Enfin il commençait à faire suffisamment chaud. Tu avais cette habitude, dès que les temps se réchauffaient, d'aller nager. C'était idiot, peut-être enfantin. Mais ta grand-mère t'avait toujours emmené dès qu'il faisait suffisamment bon. L'habitude ne s'était pas perdue.
Il avait suffit d'acquérir un portoloin, un peu plus tôt. Aucun problème pour te le procurer - les précautions habituelles t'avaient été disposées, mais vu l'utilité que tu comptais en faire, il t'a été plutôt aisé de te le procurer. Un jeu d'enfant.
Tu espérais que personne n'utilisait d'aussi innocentes excuses pour des déplacements plus vils. Cela avait été... Trop simple.
Mais en aucun cas cela ne t'avait empêché de réaliser ton souhait.
Le lac était tout bonnement délicieux. La beauté des lieux coupait le souffle, et le soleil qui lentement s'était couché avait offert une atmosphère de détente absolue à l'endroit. Il te faudrait amener Fallen ici. Elle adorerait.
Tes affaires dissimulées au creux d'une tente, c'est dans le plus simple des appareils que tu commences à affronter l'eau. Elle n'est pas aussi froide que ce à quoi tu t'attendais - et c'est avec plaisir que tu te permets un rapide plongeon.
Ce n'est que vers le milieu du lac que ton oreille capte un bruit.
On ne devient pas attrapeur avec une mauvaise vue - la tête qui dépasse à peine de l'eau tu observes quelqu'un avoir exactement la même idée que toi. Probablement arrivé de l'autre côté de ce petit bout du lac, il semblait qu'un homme avait aussi décidé de profiter de la tombée de la nuit pour se baigner. De loin, ses cheveux te semblent blancs.
Et pas de voiture en vue. Pas de cheval non plus.
Le coin avait été bardé de quelques sortilèges anti-moldus avant ton arrivée. Ce ne pouvait donc qu'être un sorcier.
Avec un soupir, tu pèses le pour et le contre. Tu es, après tout, venu ici pour te détendre loin de tout. Cela ne te tuerait pas un peu de compagnie.
Si l'âge de l'homme correspondait à la couleur de sa chevelure, tu l'informerais juste de ta présence.
C'est avec cette idée en tête que tu te mets le plus silencieusement possible à nager dans sa direction.
Flottant à la surface de l'eau, tu ne parviens pas à voir son visage - mais à sa condition physique particulièrement plaisante, tu réalises rapidement qu'il ne doit pas être bien plus âgé que toi.
Pourtant, quelque chose cloche, et tu ne sais pas pourquoi.

Akhem, bonsoir ?

Lorsqu'il se redresse, autant qu'on puisse le dire de quelqu'un dans l'eau, tu comprends ton trouble. Tu comprends immédiatement, et tu te recules un peu, soufflé.
Il est d'une beauté à en mourir. Tu pourrais prier pour un de ses regards jusqu'à ce que tes os tombent en cendres devant lui. Tu pourrais tuer et piller en son nom.
Et pourtant, profondément, tu sens la haine gronder. Te dévorer.
Un semi-vélane.
Il n'y a pas pire comme créature à ton avis. Plus dangereuse. Manipulatrice par sa nature, par son apparence, par son souffle même. Même les vampires te paraissaient plus décents - ils n'influençaient pas tes émois, ne manipulaient pas tes désirs.
Tu as presque envie d'arracher la peau de son beau visage pour voir si ses os sont faits de marbre.
De telles envies, d'une telle violence, ne devraient jamais avoir lieu. Ne devraient jamais exister.
Il n'y avait que son espèce, malicieuse, qui pouvait les provoquer. Et il te faut un moment pour te calmer, pour calmer les battements effrénés de ton coeur, pour reprendre des respirations apaisées.
Il n'est qu'une illusion, tu peux t'en défaire.

Mhm, moi non plus, à vrai dire.

Ta voix est tendue et tu ne peux rien n'y faire. Tu essaies de sourire - cela, tu y arrives un peu plus aisément. Tu indiques l'autre rive, haussant les épaules.

Je suis venu de l'autre côté. Je ne pense pas qu'on peut s'approprier ces lieux - vous êtes venus camper, vous aussi ?

Ta baguette est accrochée à ton mollet - comme toujours lorsque tu allais nager.
Tu te retiens très fort de la dégainer - te contentant de faire comme lui. Flotter doucement de sorte à dépasser de l'eau pour maintenir une conversation civilisée.

