Atmosphère chaude, presque étouffante. Pourtant, tu respires bien mieux ici qu’ailleurs. Ton verre glacé refroidit ta main à défaut de ton corps entier.
C’est bruyant, un peu grouillant, parfait pour toi. Tu t’accroches à l’illusion (peut-être est-ce la vérité, au final) de passer inaperçue. Personne ne s’attendrait à te voir ici, mais pour autant tu ne cherches pas à te cacher.

Tu n’es pas spécialement un visage connu ici. C’est appréciable. Ça te change de ces endroits où on ne cherche qu’à te plaire, à te faire des courbette, à t’honorer. C’est reposant.

Si on te demandait ton nom - si quelqu’un faisait attention à toi -, tu ne dirais qu’Erin.
Pas d’attentes, pas de pression.
Personne te calcule, il n'y que toi et ton verre.
Alors tu relâches tout - juste qu’à un certain point.

Tu apprécies la solitude bruyante, sans doute bien plus que son homologue silencieuse. Ça te fait te sentir normale, humaine, vivante.

On tire un siège à côté de toi. Avec la foule mouvante, tu perçois un mouvement plus que tu n’entends la chaise racler.
Adieu solitude apaisante alors ? Tu espères la revoir rapidement, t'es déjà en manque.

Ton buste pivote vers ton interlocutrice. Tu remarques directement sa taille pas commune, te compose un visage neutre. Tu étais bien seule, tu aimerai retrouver cet état le plus rapidement possible - sans déclencher une guerre entre temps, si possible. Tu n’es pas venue pour ça.

— Est-ce un mal ?

Pas d’agressivité dans ta voix, rien qu’une curiosité polie - et déjà un peu lassée par cette interaction que tu supposes forcément intéressée.

Évidemment, rien ne se passe comme tu crois. Pas refroidie par ta réponse, elle rit au contraire à gorge déployée. Ça fait presque trop.

Tu es peut-être de mauvaise langue, tu ne demandes qu’à avoir une preuve du contraire. Une preuve qui te convienne, bien sûr ! Si tu ne la juges pas assez solide tu rejetteras en bloc.
Et t’aborder sans raison valable n’est certainement pas une raison de faire confiance.
Tu as noté qu’elle semble connaître beaucoup de monde dans le bar. Ça te parait d’autant plus étrange qu’elle vienne te voir toi. C’est forcément intéressé - en tout cas, tu t’en persuades. Sa remarque te conforte dans ton idée :
— Si vous sous-entendez quelque chose de précis, vous pouvez le dire clairement.

Ça te fera gagner du temps. Tu viens ici pour te détendre, pas pour te prendre la tête. Pas de sourire sur tes lèvres, tu te contentes de la fixer, pas spécialement intimidée par sa taille.

Lorsqu’elle demande au barman de resservir vos deux verres, tu vérifies du coin de l’œil qu’il ne verse rien de suspect sans prévenir dans ton verre. Ça a l’air correct et toi et ta vis-à-vis avez la même boisson.

Un toast, hein ?
Tu te méfies probablement pour rien. Tu n’as peut-être juste pas le physique d’être ici. Tu ne peux pas vraiment prétendre le contraire. Tu as beau avoir évité les habits de luxes que ton travail te force à porter pour les réunions d’affaires - et que tu excères tout autant que tes obligations -, tu détonnes tout de même un peu. Seule et silencieuse, des choses qu’à première vue tu aurais pensé comme des atouts ne sont en fait que des marqueurs qui te désignent comme une marginale ou une intruse. Sans doute que tu es un peu des deux (voire beaucoup).

— Vous êtes très enthousiaste à apprécier les gens.
Simple constat, petite pique au cas où. Peut-être est-elle simplement extravertie. Relègue ta méfiance au second plan. Attrape ton verre et le lève en même temps qu’elle.

— Aux rencontres inattendues.

— Je dirais plutôt prudente. Nous savons toutes les deux que cet endroit n’est pas peuplé d’enfants de coeur.
Doux euphémisme que celui-là mais tu en profites pour affirmer ton appartenance à ce monde de façon tout à fait naturelle. Tu sais dans quoi tu t’engages en fréquentant cet établissement, qu’importe ce que ton apparence ou ta manière de parler puissent laisser penser à ce sujet.
Sourire discret, tes doigts effleurent machinalement le bois râpeux de la table.

