overmatched

Pas un mot n'est sorti de ta bouche depuis que l'arbitre a sonné le match.
Dans un autre monde tu te serais jetée dans les bras d'Asclepios.
Dans un autre monde vous auriez pris une bierraubeure joyeusement.
Mais dans son mode à elle, ils avaient perdu.
Et dans son monde à elle, elle n'avait pas marqué le moindre point. Sa défense avait failli à tant de moments. Et dans sa tête défile toutes les images, de ses erreurs, de ce qu'elle aurait pu faire mieux.
Silencieusement l'équipe se découd dans les vestiaires.
Silencieusement Robyn laisse sa douche couler trop longtemps, attend qu'on ne lui offre le silence complet pour sortir, se sentant trop peu légitime pour soutenir leur regard, trop coupable pour accueillir le moindre mot de réconfort, elle ne désire en cet instant que la merci de la solitude, qu'on finit par lui accorder.
Elle se demande si Naomi le lui accordé en connaissance de cause.
Elle se demande s'il faudrait la remercier pour cela.

L'eau chaude n'a aucun effet relaxant. Le bruit de l'eau fracassant semble le barrissement d'une cascade, le cri d'une jungle, un déluge oppressant qui s'abat sur elle comme un torrent de haine de soi.

Elle quitte son uniforme, enfile sa rechange, un simple hoodie des couleurs de son équipe, récupère sa baguette. Et dans son casier, elle voit son balai. Elle le sort, un peu, le regarde. Toutes ces heures à le fabriquer, de ses propres mains, avec l'aide ses parents. Toutes ces heures à s'entraîner avec. Elle en connaît chaque imperfection, chaque aspérité. Son précieux balai. Celui qui n'a pas su aller assez vite, avant le glas du match, pour marquer un ultime point, pour défendre sa valeur en tant que joueur, pour lui laisser ne serait-ce qu'une illusion qu'elle n'était pas un pion perdu dans un match de tour et de cavaliers.
Alors elle explose.
Elle le jette.
Elle crie.
Elle amorce le geste.
Et sans même vraiment y penser.

▬ IUNIPERORUM EVANESCA !

Et immédiatement, elle regrette.
Son visage se décompose face à son odieux crime, le bois encore fumant, elle balbutie à demi-mot en se précipitant à genoux.

▬ Non. Non. Non non non non.

Empoigne les morceaux contre son coeur, manche brisé là-même où son père avait gravé l'enseigne familiale. Et s'abat encore la pluie, contre ses joues, à travers ses yeux, sanglots bruyants battant sur ses joues rougies.

▬ Je suis désolée, je suis désolée, je suis désolée, je suis désolée, pardon pardon pardon.

Sa voix tombe dans les aigus comme celle d'une petite fille, les reparo se perdent en vain. Les balais enchantés ne se réparent pas si facilement. Et elle reste un moment là, hoquets silencieux, à enlacer sa victime.
Elle savait bien, que ce n'était pas son équipement qui avait failli.
C'était elle.
La seule déficience,
la seule coupable,

C'était elle.

  Et elle sort enfin. Dans le froid. Elle a laissé derrière elle son épais manteau et son écharpe. Elle veut avoir froid. Elle veut sentir sa morsure contre ses pommettes humides. Elle veut souffrir.
Et dans sa main, bouts de bois brisés qui portaient autrefois un autre nom.
L'agitation du stade s'est perdue au loin vers les bars depuis longtemps, la plupart des rues sont désormais calmes, et le voile de la nuit précoce de l'hiver a finalement enveloppé le ciel.
Et seule elle marche.
S'assoit sur le rebord d'une fontaine.
Elle lève ses yeux roussis par les larmes vers le ciel, la mine songeuse.

Mais elle ne pense à rien.
Son fort caractère brisé, tous les masques rangés derrière le rideau, ne reste que la petite fille sensible avec pour compagnie tous ses échecs.

Et quand derrière elle présence humaine se fait entendre, elle tourne la tête, a presque envie de rire, elle sourit en pensant à quel point elle doit lui sembler pathétique.

▬ Es-tu venu depuis Londres te moquer de moi? Ou le destin a-t-il encore décidé de faire croiser nos routes pour quelque drôle raison?

Qu'est-ce que tu en penses, Sigurd, coiffeur au Chemin de traverse ?

I know, I'm more fool than wise, he said to me "Oh, Death It's way too wet on your cheeks to be nothing" But what does he know? Really, what does he know?

overmatched

Une étrange personne.
Il parle, comme les êtres humains parlent habituellement.
Sans rancune, comme si tout allait bien.
Elle qui l'avait laissé en plan avec son dédain et ses injures.
Calmement, comme s'ils étaient de vieux amis
Eux qui n'étaient que des inconnus avec patronymes.
Des bonnes surprises.

▬ Parle pour toi, elle murmure à voix basse, elle qui ne désirait que la douce étreinte de la solitude contre son corps pour lui faire oublier son échec, son impuissance, et le bois brisé entre ses mains.

Mais après tout lui-même semblait avoir l'intelligence émotionnelle de savoir quand sa présence n'est pas requise.

