Il avait passé tellement de temps à chercher. Dans les dossiers, les archives sorciers. Tout ce qui avait le malheur de tomber entre ses mains. Cette maudite adresse. Pour tenir la promesse qu’il lui avait fait. Il le retrouverait. Il viendrait le hanter. Jusqu’au bout. Ezra Strauss. Jamais il ne pourrait se défaire de la justice. De sa justice. Il le traquerait jusqu’au confins du monde. Sous quelque identité que ce soit. Il était inévitable.

Ce n’est qu’après avoir demandé poliment au directeur du journal. Tout en usant de son tact habituel. Quitte à le chahuter légèrement. Après des semaines à la rechercher. Il l’avait enfin obtenu. Cette maudite adresse. Maudit terrier où il avait choisi refuge.

Sans attendre, l’auror, le sang-pur, c’était empressé d’obtenir un mandat. De quoi s’introduire légalement chez l’autre. Il n’avait qu’à jouer sur le tableau de la disparition d’Aurel Davis. Appuyer ses preuves sur l’interrogatoire qu’il avait mené. Et le comportement plus que suspect de son interlocuteur. Pour obtenir le saint graal. Nécessaire à sa privation de vie privée. Définitivement.

C’est donc avec un large sourire, le mandant dans la main. Qu’il vient toquer à la porte de son « ami » de longue date.

Moi. Je vous avais dit que nous n’allions pas tarder à nous retrouver. Voilà chose faite.

Il ne prend pas la peine d’écouter ses jérémiades et s’invite à l’intérieur. Observant déjà du coin de l’œil la pièce. Susceptible de trouver un quelconque objet intéressant.

Je n’étais pas convaincu. Et le procureur non plus visiblement.

Sourire qu’il lui adresse avant de porter son attention sur verre rouge. Rouge d’ambre. Sa mine affiche un dégout à peine dissimulé.

Je vous interromps dans vos pratiques bestiales il semblerait.

Ses pas font le tour de la pièce. Il ne se prive pas d’observer chaque détail, le moindre recoin susceptible de dissimuler des informations. Décortiquant sa vie privée avec une précision chirurgicale, mettant à nue sa vie entière face à eux.

C’est votre… « Copain » ? C’est comme ça que vous l’avez appelé.

En pointant du doigt une photo posé sur une commode.

J’espère que vous avez eu l’occasion de le prévenir. Sinon… j’ai bien peur qu’il soit trop tard. Il ne va pas tarder, non ?

Il n’en avait aucune idée. Mais il espérait le voir bientôt. Trépignant d’impatience à l’idée de répandre la vérité dans son couple. Dans le peu de bonheur qu’il n’a pas encore piétiné dans sa vie.

Mais dites moi Monsieur Strauss. Une maison en pleine forêt. Eloignée de toute civilisation… Vous êtes méfiant… Vous cherchez à cacher quelque chose ?

Il avait porté son attention sur les éléments environnants. Au départ. N’ayant d’yeux que pour la vie privée qu’il pouvait mettre à nue en ce moment même. Le reste importait peu. Il se doutait bien qu’il n’avait aucune preuve susceptible d’exister au milieu de la pièce. Ezra avait beau être un animal. L’animal en question n’était pas bête à ce point.

Les preuves convergent toutes vers un seul point. Je m’inquiéterai plutôt de votre sort si j’étais vous.

Il ne prend plus la peine de relever ses prochaines remarques. Reportant son attention une nouvelle fois sur la pièce. Il était surtout curieux d’en savoir plus sur ce dénommé Noah à présent. Son compagnon. Quel genre d’homme était-ce ? Sûrement pas une carpette comme ce Strauss. Ce qui n’était pas plus mal. Il aurait bien du mal à obtenir des réponses si ses deux principaux suspects passaient plus de temps à trembler qu’à communiquer.

En quête du moindre indice vis-à-vis de son potentiel caractère. Calme ? Violent ? Réfléchi ? Fonceur ? Ses pas arpentent à nouveau la pièce. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre à nouveau. Accompagné d’une voix étrangère.

Ahhh. Le voici. Il n’aura pas à attendre longtemps au final. Ce n’était pas plus mal. Se retournant sans attendre vers son nouvel hôte. L’auror s’approche, main tendue, large sourire.

Monsieur…. Noah ? (à défaut d’avoir son nom de famille). Ravi d’enfin rencontrer le compagnon de Monsieur Strauss. Dont il parle tellement.

Regard en biais et amusé vers ce dernier.

J’ai ici un mandat, j’enquête sur la disparition d’Aurel Davies. Ce nom vous est familier ?

Nouveau sourire, bien moins aimable cette fois-ci, alors qu’il dégaine à nouveau les papiers officiels.

Je vais être franc et direct avec vous Monsieur. Toutes les preuves en notre possession se dirigent vers cette petite bâtisse dans la forêt. Et elles vous concernent donc toutes les deux.

