La clochette tinte joliment quand une silhouette fine et élancée, pas bien grande malgré son allure de mannequin, passe la porte de la boutique un peu avant la fermeture. Et alors que la porte se referme lentement derrière elle, ses mains parfaitement entretenues repoussent la large capuche qu’elle avait sur la tête, libérant une chevelure colorée comme un bonbon, longue et soyeuse, relevée en une queue de cheval soignée.

D’un geste vif, Shani retire les lunettes de soleil qu’elle portait relativement souvent lors de ses sorties, parcourant la boutique des yeux avec un sourire satisfait.
Depuis le temps qu’elle souhaitait rendre visite à Cassidan, et le rencontrer en chair et en os après leurs nombreux échanges écrits. Elle trouvait enfin un moment pour le faire.
Le magicnet était une vraie merveille qui lui avait permis de découvrir son fantastique travail. C’est comme ça qu’ils s’étaient “rencontrés”. Mais rien ne valait une visite.

Celle-ci était totalement improvisée.
Avec sa vie à mille à l’heure, Shani n’avait pas eu le temps d’écrire au couturier pour le prévenir. Il devait seulement savoir qu’elle était à Londres, éventuellement. Le lui avait-elle dit ? Peut-être. Mais lui-même devait être bien occupé avec, en plus, DALS qui reprenait. Alors la jeune femme avait décidé de forcer leur destin, et leurs emplois du temps respectifs.

Avisant le comptoir, elle aperçoit sa tignasse aussi sucrée que la sienne et son sourire s’élargit un peu plus. Shani aurait pu parier qu’elle le trouverait penché sur un ouvrage. Elle s’exclame en lui faisant un grand signe de main une fois qu’il l’a vu.

- Cassidan ! Bonsoir ! Devine qui se secoue enfin pour venir te voir ?!

Elle prend la pose, en lançant un “TADAM !” énergique avant de rejoindre ledit comptoir d’un pas léger et enjoué.

- J’espère que je ne te dérange pas. J’ai pas pensé à t’écrire avant de venir, alors j’espère de tout mon petit cœur que tu n’as pas d’autres plans pour aujourd’hui !

Pour illustrer son propos qui n’en avait pourtant pas besoin, elle croise les doigts de ses deux jolies mains sans se départir de son sourire.

Le rire de Cassidan est communicatif et la jeune femme rit de bon cœur avec lui, imaginant sans mal sa surprise en réalisant sa présence inattendue dans sa boutique.
Lui offrant toujours son plus beau sourire, elle singe une petite révérence de princesse quand il pose ses lèvres sur le dos de sa main de laquelle émane une douce odeur d’huile d'argan et de rose, comme si la pollution de la ville ne l’atteignait pas. Et finalement, n’y tenant plus, elle reprend sa main pour mieux entourer le couturier de ses bras en une étreinte chaleureuse et amicale, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

- Tu me flattes Cass’ ! Mais je suis contente de voir que ma visite te fait plaisir.

La jeune femme desserre ses bras, mais ne recule pas bien loin, posant ses deux mains chaudes sur les joues de Cassidan pour l’observer, de ses yeux mordorés qui prennent un air soudainement plus sérieux et inquisiteur. Elle le scrute rapidement, songeant qu’elle aurait peut-être dû lui écrire, plutôt que de faire la diva qui passe à l’improviste.

- Tu as l’air épuisé mon chat. Est-ce que tu te tues au travail ? Et n’essaie pas de m’amadouer, j’ai vu ton nom sur le programme de DALS. Je suis tellement contente pour toi.

Agissant avec naturel, sans se poser de question, dans ses surnoms, dans ses gestes, dans tout son comportement. Presque maternelle, elle remet une mèche rose en place sur la tête de Cassidan, avant de s’écarter un peu pour ne pas lui imposer sa familiarité, dont elle a un peu conscience, plus longtemps.Cette fois, c’est derrière sa propre oreille qu’elle remet une mèche avec délicatesse.

