Ton verre claque contre le bar auquel t'es avachi. Ton regard lourd qui ère, le pli serré de tes lèvres, la tension dans ta mâchoire qui, malgré tout ce que tu as pu t'enfiler ce soir, ne s'apaise pas. T'as la vague conscience que tu devrais envoyer un sms à Ezra, la jalousie acide qui te répond que, de toute façon, vu qu'Hermes est à la maison il ne le verra pas et n'en aura rien à foutre. Tu laisses ton front reposer contre le bar. Fait chier. Fait chier. Fait chier.

Aucune trace d'Atlas, c'est à en devenir fou. Non, en fait, t'es déjà fou. Plongé dans la paranoïa, tu ne sais pas si c'est de la bêtise ou au contraire la sagesse qui t'as poussé à te jeter sur la Pomme d'Or pour te noyer dans l'alcool. Tu vas claquer toutes tes économies, comme d'habitude. C'est que cet endroit à vu ta déchéance de nombreuses fois depuis son ouverture.

— Encore un ma belle...

Tu agites ton verre, fais glisser ton menton contre le bar pour lever les yeux sur la barmaid qui te juge du regard. Tu lui offres un sourire charmeur (désespéré).

— S'te plaît, soit une amour.

Elle soupire, te resserre, ce ne sera que... Bordel, t'as plus le compte. C'est son parfum qui t'attire, tu le connais trop bien pour ne pas le reconnaître. Du coin de l’œil, tu vois sa démarche, féline, pleine de grâce se mouvoir vers toi. Ah, t'es sûr que l'une de ses employés est venue cafter. Et dire que c'est censé être tes "bonnes copines". T'agites la main.

— Constance, ma princesse, tu viens enfin me taper la bise ?

Ton sourire s'étire, vacille, prend bien vite la forme d'une expression bougonne, tendu.

— Me regarde pas comme ça, j'ai toujours épongé mon ardoise.

Peut-être bien l'une des seules dont tu crains sincèrement le regard. C'est que t'as des complexes non résolus et qu'elle a une autorité que l'Hyperion fougueux d'autrefois apprécie beaucoup trop pour son propre bien.

Frisson, c'est pas déplaisant. T'as toujours aimé sa sensualité, une qualité que t'apprécie tout particulièrement chez la gente féminine. Et tu songes dans la brume de l'alcool que t'es peut-être bel et bien aussi tordu qu'Ezra le dit. T'aimes te sentir prince soumis entre ses doigts. Ça appelle un sursaut de vie, d'énergie, de rivalité. Parce que t'es pas un chaton dont on peut disposer. Tu roules des épaules, souris à son souffle contre ton oreille. Elle est comme ça, ce n'est pas ambigu pour autant. D'aussi loin que tu t'en souviennes, ça a toujours été comme ça.

— Hmm, t'es venue me sauver, Constance ?

Tu penches la tête en arrière, laisses ses ongles égratigner ta nuque.

— Bah alors sauve moi.

Presque un défi dans le regard, alors que ses lèvres s'imposent sur ta joue et qu'elle gagne la place à côté de toi. T'as un sourire las, le verre d'un vin rouge qu'elle glisse à sa bouche, ton verre d'un alcool dont tu te fiches du nom à la tienne. T'as même plus le palet pour reconnaître ce que t'ingurgite, mais qu'importe t'es pas là pour jouer aux fins connaisseurs après tout. Tu laisses la brûlure propre à la boisson meurtrir ta gorge, ton regard qui se perd dans le verre, souffle.

— Si seulement c'était qu'une histoire de queue...

Elle t'écoute, Constance. Elle t'écoute depuis tellement longtemps que t'as oublié depuis quand ça a commencé. Et tu penses, que le défi que tu lui as lancé à plus valeur de cris du cœur que de provocation. Mais passons. Le rire mauvais s'ajoute à ta palette.

— J'aurai peut-être dû frapper à ta porte il y a trois ans, je me serais fait chouchouter.

Tu poses ton verre, fronces les sourcils.

— Hm. Je suis pas là pour faire ma dramaqueen. Je te demande juste de me laisser boire pour pas que je pète un câble.

Ah, c'est peut-être pour ça que tu finis toujours par venir la voir. Elle est cruelle et implacable. Elle assène les vérités qu'Ezra n'a pas l'honnêteté de balancer, elle susurre avec calme les vérités qu'Ezra ne sait que hurler. Et ça manque de subtilité, chez lui, ça n'est que cacophonie. Mais chez elle, c'est lent et glacé comme un poignard qu'on plonge dans la chair. Ça te réveille, au lieu de t’assommer.