— Je préfère éviter de ranger les gens dans des cases trop fermées dès la première rencontre.
Immense mensonge bien sûr, mais tu ne te l’avoueras même pas à toi même. Alors le dire à une inconnue ? Vaste programme que tu n’es pas prête d’entreprendre.

Les cases c’est la sécurité. Tu sais à quoi t’attendre avec ce système. Les gens du Ministère avec les gens du Ministère, les trop enthousiastes avec les fouineurs… Pas de surprises désagréable et le monde tourne bien mieux comme ça !

Tu te détends - juste un peu - lorsque vous trinquez - et avale cul sec ta boisson. Tu reposes le verre sans violence sur la table, trahissant les restes de ton éducation convenable.
— Erin.

Pas d’hésitation avant d’empoigner la main tendue d’Olenka. Pas de grimace non plus lorsqu’elle t’écrase les doigts.
Que ça soit intéressé - tu en doutes de plus en plus - ou pas, connaître du monde reste un atout, jamais un problème.

Tu n’aimes pas les contacts physiques Erin. Encore moins des inconnus. Mais t’as grandi dans un endroit où on te répétait que le monde extérieur se fichait de tes petits désirs propres. Alors t’as pas envie qu’on te touche, on te touche quand même, tant pis. Tu laisses couler, ne laisse rien paraître. Ton sourire s’étire même - pas beaucoup, mais un peu. Tu fais des efforts. Les efforts qu’il faudra pour t’intégrer là où il le faudra.

— Tout dépend de ce qu’on entend par enfant de coeur.
Tu ne te mouilles pas trop Erin. Peut-être que là, tu y vas quand même un peu trop doucement. Alors tu ajoutes, au cas où : En un sens, les gens sont plus honnêtes ici qu’au ministère.
Pas de faux semblants (moins, en tout cas) ici. Ou tout du moins, tu les vois venir de loin. Là où le Ministère, c’est comme évoluer au milieu d’un nid de serpent venimeux divers. Certains sont mortels, d’autres non, mais ils se ressemblent tellement tous qu’il faut agir comme si votre dernier instant arrivait à n’importe quel moment.

Tu détestes le Ministère.
Exècre leurs lois stupides.
Les barreaux qu’ils dressent pour “le bien commun”.
Des mensonges. De la confiture aux cochons.

Tes doigts serrés autour du verre, tu caresse la surface transparente sans trop y penser.
— Je ne n’avais jamais rencontré de partisane des ronds. C’est intéressant comme théorie.
Et tu le penses vraiment. C’est une façon de voir le monde très différente de la tienne, ça t’intéresse forcément.
Mieux comprendre l’autre pour mieux s’en dépêtrer en cas de problèmes. Une technique de survie comme une autre.

Tu éclates de rire à la formulation étrange d’Olenka puis élude habilement :
— J’aime autant les habitudes que les cases. Enfin, c’est un demi-mensonge. Tu déteste vraiment les habitudes. Sans doute un réflexe hérité de tes années à barouder dans les quatre coins du monde. Pas de point de chute récurrent, ça fait d’autant moins de chance qu’on débarque te voir pour n’importe quel problème dont tu n’as pas envie de parler. — Et j’ai trouvé le nom de cet endroit inspirant.
Une pure vérité cette fois. Le fait qu’un endroit puisse être qualifié de blanc - même si ça n’est qu’un nom de commerce - dans une allée réputée pour héberger des habitués de magie noire, c’est intriguant. Amusant c’est certain, mais définitivement curieux. Ça t’a donné envie d’aller voir.

— Pas étonnant, c’est ma première fois.
Une habituée tu l’avais déjà deviné. Pour autant tu restes curieuse et pose pour la première fois une vraie question à Olenka :  — Et vous alors, vous lui trouvez quoi à cet endroit ?

Ne pas chercher les angles, mmh ? Façon de voir les choses sans doute. Les angles piquent, blessent parfois. Mais ils ont l’avantage de ne pouvoir être oubliés. Si tout est doux, circulaire, sans conflits… on oublie les limites. Enfin, tu gardes tout ça pour toi, consciente que tu déformes les propos d’Olenka.
Une serveuse qui passe remplie à nouveau ton verre. Tu le regardes d’un seul oeil, t’accorde une (petite) gorgée, le repose un peu plus bruyamment que précédemment.

