Elle rêve de se nicher entre ses ailes.
La tempête levée, l’ange s’était résolu à s’imbriquer dans la terre et c’est avec tristesse qu’elle réalise que Teivel ne couvre plus son ciel. Abandonné de son démon, voilà l’enfant de Morrigan parsemer la lande de ses attentions. mais c’est bien vide sans lui, réalise-t-il, bien vide sans ses discussions, sans ses promesses qu’elle ne croit plus si futile.

Alors elle part à sa recherche - erre pour trouver cette âme qui la guide.
Insatiable des brûlures du diable, elle arpente les pavés froids de la capitale. La porte de la Harpie Dorée poussée sans une hésitation lui offre l’assurance qu’il est là.

Et qu’il est beau Teivel, même ainsi dissimulé aux yeux des mortels, qu’il semble rayonner parmi les vivants. Qu’elle a envie de lui voler cette assurance pour le réinjecter dans les souvenirs de sa sœur morte. Et elles vivraient ensemble pour l’éternité dans l’écrin de sa protection.

Assise à une chaise, elle l’attend patiemment - rayonnant de cette beauté qu’elle avait volé à sa déesse. Qu’il est dommage que tu doives cacher tes talents ainsi. murmuré discrètement à son approche. Elle aurait aimé le voir trôner si haut, pour les gouverner tous, dignement.

Despote de son âme, voilà qu’elle devient usurière - allouant à d’autres les clefs de son chez-soi intérieur. C’était comme un poison de contempler Teivel, il s’infiltre partout et bientôt se fait aussi nécessaire que l’air. Elle sourit de le voir ainsi - glorieux dans sa grandeur.

La tasse est déposée, et le regard qu’elle lui offre dépasse le simple remerciement. Qu’ils étaient rares ceux à faire attention à elle, à quérir ses plaies et guetter ses peines. Merci. Serpente entre ses lèvres, intonation tendre qui dérange dans les lèvres de la Dame.

Elle le contemple s’asseoir, étouffe son sourire dans la première gorgée de sa tasse. Comme si ton esprit avait besoin de garder l’alerte, alors qu’il s’aiguise avec le temps qui passe. Pas un jour ne passe sans que frémisse tes idées.

Et quelles idées, si noires qu’elles atteindront le ciel, souffleront le soleil.
Mais elle n’y pense pas Fallen - se nourrit de la vision de l’ange qui trône devant elle.
Enlisée dans la toile de ses mensonges, elle se nourrit des promesses vides, de la crainte de voir la dernière chance s’échapper avec son envol. Peut-être serait-elle capable de lui clouer les ailes, pour l’empêcher de s’éloigner d’elle.

Teivel faisait sortir le monstre de son placard, repoussait Fallen auprès de sa Reine, appelé Morrigan.
Un frisson discret.

De ta présence ou de tes idées ? Dans les deux cas la réponse est oui. Une moue attristée qui se dessine - comme un enfant que l’on prive de son bonheur. Ne pas pouvoir te voir, c’est me rappeler pourquoi j’ai cherché ta présence. Une gorgée encore. Et j’ai l’étrange sensation que l’on me surveille encore, alors je préfère espacer nos rencontres.

Le rire réchauffe les veines glacées, que même sa présence n’arrive à sauver. Perfide son, il se love dans l’oreille, oblige le cœur à pulser, et dieu que c’est douloureux de se voir arracher des battements. Et voilà qu’en plus de courir le long de sa peau, le poison implose dans ses os, rongent les versatiles hésitations, soumet la peur et n’admet que l’inhibition.

C’est naturellement qu’elle se penche, si discrète dans sa gestuelle, et pourtant sa couronne de jaie épouse l’épaule de son ami. Il ne sera pas le seul, Teivel, à parler d’un langage plus vieux que le monde, que même les grimoires ne savent plus retranscrire. Pourquoi leur crever les yeux, alors qu’ils contemplent ce qu’ils veulent voir. Pourquoi les soustraire à la beauté de nos rencontres, eux qui ne savent qu’apprécier le faux. Laissons les s’abreuver d’illusions. Bientôt, ils seront aveugles.

Le mirage s’éloigne, voilà que Fallen se retrouve de nouveau éloigné, les lèvres sur son thé qu’elle savoure. Les prunelles qui raclent le plafond, un soupir transmuté en rire discret. T’ennuirais-tu à servir les thés à ces messieurs-dames, calfeutrer derrière ton tablier ? Elle range une de ses mèches, sa main jouant un tempo doux du bout de ses ongles. Bientôt ce sera bon, tu pourras retrouver ta solitude qui te sied tant, sans avoir à te soucier de ses nombreux clients. Elle retourne son regard à lui - et c’est l’espièglerie qui anime ses traits. A moins bien sûr, que ce lieu soit finalement si … propice à tes inspirations ? Il te faut bien des oreilles à qui chuchoter.

A trop s’habituer à être maîtresse d’un plateau, on oublie le fou qui cavale. Fallen étudiait l’art de la guerre depuis son plus jeune âge. Elle n’avait cependant pas appris les tours retors des assassins. Il suffisait d’une page différente pour que les chemins se distordent et que les lèvres chuchotent des présages bien étranges.

Fallen sait jouer oui, mais Teivel la surpasse et quand il se redresse ainsi, elle rougit. Naïve enfant que les jeux de chairs laissent indifférente, Teivel la poussait dans ses retranchements. Et finalement, quand il l'effleure, c'est un frisson de dégoût qui court le long de sa carnation. Aussi, elle expire doucement, repose sa tasse.

Je ne ferais rien qui te trahirait Teivel. Je vais simplement démentir toute accusation, me ranger sagement derrière mes obligations et m’assurer que l’on ne me suit pas. Il n’y a pas de risque qu’on revienne fouiller dans mon crâne.La fin de la phrase est un mensonge auquel elle tente de croire. Elle avait réussi à sauver les meubles, à assurer sa place. Il n’était pas question qu’elle échoue ainsi.

Elle lève les prunelles, le regarde avec une ferveur discrète, qui semble s’étioler soudainement. L’emprise du serpent est là, indicible mais encore trop lâche pour qu’elle accepte de s’effondrer dans ses bras sans rien faire. Elle décide pourtant de se laisser aller dans la danse. C’est une main qui serpente jusqu’à l’épaule, y laisse son empreinte jusqu’au creux de son torse.Pourquoi ai-je l’impression que tes …outrages sont différents du commun des mortels ? ?

Une simple pression - une forme d’emprise qu’elle voudrait marquer sur sa chair, comme il le fait sur son esprit, elle abandonne pourtant bien vite. Nous savons tous les deux que cela ne marchera pas ainsi.

Tu l'as déjà vaincu Teivel.
Que se passera-t-il ensuite ?