Pas pressés sur le sol pavés, tes pas sonnaient comme une délicieuse mélodie de soufre et d’impatience. Tu n’aimais pas être convoqué comme un chien bien dressé, qui à chaque coup de sonnette venait se presser contre les jambes des maîtres. Mais ainsi était les choses car chien que tu étais, il ne fallait pas mordre la main de celui qui te nourrissait. Le père Joao dont les mains avaient pris le gouvernail de ton existence guidant tes pas aussi maladroits qu’ils furent à la tendre époque de l’innocence, cet même homme désirait récolter ses fructeux placements.

Rien de nature financière, il n’en avait guère besoin. L’histoire veut que ton père et lui soient des amis, une liaison aussi curieuse que les épousailles d’une moldu et d’un héritier Lestrange mais une liaison forte comme l’enfant tonnerre qui de ses pieds brûlants, vient frapper le sol sec. Et voilà qu’une lettre a secoué ton quotidien, Shani arrivait à Londres et elle emportait avec elle les sacs des songes oubliés. Elle était une vie passée, une vie délaissés par tes bons soins. Par accident ou simplement qu’elle fut emportée par les vagues de ta culpabilité rongée, tu ne le sauras jamais.

Il indiquait que sa fille l’attendrait dans son bureau vers les coups du zénith, comment avait-il pu laisser sa fille rentrer ? Bonne question et tu ne voulais pas connaître la réponse. Tu voulais simplement comprendre et résoudre la situation avec le même maestro bienveillant qu’ordinaire. Chaque chose devait retomber à sa PLACE.

La porte s’ouvrait à volée, une entrée un brin dramatique forçant un sourire rieur sur tes lèvres affinées et voilà qu’elle se trouvait devant toi. Ton souffle semblait se disperser dans l’air tandis que l’image de l’enfant connue s’était superposé sur cette femme aux traits affinés par un charme qu’elle savait certain. Tirant son gant par delà sa main constamment gelée, que dire ?

-Shani, je vois que tu n’as pas eu besoin de mon accord pour trouver un siège. Longtemps que nos chemins ne se sont pas croisés.

Ta main comme une couleuvre vient enserrer la sienne d’une poignée forte, écrasante même. Ta langue cliquait au fond de son palais écarlate, ravie de renouer avec le dialecte oublié de ta terre natale.

-Que me vaut le plaisir de te revoir ? Ton père m’a mentionné une bien urgente affaire.  
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Le visage de Shani était une ode au passage du temps, à ces choses inexorables qu’on ne cesse de repousser d’une main dédaigneuse. Il se rappelait si bien de la première qu’il l’a vu, elle n’était qu’une créature informe enroulée jalousement dans les bras de sa mère, et il n’en avait rien pensé. Voilà donc une nouvelle créature ! Voilà donc la fille Joao, celle qui avait déchainé les passions, les voeux d’une naissance heureuse et qui braillait à qui voulait entendre le chant de ses poumons neufs. Il l’avait eu dans ses bras, un court instant revenant à toutes allures maintenant que la version adulte de ce bébé riait de ses yeux joueurs.

Que le temps passe vite! Il n’épargne personne, ni l’homme ni le rêveur et Ridwaan était face à elle, Shani. Les émotions l’effleuraient doucement, sans jamais qu’il n’ose s’apensantir dessus, les années sont passés. Il la voit grandir, rire, danser pendant les fêtes de famille. Il se rappelle de sa fête pour son entrée à l’école, il entend d’une oreille perdue les conseils d’un homme liberé envers sa cadette. Que ressentait-il ? Un tout et rien confus, l’exaspération dominait toujours dans la crainte de se voir supplanter. Il ne fallait pas s’approcher, il ne fallait pas s’attendrir.

Le monde était une guerre et chaque pas était celui d’un million d’autre. Shani devait être séduite et domptée, lui laisser le champ libre pour rassurer sur la fiabilité des liens Salihu et Joao. Rien de plus et rien de moins, les distractions devaient être résolument repoussées.

Un sourire offert, une main tendue à ses complaintes prononcés par la voix chantante de sa compagne d’enfance :

-Excuse moi, je suis entouré à longueur de journée d’hommes, il m’est bien difficile de perdre mes habitudes. Je suis fort rustre, mais l’inquiétude me rongeait les sangs.

Oui. Comment osait-il ? Il le sonnait comme si Ridwaan n’était qu’un vulgaire valet, attend au pied et à la main d’autrui pour délivrer ses attentes. Il fallait garder néanmoins un visage tout à fait impassible et garder cette colère saine. Oui, elle était saine car il la comprenait, la nourrissait des frustrations sans noms de sa vie désastreuse. Il fallait cependant bien admettre que la malice qu’elle dégageait était tout à fait ahurissante, comme un chaton venant de tremper sa première patte dans le lait.

-Non car je suis sûre que tu vas me faire l’excellent plaisir de me raconter cela en détail. Désires tu boire quelque chose ? J’ai du Zobo.

Geste de main, litanie soufflée sous ses lèvres et voici qu’un verre vint bien gentillement se border dans sa main, rempli du liquide dont le reflet rendait sa peau rougeâtre. Le verre toucha ses lèvres et d’un mouvement conquérant, il fut assis face à elle. Autre mouvements de doigt et la porte émetta le lourd son du verrou se clôsant sur lui-même.

-Oui, même quand on est la nouvelle star grimpante, les pères s’inquiéteront toujours. Si on l’écoutait, tu es toujours la petite princesse qui vient de fouler les couloirs d’Uagadou.

-Il était bien trop placé pour le savoir, que les dieux le maudissent- Un sourcil circonspect s’était levé à la mention de la dernière phrase de son interlocutrice :

-Oui, c’est exact. C’est même lui qui m’a recommandé pour ce poste. Comment puisse je t’être utile ?