- Désolée, excuse moi. Je débarque et je t’envahis. Comme si on s’était vu la veille. Mais j’avais tellement hâte de venir enfin te voir.

Le sourire lumineux de Shani ne l’avait pas quitté depuis qu’elle était entrée dans la boutique. Et si elle avait effectivement scruté Cassidan comme une mère inquiète regarde son fils se tuer à la tâche, cette fois c’était avec avec beaucoup de fierté dans ses yeux dorés qu’elle l’observait. L’adrénaline et l’excitation du couturier étaient, de toute évidence, contagieuses car elle l’avait l’impression que c’était à elle qu’on venait d’annoncer une nouvelle fabuleuse. D'ailleurs, elle approuvait ses dires en acquiesçant vivement. Après tout, même si elle l’avait gentiment sermonné sur son état de santé mental et physique, la jeune femme savait au fond d’elle, et sans aller creuser bien loin d’ailleurs, qu’elle aurait fait exactement la même chose. C’était déjà un peu son mode de vie d’ailleurs, laissant peu de place aux relations personnelles.

- Je suis si fière de toi.

Alors quand Cassidan noue leurs mains ensembles, tout aussi naturellement que lorsqu’elle l’a enlacé, elle se sent comme une gamine qui retrouve un ami après une longue absence, avec l’émotion qui va avec. Elle ferme même un instant les yeux quand il embrasse sa joue, ne pouvant retenir un petit rire ravi.

- Je n’osais pas te le dire ! C’est vraiment incroyable… d’être sur la même longueur d’onde comme ça. Un peu plus et je te parlerais de souvenirs comme si tu les avais vécus avec moi !

Son rire résonne dans la boutique, cristallin et, aussi légère qu’un battement d’aile de papillon, sa main vient lui caresser une nouvelle fois la joue alors qu’elle replonge son regard dans le sien. Un air taquin lui glisse sur le coin des lèvres et elle lui souffle tout en lui attrapant la main.

- Tu imagines bien que je vais continuer de m’inquiéter pour ta santé dans ces conditions Cass’.

Après lui avoir tiré la langue comme une enfant malicieuse, le tout sans lui avoir lâché la main, Shani lui rend un léger baiser sur la joue avec une tendresse qu’elle se retient beaucoup moins de ressentir maintenant que le couturier lui a avoué être dans le même état d’esprit qu’elle. Elle ne saurait le décrire, mais cette sensation l’apaise. La jeune femme qui ne se sent chez elle nulle part, se sent un peu chez elle ce soir.

- Et si tu me montrais un peu ta boutique, tes créations ? Est-ce que j’ai le droit à un petit aperçu ? Je n’en ai jamais assez de profiter de ton talent.

Touchée, Shani sourit en se faisant prendre à son propre jeu alors qu’il la fait virevolter. Cassidan avait raison. S’ils se sentaient à ce point connectés tous les deux, elle pouvait être sûre de ne pas être la seule à veiller au grain sur l’état de santé de l’autre. Et aux vues de leurs rythmes respectifs, ils avaient de quoi faire.
Mais c’était plaisant et rassurant. Elle qui avait toujours eu le rôle de la grande sœur ne refuserait jamais un ami protecteur. Ce sentiment d’appartenir à quelque chose de fort, elle le chérissait depuis toujours.
Et de toute façon, elle aurait été bien mal placée pour refuser l’inquiétude de son aîné, sachant qu’elle ne saurait freiner son propre instinct elle-même.

- Nous veillerons l’un sur l’autre alors, je suis une excellente grande sœur alors accroches toi !

C’était presque un avertissement. Elle était prête à assumer son rôle jusqu’au bout et elle ne le prendrait pas à la légère, le voilà prévenu.