— Je ne suis pas-

Mais ça meurt dans ta gorge. Échec acide contre ton palais que tu noies en vidant ton verre d'un trait. Le verre qui claque contre le bois du bar, tes doigts qui gagnent ton front.

— On s'en branle, ça n'a plus d'importance de toute façon.

Main impérieuse qu'elle impose pour que tu la regardes et dieu que tu la regardes. Les envies de violence, toujours, de passer tes doigts autour de son si joli cou. Mais tu ne peux pas. Tu ne le feras jamais. Elle a raison, cruellement raison. Tu as besoin qu'on te mate, qu'on te contienne, sinon tu dévores tout. Et elle le fait avec tellement de style et de grâce. Ce n'est pas disgracieux, ce n'est pas frustrant comme avec Ezra. Tes pensées dérivent, toujours sur les mêmes visages que ta jalousie vient rendre laids. Ce le serait sans doute moins si Hermes et Elijah n'existaient pas. Tu lui adresses un sourire, une promesse remplit de mille provocations, mille insolences. Tu écartes doucement sa main, ton pouce contre sa paume.

— Mon problème, c'est que je vais devoir couper les ponts.

Tu la fixes, quelques secondes. Elle sait très bien ce que ça veut dire, même si les mots n'ont jamais été dits. Tu la sais trop intelligente pour ne pas avoir lu entre les lignes.

— Je ne peux plus, c'est plus possible. Si je ne fais rien, Ezra paiera au pire ou quelqu'un réglera mes emmerdes au mieux.

Et t'es pas prêt, t'as jamais été prêt, ça transpire par tous les pores de ta peau que tu ne seras jamais totalement prêt.

— Alors je vais devoir couper les ponts avec eux.

Plus seulement avec "lui" (ce fantôme que tu ne nommes jamais en face d'elle). Mais avec "eux" (ces fantômes que tu ne nommes jamais en face d'elle).

Ton regard dérive, tu viens poser sa main contre le bar, lui arracher son verre en descendant son vin sans la moindre classe.

— Le plus drôle, c'est que j'arrive même plus à me convaincre que ça en vaut la peine. J'te l'ai dit, ça n'a plus vraiment d'importance.

De toute façon, qu'importe qu'Ezra t'a passé une bague au doigt, c'est pas comme-ci il y avait quelque chose de réellement solide entre vous, n'est-ce pas ?

Un rire jaillit, rauque, fou, sonore. Elle est terrible, tu l'adores.
C'est fou, comment elle n'a aucun respect, comment elle balaye d'un revers condescendant tes drames de la main. Elle ne prend pas le cœur pour l'étreindre mais pour le broyer sous ses sublimes talons hauts.

— Putain t'es à chier comme psy, chérie.

Tu laisses son souffle caresser tes lèvres, ton regard plonger dans le sien.

— Sauf que je suis trop beau pour que tu me défigures, bébé.

Sourire aussi condescendant que le sien. Tu observes le skotch couler dans les verres, revient vers son visage. Animal, terrible. Elle aussi dangereuse et folle que toi. Et tu fantasmes qu'elle aurait déjà tranché la gorge d'Atlas si elle avait été à ta place.

— Hm. Nique ce qui se passera, le sang ça se nettoie avec une bonne douche, c'est ce que tu me dis.

Sourire soupiré alors que tu prend ton verre, te tourne vers elle ton coude sur le bars.

— Je confirme tu es une psy épouvantable.

Tu laisses tourner l'alcool dans ton verre. Fait ce que t'as à faire, c'est ce qu'elle te dit. Fait ce que t'as à faire et rentre. Seulement elle a raison. T'es terrifié. Terrifié de rentrer et de te rendre compte que ça n'en valait pas la peine. Terrifié de rentrer pour découvrir que t'as plus de substance maintenant qu'Atlas est mort. C'est que t'as besoin d'exister. T'as une soif incommensurable d'exister. Et elle aussi, n'est-ce pas ?

— Tu y crois à ta connerie sur la solitude, Constance ?

Tu braques tes yeux sur elle.

— T'y crois vraiment ?

Tu te serais trompé ? T'as toujours pensé qu'elle était plus seule que ce qu'elle ne le montrait.

Pourquoi tu me regardes comme ça ?

T'as l'impression de te voir.
Elle balance ça avec la même acidité, comme un animal blessé. Exactement comme toi. T'as l'impression de te voir et tu te dis que c'est pas si laid que ça. Terrible, mais c'est presque rassurant. Tu t'es toujours satisfait de voir la misère des autres, parce qu'elle ne rend pas unique la tienne.

Elle a rit de ta détresse.
Tu ris de la sienne.

