Le plan était simple. Il avait été débattu, tordu dans tous les sens et finalement approuvé. Oh, tu n'irais pas jusqu'à dire que tu étais confiant, Noah. Loin de ton style habituel fait de coups, de manipulations et de sang. Mais l'idée d'Ezra avait le mérite de vous épargner un cadavre sur les bras et les potentielles emmerdes qu'on pouvait y rattacher. N'empêche, tu aurais préféré le refroidir. Mais tu allais essayer, ne serait-ce que pour montrer à ton cher et tendre la futilité de ses idées.

Tu attends, en silence, au côté de ton père. Du coin de l’œil, tu ne peux t’empêcher d'observer cette figure autrefois fière et terrible. Dans ton enfance il avait été un dieu, un modèle. Depuis la cage, il avait repris du poids et du poil de la bête. Mais le las de son regard ne laissait pas de doute quant au fait qu'il eût été marqué, qu'il n'était plus le chasseur invincible d'autrefois, qu'il ne le sera plus jamais. Quelque part, Steven était mort comme Hyperion. Seulement, tu doutes qu'ils se soient, comme toi, autant accrocher au point de naître une seconde fois.

Soudain, tu le sens. Tu siffles légèrement pour attirer l'attention de ton père.

— Il arrive.

Tu armes ton fusil, vous avez toujours su vous passer de baguette pour vous entre-tuer.

Atlas n'est plus aussi chétif et diminué que la dernière fois où tu l'avais vu. Même, tu lui trouves quelque chose d'éclatant. Tu te demandes où ce sale rat a réussit à reprendre des couleurs. T'avais beau avoir fouillé, tu n'avais pas trouvé de trace de lui.

— Atlas.

Toi, tu vises ton frère.

— Joue pas les cow-boys, frangin, ça va mal finir.

Steven vous regarde tour à tour avant de reposer ses yeux sur son premier fils.

— Baisse ton arme, nous voulons juste discuter.

Il a la voix ferme, quoique distante, lasse.

— Tu as tué ta mère, Atlas. Ça ne peut pas rester impuni.

Tu lui laisses le monopole de la parole, toi, ton rôle est juste de jouer les gardes du corps. Aussi, tu n'abaisses pas ton arme. Avec ce qu'il va suivre, Atlas risque de péter un câble. Tu te tiens prêt.

— Tu es rayé de l'ordre. Tu n'es plus des nôtres. C'est ce que je suis venu te dire en tant que chef de famille. En tant que père, je suis venu te demander pourquoi. Ja... Ta mère, ne te voulait pas de mal.

Dans ta poche tourne déjà l'enregistrement.

Tu savais que lui retirer son droit d'être chasseur aurait un impact. Tu avais cependant sous-estimé l'impact qu'aurait la mention de ta mère. Il s'agite, bouge dangereusement. Tu le tiens en joue, trop conscient qu'un tire malheureux était vite parti, trop conscient que s'il avait été capable de fracasser le crâne de votre mère, il serait aussi capable de vous canarder de flèche.

Il ne l'a pas tué. C'était un accident. Atlas hurle, sue. Steven observe son fils, dans son regard se confond la dureté, la déception (La sienne ? Celle d'Atlas ?) et la résignation. Impossible de fuir. Atlas est fou. Atlas n'a pas sa place en homme libre.

— Et a raison. Regarde-toi, Atlas.

T'observes, quelque fasciné, tu dois l'avouer. Il lui suffit de quelques mots pour faire sortir Atlas de ses gongs. Tu contemples pour la première fois ce que cela donne quand Atlas se confronte à plus fort que lui. Steven lève le menton, défit l'arbalète qu'Atlas vient soudainement braquer sur lui.

— Tire, bouffon, on est deux, tu mourras avant d'avoir pu nous descendre.

Steven lève la main pour t'imposer le calme. Son regard est dur, mais tu distingues qu'il tremble légèrement. Résultat de sa fatigue ou de sa colère, tu penches pour la seconde option. Pour lui, c'est son monde qui s'effondre.

— Tu es malade, Atlas. Malade. Tu as envoyé ta mère se fracasser le crâne.

Il fait un pas, place ses deux mains en l'air comme un homme qui tente d'apaiser une bête.

— Qu'as-tu fait d'autre ? Je ne te reconnais plus.