Quand le couturier accepte de lui faire découvrir son univers en vrai, et plus seulement à travers les écrans qui leur avaient permis d’échanger jusque là, la jeune femme a les yeux qui brillent.
Sage comme une image et attentive comme dans un musée, elle l’observe avec l’attention d’une fan. Elle serait bien incapable de reproduire ne serait-ce qu’un seul de ses ourlets les plus simples mais elle l’écoute comme si son savoir allait l’imprégner tout d’un coup.

- C’est superbe Cass’. Tu as vraiment un talent incroyable, même si j’ai déjà dû te le dire mille fois depuis qu’on s’écrit.

Shani, qui s’était appuyée sur le comptoir, se redresse en entendant l’éventualité de pouvoir essayer les créations de son talentueux ami. Son sourire s’élargit, et elle a ce petit rire d’enfant surexcité.
Très honnêtement, elle n’aurait jamais osé le lui demander, ne voulant pas l’ennuyer, lui faire perdre du temps ou mettre sa boutique sans dessus-dessous. Mais si c’était lui qui le lui proposait…
Et puis elle aurait fini par lui passer commande de toute façon, puisqu’elle ne tarissait déjà pas d’éloges sur son travail, elle avait de fait, toujours eu envie de porter ses vêtements.

- Je ne voulais pas faire ce type de caprice mais j’ai très envie d’essayer tes créations Cass’ ! Mais surtout, ne déranges pas tout pour moi ! Je serais raisonnable parce que ce serait malpoli de ma part de te rajouter plus de travail que tu n’en as déjà.

La jeune femme s’enfuit déjà dans la boutique pour regarder avec attention tout ce dont il lui a parlé mais de plus près. Un petit coup d'œil mutin à l’attention du couturier, elle reprend.

- De toute façon, je deviendrai une cliente régulière… Quand tu auras un peu moins de travail avec l’émission.

Shani avait l'impression de plonger dans un univers, comme on plonge dans celui d'un musicien qui joue avec son âme ou d'un peintre qui s'exprime avec son cœur. Elle s'immergeait dans celui du couturier comme elle l'aurait fait pour n'importe quel artiste qui la touchait dans son art.
Évidemment, aujourd’hui, il y avait quelque chose de plus personnel à s'abandonner de la sorte dans les étoffes et les créations. Outre le fait de se sentir bien, protégée, chez elle, par l'accueil que lui avait réservé Cassidan, elle pénétrait dans un monde dont elle était fière et qu'elle soutenait de toute ses forces.
Et ça, c'était toujours quelque chose de fort pour son âme d'artiste.

La jeune femme virevolte, s'exclame quand quelque chose lui plaît mais s'assagit lorsque son ami s'approche d'elle avec l'un de ses modèles. Cassidan venait de réussir à lui couper le sifflet, ce qui était assez rare pour être souligner.

- Par tous les esprits, Cass', elle est sublime !

Attrapant le cintre d'une main, elle plaque avec douceur la robe contre elle, ayant immédiatement repéré un miroir non loin de leur duo coloré. Elle s'y dirige sans attendre, impatiente de la découvrir, et sans oublier la question du créateur.

- J'adore le blanc, c'est une valeur sûre avec mon teint.

La jeune femme est absorbée par son reflet, tout du moins son reflet oui mais derrière cette robe dont elle tombe déjà amoureuse. La matière est si délicate sous ses doigts qu'elle imagine déjà le bonheur de la porter.
Cassidan avait du goût, elle le savait, mais c'était autre chose de voir ses pièces maîtresses en vrai.

- Et tu connais mon amour des couleurs vives et lumineuses dans les tons de rose. Le corail notamment. Je suis une inconditionnelle du jaune et du doré. Et maintenant que tu me poses la question, je me rends compte que je n'ai jamais porté de rouge et de vert !

Se tournant vers son ami, elle a le regard d'une petite fille à nouveau, elle qui se vantait d'être la grande sœur parfaite pour son aîné retombe encore une fois en enfance tant l'excitation est grande. La robe de satin qu'il lui a confié est toujours lovée contre elle, comme si ni l'une ni l'autre ne voulait se quitter.

