Les mains dans les poches, tu marches dans l'allée sans prendre le temps de regarder autour de toi. Ni les boutiques, ni les gens qui t'esquivent plus que tu ne le fais. Tu avances droit devant toi, le chemin tout tracé dans ta tête que tu connais par coeur et l'envie au bout des poings de casser quelques dents. Viens finalement pousser dans un fracas la porte du bar dans lequel tu entres bruyamment avec un grand sourire ornant tes lèvres sans te soucier des clients qui s'y trouvent -te voilà arrivé. Un regard pour le barman, tu t'approches.

— Heeeeeey ! Marco ! Ça roule ?

Ce dernier balbutie des mots que tu ne comprends pas alors que tu viens claquer brusquement tes paumes sur le bar en t'asseyant. Il sursaute, l'air effrayé et ça te fait sourire plus grand.

— Hein ? Articule mec on comprend que dalle quand tu parles ! Attends attends je répète. Dernier essai d'accord ?

Il hoche la tête plusieurs fois rapidement.

— Je disais donc : Ça roule ?
— O-oui. Ça roule...
— Aaaah mets-y un peu plus d'entrain, on dirait que t'es sur le point de crever.. Bref laisse tomber. Deux bièrraubeures bien fraîches s'te plaît. Sur ta note comme d'hab, tu connais les bails.
— O-ouai j'te fais ça !
— Trop sympa mon pote, top la !

Sans quitter ton sourire, tu attrapes tes boissons bien fraîches avant de te diriger vers l'entrée réservée au personnel comme si tout était normal. Du coin de l'oreille t'entends Marco au téléphone et devine rapidement qu'il prévient son boss que t'es là. Ça tombe bien puisque c'est lui que tu viens voir. Et avant qu'ils n'aient raccrochés, t'es déjà à l'étage, devant sa porte que t'ouvres d'un coup de pied.

* * *
T'es satisfait quand tu retournes au rez-de-chaussée. Les verres vides laissés à l'étage, tu lances un regard à Marco, pour le simple plaisir de lui faire peur avant de rire bruyamment. Il a de la chance que tu sois pressé et que tu ne t'arrêtes pas pour lui faire subir plus que ça. Pauvre gars. Tout en atteignant la sortie, tu lui adresses un signe de main sans un regard.

— À plus minus !

T'imagine qu'il est soulagé. Faut dire que la plupart des fois où tu viens tu repars avec du sang sur les mains -souvent le sien. Mais pas aujourd'hui, il est chanceux.

Tu retournes sur le chemin, bien plus bondé que tout à l'heure, à la recherche de ta seconde cible du jour. La liste est plutôt longue mais tu sais qu'elle est essentielle pour mener tes plans à bien alors tu ne traînes pas et tu les enchaînes les uns après les autres. Un, deux, trois, quatre, cinq. C'est en chemin pour le sixième qu'on te percute de plein fouet. Une fille, au sol. Toi t'as pas vraiment bougé, ni reculé, ni pour l'aider. Tu la toises de haut, près à montrer les griffes quand elle dévoile son visage à tes yeux.

Tu la connais.
Et si tu lui sautes pas à la gorge c'est parce que tu l'apprécies malgré les années sans vous parler.

— Euphème ?

Tu lui tends une main, surprit. T'as un regard pour la gamine qui l'accompagne. Tu pensais pas la revoir ici -avec une gosse qui plus est.

Non.
Non ?
Tu l'aides à se relever, surprit par la fermeté de sa réponse. Elle est sa sœur qu'elle dit, et tu la toises de haut en bas quelques instants, cherche les différences qu'il pourrait bien y avoir entre cette fille et le souvenir de ton amie. Mais sa voix te coupe encore et tu restes comme un con à l'écouter. Elle n'est plus là Euphème.

— Comment ça elle est plus là.

Ses mots soufflés pour te faire prendre conscience tout à coup. De ses yeux qui retiennent les larmes, de la tristesse endeuillée de ses traits. Si elle n'est plus là, c'est qu'elle est morte Euphème.

— Ah-

Qu'est-ce que t'es con Hermès.

— Elle méritait pas ça, c'était une chic fille.

L'une des rares avec lesquelles tu t'étais entendu à Poudlard. Tu te souviens de quelques instants à ces côtés, Euphème si solaire avait toujours eu cette capacité à te transporter. Bien qu'on meurt effectivement tous un jour, elle tu l'imaginais crever bien plus tard que ça, une fois le monde à ses pieds ou quelque chose de ce type là.

((y a que les raclures pour rester en vie visiblement
que des gars comme toi))

Ça craint.

— Donc t'es sa sœur alors, désolé.

Parce que mes condoléances sonne trop précieux pour toi.

— Et elle c'est qui ?

L'attitude désinvolte pour tenter de chasser le malaise, tu lances un regard à la gamine accrochée à sa jambe en demandant.

Un camion. C'est plutôt misérable comme fin de vie. T'espère qu'elle était pas en voiture, tu comprends pas pourquoi vous autres sorciers en auriez d'ailleurs. Enfin, peu importe. Elle n'est plus là et c'est sa sœur qui te fait face. Quand elle répond à ta question par une autre tu devines sans mal, pour le faire toi-même assez souvent, qu'elle ne veut pas parler de la gamine et préfère changer de sujet. Alors tu hausses les épaules simplement sans la quitter des yeux. Elle est plutôt jolie, vu comme ça.

— Poudlard. Toi je t'y ais jamais vu par contre, j'aurai retenu sinon.

Deux Euphème ça court pas les rues après tout. Une grimace à peine quand elle vous tire hors du passage, tu dégages ton poignet un peu brusquement pour fourrer tes mains dans tes poches. T'es pas trop fan de ce genre de contact fortuits, parce que d'ordinaire quand ils se passent avec des inconnus c'est que t'es sur le point de les cogner.

— Me regarde pas comme si j'allais vous casser la gueule, j'le fais qu'à ceux qui me font chier.

Et c'est pas son cas pour l'instant, mais cette situation t'emmerde.
Un peu.

— J'aime pas les interrogatoires princesse, alors si c'est tout ce que t'as à me proposer j'me casse. Content de t'avoir rencontré à plus !

Sans attendre tu vas pour les contourner et passer ton chemin, comme si cette rencontre n'avait jamais eu lieu.