Tout t'avait mené à lui. Tout, des mots de Croyance, à ce que tu avais pu apprendre de lui. Maintenant, il s'agissait de le mettre au pied du mur.
Mais ne l'était-il pas déjà, au final ?
Cela faisait bien un moment que tu lui courrais déjà après. Les journées n'étaient pas aisées et la surcharge de travail se faisait ressentir sur tout le monde. Alors tu avais fini par te présenter là, un peu à l'improviste.

Oui, c'est moi Mr. Walker. Navré d'être là sans m'annoncer auparavant.

Il était étrange de voir un autre à la place de Mlle Lestrange dans ce bureau. Mais tu n'avais pas vraiment eu suffisamment de liens avec elle pour que cela te déstabilise réellement.
Alors tu contemples l'homme en face de toi avec un grand intérêt, te demandant s'il était réellement celui que Croyance semblait subir.
Mais les apparences d'abord.

Je me suis dit que cela faisait bien trop longtemps désormais que vous êtes là sans que nous ne nous soyons parlés en face à face. Fort regrettable au vu de la prometteuse collaboration que nous allons avoir.

Un sourire, que tu te doutes qu'il entendra dans ta voix.

Pour l'instant il me semble bien que malgré les difficultés vous vous débrouillez particulièrement bien. J'aimerais tout de même vous rassurer sur mon soutien, si le besoin vous en vient.

Il n'a pas l'air à l'aise de ta présence - et tu ne peux pas vraiment lui en vouloir, n'est-ce pas Savoy ? Tu n'étais pour lui encore qu'une voix parmi tant d'autres - et probablement il te retiendrait pour des raisons déplaisantes.
Mais aurais-tu vraiment voulu collaborer avec quelqu'un qui traitait ainsi ses proches ?
Tu n'avais pas besoin des détails - voir l'état de Croyance avait suffit. Il était plus qu'évident qu'il n'avait aucun soutien de la part de cet homme.

Collègues, monsieur Walker, collègues. Collaborateur c'est plutôt mal connoté.

Un rire, amusé, alors que tu l'écoutes t'offrir ce qui semble être une copie parfaite d'un discours répété. Ou peut-être était-il comme ça au quotidien ? Seul le temps te permettrait de le savoir.

Je n'hésiterais pas à me tourner vers vous, ne craignez rien.

Il devient professionnel, et tu te racles doucement la gorge, inspire profondément. Il saura interpréter cela comme une certaine gêne de ta part, et c'est le cas - tu ne comptais pas sur cet entretien pour des fins professionnelles. Pas tout de suite, en tout cas.

Je vois que vous êtes terriblement bien préparé, mais je ne suis pas venu pour cela. L'affaire de laquelle j'aimerais vous parler est d'ordre personnel, Monsieur Walker.

Un léger sourire alors que tu te tournes pour t'assurer que la porte est bien fermée - l'appuyant d'un léger coup d'index magique.

J'ai cru comprendre que vous étiez familier avec un jeune homme, du nom de Croyance Halloway. Je ne vais pas vous cacher que je suis ici car je suis fort inquiet que votre relation nuit non seulement à sa santé mentale, mais aussi à sa sécurité.

Tes mains repliées sur ton bassin, tu te permets de l'observer, attentif.

J'aimerais que vous me disiez, Monsieur Walker, ce que vous comptez faire pour changer cela.

Tu te permets un soupir.
Tu hoches la tête à ses propos - si évidents - avant de passer une main dans tes cheveux. Un instant, tu te demandes si ça en vaut réellement la peine.
L'autre tu te dis que Croyance mérite d'être heureux - et que de toute façon, il te déteste déjà. À défaut d'être le père qu'il mérite, tu seras l'ombre qui s'assure qu'il est bien entouré.
C'est égoïste et tu le sais - mais pour une fois, tu sais que lui n'agira jamais. Qu'il ne fera rien, quoi que tu lui dises.

Ce qui touche à votre sphère privée ne me regarde pas, en effet. Cependant, à son grand désarroi, je suis en quelques sortes parent pour Croyance Halloway. Par conséquent je m'assure de son bien-être et de sa sécurité.

Tu réchauffes un peu ta voix d'un sourire.

Je n'ai vraiment rien à vous reprocher, Monsieur Walker, et je souhaite réellement que nous travaillions côte à côte sans accroches. Cependant, en connaissant ce détail de votre, comme de celle de Croyance, vie, je ne pouvais prétendre être confortable à l'idée de rester dans l'inaction.

Tu as l'impression que tes paroles sonnent faussent, mais ce n'est que l'anxiété - qui monte, dévorante. Sur ton lieu de travail, ce genre d'échange était particulièrement difficile.

Alors effectivement, chercher à régler les problèmes à sa place ne résoudra rien, mais j'espère que vous pouvez entrevoir qu'avec l'instabilité psychologique qu'il présente, il est un danger pour lui-même si les personnes qui l'entourent ne lui assurent pas un soutien inconditionnel. Détrompez moi si ce que je vous dis vous semble faux, mais au vu des larmes de Croyance lorsque votre nom est mentionné, je ne suis pas certain que je puisse vous considérer comme un soutien pour lui. Cela me met donc dans l'embarras concernant les relations professionnelles que je suis en voie d'avoir avec vous. Vous comprendrez que je ne pouvais laisser cela ainsi - ce n'était pas honnête de ma part d'ignorer cette relation que vous dites ne pas avoir avec lui.