— T'es belle mais t'es pas une bonne menteuse, chérie.

Tu trempes tes lèvres dans ton verre, viens te tourner dos au bar pour embrasser la salle du regard. Ça fait combien de temps que tu viens te noyer-là, Noah ? La vérité, c'est que contrairement à elle, tu serais bien incapable de décrire votre première rencontre. La Pomme d'Or est là, mais à force d'alcool t'as oublié son origine. Tu questionnes plus ces choses-là, Noah. À quoi bon. De toute façon, c'est pas comme-ci tu chérissais le passé plus que le cul d'un amant.

— C'est des conneries, Constance. La solitude c'est la base de ton business.

Tu désignes du menton les gens qui circulent, applaudissent, boivent.

— Ils viennent s'en mettre plein les yeux, ils viennent se remplir. C'est comme des mômes qui viennent gribouiller sur une feuille blanche parce qu'ils ne supportent pas le vide.

Tu tournes ton regard vers elle.

— Et tu ne fais pas exception, ma belle. Pour tenir ce genre d'endroit faut bien être encore plus seule que ses clients.

Un sourire mauvais aux lèvres.

— T'es comme moi, ça te donne pas envie de gerber, bébé ?

— Whoo, comme t'es subversive et originale.

Mais tu supposes que c'est presque sain. La haine, l'envie, la jalousie, la haine, la haine, la haine, la haine. Quelque part, faut être hypocrite pour pas reconnaître que l'humanité se shoot à ça. Quelque part, tu la détestes aussi. Au moins, elle a la solitude digne.

Tu bois une gorgée, oh, vous êtes de vieux "amis", tu connais son drame. Elle connaît les tiens aussi. Avoués dans l'alcool un soir, tu ne sais plus quand. Tu l'observes du coin de l’œil encaisse ses reproches d'un hochement d'épaule.

— Tu sais très bien où il est mon sursis, chérie.

Tranchant, mais paradoxalement calme. Elle a ce don que personne n'a. Elle est cruelle, implacable, terrible. Mais face à elle tout devient fatalité et, enfin, on se sent presque apaisé. Sourire cruel, presque triste pour vous.

— Y a des millions de façons de mourir et toutes n'impliquent pas un cœur à l'arrêt. Tu devrais le savoir.

Tu finis ton verre d'une traite.

— Mais t'as raison, quitte à chialer autant le faire en bougeant son boule.

Tu te laisses tirer, entraîner sur la piste. Le corps un peu lourd sous l'alcool mais t'aurais pas rêvé mieux. Cette brume qui t’entoure, salvatrice. T'es pas là pour rêver à des jours meilleurs, ni même pour te reprendre. Des fois, y a juste besoin de rester dans le brouillard.

La piste sous vos pieds, rien de plus habituel pour toi. Et tu te fais la réflexion que pour ton propre bien faudrait peut-être que tu la foules plus souvent. À force de vouloir rentrer dans les petites cases d'Ezra t'as fini par te faire bombe. Tu tournes ton regard vers Constance, glisse une main sur sa hanche, profite de l'intimité de la piste pour glisser.

— Tu parles comme Ezra, tu sais ? Tu parles, comme-ci buter mon frère n'impliquait pas que je me bute aussi.

Tu vous balance doucement comme tu sais si bien le faire, l'impression d'être revenu à la vie d'avant, à l'époque où ta seule vraie lutte c'était de faire fondre le corps que tu collais au rythme des basses pour lui arracher ses secrets.

— Combien de temps ?

Combien de temps il te reste ?

Boum boum enivrant sur la piste. Tu fermes yeux, considères ses options. Dans sa bouche avec sa voix de miel ça parait si simple. Te casser, partir loin, refaire ta vie ailleurs, là où il n'est pas. Le monde est vaste, c'est pas con comme plan. Tu pourrais t'embarquer ailleurs, l'anglais se parle couramment partout et si t'as pas été trop con pour apprendre le Gallois, tu le serais peut-être pas pour apprendre une autre langue. Alors tu pourrais peut-être vivre, enfin. Il doit avoir des communautés Loup-Garou un peu partout. T'as des compétences, tu pourrais trouver un job. Le bâtiment, peut-être ? T'as toujours été assez habile de tes dix doigts. Mais. Seulement y a un mais.

— Ezra voudra pas partir.

Il refusera de quitter sa vie, de quitter ses amis, ses proches, encore plus maintenant que ça sœur a eu la bonne grâce de tomber dans le coma. Quoi que, t'es injuste, t'as jamais rien eu contre Cillian. Si t'avais pas le cœur et l'esprit déchiré par Atlas sans doute que tu l'aurais pleuré.