- Cass', j'aimerai vraiment beaucoup essayer cette robe.

Elle se met à rire.

- Et toutes celles à venir de tes mains magiques d'ailleurs !

Du coin de l'œil, Shani observe Cassidan avec un amusement certain. Le voir empiler sur ses bras des tenues plus sublimes les unes que les autres est un spectacle à la fois drôle et attendrissant. Et si elle s’amuse beaucoup, le couturier n’a pas l’air en reste. De l’extérieur, ils devaient probablement ressembler à deux enfants qui jouent à se déguiser mais la jeune femme se fiche de passer pour une enfant. Ceux qui grandissent trop vite ratent plus de choses que ceux qui ont gardé cette petite étincelle en eux.

- Je n’avais encore jamais vu de si belles couleurs. Et aussi bien exploitées. Et cet argenté est superbe, ne t’inquiètes pas pour ça !

Bien évidemment, elle ne rate pas une miette de ce qu’il lui explique, et de ce qu’il lui montre. Chaque pièce est un bonbon pour ses yeux gourmands. Les couleurs versatiles et indécises de Cassidan la fascinent au plus haut point.  

De sa main libre, et pour décharger très légèrement le propriétaire des lieux, Shani attrape le châle mi-or mi émeraude qui l’attire comme un papillon est attiré par la lumière d’une lampe, puis elle s’empare également de la pièce composées des deux teintes qu’elle affectionne particulièrement.
Ce mélange était fabuleux.

- Si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’aimerai beaucoup l’essayer aussi, cette robe. J’avais vu quelques-uns de tes aperçus sur ta collection Samhain mais si je peux en porter une en vrai, j’avoue que je vais en profiter.

Et comme l’ombre de Cassidan, la jeune femme lui emboite le pas pour découvrir la salle de bain, le sourire aux lèvres. Avec délicatesse, elle dépose à sa suite les étoffes dont elle a débarrassé les bras de son ami, mais c’est avec empressement, elle retire déjà le petit sac en cuir qu’elle porte en bandoulière, sa veste et entreprend de retirer ses chaussures tout en s’adressant à son aîné.

- En ce moment, je suis en pénurie de tenues casual-chic, plus généralement pour des apparitions publiques et évènements basiques pour la saison printemps/été. Des robes, des grands blazers échancrés unis et pas trop épais. Des pantalons plutôt taille haute et droits pour aller avec, mais aussi des pantalons plus fluides avec des motifs colorés.

Elle prend assez peu le temps de regarder autour d’elle. Mais une fois la salle de bain éclairée, l’endroit possède une lumière très agréable et un espace particulièrement confortable. Le professionnalisme de Cassidan n’était plus à prouver de toute façon.

Très peu pudique en général, dû à son expérience des plateaux et des shootings ainsi qu’à l’exposition récurrente de sa vie aux yeux du monde dont elle a l’habitude, elle est très rapidement en sous-vêtements dans la salle de bain mise à disposition pour leurs essayages.
Bien évidemment, elle coche toutes les cases du corps witchagram. Elle travaillait aussi beaucoup pour ça et s’assumait pleinement.
Sa lingerie, pour le coup, est essentiellement basée sur le confort de la jeune femme qui la porte. Le tissu est fin mais ne marque pas la peau. Il n’y a aucune fantaisie si ce n’est des surpiqures dorées sur les coutures noires.

Son choix se porte en premier lieu sur la robe argentée, premier amour de cette soirée, qu’elle ouvre avec beaucoup de prudence et qu’elle enfile de la même manière.
Comme Shani l’avait imaginé, le tissu est incroyablement doux sur sa peau. Les bandes de tissus cachent et dévoilent adroitement ses formes. La couleur de la robe fait ressortir celle de sa peau, et inversement.