Il te demande d'un geste de l'écouter - et c'est ce que tu fais. Tu l'écoutes, le laisses s'exprimer, l'entends jusqu'à ce qu'il ai fini de parler.

Mhm.

Il n'a pas tort - mais tu as l'impression que tout ce qu'il essaie de faire, à cet instant, c'est fuir.
Le personnel doit certes être mis de côté lorsqu'il s'agit de relations professionnelles. Seulement, la politique a ça de mauvais, qu'elle mêle intrinsèquement les deux. Comment quelqu'un qui aurait un passif cruel et sadique par exemple avec ses conjoints pourrait-il être considéré comme un élément viable d'une équipe qui se veut bienveillante, ouverte et à l'écoute ?
Mais peut-être que Croyance avait-il ... Une imagination trop vive. Tu avais toujours considéré ses propos comme sincères, mais l'homme face à toi semble presque ennuyé de cette insinuation - de ce lien potentiel. Le garçon aurait-il inventé cela de toutes pièces, convaincu qu'il s'agisse de la réalité ?

Monsieur Walker, je suis ravi de constater que vous faites particulièrement bien la distinction entre votre travail et votre vie personnelle. Cependant, je ne peux prétendre que cela me rassure que vous essayez d'éviter mes questions. J'imagine que vous pouvez comprendre que si un homme de votre âge n'est pas capable d'avoir un comportement adéquat envers un homme bien plus jeune, cela empiète rapidement sur les comportements éventuels qu'il pourrait avoir au travail. Nous ne voudrions que le Ministère soit représenté par des individus déplacés - pas que vous soyez ce genre de personne.

Un soupir. Audible. Tes yeux trainent un instant sur son visage, comme pour y chercher quelque chose - quoi que ce soit - de justificatif de son attitude vis-à-vis de ce sujet. Un homme n'ayant rien à caché agirait-il ainsi ?
Allons Savoy, as-tu déjà oublié que tout le monde n'était pas propice à l'honnêteté surtout face à l'accusation d'un inconnu ?

Dites moi simplement, Monsieur Walker ; si vous aviez une fille et que vous la voyiez malheureuse à cause d'un de vos collègues de travail, laisseriez vous cela passer sans rien dire ?

Il t'en faut très peu, et ce peu, il te le donne.
Alors c'est imperceptiblement que tes épaules se détendent, que tes traits se lissent, que ton souffle se fait plus apaisé, moins inquiet.
Il a une fille. Et tout comme toi pour Croyance, qui pourtant n'est guère ton enfant de sang, il ne peut s'empêcher de vouer une haine envers ceux qui pourraient lui vouloir du mal.
Doucement, ta main se pose sur le rebord de son bureau et en caresse le bois.

J'espère sincèrement qu'il n'arrivera jamais rien à votre enfant, Monsieur Walker. Je m'excuse de ma brusquerie, mais je vois que vous pouvez comprendre mon attitude - j'espère que vous serez donc capable de faire la part des choses.

Un soupir, entre la peine et l'apaisement. Tu n'as trouvé aucune réponse, seulement davantage de questions - mais ce n'était pas si grave, en fin de compte.
L'important était que cet homme, quoi qu'il ai fait, il n'était pas le seul responsable et désormais tu en avais la certitude.
Ta main vient passer sur ton visage alors que tu expires plus lourdement, un rire nerveux t'échappant.

Cela aura été une bien piètre introduction, alors que j'aurais dû simplement venir vous souhaiter la bienvenue.

Ton sourire sincère s'efface lentement au profit de celui que tu offres à tous tes collègues de travail, formel, quelque peu indifférent.
Il aurait pu avoir ta sympathie en fin de compte - il aurait pu dissiper les doutes et la méfiance malgré son attitude sur la défensive qui t'avait tant fait reculer.
Mais voilà que les mots qu'il énonce sonnent creux, vides de sens. Tu préférais largement le silence à la politesse bureaucratique dont on ne pense mot.

Ce n'était guère du ressentiment, seulement de l'inquiétude.

Il se lève et tu en fais de même, l'observant patiemment. Il ne te tend pas la main - tu n'iras pas la chercher.
Doucement, tu remets la chaise dans laquelle tu t'étais assis en place, tes paumes sur son dossier. Tes yeux scrutent une dernière fois son bureau, observent son organisation - tout ça pour revenir sur lui, hochant la tête pour tes propres pensées.

Nous aurons certainement l'opportunité de nous recroiser - j'espère que cet échange ne restera pas un obstacle muet entre nous. Je souhaite réellement changer les choses au sein du ministère et je serais ravi de vous voir dans ce changement.

À lui de décider s'il souhaitait être du même côté de l'échiquier que toi - mais comme toujours, tu te doutais Savoy qu'il serait à l'opposé du plateau.
Ils l'étaient tous.

Pardonnez moi de vous avoir dérangé pour pareille futilité. N'hésitez pas à me contacter cela dit si vous avez besoin de quoi que ce soit. Je reste à votre disponibilité.

Un sourire, franc, avant que tu ne te diriges vers la porte.

Oh ! J'oubliais.

Ton regard le balaye avant de s'attarder sur son café vide.

Offrez vous une cafetière - la machine à café à l'accueil est déjà en panne.