d'épaules dans les couloirs, quelques caprices constatés, quelques souvenirs. mais elle était amie avec tout le monde, elle se rassure toute seule, amie avec tout le monde alors sûrement avec toi aussi. elle reprend une bouffée et, avec les poumons gonflés d'orgueil, se décide enfin à parler.

y'a pas de flamme à raviver, on pourrait aller foutre le feu à quelque chose. sauf si ton passé de criminel est derrière toi, renard leroy.

pique moqueuse, nouvelle inhalation de fumée. elle jette un regard rapide à l'intérieur du bar, appuyée contre le mur près duquel elle t'a trouvé lorsqu'elle est arrivée. elle aurait toute la soirée pour boire avec qui diable le voudrait. mais pour le moment elle t'offrait, courtoisie de sa curiosité sans limite, toute son attention.

un moment de silence, les mots restent suspendus à ses lèvres. elle les occupe avec quelques cendres en devenir et écrase la cigarette mentholée dans le cendrier le plus proche avant que cette dernière ne se soit consumée entièrement. oh élans du consumérisme ! elle observa quelques secondes la fumée s'éteindre avant d'hocher la tête, reposant les yeux sur toi.

je me souviens aussi. serpentard, renard.

elle évoque simplement et te regarde faire avant de s'asseoir à tes côtés sans un mot de plus. envy aurait presque pris un air offensé, si seulement tu n'avais pas frappé aussi juste.

elle esquisse une moue amusée et se lève sans te quitter du regard, avant de se détourner. de quelques pas elle se faufile entre la foule encore éparse, encore ou alors peut-être déjà, jusqu'à atteindre le comptoir boisé et échanger quelques plaisanteries avec le barman. lorsqu'elle finit sa danse, pathétique tentative de l'envoûter, elle revient s'asseoir comme si de rien n'était. quelques minutes plus tard, l'employé s'approche de la table avec quatre shots. de la tequila, un peu de jus de citron et de sucre, surplombés d'une rondelle d'orange au sucre et au cointreau, enflammée.

peur de t'y brûler les ailes ?

mais pas celles du corbeau, non, car renard comme icare savait contempler ses soleils. elle le savait et hésita quelques secondes avant de reprendre la parole, comme pour jouir un peu plus longtemps de son pouvoir. l'information était un pouvoir comme un autre et parmi tant d'autres, celui-là était bien l'un de ceux auxquels elle tenait le plus. contrôler, posséder l'information, dans son champ d'expertise comme dans tant d'autres, c'était la meilleure façon de se garder une place sous ses rayons, au soleil.

elle se laisse hypnotiser par les flammèches qui bientôt s'éteignent et descend un premier shot avant de s'accouder à la table, pour plonger à nouveau ses yeux dans une contemplation pensive de tes traits. azkaban...

contente pour toi que tu sois sorti de là-bas. pour margot, aussi.

pensive, elle tapote un instant la table du bout de l'ongle avant d'hausser les épaules. oups. sujet sensible ? elle se retient de sourire à ton soudain changement d'attitude, se demande si elle ne pourrait pas te mener en bateau un petit moment mais au final, décide de faire preuve de charité. oh renard, tu semblais te torturer bien assez tout seul pour qu'elle y trouve le moindre amusement, au final. tant pis, elle se montrerait douce et compréhensive, juste pour un soir. appelons ça une faveur à une amie.

margot, ta pauvre margot, n'a apparemment pas assez honte de toi pour oublier de te mentionner auprès de ses amies.

elle rectifie, clarifie, avant d'hausser à nouveau les épaules. un large sourire se dessine sur son visage alors qu'elle se saisit de son second shot, éteint depuis déjà un petit moment. quelques secondes elle hésite à le rallumer mais au final elle se contente de vider le verre et de s'étirer, soudainement enjouée. son instinct l'oriente toujours vers les plaisanteries et la futilité de blagues idiotes quand elle essaie de remonter le moral à quelqu'un. c'est les rictus bêtes et les mots jetés à la va-vite, les éclats de rire et l'impression, pendant l'espace d'une seconde, de changer suffisamment de sujet pour alléger la peine des mots d'avant.

pas de crainte pour sa réputation. de toute façon, si tu lui nuis d'une quelconque façon, je m'occuperai de ton cas par moi-même.

l'expérience était le plus cruel des professeurs et envy ne doutait pas de ton sérieux. tu aurais été bien idiot de replonger les doigts dans la criminalité après un séjour en prison, après tout, non ? on se brûle une fois sur le four, normalement, pas deux. de son côté, elle avait fini par se rendre compte qu'en dépit de toute sa bonne volonté, le monde serait toujours plus vaste et plus cruel que son environnement direct. il n'y a pas de véritable moyen de combattre une haine qui tire ses racines de l'ignorance. c'est pour ça qu'elle trouve que l'information est une denrée aussi précieuse.

alors elle partage son savoir, pour se dire qu'au moins, tout n'était pas vain.

personne n'aurait été plus clément avec toi si tu avais disparu. et tu es toujours là, tu es là, aujourd'hui, alors il faut en tirer tout ce que tu peux. sors avec qui tu veux, déteste les agrumes de tout ton coeur et rectifie les gens qui pensent te connaître. c'est déjà bien assez.

et rapidement, elle se détourne du sérieux en demandant deux cucaracha à un serveur qui passe.

de nouveaux shots enflammés, sans agrumes cette fois.