- Regarde ça ! Oh Cass’, tu es un dieu. Elle est si fluide que j’ai l’impression de ne rien porter. Et la couleur… Je suis sous le charme.

Du coin de l'œil, Shani observe Cassidan qui revient, ou du moins ce qu’il reste de lui derrière la robe qu’il est allé chercher. Le travail avait dû être long et minutieux pour arriver à un tel résultat et pour une personne hyperactive comme la jeune femme, dont la patience avoisinnait le zéro pointé, c’était grandement impressionnant.
Elle avait été une spectatrice assidue de ses vidéos où il partageait son savoir faire et toute cette technique lui avait fait réaliser une chose : elle préférait porter les vêtements plutôt que d’essayer de les faire.

Quand il se poste derrière elle, la jeune femme rend au couturier son sourire. Naturellement, son corps s’est redressé lorsqu’elle avait enfilé la robe, les épaules légèrement en arrière et le port de tête plus altier. L’habitude de poser pour tout et n’importe quoi. La robe était d’une élégance folle.

- Si mon destin c’est de te dévaliser Cass’, je l’accepte totalement ! Et je compte bien repartir avec cette robe argentée d’ailleurs.

Se tournant vers lui, elle vient déposer un baiser sur sa joue. Un remerciement pour tout, pour se sentir bien, pour s’amuser autant, pour ne pas l’avoir fichu dehors parce qu’elle n’avait pas prévenu. Bref, pour tout un tas de choses.
Un coup d'œil est jeté par-dessus son épaule pour admirer sa silhouette, il n’y avait pas de mal à se sentir jolie, puis elle s’approche finalement avec intérêt de la robe à froufrous.

- Élégance et chic… C’est bien résumé.
Tu sais, même si on a envie d’être original, à un moment donné il faut savoir se plier à la mode de notre temps. Et en ce moment, c’est ça que les gens veulent voir. Je mise donc tout sur l’originalité des créateurs, en l'occurrence, toi, pour apporter de la couleur et du fun à ce conformisme de base.

Tout en entreprenant de réouvrir la robe qu’elle porte, bien qu’elle pourrait y passer encore plusieurs heures avec grand plaisir, la jeune femme reprend, songeuse.

- Après, je ne suis pas contre lancer de nouvelles tendances, vraiment. Ne serait-ce que pour notre propre amusement à tous les deux.
Et je ne suis pas contre essayer du bordeau ! Ce n’est plus trop la saison mais après tout il faut sortir de sa zone de confort.
Et il faut absolument que tu me montres cette collection pêche et citron, rien que l’idée des couleurs me donne envie d’un sorbet sur la plage.

De nouveau dévêtue, elle désigne la robe que Cassidan est allé cherché exprès pour elle.

- Tu veux bien m’aider à l’enfiler ? Je vais me noyer dans tout ce tissu. Et je ne veux rien abîmer.

D’ailleurs, elle l’a déjà attrapé pour en comprendre le sens, amusée par sa forme et la texture des étoffes utilisées.

- Ça a dû être un peu dur tout de même… De ne pas voir toutes tes créations réglées par cette cliente. Tu y passes du temps, beaucoup de temps, je le sais.

Il y avait bien longtemps que Shani n’avait pas eu un temps pour tout ça : un temps pour être elle, sans se soucier de tout, un temps pour ne penser à rien d’autre qu’au moment présent sans programmer tout un planning, un temps pour s’amuser sans conséquences, un temps pour être avec quelqu’un d’important.
Si elle n’avait aucune idée du véritable bien qu’elle était en train de lui faire par sa simple présence et son énergie, il était probable qu’il ignore également à quel point il était curatif aujourd’hui lui aussi.
La pièce résonne de leurs rires et de leurs pas, semblant, malgré qu’elle soit spacieuse, trop petite pour contenir leur éclat.

