L’esprit encore embrumé par les événements. Tout est flou, tout est noir. Il se sent faible, Vanitas, physiquement, mentalement. Réveillé peu de temps auparavant, la douche qu’on lui a donnée ainsi que les soins n’ont pas effacé les cernes de ses traits tirés, le vitreux de son regard tout juste sorti d’une transe dont il ne se souvient pas.

Putain.

Putain, putain, putain. Tu as dit que tu allais prévenir les autres, c’est à peine s’il a compris ou entendu. Il t’a laissé sortir, le regard vague fixé sur le mur en face de lui. Il ne sait pas combien de temps s’écoule avant que tu ne reviennes, ses pupilles qui glissent jusqu’à toi. Léger hochement de tête, un souffle du nez qui ressemblerait presque à un rire fatigué.

- Tout le monde sait que ce n’est pas un ours mais un dragon. Les yeux qui brillent tout de même de reconnaissance. Merci.

Sa main qu’il monte jusqu’à son front, masse ses tempes douloureuses tandis que tu t’installes. Puis quand la question fatidique tombe, celle que tout le monde lui posera, il ne prend même pas la peine de masquer ses émotions. Aussi clairement qu’il peut lire dans tes pensées sans le désirer, tu es tout autant capable de savoir quand il ment.

- Vidé. J’ai l’impression qu’on est entré de force dans mon esprit  (ce qui est vrai) et qu’on y a passé un rouleau compresseur. Ou cinq.  

Soupire avant que sa main ne retombe sur le drap. Il n’ose pas regarder sa baguette qui trône sur la table de chevet, ni la fenêtre qui donne sur le couloir de peur d’y capter des infirmières, percevoir des nouvelles qu’il ne veut pas encore ; qu’il ne se sent pas la force d’encaisser.

Alors il te regarde, toi.

- Comment c’est, d’être l’un des héros de la journée ?  

Son sourire est un peu faible, néanmoins il reste vrai. Avec de la chance, cet événement, l’implication de Jasper et Iphigénie, pourra profiter aux Fawley. Il croise les bras, Vanitas, la tête encore chamboulée, occupée de mille pensées. Qui, quand, comment, pourquoi. Tout ce que son esprit ne lui dit pas, il compte sur toi.

- Raconte-moi. Redis-moi. Comment… Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que vous savez ?  

Il se gratte compulsivement la cicatrice de son œil aveugle. Un tic nerveux.

- Qu’est-ce que j’ai fait, dont vous soyez au courant ? N’omets rien.

Il y a tellement de zones d’ombre qu’il a besoin de combler.

ft. @A. Jasper Fawley | 3 janvier 2032

Tes mots pour le faire rire encore un peu, il pince les lèvres en regardant l’arête de ton nez déjà remise en place par les médicomages.

- Je suis désolé. Comme quoi, rentier, ce n’est pas si mal finalement.

Il sourit, te laisse t’installer comme vous le faisiez avant, quand vous étiez jeunes mais pas insouciants pour autant. A cet instant, dans ce lit d’hôpital, cette époque paraît si lointaine. Presque irréelle. Depuis quand avez-vous tant vieilli, Jasper ? Où sont les heures passées à rire, à refaire le monde autour d’un verre avec le sourire aux lèvres ?

Un soupir, son esprit en quête de réponses. Alors il te regarde, Vanitas, te presse de combler l’espace. Hochement de tête quand tu lui demandes s’il en est sûr, car il n’y a pour lui aucune hésitation. Il veut savoir. Il a besoin de savoir. Jusqu’où est-il allé ? Qui a-t-il blessé ?

Tu commences à parler et son regard ne te quitte pas. Même quand tu parles du brouillard. Même quand tu parles de l’imperium, de Crystal, de lui. Ses yeux se ferment pour la suite, mais il ne t’interrompt pas. Il s’imagine simplement, baguette au bout des doigts, les sorts aux lèvres jetés sans considération. Tu parles du coup qui t’a valu un nez cassé, il rouvre les yeux et se permet un léger sourire. Il a la nausée.

Manipulé.
Manipulé.
Encore, encore, encore.

Cela lui prend quelques secondes de répondre, ses lèvres brièvement entrouvertes sur le silence avant que sa voix ne naisse.

- La baguette de Davies… Aucun moyen de savoir si c’est elle qui m’a ensorcelé ?

