S'il resserrait un peu plus fort le tissus, peut-être qu'il pourrait faire disparaître la couture. Un peu d'ajustement serait suffisant à faire croire à quelqu'un que le tissus était uni, en un seul morceau.
Enfin, lui le verrait toujours.
Mais il pouvait toujours essayer. Resserrer un peu plus ici et là. Tendre le tissus, s'appliquer un peu plus...
La cloche au-dessus de la porte ne le déconcentre pas. Il suffit juste qu'il réussisse à passer le fil là, en-dessous de la pliure...
La voix, elle, a un effet très distrayant sur lui. L'aiguille s'enfonce dans son doigt, sa tête se relève, sa mâchoire se décroche.
Oh.
Alors ainsi, ce message avait été réel. Ce "Je rentre bientôt" avait une réelle portée.
Il était là. Il avait changé. Pourtant il était là.
La douleur monte au cerveau et Cassidan baisse les yeux en jurant, réalisant avoir tâché le tissus. Mais c'est pas grave.
Il le laisse tomber, se relève, s'avance. Il a les entrailles serrées et les yeux humides. Il est rentré, pour de vrai.
Son index vient se planter dans le ventre de Vladimir comme pour vérifier qu'il est vraiment là. La chaleur, la fermeté sont pareilles. Il a l'impression qu'il pourrait imploser sous l'afflux de sentiments.
Toujours aussi grand. Toujours aussi Vladimir.

Waw.

C'est tout ce qu'il parvient à cracher. Avant que les émotions ne remontent et ne finissent par avoir le dessus sur lui.
Il renifle comme un gamin et baisse la tête en essuyant une larme.

J'croyais tu reviendrai pas.

Il l'enlace et Cassidan se fond contre lui. Se noie dans sa chaleur dévorante, dans son étreinte bien trop puissante, il se noie contre cet homme qu'il croyait ne plus revoir et qu'il ne pouvait pas chasser de son esprit. Contre cet homme qu'il croyait perdre pour un mirage sous la forme de messages irréguliers.

Je pleure pas !

Pourtant sa voix se trahit, ses reniflements aussi, ses bras se jetant autour du cou de Vladimir pour le serrer contre lui.
Position qui s'avère avantageuse pour lui donner une tape à l'arrière du crâne.

Bien sûr que je t'ai attendu, gros bêta !

Lorsqu'il le relâche, Cassidan le libère de ses bras à contre coeur, l'observant en essuyant son visage contre sa manche. La callosité des mains de Vladimir contre sa peau lui avait manqué aussi - pourtant il ne peut ignorer qu'il porte bien plus de marques qu'il n'en avait avant.
Il n'avait pas passé son temps à tricoter, lui.

Je t'ai mis du sang dessus... Je t'en ferais d'autres.

Il porte son pouce à ses lèvres pour suçoter le sang qui refuse de cesser de couler - come souvent avec ces petites blessures embêtantes. Et il regarde Vladimir quelques instants, comme s'il ne réalisait toujours pas.
Il ne lui avait jamais dit qu'il reviendrait, non. Il l'avait fait que lorsqu'il savait qu'il retournait à Londres. Mais ses messages ne transmettaient jamais ce genre d'espoir.
Cassidan savait très bien pourquoi.

Tu m'as manqué.

Une nouvelle larme coule sur la joue, et il s'énerve Cass' contre son incapacité à garder la face, l'essuyant rageusement.

Tu m'as putain de manqué !

Une tape sur cette main qui l'ébouriffe, il s'ébroue, Cassidan, renifle une dernière fois et tire majestueusement la langue.

Tu m'annonces que c'est ton seul T-shirt, bien sûr que je vais vouloir te rhabiller !

Il secoue la tête, rit finalement, toute la tension qu'il ne savait pas avoir en lui retombant enfin. C'était comme se retrouver chez soi, enfin. C'était libérateur et soulageant. Apaisant.
La main serrée dans celle de Vladimir, il se contente de lui donner un coup dans le bras de sa main libre, riant cette fois ci plus librement de sa remarque - si typique de lui.
Au final, il n'avait pas tant changé que ça.