Steven fronce les sourcils. Vous voyez le visage d'Atlas lentement se déformer. Toi, tu ne perçois que trop bien les signes de la folie. Quelque part, à le voir aussi chamboulé, t'as presque envie de rire. Aucune pitié. Il n'était donc pas lucide ? Il était donc vraiment convaincu d'avoir le bon rôle ? N'avait-il donc jamais eu conscience d'à quel point il était fou ? Le fusil toujours pointé sur lui. Tu recules d'un pas quand la flèche part pour se planter à tes pieds. Tu réprimes un sourire, tu pourrais tirer. Tu pourrais tirer et tout serait fini. Ça te démange, mais tu captes le regard impérieux de ton père qui te demande d'attendre. Tu prends sur toi, étouffes la jalousie de le voir faire tant d'effort pour discuter avec lui quand il n'en a fait aucun pour dialoguer avec toi. Tu te convaincs que tout ça c'est pour l'enregistrement, juste pour l'enregistrement.

Steven profite qu'Atlas se soit délesté de sa flèche pour faire un nouveau pas devant lui. Toujours les mains élevées comme pour lui garantir qu'il n'ira pas l'attaquer. De toute façon ce n'est pas le but, c'est la police qui s'en chargera d'ici peu.

— C'est vrai, nous n'avons jamais rien dit.

Tu hausses un sourcil, tu le vois chercher ses mots une seconde avant de continuer, plus ferme.

— Nous avons commis une erreur. Tu étais notre aîné, notre fils, nous n'avons pas voulu croire que c'était si grave... Et maintenant regarde le résultat.

Il balance les faits, implacable. Tu ne sens pas le repentir dans sa voix, il assume son erreur, dresse un constat à la manière qu'un médecin balance sans émotion l'apparition d'une maladie grave.

— Ta mère est morte, tu m'as enfermé dans une cage, tu te montres imprudent, sanguin, imprévisible, dangereux. Tu te mets en danger autant que tu mets les nôtres en danger.

Tu siffles admiratif, rapporte ton regard sur ton frère. Tu te demandes s'il va chialer, dieu que tu aimerais.

— Tu n'es plus digne d'être des nôtres. Cesse d'être aveugle. Pense à tout ce que tu as fait et oses me dire que tu n'es pas malade, Atlas.

Et face à lui ton frère semble redevenir un petit garçon. T'en rajoute une couche, c'est des aveux que tu veux.

— Il a butté des gens, aussi. Tu vas nier, Atlas ?

L'espace d'une seconde, il semble presque pris de lucidité. L'espace d'une seconde t'a l'impression qu'il réalise, voit la vérité. Presque humain, presque normal. Tu vois les épaules de Steven légèrement s’affaisser avant de se tendre de nouveau quand le rire cinglant d'Atlas crève le silence.

C'est à ce moment-là que Steven Priest compris qu'il n'y avait plus rien à sauver chez qui que ce soit dans cette famille.

Atlas vous offre du pain béni, des confessions sur un plateau d'argent. Il crie, exulte, ri, hurle, tremble. Il balance les meurtres, balance ses agissements. Au fond de toi ça gronde d'une euphorie malsaine. Il est fini, foutu, tu vas le piéger, tu peux le piéger, le plan d'Ezra va marcher !

Steven considère son fils en silence, froid, stoïque. Face à la folie d'Atlas il se fait de marbre. Peut-être se force-t-il à regarder pour mieux faire son deuil. Parce que son clan est mort aujourd'hui. Du moins, il le comprend. La vérité, c'est que le clan est mort depuis longtemps.

— Tu as tout ce qu'il te faut, Hyperion ?

Tu hausses un sourcil, toujours Atlas en joue.

— Il a avoué le meurtre de maman et à sous-entendu qu'il en avait commis d'autres. C'est largement suffisant.

Tu esquisses un sourire, pourtant le regard est dur, impitoyable.

— T'es fini, Atlas.

Tu poses ton doigt que la gâchette.

— Pose ton arbalète au sol et mets tes mains sur ta tête.

Steven va pour s'approcher, essayer de l'immobiliser.

— Ça fait longtemps que j'aurai dû agir. Ne me force pas à employer la manière forte, fait ce que ton frère te dis.

Le flèche part aussi soudainement que lui est venue la folie. La perspective d'une alliance entre vous le fait vriller et le coup part. Surpris, tu te baisses et tires un coup de fusil par réflexe. La balle manque ton frère alors qu'il se jette sur votre père. Sa flèche, elle, te griffe l'épaule. Tu as été assez rapide pour ne pas qu'elle te plante, trop lent pour l'esquiver totalement. Sous la pulsion de l'adrénaline, tu n'y fais pas attention. Tu te jettes sur ton frère pour le renverser, enserres tes jambes autour de sa taille et ton bras autour de sa nuque pour l'immobiliser.