Il baisse les yeux sur la sienne. Avec tous les sorts qu’il vous a lancé, un prior en recherche d’un sortilège quelconque de défense serait inutile. Il revient à toi, masse encore une fois ses tempes douloureuses.

- Comment vont les autres ? Est-ce que tu sais où en sont les prémices de l’enquête ? Est-ce que tu sais si c’est moi… si je leur ai fait quelque chose ?

Et s’il a tué, Vanitas ? Et s’il est encore ensorcelé sans le savoir à l’heure où il te parle ?

Il fronce les sourcils, perçoit des images et des pensées à l’orée de ton esprit sans trop oser s’y aventurer. Fatigué, Vanitas, éreinté.

- Tu sais autre chose. Dis-moi ce que tu sais.

Tout. N’importe quoi.

ft. @A. Jasper Fawley | 3 janvier 2032

Malgré ses questions, nombreuses, tu n’es pas en mesure de lui répondre. Frustré, Vanitas, il hoche néanmoins la tête quand tu parles d’attendre Clovis pour en savoir plus. Peut-être que cette histoire lui permettra enfin de renouer un véritable contact avec lui, de discuter, de l’empêcher de fuir comme il le fait depuis des semaines.

Il soupire, t’observe tandis que tu sembles tergiverser. Il y a bien quelque chose, Vanitas le sait, il est simplement trop respectueux envers toi pour réellement fouiller. Alors il attend, le regard planté à ton visage, encre à son esprit les paroles que tu lui dictes.

- Une prophétie.

Il n’est un secret pour personne chez les aurors que Crystal est voyante, et ces mots… Aussitôt qu’il y pense, il n’y a qu’une seule direction dans laquelle il puisse regarder. Un ramage, des plumes. La coïncidence est trop belle, pas vrai ?

The Crow.
Il voit The Crow partout.

- Dis-moi ce que tu en penses, oui.

Tu te lèves pour vérifier que personne ne soit à la porte, même si Vanitas aurait pu te le dire, puis quand tu reviens t’asseoir, son menton se lève pour te suivre. Avant de te donner ses propres avis, il veut attendre le tien. Tu es intelligent, observateur et, mine de rien, tu es proche de Clovis. Il y a peut-être des indices que tu possèdes dont il n’a même pas conscience lui-même.

- Tu penses que nous n’étions qu’une diversion ?

Sa bouche forme un pli.

- Est-ce qu’il s’est passé quelque chose de spécial au cours de nos disparitions ?

Ta voix se baisse, ses sourcils se plissent. Il doit s’attendre à se faire recommander la prudence, Vanitas, mais pour autant ça ne lui plaît pas.

- Ça dépend, quels services ?

Étrange, comme le simple fait d’oublier qu’il est une victime lui permet un court instant de ne réellement plus y penser.

ft. @A. Jasper Fawley | 3 janvier 2032

Il hoche la tête quand tu t’expliques plus en détails, l’esprit en ébullition malgré la fatigue qui l’anime. Une diversion, une expérience.

- Les disparitions ont été de l’ordre de plusieurs semaines, je pense aussi que ce n’est pas une coïncidence. A moins que certains d’entre nous aient été suffisamment futés pour s’enfuir, j’imagine mal nos ravisseurs perdre autant de leurs détenus – c’est-à-dire tous. Sans parler du… sortilège dont j’ai été victime. Rien ne colle avec une évasion.

Il t’en demande plus sur les événements publics – ou non – de ces dernières semaines, mais rien ne te vient. L’idée de te savoir fouiller, alors même que tu ne fais pas partie des forces de l’ordre de votre monde, le fait tiquer. Il pince les lèvres, t’écoute te justifier avec un certain scepticisme.

- Fais attention, Jas, tu n’es pas forcément préparé à affronter ce après quoi tu cours. Il soupire, se passe une main lasse sur le visage. Mets-moi au courant de tout ce que tu pourras trouver, s’il te plait. Je te fais confiance.

Une confiance aveugle.

Tu baisses la voix, stimules l’enquêteur qu’il est en demandant des services. Oui, Vanitas peut être utile. Vanitas n’est pas de ceux à jeter maintenant qu’il s’est fait avoir une fois, pas vrai ? Son ego a pris, mais sa raison, elle, le pousse à user de cette expérience pour s’améliorer.

Le premier service est plutôt simple à accéder dans les faits, néanmoins il n’apprécie pas ta façon de le tourner. Ses yeux balaient la porte de la chambre, en pleine réflexion, puis reviennent à toi.