Sans doute que tu essayes de te fondre dans la masse - ce qui est amplement raté et probablement pas possible. Que tu le veuilles ou non, tu resteras toujours celle que tes parents ont forgée, que tu couvres cette base d’un millier de couches ou non, elles finiront par s’effriter une à une.

Tu aurais peut-être pu choisir un meilleur mot qu’inspirant c’est certain. Mais ça la fait rire, c’est toujours ça de pris. Tu hoches la tête : c’est certain qu’il y a tout ce qu’il faut en terme de boisson pour finir ivre mort (ou l’un, ou l’autre, selon les préférences de chacun).

Son ancien travail mmh ? T’aimes pas trop ce genre d’emplois. Enfin, tu trouves ça très utile quand c’est pour toi, mais l’inverse t’agace très très rapidement. Tu retiens la batterie de questions que tu as envie de lui envoyer, te contente d’un intérêt poli et d’une expression neutre :

— Venir dans un bar sans pouvoir en profiter, ça doit être très frustrant.
Tu compatis en apparence, sans doute qu’au fond de toi aussi, au moins un peu.

— Vous faites quoi maintenant alors ? Depuis que vous êtes libre…
Le dernier mot sonne comme une boutade, il grince en fait à tes oreilles, comme un long cri. La frustration remonte, tu l’étouffes aussitôt. Ce n’est ni le moment ni l’endroit. Alors arrête de faire l’enfant Erin.

Quelqu’un te bouscule dans ton dos, tu tournes à peine la tête et vois que deux personnes semblent se battre. Quelques personnes encouragent les belligérants mais la lutte est noyée dans l’indifférence générale - ou dans l’alcoolisation générale peut-être.

Toi et ton obsession de la liberté, ça finira par te jouer un tour un de ces jours - si ça n’a pas déjà été le cas.

Tu ne relèves pas la méprise, ça ne t’affecte pas un seul instant. Ce que pensent les gens de toi… qu’est ce que tu en à faire ? Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, ils auront tort. Ou du moins, tu t’en persuades. Toi qui aime les cases, tu cherches à tout prix à te défaire de toutes celles dans lesquelles on tentera de t’enfermer.

Tu ne cilles pas lorsqu’Olenka lance les cacahuète sur les bagarreurs. Sourire aux lèvres, tu constates :
— C’est une façon originale de tenter de stopper une bagarre.

Vigile ? Ça t’étonne pas plus que ça, elle en a bien la carrure en tout cas. Mais ça ne t’aide pas à te détendre comme tu le faisais tranquillement. Idiote que tu es, tu abaissais ta garde. Alors prudemment tu demandes :
— Vigile dans une boite ou un bar du coin ?  

Ne pas avoir l’air trop intéressée en demandant directement où précisément. C’est toujours utile de connaître du monde, en allié ou en ennemi.

Elle te demande ton métier, la question piège. Mais t’as une réponse à tout. Anneli est peut-être enchaînée à son travail mais Erin est plus libre - en tout cas en apparence. Plus brumeuse aussi.
— Je vends des baguettes et je voyage beaucoup à cause de ça.
T’oublies volontairement une partie de la phrase, ne précises pas que tu ne vends que des composants. En passant, tu justifies ta première fois ici.

Petit sourire en coin, tu ajoutes avec un air détaché : — ça paye pas trop mal, dépendant des clients.

Le marché noir est un marché extrêmement lucratif. Même si la majorité des gains s’engouffre dans le remboursement des dettes de tes parents. De toute façon, t’as aucune idée de ce que tu ferais de tout cet argent. Au moins ça te donne un endroit où le dépenser. Mais tu préférerais ne pas avoir d’argent du tout à dépenser, ça voudrait dire pas de responsabilités. Ça serait vraiment mieux.
Ne relève pas la fin de sa remarque. Tu te fiches de paraître intouchable. Tu n’es plus une enfant, tu sais te défendre seule.

Tu hoches la tête, l’air entendu, comme si c’était une vérité générale et admise que tu savais depuis toujours. Bien sûr, les cacahuètes font glisser. Logique.
Les Gobelins hein ? Te crispe. Si c’est une coïncidence, c’en est une très perturbante.

Ça n’est pas une coïncidence.

