l'eau croupie a coulée sous les ponts,
laisse derrière elle une rivière détruite par la colère, l'orgueil

et tout ce que la haine s'était efforcée à garder intacte
(pour que le souvenir persiste pour que les accusations elles ne s'en aillent jamais)
elle avait formé les sillons d'un nouveau chemin,
que renard et reyn ne pouvaient comprendre sans l'emprunter ensemble.

un nouveau procès, et il se dit que finalement,
c'est pas si inconfortable d'être ici
tant qu'il sait (se persuade) qu'il ne quittera jamais
ce siège de
présumé coupable
présumé innocent
pour azkaban.

dans la salle
il entrevoit des silhouettes qu'il n'a jamais vu, mais qui lui offrent mille sourire
et au milieu de ces visages apaisants,
celui d'un fantôme qui le hante.

alors son regard est insistant, persistant,
il lui ordonne
reste.
reste.
reste.

parce qu'ils ont encore trop à se dire
et reyn qui se tuait à le traquer pour qu'il sombre
doit entendre qu'ils sombreront à deux.

à la sortie alors qu'on l'acclame non coupable
(mais de quel crime cette fois?)

il cherche, trouve, s'excuse de s'extirper
de toute façon margot n'est pas ici

lui tire le poignet pour qu'à deux ils s'échappent
dans un recoin de silence, à l'abri des indiscrets

il ose alors

« tu étais venu applaudir au cas ou on m'enfermait à nouveau j'imagine ?»

un sourire désabusé et soudain son visage se change
c'est la fin des insultes gratuites,
le début de grandes retrouvailles.

« il n'est pas mort, reyn. »

si dans ses yeux
crépitent comme une étincelle mélancolique
agrippée aux souvenirs d’antan, à la recherche
d’un peu de vieux dans cette nouvelle relation
qu’ils ne parviennent à bâtir
que dans la haine

il ne se surprend pas
encore une fois
de ses mots amers de sa colère grondante

elle a l’aspect d’un orage
il sait qu’il finira par laisser place au soleil.

à entendre le terme d’amis
inconsciemment, renard secoue timidement sa tête
au sein du ministère il ne s’était jamais senti à sa place
si ce n’est à celle du traître à surveiller.

et s’il n’avait pas réagi à ses gestes bruts
le dernier toutefois l’agaça enfin,
comme s’il avait abusé de sa candeur
mais c’est car il croit, témoin du passé
que renard ne savait que subir sans jamais se protéger

et il n’avait pas vraiment tort, toutefois
le garçon a grandi.

« doucement, oh. »

il s’avance, se débarrasse en quelques pas de la distance
qui les tenait aussi éloignés qu’étrangers
de sorte à ce que reyn, bien trop proche du mur
ne puisse plus prendre le moindre élan pour l’envoyer paître

« si tu pouvais faire preuve de sang froid,
au moins une fois dans ta vie
on n’est plus à l’école, là. »

c’est les pieds au ministère même que se jouent
leur rêve de jeunesse.

« il serait peut-être temps pour nous
de faire preuve de maturité, tu ne crois pas ?
j’ai échoué, je le sais.
j’ai voulu en mourir, je me suis détesté,
encore aujourd’hui.
mais j’étais jeune et matrixé, maintenant,
je sais ce que je veux.

reyn l’occasion est inespérée pourtant bien réelle,
et je suis prêt à retenter le coup. mais pas sans toi.
je te demande de m’excuser d’avoir été immature et indécis.

moi en tout cas, je t’ai pardonné il y a longtemps. »

d’avoir voulu sa perte
d’avoir traqué sa vie
d’avoir attendu sa fin un sourire caustique aux lèvres.

ça lui paraît étrange
pourtant pas absurde
c'est qu'il n'avait jamais été de ceux qui baissent leur regard
il est vrai
reyn à la tête haute, l’ego bien portant
et il se demande même si un jour
ses épaules pourraient céder

s'il associait cela à la fougue de leur jeunesse
finalement il comprenait que c'était simplement son caractère

et qu'ainsi, reyn n'avait jamais cessé d'être reyn.

il n'y avait simplement que
quelques cicatrices,
dont certaines signées renard.

ses bras tenus par sa colère
il reste droit, lui aussi :
aucun des deux ne pliera le genou
car ils s'élèvent, toujours, l'un pour l'autre.

sans avoir le droit il brave l’ordre, laisse entendre sa voix
lui promet, de coeur à coeur, qu'il compte effacer le passé
rebâtir sur les cendres de ses erreurs
un nouvel avenir, sans fissure.

et puis il laisse son front se reposer sur son épaule
et renard reste droit, ferme
il a fait le serment inaudible de ne plus jamais fuir.

