Shani était toujours partante pour aller au-delà de ses limites lorsqu’il s’agissait de ses rôles et c’est d’ailleurs ce qui faisait qu’elle était une actrice appréciée par les réalisateurs malgré son fort caractère et son souci exacerbé de perfection.
C’est ce qui la faisait voguer d’opportunité en opportunité au point de ne plus avoir une minute à elle.
Alors, lorsqu’on lui a proposé ce rôle principal dans un film qui retracerait l’un des grand nom féminin du Quidditch mondial, la jeune femme n’avait pas pu refuser.

A la suite de la signature, le premier qu’elle avait contacté était Icare, plus pour lui demander un service que pour fêter l'obtention du rôle.
Ils auraient bien le temps de fêter ça plus tard. Là, ils avaient du travail.
Connue pour vouloir réaliser la plupart de ses cascades elle-même, elle avait besoin de son savoir-faire et surtout de son caractère en or. Plus qu’un professeur, Icare était une personne dont la lumière était importante pour elle.
Quant à voler, elle avait appris il y a longtemps, plus jeune et plus insouciante, trop pour penser à la technique, trop pour s’y astreindre vraiment.

Presque à l’heure, elle l’aperçoit, pétillante et déterminée, agitant les bras en réponse à son signe de main tout en le rejoignant à grandes enjambées, portée par ses jambes interminables.

- Salut beau gosse ! Je suis trop contente que tu ais accepté !

Comme à son habitude, elle saute littéralement au cou du joueur de Quidditch et l’enlace chaleureusement sans oublier de le gratifier d’un baiser sur la joue, évidemment.

- Je suis ultra motivée ! J’ai regardé une tonne de temps-forts de matchs pendant ma séance de sport ce matin. Je suis prête !

Quand elle le relâche, elle dégouline littéralement d’assurance et déborde d’énergie. A la voir comme ça, on peine à imaginer qu’elle puisse connaître fatigue et tristesse. En cela, Icare et elle s’accordaient tous les deux particulièrement bien.

- Mais je te préviens. Ne t’avises pas de te moquer de moi, ça fait des années que je ne suis pas montée sur un balai et je pense que ça va se voir.

Un sourire amusé sur les lèvres, elle s’étire et noue sa longue chevelure colorée en chignon avec une habileté qui trahit les années d’expériences, contrairement à l’expérience qu’elle a sur un balai.

- Je suis toute à vous professeur.

La jeune femme lui rend son sourire avec un éclat d’impatience et de contentement au fond des yeux. Il avait l’air tout aussi motivé qu’elle, et c’était tant mieux car la jeune femme avait la réputation d’être intraitable, surtout en ce qui concernait ses propres performances à elle. C’était bien pour ça qu’elle s’était mangé bon nombre de vidéos de match, surtout pour regarder les joueurs évoluer.
Icare n’était pas au bout de ses peines, mais ils s’amuseraient bien, c’était certain. Son rire clair résonne tout autour d’eux.

- Tu crois pas si bien dire.

Avec douceur, elle pose sa main sur le bras du joueur de quidditch. En Icare, elle avait toute confiance.

- Je te taquine, ta bienveillance est légendaire et très franchement quand j’ai vu ton nom sur la liste des joueurs disponibles pour me réapprendre les bases, j’étais soulagée. Tous les autres tirent la gueule… On dirait que tu es l’exception.

Amusée, bien qu’elle appréhende un peu sa remise à niveau, elle souffle avec honnêteté.

- Je crois que tu vas t’arracher les cheveux mais… J’aimerai qu’on reprenne depuis le début. Pour être plus à l’aise. Au moins qu’on revienne très rapidement sur les bases.

Malgré tout, elle tente de se mettre en place pour pouvoir être prête à décoller avec son balai dès qu’Icare lui donnerait un signal, et ce avec ses maigres souvenirs d’école, et ce n’est harmonieux que parce que la jeune artiste est dotée d’une grâce naturelle. Mais ça manque réellement de technique. Elle lance alors sur un ton chantant.

- Voilà, je te montre ce que je sais faire, et toi tu me corriges. J’espère que t’as prévu un gentil balai pas trop rapide ! Et que tu vas voler à côté de moi d’ailleurs, d’ailleurs…

Au cas où il ne l’aurait pas prévu, elle bat des cils pour appuyer sa demande.

La réponse solaire d’Icare ne surprend pas beaucoup Shani mais elle a le mérite de la faire largement sourire, lui prouvant une fois de plus qu’elle avait bien fait de se tourner vers lui.
D’ailleurs, elle lui rend son clin d'œil. Ils savaient tous les deux, à quel point les autres étaient bien trop sérieux ou bien trop sombres pour leur lumière à tous les deux.

Quand il a l’air de s’alarmer à sa demande, Shani lui offre un regard désolé mais son regard ne perd pas de sa détermination. Son côté perfectionniste avait encore frappé et Icare en serait une douce victime.

- Désolée… Je sais que je te demande beaucoup.