Le couperet tombe. Et tu te maudis de ne pas avoir fait plus attention. Parce que tu as donné ton alias sans penser que quelqu’un pourrait connaître le prénom dont on t’a affublé à la naissance. Ce prénom que tu hais. Mais Olenka le connaît forcément. Vu qu’elle a l’air de parfaitement savoir qui tu es. Est-ce qu’elle sait que tu as menti sur à peu près tout ? Est-ce que les Gobelins lui ont tout dit de toi (tout ce qu’ils savaient) ?

En tout cas, tu es dans les ennuis jusqu’au cou - au minimum.
Mais tu as l’habitude des ennuis. Alors tu ne montres rien de la peur sourde qui remonte.

— Je me disais aussi que votre arrivée ne pouvait être qu’intéressée.

Une bravade en apparence, mais tu le pensais vraiment. Tu t’acharnes pour garder le contrôle. Ignorer sa main sur ta cuisse. Te débattre ne servira strictement à rien vu votre différence de gabarit. Tu sais parfaitement reconnaître une bataille perdue d’avance.
Enfin, perdue d’avance si tu fonces sans réfléchir. Mais tu es loin d’être stupide, Erin.

— Les Gobelins savent parfaitement qu’ils ne m’ont pas laissé le choix de rembourser ou non les dettes que mes parents ont contracté.

Tu lâches les informations sans y faire attention, pour toi elle connaît forcément déjà tout. La paranoïa remonte, tu as l’impression que tout le bar te fixe. Pourtant la bagarre continue un peu plus loin (l’effet des cacahuètes ?). Tu lâches ton verre (plus soif), attrape ta baguette, lance un sort de silence informulé.
— Cet endroit est vraiment trop bruyant pour ce genre de discussion.

Personne ne vous entendra et l’extérieur apparaît comme assourdi lui aussi. La tension ne ressort que plus forte et tant mieux, parce que tu agis beaucoup mieux dans l’urgence.

— Pourquoi est-ce que les Gobelins vous envoient vous ?
Un peu de mépris dans ta voix, l’irritation d’être traquée transparaît clairement. Pourquoi envoyer une sorcière et pas l’un des leurs ? Pourquoi ici ?
Ils t’ont coincée, tu le sais. Tu es pas prête de te dépêtrer de cette situation (même si tu y travailles activement) et qu’ils envoient un chien de garde sur toi, ça ne fait que rajouter à ton amertume.

Tu la trouvais sympathique mais c’était avant que tu apprennes où elle travaillait.
De la case enthousiaste et un peu étrange, la voici directement dans la case ennemi.

— Justicière de bar, vraiment ? Un sourcil haussé, tu ne cherches même pas à dissimuler le mépris qui couve dans ta voix. Inutile d’arrondir les angles, tu préfères lorsqu’ils sont bien pointus. Ça blesse plus, mais au moins tu sais à quoi t’attendre.

Soupir franchement amer lorsqu’elle te suggère de vendre. Comme si tu n’y avais pas déjà pensé ! Droit dans les yeux, tu répliques :
— Mes parents ont explicitement mentionné mon nom lorsqu’ils ont signé le contrat. Je suis coincée avec ces dettes, que je le veuille ou non.

Lorsque tu as parlé de vendre aux Gobelins, ils t’ont regardé comme si tu étais parfaitement stupide et t’ont répliqué que le prêt était conçu pour être remboursé sur le long-terme et que même en revendant tous les biens, tu n’en tirerais pas assez. Et puis ce débat n’avait même pas lieu d’être : tes parents t’ont désignée comme leur unique héritière légitime. Tant que tu es en vie, tu paies.
Tes parents ont tout prévu. Des mensualités ridiculement basses - pour s’assurer de pouvoir rembourser. Mais un temps extrêmement long. Sans doute que tu avais été particulièrement bravache avant et qu’ils avaient voulu s’assurer que tu reprendrais leur suite. Histoire de te mater un bon coup.
Même après leur mort, ils trouvent le moyen de t’emprisonner ! Ça a le don de te mettre hors de toi. Tes doigts se crispent sur les planches de la table, ton pied bat le sol.

— Tant que je suis en vie, je dois rembourser. Et je n’ai pas l’intention de mourir pour fuir ces stupides dettes.  