C’était un mensonge. Mais au-delà du mensonge, c’était surtout une façon de le tester. Voir comment il allait réagir à cette annonce, à cette pression qu’il voulait provoquer.

J’ai en ma possession des échanges… de messages. Entre Ezra Strauss et le dénommé Aurel Davies. L’un des derniers en date avant sa disparition. Êtes-vous au courant de la…. « relation » qu’entretenait Monsieur Strauss et Monsieur Davies ?

Insistant bien sur le mot relation. Qu’il saisisse bien toute la non subtilité de sa phrase. Le regard en biais toujours focalisé sur Ezra. Sans perdre une seule seconde la moindre réaction de Noah.

Dans le cas contraire. Je suis désolé de vous l’apprendre.

Si c’était vrai. Il ne serait pas en train de jubiler intérieurement en ce moment même. Il était plus qu’heureux de lui apprendre.

Observe la scène en silence. Profitant de chaque instant. Chaque mot prononcé. Chaque regard porté. Avec un intérêt pervers. Se délectant à l’excès de cette crise de ménage. Savoir qu’il en était à l’origine lui faisait éprouver une satisfaction difficilement quantifiable. Il ne regrettait pas un seul instant ses longues heures de recherche. Son acharnement pour trouver cette adresse. Pour cette traque qui porte enfin ses fruits.

Son regard se pose sur Ezra. En coin. Tandis qu’un léger rictus se dessine aux creux de ses lèvres. Presque imperceptible. L’air de dire qu’il l’avait pourtant prévenu. Tant qu’il sera en vie, il n’aura aucun instant de répit. Il viendra pourrir la vie de cette engeance jusqu’au bout. Quitte à s’immiscer dans chaque affaire personnelle. Dans chaque élément de sa vie. Tumeur qui pourrit et gangrène chaque souvenir qu’il ira bâtir.

J’ai bien peur que cette petite aventure ne date pas d’hier. J’ai ici en ma position l’intégralité de leurs échanges. Qui ne se limitent pas qu’à de simples conversations professionnelles. Si vous voyez ce que je veux dire.

Ses doigts pianote un dossier qu’il avait sous le coude. De quoi crucifier définitivement les derniers espoirs de Strauss.

Il a beau le nier. Même moi, je ne peux imaginer ce qui se tramait sur son lieu de travail. Lorsqu’ils étaient ensemble. Prend un air faussement peiné. La seule chose que je peux vous dire avec certitude. C’est que Monsieur Strauss ici présent est notre principal suspect dans cette affaire. Il nous cache beaucoup de choses, pas seulement à vous Noah.

Détourne le regard, se retourne face au mur. Un air pensif.

Qui sait jusqu’où vont ses mensonges ? Qui sait jusqu’où allait cette relation ?

Se retourne brusquement vers Ezra.

Oh. Mais je me doute que votre maison ne contient pas de preuves susceptibles de vous condamner. Vous êtes un sadique dégénéré. Pas un idiot Monsieur Strauss. Un mythomane, pas un simple d’esprit.

Ses pas font le tour de la pièce. Vient se placer derrière le canapé. Derrière Ezra. Qu’il toise de haut sans ménagement.

Maintenant. S’il vous reste encore une once d’humanité. Dites-nous réellement ce qu’il s’est passé avec Aurel Davies. A quel point vous avez trompé votre compagnon.

Ses doigts viennent tapoter à présent l’arrière du canapé.

C’est l’occasion où jamais pour vous d’être honnête. Pour une fois dans votre existence.

Il était foncièrement déçu par cette situation dans laquelle il se trouvait à présent. Lui qui jubilait auparavant de la nouvelle annoncée. Il s’attendait à plus de cris, d’insultes et de rages. Or. Il n’en était rien. Ce dénommé Noah, ne démontrait aucun signe. Rien. Aucune réaction. Lui qui s’attendait à une scène de ménage digne de ce nom. Il n’avait rien à se mettre sous la dent. Rien à admirer. Aucun spectacle auquel profiter. Il peine à garder sa mine neutre, s’entend une forte vague de contrariété l’envahir. N’en avait-il donc rien à faire à ce point ? Il a pourtant l’air d’être un gros bras. Ce genre d’homme est généralement sanguin. Non ?

Il ignore totalement la remarque de ce dernier concernant les insultes, tandis qu’il se remet en marche dans la pièce. L’esprit en ébullition. D’autant plus que dans son esprit, ce n’était guère des insultes à l’égard de cette sangsue. Mais bien la stricte vérité. Aussi froide et dure soit elle. Il avait besoin d’une autre approche. D’un autre moyen de pression. Pour faire éclater cette tension qui existait entre eux. Il y en avait une. Forcément. Comme dans tous les couples. Davantage encore chez les animaux.

Monsieur Aurel Davies n’a pas simplement disparu sans donner de nouvelle. Il n’a rien emporté avec lui. Ni argent, ni souvenir, ni affaire personnelle. Rien. Avouez que c’est une drôle de façon de « partir refaire sa vie » comme vous dites. Au moins en ce qui concerne l’argent.