— T'es fini Atlas ! Tu comprends ? FINI !

La mêlée est confuse, mais tu as ta force de Loup-Garou pour prendre le dessus. Tu contractes pour tenir la prise malgré l'agitation dont il peut faire preuve.

— Tu l'as tué. T'as tué maman. C'est tout ce que tu mérites.

Tu grognes sous l'effort alors qu'à côté de vous Steven roule sur le côté, tousse en portant une main incertaine à son cou.

— Tu vois ? Tu vois comment il est ? Tu ne peux pas lui faire confiance ! Il te tuera à la première occasion ! Appelle les ! APPELLE LES MAINTENANT !

Ça ne tiendrait qu'à toi tu lui demanderais de prendre le fusil et de vous tirer dessus. Peut importe si tu ne reviens pas à la maison ce soir, tant que tu t'endors avec la certitude d'avoir emporté Atlas avec toi. Steven vous considère chacun votre tour avant de sortir son pinneaple. Tu te laisses surprendre, ton frère rejette la tête en arrière et écrase l'arrière de son crâne contre ton visage. Tu pousses un cri, le relâches sous le choc. Ton père le remarque et se jette sur Atlas en lâchant son portable. Tu roules sur le côté. Tu reprends le fusil en te relevant. La discussion vire en mêlée. Tu pourrais t'y jeter une nouvelle fois, à deux vous pourriez le battre. Mais a la place tu ramasses le pinneaple de ton père, pianote le numéro de la brigade d'intervention.

— Allo ? Il y a une agression dans les bois, venez vite !

Tu balances les coordonnées, palpes ta poche pour sentir l'enregistreur. Une fois en garde à vue t'aura juste à envoyer ça anonymement ou a laisser ton père s'en charger. Il va couler. IL VA COULER !

Tu te tiens le nez, le pinneaple plaqué à l'oreille alors que tu balances les coordonnées, les presses de se dépêcher parce que la situation est urgente. Pour toi, cet appel sonne aussi l'heure de la retraite. Tu ne dois pas te faire prendre. La suite est à laisser aux mains de la "justice" et de ton père. Et si t'es frileux à l'idée de quitter le champ de bataille aussi tôt, t'essayes de noyer ta frustration avec l'idée que c'est la dernière fois que tu vois ton frère. Bientôt, il sera derrière les barreaux, bientôt son quotidien sera le baiser du détraqueur. Bientôt, tu seras libre. Pour un avenir pareil tu peux bien accepter de n'être pas celui qui l'achève. Tu fais tomber le pinneaple de ton père par terre, plonge ta main dans ta poche pour éteindre l'enregistreur.

— Tu feras regretter rien du tout bâtard. T'es maboule, tu te souviens ? Qui te croira ?

Tu poses les yeux sur ton père.

— Ils sont en route, je me casse.

Tu attendras son signal pour balancer les preuves, comme convenu. Sur ce, tu t'éclipses, cours quelques mètres avant de transplaner jusqu'à la maison. Tu t'en sors avec un nez cassé et une éraflure. Tu ne soupçonnes pas encore la présence du poison qui gangrène lentement ton corps.

Steven maintient Atlas du mieux qu'il peut mais finit par le lâcher. La brigade magique arrive presque immédiatement sur les lieux. Trois brigadiers accompagnés d'un auror.

— BOUGE PAS !

Tous le monde tire sa baguette pour la pointer vers les deux hommes. Steven lève immédiatement les mains en signe de réddition.

— C'est moi qui ai appelé. C'est mon fils, il est malade. Il m'a attaqué.

Il désigne du menton l'arbalète. Le fusil, bien évidemment, c'est toi qui l'as pris. La seule arme sur les lieux du crime, c'est la sienne. Un agent vient immédiatement s'emparer de l'arme et constater le poison et les malédictions posées dessus. Il fronce les sourcils, glisse quelques mots à son supérieur. Celui-ci hoche la tête et on vient immédiatement confisquer la baguette d'Atlas et le menotter magiquement.

— Il va falloir nous accompagner, monsieur.. ?
— Priest. Steven Priest. Bien sûr.

L'auror se poste devant Atlas, il le jauge, le juge. Il n'a pas besoin de faire durer le suspense, il prononce une garde à vue.