T’as fui bien assez longtemps pour être fatiguée de vivre avec la crainte sourde qu’on te retrouve. Et puis lorsqu’elle commençait enfin à s’effacer, que l’avenir t’apparaissait moins sombre, ils t’ont effectivement retrouvée.
Une bonne raison de ne plus jamais espérer quoi que ce soit.

La voilà qui se rengorge. Un acte de confiance, sérieusement ? Une menace à peine voilée à ton encontre surtout ! Le fait qu’elle en tire fierté ne fait qu’accentuer ton mépris pour elle.

 — Je sais parfaitement qu’ils ne m’oublient pas.

Tu sais que tu ne peux pas leur échapper. Une fois oui, deux fois jamais. Et ils aiment te le rappeler, on dirait. Histoire que tu n’oublies jamais que ta liberté chérie n’est qu’un joli mirage.

— Rembourser ?

Tu ne peux pas retenir ton incrédulité.
Tu as vingt-neuf ans, pas quatre. Ce prêt est comme une épée de damoclès au-dessus de ta tête depuis que tu es ado. Tu as eu amplement le temps de chercher, encore et encore sans trouver une quelconque solution. Lorsqu’elle te suggère de travailler et remet en cause ton honnêteté (comme si la sienne valait mieux), tu répliques sèchement, tes mots comme des lames de rasoir :

C’est ce que je fais.
Tu as perdu tout ce qui comptait pour toi en voulant échapper aux Gobelins. Et ils t’ont rattrapée quand même.

Pour qui se prend-elle ? Croit-elle simplement qu’elle peut résoudre tes problèmes après avoir discuter cinq pauvres minutes avec toi ?

De toute façon, elle est de leur côté. Ce ne sont sans doute que des paroles pour endormir ta vigilance (elle s’y prend très mal). Et elle a tout faux dans ses suppositions, ce que tu fais remarquer avec amertume :
— Oh ils m’ont mise au courant dès qu’ils l’ont fait, pour que je n’ai pas d’autres choix que de reprendre leur entreprise.

T’avais quoi, douze ans ? Tu te souviens plus vraiment. Peut-être quinze en fait. Toute cette période est très floue et tu évites d’y repenser parce que Ludwig se rajoute inévitablement à l’équation et c’est trop douloureux.

Je suis certaine que vous exagérez
Tu plisses les yeux, retiens une insulte, te contente d'un sarcasme bien senti :
— Si vous en êtes certaine, alors je n'ai rien à rajouter !

Tu te redresses, étires tes bras et regarde la porte avant de te reporter sur elle pour demander, un peu brusquement :
— Vous étiez là pour autre chose ? S’il n’y a rien d’autre, je pense qu’on en a fini.

Tu ne tiens absolument pas à lui raconter. Au contraire.

La vague promesse d’aide qu’elle te fait te provoque un ricanement. Elle espère vraiment que tu vas la croire ?
Tout à coup, elle te parait sacrément naïve.

— Je n’ai pas de salive à gaspiller avec vous. Je suis venue pour penser à autre chose que le travail, pas écouter une inconnue me suggérer des solutions auxquelles j’ai déjà pensées.

Tu luttes pour garder le contrôle - qui effiloche sacrément. Tu lui dirais bien le fond de ta pensée (plutôt mourir que de faire confiance à n’importe qui affilié aux Gobelins) mais la prudence t’astreint. Et ça te tue.
Mais tu as pas vraiment le choix, elle sait qui tu es, elle sait où tu travailles et elle pourra avoir toutes les informations que les Gobelins ont sur toi - si elle ne les a pas déjà. Alors tu peux pas juste lui cracher tes quatre vérités au visage et t’enfuir.

— Ce n’est pas qu’une impression.
Tu grommelles lorsqu’elle te signale que tu pars sans payer. C'était pas du tout ton intention ! En fait, tu ne pensais qu’à t’extraire de cet endroit tout à coup plus du tout accueillant (mais bel et bien repoussant), déjà debout et prête à partir.

Tu sens les regards tous tournés vers toi mais tu ne laisses rien paraître. Tu es ni gênée ni désolée. A la place, tu te diriges vers le bar pour régler tes consommations en fourrageant dans ta poche. Tu poses sans douceur l’addition grossièrement arrondie à la Mornille supérieure sur le comptoir et sors sans un regard du bar.

Tu parles d’une soirée détente !