Il fait une moue peu convaincue en guise de réponse à son « il n’est pas dégénéré ». Dans les faits, si, totalement même. Et son compagnon ne devait pas être bien éloigné de ce dernier. Pour accepter de vivre sa vie avec une telle créature. Il fallait soit être fou soit totalement ravagé. Et pour le moment, il envisageait plus la seconde option.

Porté disparu en juin. Les derniers contacts humains qu’il a eu accablent Monsieur Strauss. Et encore, le terme de « contact » n’est pas vraiment approprié. Aux vues des messages échangés. Vous conviendrez, Monsieur…. Noah, qu’il y a tout de même beaucoup de coïncidences autour de votre « mec ». N’est-ce pas ?

Il se tourne une fois de plus vers l’intéressé. Le principal suspect et victime dans cette histoire, à ses yeux.

Le plus ironique. C’est le constat apporté par votre lieu de vie. Perdu au milieu d’une forêt. A l’écart de tout. Qui sait ce que nous serions en mesure de retrouve si j’organisais une battue pour ratisser la forêt ?

Rictus qu’il camoufle derrière une mine grave, presque sérieuse.

Mais vous ne semblez pas perturbé par les agissements de votre compagnon Monsieur Noah…. Je ne saurai dire si vous en avez l’habitude à présent… Ou si vous ne tenez juste pas assez à lui pour être en mesure de ressentir la moindre émotion face à cette nouvelle. Cette trahison. Ce petit jeu qui flirt avec la tromperie.

Le fameux mec d’Ezra, son suspect numéro un, perdait de plus en plus patience. Honnêtement, il ne s’attendait pas à pouvoir mener la discussion aussi loin, pas depuis son arrivée. Si Ezra n’était qu’un lâche et un moins que rien. Noah n’était qu’une petite frappe. C’est là l’ordre naturel des choses. Les forts ont besoin des faibles pour se sentir exister. Et les faibles ont besoin de l’aval des forts pour avoir le droit d’exister.

Mais plus que son impatience. Ce sont ses menaces qui le font tiquer. Qui le fait réagir. Qui lui fait lever les yeux vers son interlocuteur. Haussant un sourcil, alors que son visage arborait un fier sourire. Il voulait jouer. Parfait. Ils allaient jouer. Avec ses propres règles. Ses propres vices et abus.

Très bien. Je fais un dernier tour et je vous quitte.

Sans attendre, il s’empresse de retourner à son occupation première. A l’origine de sa visite également. Observé et analyser de fond en comble cette baraque. Quitte à mettre à nue leur vie privée. C’était d’ailleurs là tout le but de sa manœuvre. Les gants en cuir qu’il porte avec habitude se révèlent toujours être un choix particulièrement habile pour ce genre d’occasion. Ses mains se perdent dans certains meubles. Fait mine de prendre deux ou trois pièces à conviction.

Avant de se redresser, de dégainer son pineapple, tout en prenant soin de prendre quelques photos de la scène. Qu’il maquille habilement autour de lui pour avoir de quoi garder un souvenir du visage de Noah. Après tout, il n’avait pas tout dit à propos de son identité. Et il était bien déterminé à creuser davantage cette piste.

Soit, je ne vous dérangerai pas plus longtemps. Il vaut mieux que j’y aille. Si je tarde trop, mon collègue va penser qu’il m’ait arrivé quelque chose. Et ça ne serait vraiment pas bon pour vous.

Léger rire qu’il laisse échapper d’entre ses lèvres. Bien conscient qu’il sera le seul à rire à son humour de mauvais goût, aux allures de menace. Il enchaîne bien vite.

Au risque de me répéter également. Ce n’est pas à vous de décider de l’innocence d’un homme ou non. Encore moins lorsque vous avez des liens personnels avec ce dernier. Je suis persuadé que nos chemins se recroiseront Monsieur Strauss.

Sourire en direction du concerné. L’air de dire qu’il ne sera jamais débarrassé de la présence de l’Auror dans sa vie.

Se dirige d’un pas rapide vers la sortie, il était en possession de tout ce dont il avait besoin. Nul besoin de s’attarder davantage.

Oh. Une dernière chose. Noah. C’est ça ? Attention avec vos menaces. Si j’étais vous j’éviterais d’user de tels mots avec autant de légèreté. Ils pourraient avoir de conséquence désastreuse sur votre vie…. Dans un cadre différent…

Il pouvait être sûr que les conséquences de ces dernières le rattraperaient bien vite. Il aura tout le temps de réfléchir à ses actions en garde à vue. Avec les quelques preuves qu'il emporte avec lui.


S’arrête à son niveau, le dévisageant, le prenant de haut sans une once d’empathie à son égard.

A bientôt Noah.

Silence, ses pas qui le font quitter la demeure.

A très bientôt Monsieur Strauss.