assit sur le lit qui sert de canapé ; de table basse ; de table à manger ; de cercueil. peu fier, mais il faut bien vivre. il regarde l’écran qui lui fait face, choisit sur quelle émission intéressante il rythmera son sport — car quand renard ne travaille pas il se travaille lui-même.

debout entre le meuble qui supporte misérablement l’écran cathodique et le lit, il s’exerce, dans son petit espace confiné, le corps à même le sol, pas un tapis… il y pense. à un tapis.

il a mal au dos. un soupire à peine soufflé que la porte s’ouvre

il avait pourtant fermé ?

son regard se tourne, comme son dos ; et il découvre reyn. son visage se déforme d’incompréhension, mais il entend la remarque, jette un coup d’oeil sur son appartement. ce n’est pas qu’il n’est pas rangé, finalement, c’est qu’il était si petit qu’on en confondait les pièces.

il récupère le t-shirt qui lui tombe dessus, l’enfile, comme à la fois pudique et consterné. alors seulement, il se relève.

« tu pourrais au moins envoyer un message avant de t’inviter ? et qu’est-ce que tu racontes ? »

il tire ses cheveux en arrière, éponge sa sueur avec le haut qu’il vient de remettre. il fait face à son ami-ennemi ; dans ce genre d’instant il doute encore vers quel gouffre leur relation se penche.

« tu parles de la fête à l’alexandra palace ? sans moi. j’ai rien à faire là bas, j’ai pas envie d’aller là bas, et personne ne veut me voir là bas. »

il n’est pas un artiste, il n’est pas adoré : il est un criminel que l’on condamne d’avoir été enfant. son meilleur déguisement finalement c’est son absence.

il est libre, reyn, il a toujours été libre. il se pense peut-être chez lui, peut-être simplement chez eux ? il vagabonde aisément, ne s’arrête sur aucun détail, comme si ce débarras qui sert d’appartement n’avait rien de pathétique et désastreux. renard, lui, toujours esclave du monde, se contente de regarder sans contester.

ses épaules se haussent alors, il soupire en silence. le bain coule, comme un ordre. il se tourne vers le lit, cherche une caisse en tissu qu’il tire sans dire un mot, pour y tirer des vêtements blancs.

« une cavalière ? » il ose un regard dubitatif, conscient que cette coquille ne s’était glissée là que pour l’embêter. c’est un non de la tête qu’il lui offre avant de rejoindre la salle de bain, les bras détenant ses vêtements.

il ferme le robinet, se contentera d’un fond d’eau pour se laver. c’est une dizaine de minutes plus tard qu’il ressort, habillé (www) d’une sorte de cape blanche, les cheveux coiffés en arrière. au regard décontenancé de son cavalier il se montre presque outré, nécessiteux d’obtenir ne serait-ce qu’un compliment pour que cette soirée ait un sens ;

« quoi ?! j’ai mis un beau nœud papillon, et je vais mettre mes derbies en cuir. ça te tuerait un compliment ? »

un mot à la volée, un semblant d’acceptation. un détail qu’il pourrait laisser traîner derrière eux, un pauvre tu es beau pour qu’il se sente un peu moins mort dans les méandres de sa vie. il tripote les dentelles qui habillent ses épaules, la mine boudeuse. cette soirée s’annonçait terrible.

c’est qu’il s’insurge, en face à face, alors que le bras tendu de renard doucement se baissait pour ne plus pointer les chaussures hors de prix dont il était le médiocre propriétaire.

comment ça, c’est tout ? comment ça c’est mal d’obéir bien sagement ? de quelle combativité ose-t-il parler ?

c’est l’incompréhension totale qui se niche allègrement sur son visage, laissant même place à une grimace probablement similaire à la sienne.

« parce que si j’avais dit non trois fois d’affilé t’aurais lâché l’affaire peut être ? je nous économise juste du temps et tu le sais. tu es insistant et colérique, j'ai vraiment pas la tête à ça. » il s’y dirige alors, résolu, vers ses chaussures qu’il se prépare à enfiler dans des gestes brusques et agacés, ponctués d'une mine en douleur alors qu'il se baisse, comme si sa jambe droite le lançait. la mémoire lui rappelait aussi constamment ce qu'il avait perdu et ce qu'il avait récolté, et par delà la douleur et la frustration il rumine, mais pas à voix basse non : il n’a pas honte de dire à reyn ce qu’il pense. « si tu veux qu’on continue à se battre dis le moi maintenant, mais je pensais qu’on avait baissé les armes ? je t’accompagne pour que tu n’ai pas l’air seul, et je rentre à la maison. » il se redresse, un regard contrarié pour celui à qui il sert de misérable cavalier. « de toute façon, c’est pas ce qu’on sait faire de mieux, hm ? obéir bien sagement. »

à nos remords, à nos colères,
et quand il ne s’agit plus de s’obéir soit-même, est-ce si grave ?
puis ce qu’il faut toujours obéir au corbeau.

« je crois que ce que tu cherchais à me dire, finalement, c'est merci, renard. »

la guerre, toujours cette guerre. quand le champ de bataille est en ruine quand la vie reprend, quand les corps ne cherchent plus à se battre mais à oublier, quand renard doucement commence à comprendre pourquoi il a les bras lourds mais les mains vides ;

quand reyn lui dit, lui rappelle, le condamne

à être ce crime vivant, qui nécrose dans ses esprits, qui s’affame de sa bile.

il tâte son bras de guerrier épuisé, et il ne ment pas. il est faible, il est fatigué.
il ne se voit plus marcher dans les tranchées qui les guident vers cette révolution insensée

il n’a plus goût à la poudre, les canons, les bombes. sa baguette plus rigide lui obéit bien mieux mais il ne veut pas s’en armer. il en est sûre : elle aussi n’en peut plus.

« tu as raison. »

peut-être pas de la façon dont il l'envisage. mais reyn prononce une vérité qui se niche chaleureusement dans sa tête, déposant sur son passage fierté et courage ;

« j’obéis à mes idéaux. »

il récupère son béret, sors de son appartement en tirant le poignet de celui qui s’était invité sans pudeur

« je resterai, pour toi. »

comme il était resté au bal, pour judy. comme il était resté au gala, pour margot. rester, dans la lumière comme dans l’ombre ; renard en avait prit le pli et vivre pour d’autre il en avait la délicieuse habitude. il ferme la porte à clé, garde son air sévère qui s’apparente à plus de tristesse que de colère.

« tu me laisses dormir chez toi, après, ce soir ? »

il aimerait lui partager, ses idéaux,
quitte à le perdre,
mais sa jambe le lance, la brûlure le hante, qu’il y ai une douleur ou non il ne fait qu’y penser

il ne se sacrifierai plus jamais.
et le corbeau peut crever

il serait même heureux d’enfin être l’assassin qu’on lui avait demandé de devenir.« »