▬ Enchanté, Robyn Spudmore. Ce n'est pas moi qui vais pouvoir te réconforter vu le novice que je suis en quidditch, mais sache que grâce à toi j'ai pu suivre un très beau match, et c'était le premier de ma vie. J'espère en voir d'autres, avec toi comme participante.

Elle reste là, quelques secondes, qui semble durer des siècles.
Laisse couler les mots sur son coeur trop serré.
Elle aurait préféré qu'il se moque d'elle, à vrai dire. Au moins elle aurait eu une raison d'être en colère. Au lieu de ça elle ne sent que de la culpabilité, de ne pas simplement pouvoir accepter la bienveillance d'autrui, de ne pas pouvoir se consoler de juste cela, de se dire que tout va bien, qu'il y a moins une personne qui a apprécié sa présence sur le terrain, de savoir que son équipe pensait sûrement la même chose.
Il est dur de ne pas savoir comment accepter autrui.
Alors elle sent les sanglots monter encore. Elle sent les larmes embrasera nouveau ses yeux, alors qu'elle se lève, face au dos du jeune homme qui ne demandait qu'à prendre congé, elle vocifère, ses cris ponctués par de lourds sanglots.

▬ Et qu'est-ce que tu en sais? Qu'est-ce que tu crois y comprendre? Un beau match? Qu'est-ce que tu en sais? Rien du tout! Absolument rien! Tu ne sais pas ce que c'est de mettre tout ce que tu as dans quelque chose et d'être incapable de donner le meilleur de toi-même au moment où cela compte, tu ne sais pas ce que c'est que d'être un fardeau pour les gens qui partageaient ton rêve et ta passion, tu ne sais pas ce que c'est que de se sentir humilié par des gens qui ont commencé le sport bien plus tard que toi alors que tu es née avec, et de n'avoir que ton manque de talent à blâmer! Garde tes jolies paroles et ta pitié si tu ne sais pas ce que ça fait d'être le fléau de ta propre existence et gâcher tout ce que tu aimes!

Elle avait jeté à ses pieds pendant sa tirade les restes de son balais brisé et brûlé, les laissant rouler sur le pavé, le manche orné d'un Jabberwocky désormais amputé s'arrêtant aux pieds du coiffeur.

I know, I'm more fool than wise, he said to me "Oh, Death It's way too wet on your cheeks to be nothing" But what does he know? Really, what does he know?

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Elle avait arrêté de sangloter, les sourcils arqués au début, comme si elle était presque surprise de découvrir que Sigurd n'était pas un parfait paillasson. Elle s'était visiblement trop habituée à la bienveillance de sa famille à l'égard de ses sautes d'humeur, ou à l'indifférence générale du reste. Quand elle criait, on soupirait, on tournait les yeux puis les talons, parce qu'on avait pas le temps de gérer son immaturité émotionnelle, ses maladresses, sa toxicité, qu'on jugeait trop d'efforts pour trop peu de gain. Sigurd avait au moins eu la décence d'essayer de la raisonner, et même de l'encourager, même si le ton sur lequel il le faisait semblait plus qu'un sermon qu'autre chose.

Elle regarda ses chaussures pendant la fin de sa tirade. Une envie d'elle avait envie de dire je sais et le faire taire, mais elle savait bien qu'elle n'avait pas agi comme quelqu'un qui le savait. Elle savait son immaturité, elle savait qu'elle était injuste de juste passer ses nerfs sur autrui, sur son balais, sur tout ce qui avait le malheur de l'interrompre ou de dire un mot qui la piquait un peu trop au lieu d'attendre, raisonner, et reprendre la parole calmement après avoir pesé ses mots.

Elle regarda les fragments de bois sur ses genoux quand il les lui rendit. Elle avait immédiatement regretté son geste juste pour le regretter verbalement moins d'un jour après. Elle pensait encre ce qu'elle avait dit. Que les compliments d'un amateur ne valait rien à ses yeux, que sa sous-performance était un facteur majeur de leur défaite, et qu'elle ne voulait surtout pas de sa pitié. Mais grandis un peu, elle connaissait aussi la véridicité et le poids de ces mots.

Quel était seulement la chose mature a faire dans ces cas-là? S'excuser? Le remercier? Se muer dans le silence et lui épargner sa compagnie, le laisser partir et cette fois, sans doute, lui laisser la quiétude de ne jamais la revoir?

Non, elle ne voulait pas vraiment de cela, étrangement.

Elle attrapa le bout de sa manche avant qu'il ne reparte hors de portée de bras et resta un moment la tête baissé, muette, cherchant ses mots ou une excuse avant de parler d'une voix encore un peu étranglée.

▬ Je doute que tu viennes ici souvent. La bière ici est la meilleure de tout le nord du continent. Je te l'offre.

Elle lança un coup d'œil à feu son balais.

▬ ...En remerciement pour... Tu sais... L'avoir ramassé.

S'il avait fait un effort pour elle, elle pouvait bien essayer d'en faire un pour lui.

I know, I'm more fool than wise, he said to me "Oh, Death It's way too wet on your cheeks to be nothing" But what does he know? Really, what does he know?