Quand il revient avec les deux balais, elle appréhende autant qu’elle est impatiente. On dirait une enfant le jour de Noël, et le jour d’un contrôle important.
Au moins, devant Icare, elle ne craignait pas de se ridiculiser. Elle donne un petit coup d’épaule à son ami en riant avant d’enfourcher prudemment le balai.

- Ok, alors c’est parti. T’es un attrapeur de toute façon, si je tombe, tu me rattrapes.

Un éclat de rire, avant qu’elle ne donne un petit coup de pied au sol pour s’élever dans les airs.
Une petite exclamation de surprise plus tard, elle s’élève à trois ou quatre mètres du sol en se félicitant de ne jamais avoir eu le vertige.

- Je vais bien, tout va bien !

Agrippée au manche, elle se concentre sur son équilibre en imaginant qu’elle doit avoir l’air d’une tarte sur une pique à brochette, et l’image la détend un peu en la faisant pouffer.
Quand Icare la rejoint, elle n’a pas l’air des plus à l’aise, mais semble énormément s’amuser.

- La sensation revient vite, j’ai l’impression. Je te suis !

Elle sourit, mais en réalité, elle n’en mène pas large. Entre son envie d’être parfaite à chaque instant et celle de ne pas faire perdre du temps à Icare, elle se sent un peu pataude une fois sur son balai. Malgré tout, en le voyant fier d’elle et visiblement content de ce qu’il voit, elle ose lâcher une main pour lui faire signe que tout va bien.

- Vile flatteur. Tu as le droit d’être exigeant et intraitable. J’ai l’habitude d’être exigeante avec moi-même. Je peux encaisser ce qui ne va pas.

Elle lui offre un sourire, alors qu’il l’a rejoint sur l’autre balai.
En le regardant, ça avait l’air si simple, si naturel. Il ne faisait rien de plus que la rejoindre à une hauteur qui devait paraître bien dérisoire, mais son aisance était presque supérieure à celle qu’il avait sur la terre ferme.

- Ça a l’air si simple quand on te voit faire… Mais je suis prête, vas-y.

Mitigée, mais avide de progresser, elle se drape de détermination alors qu’Icare démarre devant elle. Se rappelant vaguement de ces lointains premiers cours de vol, l’artiste se penche doucement en avant et s’engage dans le sillage de son professeur improvisé.

- C’est bon pour moi Icare, tu peux monter un peu plus haut, je te suis.

Suivre Icare lui permet d’appréhender doucement les mouvements, la direction, l’équilibre. Elle s’applique, concentrée, avant de finalement s’attarder sur ses émotions.

Il fallait admettre que c’était grisant.
Presque autant que de monter sur scène. Et quand elle se sent plus à l’aise, la jeune femme ose poser les yeux sur le paysage aux alentours, maintenant qu’ils avaient pris un peu plus de hauteur.

D’ailleurs, elle amorce un léger mouvement sur la droite, maladroit mais pas inefficace, pour venir se mettre à hauteur du joueur de quidditch.

- C’est sublime, vu d’en haut. Je comprends pourquoi tu aimes autant voler.

Shani gratifie Icare d’un coup d'œil rieur, le sourire ne voulant pas quitter ses lèvres et les yeux brillants comme ceux d’un enfant qui découvre une nouvelle chose particulièrement satisfaisante.
Elle entendait bien cette histoire de pression.
Son entourage passait son temps à lui demander de ne pas en faire trop, de ne pas être aussi exigeante avec elle-même, mais elle n’écoutait jamais. Elle n’écoutera pas non plus Icare, malgré toute la bienveillance dont il fait preuve.

Quand ils se retrouvent tous les deux à flotter au-dessus du vide, le sentiment de satisfaction qu’elle ressent est particulièrement grisant, la rendant presque euphorique malgré une aisance toute relative sur son balai.

- Tu as l’air encore plus heureux dans les airs que sur la terre ferme Icare. Et pourtant, nous savons tous les deux à quel point tu as toujours l’air heureux.

Un rire secoue ses épaules, avant qu’elle ne redevienne attentive.

- Et tout va bien pour moi, t’en fais mais. Même si, très franchement, monter ça me va… Mais les descentes… Faire face au vide, comme ça… Je suis pas hyper emballée.

Un nouveau rire, plus nerveux cette fois.

- Mais je sais bien qu’il faut, à un moment où un autre, redescendre alors j’y vais.

La jeune femme a le malheur de jeter un petit coup d’oeil au vide avant d’intimer à son balai de reprendre le mouvement. Et elle est presque sûre qu’Icare a vu sa grimace.
Mais elle s’exécute, concentrée, luttant contre le désir parfaitement humain de ne pas se pencher délibérément dans le vide.
Sa descente est lente, très lente car dès qu’elle doit se pencher pour l’amorcer, la sensation de vide la prend au ventre.

Non loin du sol, elle s’arrête, contrariée. Elle, qui se voyait déjà enchaîner des loopings derrière Icare, est bien forcée de constater ses limites.

- C’est nul… Je suis super impressionnée par le vide. Par l’idée de basculer vers le vide. Je viens de mettre trois siècles à descendre de quelques mètres…

Elle aurait presque préféré manquer de tomber. Là, elle se sent juste ridicule.