Il ne fallait pas être dupe, les âges avaient bien eu le temps de s’écouler mais Shani n’a jamais été autre chose que capricieuse. Précieuse fille, délicieuse enfant, femme empoisonnée, pensait-il avec cette pointe de tendresse qu’il ne pourrait jamais chasser.

Il fallait contenir son visage face à son interlocutrice, maintenir les moindres rictus de son faciès sous un contrôle absolu car Shani était susceptible. Elle était l’étoile vivant à jamais dans les yeux d’autrui, une étincelle dont le moindre souffle de contrariété pourrait raviver ses ardeurs. Peut-être qu’elle l’impressionne dit ainsi, lui qui a toujours été porté par le vent à des places bien convenues. Mais il n’est pas, du moins, il ne le sait pas. Son verre se soulèvait doucement tel le soleil émergeant du Nil pour bénir les mortels de sa chaleur, la mention des réunion de familial donnait qu’un tiède sentiment dans ses tripes. Il n’était qu’un enfant de plus, un cadet, un visage de plus, la famille n’avait que la texture des obligations. Cette texture rigide et froide sur ta joue rapée à trop vouloir dormir dessus, à vouloir accepter ce qu’on ne peut que tolérer on se rend malade. Et lui, face à Shani, icône de santé, il se sentait mourrant de cette pourriture qu’on accumule avec les mains des avares.


Ridwaan voulait la noyer, noyer ses mots, faire taire ces choses en lui tapies dans les replis de sa misère. Alors que fallait-il dire ? Montrer ? Tendre ? Les sourires sur du papier mâché, les regaines sur des mots plats, ce n’était qu’un lien familial, une chose que personne d’autre que lui ne pouvait choisir. Son sourire est calculé quand un lèger frémissement de lèvres vint approcher la proposition de Shani de tout raconter de ses aventures, cela ferait une conversation sans mots, des informations à stocker dans sa mémoire. Chaque information était une arme pointée dans le cou d’un autre à l’apparence trouble, il était ainsi vital de les conserver, de les accumuler dans toutes leurs grandioses suffisances.

Un lèger rire doux accompagnait les mots de Shani, oui ils semblaient à deux empereurs face à face dans un énième duel aux motivations sans forme. Et voilà qu’il allait dissoudre comme un poison ces occupations du temps passé :

-Oui, c’est exact. Je suis devenu père récemment, cela rempli bien un emploi du temps, tu le verras si Damballa te bénit d’un enfant. Mon travail est très difficile qui plus est, depuis les différentes rumeurs avec le fameux “corbeau”, le ministère magique de la Nigéria s’affole et craint différents méfaits,, si les choses s’agitent plus, un rapatriement pourrait être d’ordre. Une vie somme toute pleine de contraintes.

Son fils. Oh quel délicieux secret était-il devenu dans son esprit malléable. Son fils. Son précieux, son dernier trésor. Voilà bien une façade avisée de cacher ce que tu es, Ridwaan. Et d’une gorgée, ses pensées furent dissipées sous la mondanité de ses prochaines paroles :

-Il est vrai que tu as été bien occupée, je t’ai vu dans plusieurs émissions de télévision et tu rayonnes. Comment se passe ta vie professionnelle ? J’ai eu du mal à te reconnaître ah! Tu ne peux plus être la petite princesse de nos temps enterrés, tu es une femme et il serai bien mal avisé que je te traite comme une enfant. Reproches moi ce que tu le désires, mais tu sais que je suis assez vieux jeu sur beaucoup de choses.

Clin d’oeil, ses paroles deviennent chaleureuses, douceur factice des choses qu’on ne sait que mal-dire, des déclarations dont la corolle se fanaît avant même d’ouvrir les pétales. Il entendait les mots de Shani et le sens lui semblait si confus qu’il perdait ses airs de frère distant. Vouloir le voir ? Quelle idée. Que signifiait manquer ? Etait-ce comparable à ce vide dévorant qu’il ressent quand il pense à E̶̺̘͚͎̺͒̀L̷̟̩̦͈̻̬̣͕͎̙̜͊̿͐̈̇̍̓͌̌̄̄̅͌͠L̶̫͔̰̖̄Ĕ̸̥̩̲͓̬͋͊͆͐͊́ ? Content de renouer ? Définissions le contentement. Ses yeux se fendaient de ce mince regard de chat chasseurs, l’intêret enfin piqué des choses humaines, des choses hors de sa portée. Shani lui semblait désormais splendide, drapée dans ses volontées humaines qu’il ne pouvait que caresser du bout du doigt. Ses joues étaient légèrement pivoine de ce coeur affolé dans sa poitrine cachée, son coeur étouffé semblait se liberer d’un sort vif et cruel :

-Je m’excuse d’avoir pu te causer du tourment, sache que te revoir me produit certaines émotions. Si mon indifférence a pu te blesser… ce n’était absolument pas mon intention. J’ai tant à apprendre de toi, de ta vie…Raconte moi tout ce que tu trouves d’intêret, et je serai content de renouer. Je n’ai que peu à conter, ma vie. -le cadavre flotte doucement au fin fond de son verre, il voyait onduler sa longue chevelure brune comme une trainée de souffre dans l’ombre de ses doigts- est bien ordinaire.

Sa voix était devenue feutrée, un légèr ronronnement à peine dicible dans l’atmosphère asphyxiante de sa pièce. Ici, il était roi. Ici, il regnait sur ses accumulations d’opulence.


- Stratégie familiale ou pas, ne pouvons nous pas considérer que nos liens ne sont que stratégies familliales à l’origine ?

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