- M'approche pas.

Arrache son protège-dents ensanglanté et le balance quelque part. Il s'en fout, quelqu'un le ramassera pour lui. Sa tête résonne comme un gong et il aurait presque mal partout. S'il sentait encore la douleur. S'il en avait encore quelque chose à faire de se faire casser la gueule.

Ce qui fait mal là. C'est l'ego. Parce que l'imbécile en face, avec ses haussements de sourcils à la con, il l'a croisé juste avant le match. Il l'a provoqué. Il a évoqué son incarcération. Oh légèrement, un simple sous-entendu.

En vrai, peut-être qu'il n'a jamais voulu en parler, mais Balthazar l'a compris ainsi, l'a vu comme une provocation. Et a perdu. Et ça l'enrage. Alors qu'il aurait voulu lui coller la tête dans le ring, qu'il en perde ses dents, qu'il se déchire l'arcade et qu'il ne puisse plus jamais lever les sourcils comme un bad boy en manque.

Crache un molard ensanglanté aux pieds de son coach et se relève, chancelant. Dégage quiconque voudrait l'aider et se traine jusqu'à ses vestiaires persos. Qu'il s'y enferme, le temps d'un pétard et ensuite, il ira voir l'infirmière, le médicomage ou peut importe l'abruti qui veut le réparer.

Il claque la porte et se laisse glisser contre le battant.
Ouvre les yeux, réalise qu'il n'est pas seul.

- Qu'est-ce que tu fous là connasse ?

C'est fascinant comme elle est belle. Et puissante. Elle dégage en flammes ce qui émanait d'Opal en glace.

Oh, elle lui manque.
Ce vestiaire, sa gueule éclatée et même pas elle pour la soigner.
Juste une vampire qui a tendance à l'ouvrir un peu trop.

Il grogne.

- Quelle déchéance ? J'ai gagné.

Il lui a explosé la gueule.
Point final.

Elle vient se poser en face de lui, descend à sa hauteur. L'idiot qu'il est ne parvient pas à soutenir son regard. Parce qu'il a l'impression qu'elle lit en lui, voit tout au fond du marasme de rage qui l'habite.

Maxine, elle regarde dans l’abîme sans crainte que celle-ci ne l'observe en retour.
Maxine, elle voit le monstre qu'il est et elle aime ce monstre.

Et Balthazar, lui, il en a peur, tout en s'y perdant.

- Il se moquera plus de personne, je te le garantis.

Et il en est fier, fier au fond de l'avoir fait taire. Son sourire est tordu et brûlant de colère.

- Il l'a cherché. Ils savent tous. Les journalistes, les coachs, les commentateurs, tout le monde connaît cette putain d'histoire par cœur. Pourquoi ils se sentent obligé de me la jeter à la gueule ?

Qu'est-ce qu'il y a à raconter à part des années de traumatismes ?
Qu'est-ce qu'il y a à en tirer à part la violence d'une bête ?

Oui, il a gagné, elle confirme d'une voix douce. Mais il y a dans ces mots ce ton qui donne envie de hurler.

Oui, si tu le dis.

Comme une fausse victoire, comme si elle ne valait rien.
Et elle ne vaut rien.
Sur le papier, il montera dans la compétition. Mais lui, lui au fond, il sait qu'il a perdu. Parce que jamais ils n'arrêteront de le hanter avec ça, comme des rapaces à exhumer ses entrailles les plus noires.

Et Maxine le sait.
Et surtout, elle sait qu'il ne veut pas savoir, qu'il ne veut pas réaliser.
Qu'il veut garder sa victoire totale.
Se persuader que c'est bon.
Qu'on va arrêter, pour au moins un temps, de lui jeter ses douleurs au visage.

Et ses phrases touchent juste, parfaitement juste.
Comme des piques sciemment préparées qui percent Balthazar au plus profond de lui-même. Elles viennent chatouiller son ego, titiller sa rage et sa haine.

Grondement sourd qui monte de sa gorge.
Ils le croient tous incapable de craquer, incapable de les détruire, de les déchirer comme il l'a fait avec lui.

Une fois, pourquoi pas deux.

Renverse vos positions, lui, à quatre pattes au dessus de toi, une main sur ta gorge.
Ses yeux flamboient d'une rage que tu as soigneusement attisée.
Il a à peine conscience que celle qui domine la situation, c'est toi.
Qu'en un clin d'oeil tu pourrais lui ouvrir la gorge.

- JE NE SUIS PAS UNE BÊTE DE FOIRE !

Qu'il rugit.

- Je leur ferais passer à tous l'envie de savoir, l'envie de me provoquer. Je les trainerais hors de ce foutu ring par les dents, baignant dans leur sang.

Enragé, en folie, le sang qui appelle dans ses yeux.
Mais au fond, tout au fond, il y a une étincelle qui hurle.

Une fois, pourquoi pas deux.

Et à cette question, il n'y a qu'une réponse emplie de terreur.

Azkaban.

Elle ne parait rien ressentir.
Balthazar soudain est jaloux, jaloux de son indifférence, de son rire cristallin alors qu'il tient sa gorge entre ses doigts.

Envieux de son regard sans peur.
Lui qui n'existe que par elle.
Hanté chaque seconde par les détraqueurs hurlants, par son bourreau et ses coups incessants.

La main fraîche qui s'échoue sur sa peau échauffée par la colère, l'autre qui libère sa gorge comme s'il ne pesait rien, comme s'il n'avait aucune force.

Comme s'il n'était rien.
Comme si les armes qui forgeaient sa carapace n'étaient rien.

Ce constat, un instant le fait frissonner.

Il se redresse, s'avance dans le vestiaire à la recherche de ses affaires, un paquet de clopes qu'il ouvre nerveusement.

Redescend de sa colère, comme un gosse qui se retrouve face au mur.

- Et qu'est-ce que tu veux que je fasse hein ? Je leur ai déjà cassé la gueule, hurlé dessus, jeté leurs micros au visage ?

Il est connu pour ça Balthazar, pour son image médiatique déplorable, et sa violence exacerbée.

- Un monstre ou une bête de foire, je sais pas ce qui est le pire.

Exister sûrement ?
Parfois, il a comme l'envie d'abandonner, devenir un carcajou pour toujours et se fondre dans les plaines glacées de la toundra.