« prends ton temps. »

il plie un bras, se doutait qu’il l'empêcherait de partir
mais pas de le toucher,
alors sa main vient alors se poser sur sa tête
tandis que son regard se perd sur le mur qui lui fait face

« je ne pourrais jamais réparer tout le mal que j’aie fait.
et t'as pas à me pardonner tout de suite

quand j’ai rencontré margot, j’ai pensé qu’elle pourrait remplacer judy.
c’était stupide mais, que veux tu, le cerveau humain… »

malgré ses mots froids il l’enlaça finalement de ses bras.

« mais elle m’a laissé. elle aussi.
et toi, alors même que tu me hais
que tu attends ma mort ;

reyn tu étais là à mon procès. »

après toutes ces années,
jamais il n'avait fuit parmi les absents.
il inspire, soupire, visiblement apaisé

« quoi que tu dises
quoi que tu fasses
il n’y a que la mort qui pourra nous séparer. »

sans vouloir évincer croyance et alcyone
leur amitié avait quelque chose de différent.

convaincu
que le passé suffirait à bander les blessures qui toujours
par le présent ; brûlent, de haine et de colère
il sous estime
à quel point les plaies sont profondes
et la rancœur est amère.

rejeté, il fronce les sourcils,
écoute, mais son visage dit non

un plan b ?
comme si reyn n’avait jamais été celui pour qui
il s’en veut le plus
tant sa trahison avait été grande

(on l’avait toujours oublié, ignoré
mais pas lui)

il soupire, s'agite en regardant autour de lui,
cherche une réponse
de quoi apaiser le feu qui reprend,
mais quand ses lèvres s'entrouvrent pour laisser glisser un son
il se fait taire, un poing contre la joue
ses dents écorchant sa bouche
saigne, jusque sur son menton

et son regard est vif, colérique lui aussi
mais il se retient, porte une main contre sa mâchoire
grimace d’incompréhension quand la baguette s’invite
il regarde son poignet, puis son visage

que pensait-il faire dans un lieu pareil ?

« tu es complètement fou ? »
sinon déterminé à le faire croire.

un serment inviolable,
par ici ?

il cherche à droite à gauche,
les coups d’œil indiscrets,
mais personne n’est là
pour les accuser de se retrouver

et dans ses iris
s’insurgent peur et nostalgie,

face à lui l’ami qu’il avait perdu
mais qui se refuse à être pleinement retrouvé

sous la contrainte, l’engagement
il a le doute encore vacillant
d’échouer, ou qu’on ne lui laisse pas le choix

pourtant la certitude
qu’avec cela
plus jamais on ne l’abandonne

alors il grimace, mécontent
sort à son tour sa baguette de sa poche,
prouvant qu’il n’était plus le trouillard qu’il a rencontré à sa sortie de prison,
il ne relève cependant pas sa manche mais tend la paume de sa main
s’agresse lui-même d’un diffindo pour y faire couler le sang
avant de répéter l’opération sur le garçon qui lui faisait face

alors
d’une poignée de main sèche et robuste
il se lie à lui, soutient son regard.

un bref sourire s’étend alors
« il faut être trois pour un serment inviolable.
j’ai toujours été meilleur que toi en théorie
heureusement tu avais la pratique. »

puis le sérieux lui revient,
il déglutit, range sa baguette,
d’un revers de main essuie la trace de sa blessure à la lèvre

« un pacte de sang
et tu garderas le réceptacle si cela t’assure que je ne te trahisse pas encore.

jusqu’à ce que la mort nous sépare
reyn.

jamais nous ne nous combattrons,
jamais nous ne nous abandonnerons,

je le jure sur ma vie. »

et il attend qu’il le promette aussi.

lié par une poignée de mains
que le diable se rit de leur déchéance
sourds, ils n’avaient jamais entendu que leur cœur battre pour la révolution.

quand il lâche sa main, soutenant son regard
renard comprend en un silence que leur avenir convergeait à nouveau
sur le même chemin,

et lorsque la baguette de son camarade
venu toucher sa paume, pour y écrire leur secret
il sourit, malgré lui, et malgré toute la mélancolie qui dévorait son âme

comme si, dans les abysses de sa propre mort
dansait un enfant, le visage heureux.

« quel talent pour la magie. »
à se demander pourquoi ce n’était pas à lui qu’on avait confié la tâche la plus ardue ?

peut être était-ce parce qu’au milieu de tous ces étudiants
renard avait été celui dont les yeux n’exprimaient aucun désir
d’avenir ?

la lueur s’était éteinte
comme si naître avait été son plus gros fardeau.

mais reyn
par sa simple présence, après la misère
parvenait, par un miracle incertain,
à souffler sur les braises,

de quoi lui faire croire
que la fumée derrière leur colère
serait la genèse d’un feu des plus ardents.


il observe sa main,
admire à nouveau l’audace dans ses yeux

empoignant sa baguette une seconde, il la pointe sur la paume de reyn,
puis la sienne.

« episkey. episkey.
merci d’être venu. »

puis s'éclipse
pour lui obéir.