Pardonnez moi si je vous ai dévisagé.

Un sourire navré - tu te doutes pourtant qu'il doit avoir l'habitude.
Ils avaient toujours l'habitude.

Un peu derrière lui, en biais, l'eau semble un peu plus claire - un îlot, sûrement, sous la surface. Il a l'air de peiner à se maintenir en flottement - et tu n'es que très peu à l'aise de la situation de vulnérabilité que tu ressens. Les airs, c'était ton truc. Pas l'eau.

Je comprends tout à fait - il en est de même pour moi, je l'admets.

Fuir la ville et son étouffante atmosphère, son odeur et ses bruits. Retrouver ce que la nature avait à offrir, renouer avec le monde qui était et serait là qu'importe ce qu'advient l'humanité.
Prendre l'air était un euphémisme.

Si vous voulez bien me suivre, je pense qu'on peut avoir pied d'ici là quelques brasses. Ce sera plus agréable.

Un sourire, crispé, avant que tu ne t'élances dans l'eau, ouvres le chemin. Et effectivement, il ne faut pas aller bien loin pour que le sol se fasse sentir sous la surface. Un amassement de sable naturel, qui probablement d'ici la fin de saison disparaîtrait. Tu te permets de t'y avancer jusqu'à ce que l'eau n'atteigne que tes hanches, ébouriffant tes cheveux avant de te retourner, l'observer.
Hélas ?
Une pensée, furtive, qui fait écho à ce que te disait cette petite dhampire du ministère. Que pas tout le monde ne supportait sa condition. Pourtant, les semi-vélanes étaient les mieux lotis, avec leurs apparences, l'attrait qu'ils apportaient. Comment pouvaient-ils se plaindre de leur condition ?
Chez eux, au final, il n'était pas question de soigner quoi que ce soit. Que soigner dans l'idéal ?
Mais peut-être sans cette magie qui faisait d'eux des manipulateurs naturels...
Tu te recentres sur la conversation - il dit te connaître.
Tu ris, le laisses t'approcher.

Sans aucun doute vous m'avez déjà vu, oui. Un peu plus habillé que ça, cela dit.

C'est l'étonnement qui se peint sur ton visage avant que tu n'éclates de rire. Étonnamment sa réponse te plaît grandement - parfaitement dans l'esprit dans lequel tu étais toi aussi généralement. Alors tu le contemples avancer, ton regard glissant quelques secondes sur ses courbes avant que tu ne détournes les yeux.
Il était fait pour plaire. Tu n'allais pas tomber dans le piège.
Tu avances lorsqu'il finit par faire le lien - et tu t'immobilises non loin de lui, l'eau n'arrivant qu'à tes mollets. C'est avec une voix plus détendue et un sourire plus charmeur que tu mimes une révérence - le rôle du joueur que tout le monde connaît bien plus aisé à porter.

Tout à fait. Un plaisir de voir que même dans la plus sauvage des natures je suis toujours reconnu.

Cela voulait dire que ta renommée commençait à s'étendre peu à peu, malgré ce match de début de saison plutôt en ta défaveur.

En l'absence de tenue, plutôt ?

Un léger rire. Tu es bien plus à l'aise maintenant que tu sais comment te comporter avec lui. Ta baguette retirée de son harnais, tu invoques une feuille de papier que tu signes, avant de la plier - en un papillon - et la laisser s'envoler.

Vous retrouverez un petit souvenir dans vos affaires.

Un sourire, large, alors que tu finis par t'asseoir à côté de lui - plus proche que tu ne l'aurais voulu.
Au fond de toi, tu as envie de demander. Alors tu le fais.

Vous n'aimez pas être dévisagé j'imagine, au vu de votre hélas de plus tôt ?

Une oeillade, alors que tu profites de l'obscurité tombante pour fermer ensuite les yeux et tourner le visage vers le ciel.
S'il avait envie de dévisager son idole, il pouvait le faire de tout son saoul.

Grand éclat de rire, alors que tu te sens légèrement rougir malgré tout.

Eh bien, ravi de satisfaire vos yeux.

Main qui remue alors qu'il te remercie. Il n'a pas à le faire. À vrai dire ça te fait plaisir, ce genre de petit tour de passe passe. Tu les avais appris auprès d'enfants - mais de toute évidence cela faisait son effet auprès de tout le monde.
Un petit rire, à nouveau. Amer cette fois-ci. Tu n'arrives pas à croire que de telles paroles sont sorties de sa bouche - et la pulsion revient, aussi forte qu'avant.
Il te fait chavirer entre la haine et l'envie en si peu de temps que tu as peur que ton coeur te lâche malgré ton jeune âge.
Puis, il s'effondre. Ses paroles se font acerbes, et tu hausses un sourcil en l'observant, surpris.
Ça, ça t'intéresse. Cette perte de contrôle.
Tu te tournes, pour lui faire face, une main appuyée non loin de lui. Tu le dévisages.