-  Jasper, tu recommences à parler comme lorsque tu veux prendre les choses en main. Je t’interdis de te mettre en danger ou de faire cavalier seul dans cette histoire. Et crois-moi, si je dois checker dans ta tête tes prochains mouvements, je le ferai.

Il a peur pour toi. Putain, si tu savais comme il a peur. Tout cela vous dépasse, encore plus si l’ennemi masqué derrière cette histoire n’est autre que The Crow. Il a échappé aux radars et au Ministère pendant tout ce temps, il n’est certainement pas à prendre à la légère.

- Je veux bien t’informer de ce que j’apprends, mais tu devras le faire en retour.

Puis tu parles d’occlumancie. Peu de temps auparavant, ta sœur lui a demandé de lui apprendre la legilimancie, et voilà que tu t’intéresses à sa jumelle. Il soupire, Vanitas, sa bouche ne devient qu’un pli. Il n’aime pas ce que cela pourrait signifier. Car tu as des choses à cacher, Jasper, pas vrai ?

- L’occlumancie est une pratique qui ne s’apprend pas du jour au lendemain, c’est épuisant, long. Et même si tu parviens à la maîtriser, sache que tu pourras difficilement couper ton esprit de legilimens comme moi, qui avons ce don de naissance.

Une main dans ses cheveux, il tire un peu dessus, en pleine réflexion. Entre ses doigts, en raison de la fatigue et de son état, quelques mèches d’ébènes s’arrachent.

- Pour te l’enseigner, il faudra que j’entre dans ta tête. Loin. J’aurai certainement accès aux secrets que tu veux si précieusement garder hors de portée. Est-ce que tu es prêt à prendre le risque ?

Est-ce que tu as suffisamment confiance en lui pour risquer les lui partager ?

ft. @A. Jasper Fawley | 3 janvier 2032

Le pli de sa bouche qui n’en finit pas.

- Les aurors sont mieux préparés. C’est notre métier, Jas.

Mais il sait ce que tu penses, il sait comme tu as tendance à te voir plus intouchable que tu ne l’es. Comme c’est paradoxal, cette confiance que tu as en tes capacités quand tu ne peux croire une seconde à ce que ton cœur te dicte depuis des années.

D’égal à égal, c’est ce que tu dis, et Vanitas veut y croire. Tu le sais, Jasper, que si tu t’amuses à trahir sa confiance tu n’auras plus que tes propres yeux pour pleurer. Il n’est pas de ceux avec lesquels tu peux jouer, quand bien même il est capable de beaucoup te laisser passer.

Inutile d’en arriver là, d’accord ?
Il hoche la tête, suspicion peinte sur le visage pour te montrer qu’il ne plaisantait pas. Il te connaît, il te connaît trop bien. Mais il a confiance en toi. Alors il cède à ta demande, non sans te prévenir de ce que cela va impliquer. Pour toi, pour vous. L’idée de perdre ce lien spécial que vous partagez le fait souffrir, comme si une nouvelle fois vous vous sépariez d’une de ces choses qui vous définit.

Pour lui.
Toujours pour lui.

Tu le mentionnes, d’ailleurs, et Vanitas n’est pas stupide. Sans parler de tes pensées, encore aujourd’hui libre à son accès, il sait depuis le début que tout est pour Clovis.

- Je préfère te le dire, je n’apprécie que peu d’être un nom sur une liste de choix pour satisfaire vos secrets. Mais soit.

Il lève la main, comme pour te demander de ne pas continuer.

- Ne me remercie pas. Rien n’est encore fait, Jas.

Il soupire, la fatigue encore à tirer sur ses traits. Sa main glisse jusqu’à ses tempes, masse tandis que tu parles de l’arrivée prochaine de sa sœur, et de Neal. Bouffée d’oxygène qui le libère, il rit doucement à tes paroles.

- Ce serait idiot, oui. N’oublie pas de prendre un jeu d’échec, même infirme je pense pouvoir te défoncer.

Le sourire rémanent à ses lèvres, il t’observe te préparer à partir. Les yeux un peu plus brillants, un peu plus vivants, quand il les lève pour te saluer. Tes paroles imprimées à son esprit.

- Merci de m’avoir ramené.

De m’avoir sauvé.

ft. @A. Jasper Fawley | 3 janvier 2032