Commence pas à vouloir me déshabiller, toi.

Ses pensées se tournent un instant vers ces souvenirs qu'il n'osait faire ressurgir, et ses joues rougissent vivement - et Cassidan apprécie le changement de sujet, s'approchant de Vladimir lorsque celui-ci s'écarte.
Comme s'il craignait qu'il ne reparte.
Comme s'il ne parvenait pas à se repaître de sa présence.

Je t'avais dit que je le ferais. Mais je ne regrette pas ma décision - je n'ai eu que des silencieux remerciements depuis.

Et il sourit doucement, ému de ces communautés qui considéraient sa boutique comme un asile de paix.
Ses doigts viennent passer sur l'avant-bras de Vlad avant qu'il ne le lâche à contre-coeur, allant fermer la porte à clef, l'écriteau fermé venant orner la vitre.

Je récupère mes affaires et on monte en haut ? J'ai hâte d'entendre ce que tu peux me dire de tes péripéties.

Il avait envie de rattraper ce temps qu'ils ont passés à l'écart - et ne souhaitait pas entendre un seul mot de refus.

Rire amusé, Cassidan se tourne vers Vladimir et lui tire la langue.

Tu as tout bien deviné. On croirait que tu n'es jamais parti.

Et c'est la vérité - Cassidan a l'impression qu'il avait seulement mis sa vie en pause le temps que Vladimir revienne à lui. La pensée le fait rougir et se détourner, alors qu'il ramasse ses quelques affaires sur le comptoir, dont ses clefs.

On m'a gentiment fait comprendre que ce n'était pas très sain de vivre sur son lieu de travail. Puis je commençais à avoir un peu trop d'affaires pour tout mettre ici.

Un sourire, alors que Cassidan le guide vers une porte - celle donnant sur l'étroit couloir rempli de cartons ordonnés de sa réserve. Un instant il se demande si Vladimir pourra passer - ouvrant la porte au bout pour lui montrer le chemin.

Du coup j'ai emménagé au-dessus. C'est pratique, au final. Et l'arrière boutique, je la prête à ceux qui n'ont pas où loger pour un temps.

Ses yeux le contemplent, comptent ses nouvelles cicatrices, cherchent les gestes familiers et les intonations habituelles qui lui avaient tant manqués. Il n'arrivait même pas à savoir combien de temps s'était écoulé.
Il se contenterait de "trop".

Retardé leurs retrouvailles. Cassidan aime particulièrement cette idée, lorsqu’il ouvre la porte de son appartement, grognant tout bas des critiques qui lui sont faites.

Je n’ai pas envie de passer trop de temps en déplacement - je trouve que c’est pratique qu’on puisse toujours me trouver au même endroit.

Oeillade pensive alors qu’il lui tient la porte, avant de la renfermer derrière lui - réalisant avec horreur n’avoir aucunement rangé son appartement. Le couloir est encore décent, mais le reste est envahi de livres, de vêtements, et d’autres choses encore. Alors il se mord la lèvre, Cassidan, se hisse sur la pointe des pieds, s’appuyant de tout son long contre Vladimir, pour lui cacher les yeux.

Attends deux secondes -

Le même sort que celui qu’il a appris pour ranger sa boutique - les bruits à l’intérieur de la maison l’incitent à croire qu’il s’est épargné les problèmes. Il le libère donc, mais ne s’écarte pas de lui - profitant encore quelques secondes de sa proximité.

Je n’avais pas réalisé que tu avais probablement un endroit où vivre ici. Tu aurais dû me dire, je serais passé arroser tes fleurs et passer un coup de balais.

Hésitation, finalement il se recule, n’osant pas lui voler ce baiser dont il rêvait malgré son regard qui s’était perdu sur la ligne de ses lèvres.

Je viendrais voir avec plaisir.

Le prenant par la main, il l’entraîne à l’intérieur, le guidant jusqu’à la cuisine.

Tu veux boire quelque chose ? Eau, thé, café, bière ?

Toujours être accueillant avant tout - et avoir un verre entre les mains empêchera Cassidan d’avoir si horriblement envie de le toucher lui.