Vous en avez, de la colère à refouler. C'est quoi, votre lignage qui influe sur vous aussi ?

Tu penches la tête, ta curiosité venant clairement se mêler de l'affaire, alors que tu décortiques, analyses, et cherches à comprendre.

Votre dégénérescence m'a toujours intrigué vous savez. Je pensais que les vôtres adoraient toujours leur condition... Mais j'ai l'impression que ce n'est pas vôtre cas.

Yeux plissés, tu t'approches un peu, presque à le toucher - en vérité tu cherches à voir son regard et t'assurer qu'il ne pourra fuir le tien.

Avez-vous déjà essayé de vous en débarrasser ?

Dans d'autres circonstances, tu aurais adoré qu'un bel homme parfaitement bâti et entièrement nu se jette ainsi sur toi pour te prendre par la gorge. Tu le laisses faire, ne te défends même pas.

Je ne t'ai jamais traité de dégénéré.

Tu n'as fait que parler de sa dégénérescence. S'il se considérait comme un dégénéré, il devait ces paroles qu'à lui-même...
Pour toi, il n'en était pas un. Il n'était qu'un malade, atteint d'une génétique erronée.

Si tu me connaissais vraiment, tu saurais que je suis un bâtard de ma famille. Alors si, trésor, il a parfaitement planté sa queue au mauvais endroit.

Tu ris légèrement, tes mains venant doucement se glisser sur ses cuisses, comme pour le maintenir - ou le caresser.
Il a la peau terriblement douce, cela te choquerait presque.

Mais fais gaffe à ne pas t'empaler sur le faux prodige, il risquerait de découvrir si tu restes aussi glacial une fois que l'on te fait crier.

Tu secoues la tête. Il ne comprend pas. Il ne comprend rien.

Pas du tout. Tu es juste... Une victime de ton état. T'as pas choisi. Tu es bien plus que juste cette condition qui te détruit la vie. Parce que c'est ça, n'est-ce pas ? Ça te dévore, n'est-ce pas ?

Il en faut si peu pour le faire flancher. Si rien qu'un léger contact comme ça suffit pour le faire ployer, c'est qu'il doit être terriblement seul. C'est désolant. Mais après tout, les hybrides étaient toujours rejetés. Il fallait que ça s'arrête. Mettre des sorciers à l'écart pour ce qu'ils étaient... Alors qu'il y aurait sûrement un moyen de les soigner...

Comment je saurais que je le suis face à ta nature, de toute façon ?

Pourtant, tu arrives à faire la part des choses. Tu le penses, en tout cas. Déchiré entre la haine et le désir pour lui, tu parviens à trouver une sorte d'équilibre, n'est-ce pas ?
Peut-être c'est illusoire aussi. Tu l'ignores.
Il se rapproche. Ses mèches claires tombent sur ton visage, se collent contre ta peau, lourdes d'humidité. Tu le dévisages, attends.

Tu m'as l'air d'un être brisé, pas d'un monstre.

Tes lèvres effleurent les siennes lorsque tu le chuchotes.
Avant de le repousser violemment sur le côté. Rouler par-dessus lui, le sable et l'eau glissant de ton dos sur tes flancs. Tes doigts figent ses poignets au-dessus de sa tête alors que tu saisis sa hanche - ton pouce dangereusement proche d'un autre endroit.

Je pourrais peut-être t'en soulager.

Tu claques de la langue. Tu commences à être fatigué de cette mascarade. La haine commence à prendre le dessus - tes doigts plus étroitement fermés sur ses poignets.

De ta nature.

Il est si séduisant, pourtant. Et derrière, tu sens bien que c'est un être que tu aimerais avoir à tes côtés. Il a de la répartie. Il se réjouit de choses simples. Il serait d'une délicieuse compagnie.
Si seulement il n'y avait pas tout le reste qui te donne d'autres envies. Des envies violentes.

Pour t'aimer, il faudrait déjà que je te connaisse. Et tu n'as même pas fait l'effort de me donner ton nom.

Il pourrait être n'importe qui. Il pourrait être n'importe lequel d'entre eux. Pourtant... Pourtant quelque chose t'intrigue. Te dévore.