- J’ai pas le vertige pourtant. Je suis désolée Icare, je te fais perdre ton temps.

Shani doit faire un effort plus que phénoménal pour offrir à Icare un sourire alors qu’ils atteignent enfin le sol après leur descente qui a semblé interminable à la jeune actrice. Elle a encore le ventre tordu par la désagréable sensation de se pencher littéralement vers le vide comme un être humain qui ne tenait plus vraiment à la vie.
Elle admire soudainement bien plus encore les joueurs qu’elle a observé toute la matinée pour analyser leurs mouvements et leur aisance à se déplacer dans les airs.
Et elle ne peut s’empêcher de se rabrouer mentalement, elle qui pensait, avec trop de confiance de toute évidence, que la tâche serait facile pour elle tant elle avait de la détermination dans son travail et dans tout ce qu’elle entreprenait en général.

La gorge nouée par la frustration, peinant à délgutir, la jeune femme hausse les épaules en détournant son regard ambré brièvement, bien que  la main rassurante et bienveillante sur son épaule l’empêche de bouder le monde trop longtemps.

- Je sais que tu as raison Icare, mais je me sens idiote d’avoir imaginé que ça serait simple pour moi. Alors que je sais bien que c’est aussi un métier à part entière et qu’il n’a rien de facile.

Elle secoue ses cheveux aux couleurs acidulées en joignant sa main à celle d’Icare avec tendresse pour lui signifier qu’elle était plus en colère contre elle-même qu’autre chose. Lui n’avait rien à voir là dedans, au contraire, elle avait bien remarqué toute la prudence qu’il avait instauré, ses regards surveillant que tout aille bien, alors qu’elle même était concentrée sur le simple fait de résister à l’appel du vide.

- Décidément, je devrais peut-être même te faire venir sur les plateaux de tournage pour que tu me transmettes ton calme et ta vision des choses.

Elle rit enfin.

- Tu serais mon anti-stress, et tu m'empêcherais de me mettre la pression.

Cette fois, la malice sur glisse sur ses lèvres pulpeuses qu’elle avait mordillé légèrement comme si elle avait pris le temps de la réflexion. Or, en réalité, le choix ne se posait même pas.

- On continue. Tu as raison quand tu parles de dompter le ciel. Le ciel et mes sensations. Je ne partirai pas d’ici tant que je n’aurai pas une descente fluide. Comme si j’avais fait ça toute ma vie.

Et pour appuyer ses dires, la jeune femme passe à nouveau sa jambe par dessus le manche du balais et donne un coup de talons dans le sol pour s’élever à nouveau. Une exclamation de surprise échappée, et elle jette un coup d'œil à Icare.

- Je te suis. Ne me ménage pas.

Il était particulièrement rare, pour Shani, de se confier sur ses émotions avec une aussi grande facilité. La jeune femme savait que c’était en partie grâce à la personnalité solaire d’Icare, qu’elle avait contacté en toute confiance en partie pour cela, en plus de l’amitié qu’elle lui portait.
Malgré tout, elle se surprenait elle-même de partager ses angoisses sur ce rôle qu’elle était pourtant sûre de maîtriser sur le bout des doigts.

Un sourire tendre glisse sur ses lèvres, comme on en voit rarement sur son minois de diva déterminée et elle hoche vivement la tête.

- Si tu as le temps de le faire, je serais ravie que mon coach de vol vienne me soutenir sur ces moments de tournage. Ce serait vraiment adorable de ta part Icare. Sincèrement. Tu me seras d’une aide et d’un soutien précieux.

Comme un rendez-vous pris, elle le gratifie d’un petit clin d'œil amusé mais pourtant, elle est profondément touchée par sa proposition.
C’est sûrement ce qui la motive à repartir si vite dans les airs, rassurée. Elle rit.

- Ma vie va à cent à l’heure Icare, je t’avais prévenue que je serais insatiable de perfection. Mais comme tu es craquant, j'essaierai d’être raisonnable et de ne pas forcer.

Elle hoche la tête à ses consignes et fronce les sourcils, déterminée, reprenant de la hauteur avec l’athlète pour pouvoir amorcer, à un moment donné, une descente. Mais pour l’instant elle savoure simplement l’adrénaline de l’altitude sans regarder en bas.

- Tu n’es pas mauvais comme professeur tu sais ! Je t’imagine bien devenir entraîneur plus tard. Pédagogue et patient. Je connais peu de sportifs qui le sont.

Plus à l’aise sur son balais, les virages semblent acquis même si tout manque considérablement de vitesse et que ses mouvements n’ont de gracieux que parce que la jeune femme l’est de nature. De quoi faire cache-misère quand la technique laisse à désirer. Mais le fait de se sentir plus à l’aise la rassure un peu.

- Tu sais quoi ? Ne redescendons plus.

Taquine, elle sait qu’elle ne peut pas rester percher éternellement, c’est d’ailleurs la première fois qu’elle souhaite échapper à sa réalité.