- De toute façon Cass’, quoi que tu me fasses essayer, je te fais entièrement confiance. Si on s’est aussi bien entendu sur le magicnet, c’est bien parce qu’on est tous les deux des acharnés du détail.

Et tout ça lui donnait encore plus envie de tout voir, et de tout faire. Où était le retourneur de temps lorsqu’on en avait besoin. Ne plus quitter cette pièce, un tour, puis encore un. Pour pouvoir tout essayer, et ne jamais cesser de créer.

- Merci, non seulement c’est difficile à mettre mais quand on la traite comme une œuvre d’art c’est encore moins évident. Je ne veux rien abîmer.

Se laissant guider, elle découvre petit à petit la texture des tissus, le poids des décorations, la forme que la robe prend autour de sa silhouette, l’intensité de la couleur sur sa peau. Et alors qu’ils terminent tranquillement d’installer l'œuvre d’art sur son corps, simple portant, elle jette un coup d'œil à l’artiste.

- Je suppose que je m’inquiète pour rien, tes clients doivent se précipiter sur la moindre pièce que tu proposes.
Bon sang mais cette robe est une dinguerie.

L’exclamation sortait tout droit du cœur.
Une fois prête, et Cassidan légèrement reculé, Shani avait réalisé quelques pas pour se rapprocher du miroir dans un doux bruissement d’étoffes. Avec habileté, elle remonte ses cheveux pour dégager sa nuque et son cou afin que seule la robe et ses couleurs ne l'habillent, tournant légèrement d’un côté, puis de l’autre, hypnotisée par le mouvement du tissu à chaque geste qu’elle esquisse. Tournant sur elle-même, elle a l’air extatique. Puis elle prend une pose, une autre, et encore une suivante comme si des paparazzis invisibles la mitraillaient sur le tapis rouge.

- Si tu oses encore me dire que tu n’as pas de talent, je hurle. Je n’imagine pas le nombre d’heures que tu as passé sur cette merveille et je comprends tes cernes mon chat. Il faudra qu’on la mouille, et qu’on éteigne la lumière ! Viens par là !

La citrouille enchantée traverse la pièce pour retourner son sac à la recherche de son pineapple. Elle attrape également, dans le tas de vêtements qu’ils ont emmené avec eux, une veste bleue nuit aux reflets étoilés qu’elle vient poser négligemment sur les épaules du couturier dont elle ébouriffe les cheveux juste après. Une fois qu’il a l’air plus sauvage, elle se met à pouffer de rire et l’attire à elle pour qu’ils prennent la pose devant l’objet ensorcelé pour l’occasion, et transformé en paparazzi obéissant.

- Quel style Cass’ ! Quelle classe ! Soit sauvage mon chat, grrrrr. On est des mannequins, on sourit pas, on est blasé.

Un brin de folie, c’était ça qu’elle aimait apporter dans chaque endroit par lequel elle passait. Et quand Cassidan se laisse aller, la soulevant dans les airs pour qu’ils tournoient tout les deux, la jeune femme se met à rire après une exclamation de surprise, s’agrippant à son épaule pour ne pas tomber. Heureuse qu’il se laisse aller, laissant sa tête basculer légèrement en arrière en ouvrant finalement les bras, confiante sur leur équilibre à tous les deux.
Elle se laisse même aller à fermer les yeux en hurlant avec lui pour entrer dans sa meute. Ses abdos brûlent de tant de rire, sa gorge est sèche d’avoir trop crié.

Quand ils fatiguent finalement tous les deux, les rires ne s’étaient pas encore arrêtés mais l’essoufflement pousse Shani à se laisser glisser délicatement de l’épaule de Cassidan qui devait lui aussi, avoir besoin de repos, sans refuser son aide bien sûr. Une fois que ses pieds ont de nouveau touché le sol, elle l’enlace brièvement, avant de reculer pour ne pas l’étouffer plus longtemps avec sa superbe robe.

- J’ai mal aux joues et aux abdos à force de rire !