Tu es si égocentrique à croire qu'on ne voit que ça. Et c'est ça, précisément, ta maladie. Tu ne comprends pas ? Tu es né handicapé. On t'a condamné, maudit. Tes paroles sont la seule chose sincère que tu as et tu les gâches à ne parler que de toi. Tu me dégoûtes.

Pourtant, tu te penches plus proche de lui, plus proche de ces lèvres qui offrent leur fiel au plus offrant.

Et tu sais quoi ? J'aime te détester.

Parce que c'est plus simple que de te demander ce qu'il y a derrière. Car de toute manière il ne semble pas prêt à le dévoiler.
Mais pourtant, pourtant, il y a de l'espoir, n'est-ce pas ? Si seulement tu arrivais... à comprendre... Est-ce son apparence, son aura ? Le toucher de sa peau ?
Tu fermes les yeux pour écouter son souffle.
Les vélanes utilisaient un sortilège. Mais leurs enfants étaient différents.
Son souffle est humain et ne pas le voir apaise tes élans.
Il te semble presque respirer enfin.

C'est triste, ce qu'il te raconte. C'est à fendre le coeur. Tu rouvres les yeux, l'observes, réalisant peut-être un peu mieux quel mal lui avait été fait avec son ascendance. Quel prix il payait pour être ce qu'il était. Peut-être que c'était pire que d'autres. Comme toujours, ce qui était invisible à voir pesait le plus lourd.
Et il rit. Et son rire te traverse comme des échardes de glace, comme s'il était entrain de te poignarder. Tu ne sais pas dans quelle mesure le sort de sa chair t'influence. Si c'est seulement le cas.
Tout ce que tu veux, dans l'immédiat, c'est le faire taire.
Lorsqu'il s'approche, lorsqu'il te murmure à l'oreille, tu inspires son odeur. L'eau, le parfum, quelque chose de plus, une illusion peut-être. Mais son odeur est ... Normale. Elle ne te donne pas envie de perdre l'esprit. Sa proximité cela dit...
Il semblerait que tu n'y sois pas indifférent, et entre la haine et le désir tu as de plus en plus de mal à réfréner tes réflexes musculaires.

Tu mènes une triste vie.

Tu le dévisages.

Orion.

Son prénom coule de tes lèvres. À la fois en douceur et dans la haine.
Tu veux fermer les yeux pour cesser de te battre contre son apparence. Pourtant, tu ne t'en trouves pas capable. Ça te dévore de le voir.
Et tu te dis que peut-être que tu pourrais t'y habituer. Qu'à petite dose de lui, comme de poison, tu pourrais finir par y résister complètement.
N'est-ce pas ?

Laisse moi trouver un moyen pour te soigner, Orion.

Tu as déjà des idées. Des pensées.
Voir si le polynectar peut déjà annihiler le sort. Si des protections anti-magie pourraient l'éteindre. Peut-être qu'il existe un moyen d'entièrement le priver de sa magie... Il te faudrait le trouver. Tu as envie de le trouver.
D'expérimenter.
Sous toi, il est un sujet d'expérience maintenant. Tout comme toi.
Car c'est toi qui mesurera les effets qu'il a sur autrui.

Laisse moi te haïr jusqu'à ce que je trouve un moyen de t'aimer.

Il séduit.
C'est ce qu'il fait, c'est ce à quoi il joue. L'effleurement de son genou, taquin, le prouve bien. Tu fermes les yeux - appuies ton front contre le sien.
Vos nez s'effleurent.

Je sais que l'on t'a dit t'aimer sans le penser. Que tu cherches à tout prix de trouver comment être vu au-delà de ton apparence. Je me trompe, peut-être ?

Ses lèvres sont si proches que tu peux sentir son souffle se mêler au tien. Il est difficile de ne pas laisser courir ton imagination. Après tout, tu as toujours aimé les plaisirs de la chair, mais tu as des limites.
Il est une limite.
Son ascendance l'est.

Ne voudrais-tu pas te libérer du poids de ta beauté ? Car elle te pèse, Orion, je le vois bien. Que tu le veuilles ou pas, qu'importe les mots que tu y mettras, ton ascendance... Elle est mauvaise. Maudite. Tu es maudit. Tu as besoin d'aide.

Légèrement, ta bouche effleure la sienne. Sa peau est terriblement douce et te donne envie de te perdre dedans éperdument.

Je ne promet rien, Orion, car les promesses ne sont que des mots là où je préfère les actes.