— Sa sœur est encore à l'hosto. Il partira pas.

Si tu veux Ezra, tu dois supprimer Atlas.
Si tu veux supprimer Atlas, il faut que tu agisses avant Hermes.
Pression. Pression. Pression. Pression.

— Je vais péter un plomb.

Avouer contre son oreille. Son corps qui se colle et se décolle et tu l'as fait tourner autant qu'elle le veut. Ton regard qui se perd dans la façon dont ses cheveux volent aux grès de ces mouvements. Tu peux pas partir, hein ? Elle l'a dit elle-même, n'est plus libre celui qui aime. Mais l'avouer te rend trop amère. Alors à la place, c'est dans ses problèmes à elle que tu te plonges.

Tu la fais tourner, puis la ramènes à toi, plaque tes mains dans le creux de son dos, soupir. Des heures, des années, ça fait large comme compte à rebours. Tu la regardes une seconde, imagine le gâchis. Si belle, si grande, l'horreur de sa peau si douce condamnée à devenir si rêche. Tu secoues la tête.

— T'as des candidates en tête ? Tes filles sont loin d'être nazes, tu pourrais former l'une d'elles.

Tu la repousses pour la faire tourner de nouveau, viens coller ton torse contre son dos. Une main sur son ventre, mouvement du bassin au rythme de la musique.

— Je t'ai jamais proposé, mais si tu me le demandes je te tuerai. Tu sais, quand tu te transformeras pour de bons.

Tu sais que si tu étais condamné à rester sous ta forme animale tu voudrais bien qu'on te libère. Disposer des avantages de la lycanthropie aidaient, mais tu seras jamais prêt à pleinement embrasser l'animal qui sommeille. Parce que t'as besoin de te sentir humain, Noah. Désespérément besoin de te sentir humain. La raison principale de ton obsession pour Ezra. La raison principale pour laquelle tu te plonges dans des frasques d'amour immature et adolescent. Raison pour laquelle ce sera lui, toujours lui. Raison pour laquelle tu peux dire sans trouble que Constance est ton amie.

Explose. Elle balance ça avec tellement de facilité comme-ci c'était la bonne solution. C'est peut-être la bonne solution. C'est très certainement la bonne solution. Mais elle a raison, Constance. T'es mort de trouille. Mort de te dire que l'explosion te coûtera peut-être plus que ce tu ne peux perdre. Tu secoues la tête, laisses ton front s'échouer contre son épaule, te laisses bercer par le rythme de la musique. Ouais, plus simple de pas s'attarder sûr soit. Tu vas t'attarder sur elle, après tout, c'est un luxe que tu n'auras probablement plus bientôt.

— Et aucune ne t'as tapé dans l’œil, hein ?

Tu lui diras pas d'aller au plus raisonnable, de se contenter de ce qu'elle a sous les yeux et de faire un choix. Non, c'est pas votre style, ça n'a jamais été et ne sera jamais vous. Tu appuies un peu plus sa main contre son ventre, les lèvres qui effleure son épaule.

— Alors cherche encore. Elle doit bien être quelque part. Je connais bien quelques meufs que tu pourrais corrompre... T'as quelque chose contre les femmes mariées et plongées dans l'ennui ?

Et t'as du mal à réaliser, à assimiler, que la peau sous tes doigts ne sera bientôt plus là. Qu'à la place ce sera l'animal. Tu te demandes, avec idiotie, si tu la reconnaîtrais une fois transformée. Est-ce que ses yeux brilleront comme le font les yeux. Est-ce que y aura cet éclat de cruauté et de mépris dans son regard ? Ou est-ce que ce sera que l'animal, juste l'animal, rien que l'animal.

— Si c'est ce que tu veux, ma belle, si c'est ce que tu veux.

Elle se retourne, glisse ses doigts dans tes cheveux. T'as encore la force de lui sourire, insolent, l'air de lui dire que t'en crois pas un mot.

— Ça aurait été l'enfer, bébé. Je suis trop jaloux et toi trop libre.

Elle te plante là. Sa maxime cruelle aux lèvres. Prisonnier sont ceux qui aiment. Et tu t'éloignes un peu de la piste, laisses la foule se refermer sur elle. Tu fixes tes mains, celles qu'Ezra pointe du doigt pour te dire qu'elles sont salant. Ton regard s'échoue sur la bague. Une partie de toi exècre ce garçon qui t'a coupé de la seule chose que t'aurais dû préserver. Une partie de toi se dit que tu devrais le laisser, que rien ne t'attend, que tu ferais mieux de plonger dans les bras d'une Constance ou d'une madame Smith. Mais tu l'as dit toi-même, Noah. T'es jaloux. T'es possessif. T'as besoin de graver ta présence quelque part, chez quelqu'un. T'as besoin de devenir l'obsession d'un être pour ne jamais réellement disparaître. T'as besoin de te consoler en sachant que quelqu'un te pleurera. Cette personne c'est Ezra. Et c'est triste à dire, mais si tu dois mourir demain t'es heureux d'imaginer qu'il en souffrira. T'espères que sa souffrance, elle durera longtemps. Éternellement.