Et sa tête tourne légèrement mais, grisée, elle ne s’en préoccupe même pas. Tendant la main vers le pineapple qui s’agite toujours, celui-ci se pose sagement dans sa paume, désenchanté.

- Je suis sûre que les photos seront extraordinaires. Merci pour tout. Je t’enverrai les plus jolies.

Un bref instant, et machinalement, Shani pose la petite machine sur son cœur, prouvant qu’elle chérirait ces souvenirs longtemps. Mais pour avoir les mains libres, elle le repose sur un rebord d’un meuble pour entreprendre de quitter la robe.

- Si tu ne la réserve à personne, j’aimerai beaucoup la porter pour les événements de l’automne prochain.

Elle semble avoir pris le coup de main pour dégrafer la robe, mais se tourne malgré tout pour offrir sa nuque et son dos à la vue du couturier, demandant silencieusement de l’aide pour terminer de l’ouvrir.

- Le luxe, ça te plait ? Parce qu’entre cette robe et celle d'avant, tu fais honneur à ce terme. Tu parlais de Siren et de Cavendish tout à l’heure, ce sont de grands noms !

Le verre d’eau est apprécié à sa juste valeur et Shani le vide elle aussi à grandes lampées, ce qui lui arrache un soupir de satisfaction entre deux gloussements, ayant du mal à calmer leur fou rire récent, de toute évidence. Et en buvant, elle est déjà en train de réprimander Cassidan, même si ce n’est compréhensible que lorsqu’elle repose son verre et avale sa dernière gorgée.

- Elles seront absolument superbes, ne nous sous-estimes pas mon chat. Et je t’autorise à en imprimer et en afficher mille si tu veux, toutes celles qui te plaisent. Elles te plairont, j’en suis sûre.

La jeune femme semble particulièrement sûre d’elle.
Il faut dire qu’elle aimera même les plus floues d’entre elles jusque parce qu’elles lui rappelleront un bon moment. Cela-dit, l’idée de son ami lui plaît alors elle espère que beaucoup seront affichables. Quel honneur et quel bonheur de savoir que ce moment l’avait autant touché qu’elle. Ils n’avaient même pas besoin de se le dire de vive voix apparemment.

Quand il lui annonce que la robe est un cadeau, ses lèvres s’entrouvrent en un rond parfait de surprise et il ne lui laisse pas non plus le temps de protester pour négocier un prix, ou simplement dire non. Quand elle veut lui faire face, il est déjà déterminé à ne pas l’écouter, elle le voit sur son visage.

- Cass’ ! C’est trop ! Je peux pas accepter ! Des heures de travail, un chef-d'œuvre, gratuit ? C’est beaucoup trop.

Mains sur les hanches, prête à en découdre, elle l’attend de pied ferme pour renégocier le cadeau, les sourcils froncés, faussement fâchée. Alors que lui a l’air particulièrement fier de son coup.
Evidemment, elle n’arrive pas à faire illusion très longtemps. Cassidan l’attendrit beaucoup trop. Et elle ne pouvait pas rester campée sur ses positions bien longtemps puisqu’il l’aidait à se dévêtir.
Il gagnait cette manche mais elle n’avait pas perdu la guerre. Elle lui jette un coup d'œil.

- Tu préfèrerais être plus accessible ? C’est ça ?

Elle lui offre un sourire compatissant, compréhensif. C’était son regret aussi, à une autre échelle peut-être mais elle se sentait proche de ce ressenti.
Dès qu’il revient, les bras chargés, elle s’approche de ce qu’il a apporté et l’aide à le poser quelque part sans abîmer les autres tenues déjà présentes dans leur salle de jeu. Ils avaient mis un bazar monstre.

- Encore des merveilles hein ? Alors on continue à jouer à la poupée. Je suis prête, montre moi cette collection. Et pour en revenir à la robe, tu ne t’en sortiras pas comme ça.