Désespéré. Ou désabusé. C’est sans doute le mot qui décrirait le mieux ton état d’esprit actuel et surtout ce que tu t’apprêtes à faire.
Tu n’as jamais manqué de culot, c’est certain, mais ton acte aujourd’hui va au delà du simple culot.

Tu as besoin d’argent, aucune équipe de Quidditch ne prendra un gosse sous diplômé et le fait que tu sois dhampire n’arrange pas les choses. En fait, ça les empire.

Bref, ça fait deux mois que tu digères ton échec comme tu l’appelles (alors qu’en fait, t’as juste fui pour sauver ta peau, rien d’illogique). Et t’en peux déjà plus, de vivre aux crochets de ta connaissance biologique (ta mère). Bon au delà du fait que ça te rappelle cette condition que tu aimes tant. Cette pensée te ferait recracher ta boisson en fait, si tu buvais quelque chose.
Enfin. L’important, c’est que tu es désespéré, tu as repéré un appart pas trop catastrophique dans ton budget quasiment inexistant dans l’allée des embrumes. Tu vas pas faire la fine bouche, même si tu as l’impression de ne faire que confirmer ce que l’autre connard rétrograde et sa famille pensent de toi.
Et toi t’es assez con pour tenter encore de les faire changer d’avis. Comme s’ils n’avaient pas déjà décrété que t’étais perdu à ta naissance, tu sais ce moment où t’avais rien fait d’autre que brailler comme n’importe quel marmot.
Ça en devient vraiment navrant.

Tu poireautes donc dans la Wyverne Blanche, le genre d’endroits recommandables dont tu raffoles. Douce ironie qui te sert de seule amarre. T’es prêt à à peu près tout pour être indépendant, pour te prouver à toi même que t’es pas cet échec immonde que t’es persuadé que tout le monde (toi le premier) voit à ta place.

T’es entré dans le lieu encore peu fréquenté vu l’heure matinale (tu iras sans doute piquer un somme après, après tout tu habites à la porte d’en face), t’as à peine dit bonjour à la première personne que t’as croisé et demandé à voir le patron.
Sans t’être évidemment renseigné sur qui il (ou elle) était : tu as eu l’idée lumineuse de frapper à la porte il y a environ cinq minutes. Et t’attends depuis quatre minutes bien senties selon l’horloge que tu fixes.
En fait, tu sortais faire une course (de la bouffe pour Rabougri) quand t’as vu la devanture et puis… t’es rentré.

Tu ne retiens pas ton pied qui frappe le plancher, ignores le regard de l’unique employé qui nettoie ses verres derrière le comptoir, regardes l’horloge, entends finalement avec satisfaction les marches craquer, te retournes et lèves les yeux vers lui alors qu’il descend. Patron de l’endroit très certainement, tu te fends d’une salutation simple, polie (ce qui est beaucoup pour toi) mais efficace - droit au but :
— Bonjour, je cherche du travail.

Sa première parole n’est pas pour t’offrir son nom - simplement pour te dire d’arrêter ta gestuelle agaçante.
Tu ne peux qu’apprécier la franchise et rien que pour ça, ton pied stoppe son manège (à voir si ça durera).
Finalement il te donne son nom, tu hoches la tête, attrapes la main qu’il te tend, maintiens son regard.
Bri, tu concèdes simplement. Si le truc qui te sert de patronyme pouvait rester enterré à jamais, ça t’arrangerait.
Tu n’as aucune intention de t’enchaîner à vie avec quelqu’un dans un futur plus ou moins proche, t’es donc bloqué avec. Alors t’essayes de planquer l’horreur.

Un autre adepte des lunettes de soleil, tu notes avec un amusement que tu gardes pour toi. Dans ta tête, une foule de surnoms se bouscule. Ça t’occupera un peu de choisir le finaliste au lieu de broyer du noir en sortant.

Tu as beau détester t’écraser, il y a une certaine nuance entre envoyer paître le monde entier et te transformer en paillasson.
Assez assuré quant à ta propre utilité, tu réponds avec aplomb tout ce qui te passe par la tête - à savoir un ramassis d’excuses étranges. Mais dans un lieu comme celui-ci, les gens bizarres seront toujours mieux reçus que les tristement normaux.

— Je me laisse pas marcher sur les pieds. Tu te redresses un peu, hésitant à reprendre ton manège avec ton propre pied. Ça serait une belle preuve mais aussi une bonne façon qu’il te flanque dehors. Tu as beau jouer au plus malun, tu dépends de son bon vouloir - aussi pénible que ça soit.
Peu importe le client ou le problème, s’il est en tord, il répare.
Tu poursuis sur ta lancée, sans accorder aucune importance à l’étrange entretien d’embauche que tu es en train de passer. Toujours tes yeux rivés dans les siens, ta façon d’appuyer ton propos (après tout, ce n’est pas ta carrure de brindille qui va t’aider) : Qu’il fasse le double de mon poids n’entre pas en ligne de compte.
Tu fanfaronnes mais ton propos repose sur un fond de sincérité. La loi du plus fort, très peu pour toi ! De toute façon c’est complètement stupide, les apparences sont traîtres.

Tu as pas l’intention de passer tes journées à travailler mais tu as besoin d’argent.
— J’apprends vite et je suis prêt à faire à peu près tout ce que vous me donnerez à faire. Je sais pas cuisiner mais je doute que vous manquiez de cuisiniers ou de barman.
Après tout, tu sens l'odeur et le bruit s'échapper d'ici tous les soirs - pas le genre de choses qui arriverait si ce genre de personnel manquait.
Avec l’ombre d’un sourire, tes yeux toujours dans les siens, nullement perturbé par les lunettes qui t’empêchent de voir où il regarde, tu achèves : Je suis borné et je me décourage difficilement.
Autrement dit, tu risques de revenir frapper à sa porte s'il ne te prend pas.


Lui ne s’embarrassant pas de politesse, tu ne fais que rendre ce qu’on te donne lorsque tu réponds à son mitraillage de questions avec un sourire narquois :
— Je viens de la porte d’en face et je m’appelle vraiment Bri. Tu détestes ton nom de famille, le gardes pour toi le plus possible. La courte taille de ton prénom a trop suscité de remarques à ton goût pour que ta remarques ne paraisse qu’ à peine impertinente (elle l’est bien sûr).
— Je suis assez certain de mon âge oui.
Même si tu fais gringalet ou bien plus jeune. Tu précises, histoire de condamner ta tentative difficilement sauvable jusqu’au bout : Je suis un dhampire, au fait. Un peu pour ça que j’ai l’air d’un gamin mais j’ai vraiment 18 ans.