Constance revient vers toi, quelques minutes plus tard.
Assez danser, qu'elle dit et tu hoches la tête. Qu'est-ce que tu vas faire, qu'elle demande. Mourir ? Tes yeux quittent la bague.

— Mieux vaut mourir tant qu'il est encore prisonnier lui aussi.

Sourire cruel alors que tu la toises.

— On sait tous les deux très bien que les fantômes emprisonnent beaucoup plus que les vivants.

Tu hausses les épaules te dirige de nouveau vers le bar.

— Je vais aller voir mes parents. Si Atlas n'est pas dans son appartement, il est probablement là-bas. À partir de là, ce sera eux ou moi.

Tu fixes droit devant toi.

— Et tu me connais, ma belle. Si je ne peux pas gagner, alors je ferai en sorte que tout le monde perde.

Et tu souris, sincèrement. La mesquinerie est libératrice.

— Ah, je savais que tu comprendrais.

Tu fixes le bar, laisses ses doigts quitter ta joue et ordonner qu'on vous resserve. Un vague sourire sur tes lèvres, mais en aucun cas doux. Il est vicieux, acide, mauvais, mesquin. Rictus insupportable, pourtant le seul que tu connais. Tu laisses vos verres s’entrechoquer, l'alcool descendre dans ton gosier. Une leur étrange dans le regard, de l'envie, de la satisfaction, quand tu la regardes.

— Je veux qu'il me pleure.

Tu poses ton verre, la fixes encore.

— Je veux qu'il ne fasse que ça.

Et qu'il regrette, qu'il se sente sale, qu'il réalise qu'il n'y avait que toi, qu'il a perdu votre temps, qu'il avait toutes les cartes en main pour faire de vos secondes ensembles du rêve. Qu'il te regrette, surtout. Qu'il te regrette plus qu'il ne regretter jamais Hermes. Qu'il réalise, qu'il comprenne, qu'il ne t'oublie jamais, qu'il te regrette encore.

— Je veux qu'il me regrette.

Et ça en dit long sur toi. Tu bois une nouvelle gorgée, embrasses la salle du regard.

— On l'est. Mais c'est pas un problème. Ça a jamais été un problème, Constance. Le problème, c'est l'hypocrisie des gens.

Tu pouffes, amer, observent les clients qui se rassurent, oublient en se disant qu'ils sont des gens bien, qu'ils ne méritent pas ça.

— Regarde-les, ma belle, regarde-les. Ce sont eux le problème. Ils veulent le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière. Mais plus que tout, ils veulent sans jamais avoir à se salir les mains... Pff, les bouffons.

Tu glisses tes doigts entre les siens, souffle prêt d'elle.

— Tu me manqueras, tu sais ?

Cruellement sincère.

Non tu ne la pleureras pas.
La vérité, c'est que tu te penses incapable de pleurer sincèrement qui que ce soit. La vérité, aussi, c'est qu'on ne pleure pas quelqu'un comme Constance. Les larmes sont d'un manque de pudeur et classe qui ne lui va pas. Constance, tu t'en souviendras. Tu ne la pleureras pas, pour la bonne et simple raison que ce ne sont pas tes larmes à toi qu'elle recherche.

— Ne t'en fais pas, si tu y passes avant moi je veillerai à faire pleurer les autres.

Et tu laisses ses lèvres se glisser au coin des tiennes. Tu ne tournes pas le visage, vous n'avez pas besoin de ça, ce n'est pas ce que vous rechercher chez l'autre. Mais une chose est sûre, oui, Constance Colemann te manquera quoi qu'il arrive.

Tu lui offres un sourire fini ton verre.

— Bwof, c'est pas la première fois que mes fringues sentiront quelqu'un d'autre. Je suis plutôt populaire et beau, c'est la rançon du succès.

Tu prends le temps de fixer ton verre quelques secondes avant de poser le regard sur elle. Glisse une main contre sa joue alors que tu lèves, glisse un billet sur le comptoir.

— Tu es ma source de problème préférée, sache-le.

Tu caresses sa joue du pousse, lui sourit et tourne des talons.

— Prisonnier sont ceux qui aiment, tchao ma belle.