Tu entends des cris dans la maison. Impossible de te concentrer bien que Patty t'ait assuré qu'elle s'occupait des enfants aujourd'hui. Ou est-elle passé ? Et pourquoi le boucan continue ?! Tu craques Baron, et c'est mue d'une colère presque plus immature qu'eux que tu te lèves de ta chaise. La porte de ton bureau s'ouvre violemment, non sans faire trembler les murs, et tu hurles à quiconque peut t'entendre :

— « C'EST QUOI CE RAFFUT BON SANG DE BONSOIR ?! »

Tu tends l'oreille. Ça se chamaille et y'a sûrement le reste de la troupe pour encourager. C'est quoi leur problème ? Ils tiennent tant que ça a être puni ? Tu traverses les couloirs qui te sépare de la dispute. Tu découvres un cercle d'enfants - en son centre Monday et Friday qui se tapent dessus comme des vulgaires palefreniers. Tu écartes brusquement Thursday de là et attrapes le seul blond de la bande par le col.

— « ÇA SUFFIT À LA FIN ! Vous vous prenez pour quoi au juste ?! On ne s'entend plus et ce, dans tout le manoir ! »

Tu jettes un regard sévère à ton aîné.

— « Toi. File dans le salon. Les autres, circulez. Quand à toi jeune garçon... »

Tu te montres aussi cruel qu'implacable.

— « Ça sera dans ta chambre et sans dîner ce soir. Tu es forcément à l'origine de la bagarre n'est-ce pas ? Comme toujours. Quand cesseras-tu de me décevoir ? »

Friday ne perd pas une seconde pour blâmer son frère. C'est lui le coupable, c'est lui qui a attaqué le premier ! Tu es las, Baron, las de l'écouter se dédouaner de ses responsabilités. Il a toujours été le mouton noir dans cette famille, il et n'a jamais cherché à être mieux que ça. Alors pourquoi tu l'aurais cru ?
Il ose en plus de ça utiliser tes propres mantras contre toi. Tu le toises avec sévérité, empoignant son col pour le trainer au travers du couloir.

— « File dans ta chambre, sale petit cafard menteur. »

Tu le jettes brusquement vers son lit, t'accrochant fermement à la poignée de la porte. Quand tu le regardes, tu ne vois qu'un amas de déception. Tu n'arrives à te raccorder à rien en lui ; tu te demandes même s'il est de toi. Rachel aurait très bien pu fréquenter un autre homme que toi. Friday ne te ressemble pas.

— « C'est tout ce que tu as à dire ? Ce n'est pas toi c'est Monday ? Et sache qu'on mangeait du hachis parmentier au canard fait maison par madame Portridge. »

Tu essaies tant bien que mal de prendre sur toi, mais c'est difficile.

— « A cause de toi, Monday aura sûrement des bleus et des plaies à soigner. Regarde l'état dans lequel tu vous as mis. Ce n'est plus seulement de la déception à ce stade Friday, c'est de la honte. »

Tu n'aimes pas du tout le ton qu'il prend avec toi. Son insolence n'a d'égal que son arrogance. Ce sale gosse est un cas perdu depuis longtemps, mais si dans ta grande miséricorde tu nourrissais encore un brin d'espoir, là, il a réussi à toucher le fond. Il ne flirte plus avec les limites, il les a dépassé à pieds joints. Tu fronces les sourcils face à son sarcasme évident, mais ne relèves pas. C'est la suite qui te fait sortir de tes gongs.

— « Pardon ? »

Ta voix tremble de colère. Tu n'as jamais été doué pour te mettre à la place des autres, encore moins celles de tes enfants. L'éducation prend du temps... avec lui elle prend une éternité que tu ne veux pas investir. Même s'il est de ton sang.

— « Retire ça immédiatement Friday. »

Tu t'avances vers lui, fou de rage. Tu ne lui laisses même pas le temps de se rattraper. Dans ta tête c'est déjà écrit. Ta main se lève pour lui asséner une gifle sèche - avec assez de force pour que sa joue s'enflamme et que sa tête tourne sur le côté.

— « Sale mioche. Tu vas t'excuser auprès de Monday. Et auprès de moi. Quand cesseras-tu de me pourrir la vie ? »

C'est toi l'enfant ou c'est lui ?

Mephisto. Tu n'avais pas entendu ton prénom depuis des années Baron. Personne ne t'appelait ainsi, pas mêmes celles qui ont partagé ta vie, pas même celle qui la partage actuellement. Et surtout pas tes enfants. Tu te tends. Ton corps entier est un bloc solide dont les muscles sont rigides. Tu l'observes, silencieux et sévère. Tes lèvres sifflent en silence. Mephisto. A t-il seulement conscience qu'en t'appelant ainsi on pourrait le confondre à convoquer le diable lui-même ? Il a tort de te provoquer, mais toi tu as tort de lui donner raison.

— « Non, c'est TOI qui doit t'excuser à moi. T'excuser de ton comportement déplorable. De ta désobéissance, de ton insolence, de ton impudence. C'est TOI qui doit te faire pardonner de la honte que tu imposes à notre famille malgré tout nos efforts. »

Tu es en sueur Baron. Ça te fait monter la fièvre de verbaliser aussi clairement tout le vomi émotionnel que tu retiens depuis des années à l'égard de ton fils - le malaimé.

— « Si ta mère est partie c'est parce qu'elle... »

Tu ne continues pas ta phrase. La vérité n'est jamais parvenu à ton système nerveux Baron. Celle où tes enfants ont fait de sa vie et de celles de Friday un enfer. Non, tu vois seulement tes mains t'imprimant sur son cou après une énième confrontation. Tu as cédé à la colère ce jour là et tu n'as toujours pas fait le deuil de ta raison depuis. Tu pourrais bien recommencer à tout moment.

— « Pourquoi est-ce que tu t'obstines à vouloir être différent ? Je t'ai tout donné. Un toit, une éducation solide, des vêtements, des repas chauds, une instruction. Et tu m'emmerdes chaque jour que Dieu fait, bordel de putain. »

Tu lèves les yeux au ciel. Cette position victimaire qu'il embrasse sans cesse est aussi vulgaire qu'infernale. Toujours le même disque rayé année après année. Qu'est-ce que tu as raté ? Qu'est-ce que tu as loupé ? Tu n'as pas conscience Baron, d'à quel point tu as marqué la différence entre chacun d'eux. Friday représente Rachel, représente sa beauté insolente et tu ne peux pas t'empêcher de voir son visage tordu de douleur sous tes mains assassines quand il se tient devant toi.

— « Ce n'est pas avec cette attitude Friday, que tu iras loin dans la vie. Tu ne sais faire que te plaindre, geindre que tu es martyrisé au sein de cette famille. Tu nous casses les oreilles. »

Malgré tout... Malgré tout ! Tu ignores la déclaration de guerre. C'est sûrement trop tard mais tu essaies malgré tout de faire un pas en avant. Tu t'avances vers le lit, t'accroupis devant lui.

— « Qu'aurais-tu voulu que je fasse pour que tu te sentes mieux parmi nous ? »

C'est un piège pernicieux, parce que tu n'es pas prêt à recevoir les critiques. Tu essaies, tout en sachant pertinemment que tu vas mal le prendre, mal le vivre.

— « Allez. Toi qui a la langue si pendue. Dis-moi les choses. »