— On se retrouve demain à la même heure pour une nouvelle dose de veritaserum, surtout prenez soin de vous et tchao tchao tout le monde !

Le clap de fin retentit, l’émission du jour a été un succès. Ton invitée semble satisfaite, l'équipe technique aussi. Tu te laisses aller quelques secondes contre le dossier de ton fauteuil, ferme les yeux. T'as encore la tête pleine de l'expression mielleuse qu'elle avait en parlant de ses films préférés, des films dans lesquels cette salope de Zadig joue. On va dire, tu pars défaitiste, mais tu penses ceci dit que le message est assez clair. T'aurais dû t'y attendre. Ou peut-être que tu te fais tout simplement des idées ? Elle n'avait jamais évoqué Zadig quand tu l'avais vu, quelques jours plus tôt, pour l'inviter à dîner et "parler de l’émission".

On t'appelle, tu t’extrais ton siège, ça se presse pour préparer le pot traditionnel de fin de semaine. On évacue les derniers membres du public non VIP. T'as juste le temps de repasser par ta loge, passer un peu d'eau sur ton visage et de revenir que tout est déjà prêt. Tu salues l'équipe, comme d'habitude, échange avec le staff sur les prochains invités prévus, sur ceux qu'on pourrait solliciter. On t'accorde une moue gentillette quand tu proposes des noms plus politisés a inviter. On ne te dit pas non, mais le sourire te fait comprendre que c'est tout comme. T'as pas envie de ramper devant ton frère pour obtenir gain de cause... Mais il va peut-être falloir s'y résoudre. Tu t'excuses auprès de ton staff, vas te chercher un verre sans alcool. C'est là que tu l'entends. Tempête magnifique au sourire éclatant. Elle t'appelle, tu réponds d'un signe de la main et accours. À quel point t'espères encore la sincérité de son attention ?

—Chloé.

Tu lui offres un sourire, espères une bise. Le seul truc qu'elle t'offre, c'est de te présenter sa copine. Tu glisses un regard vers elle, les yeux qui s’écarquillent soudain. T'as pas besoin qu'elle te dit son nom pour la reconnaître. Une Greengrass. Sur ton plateau. À ton émission. Qu'est-ce qu'elle fout là ?

Comme d'habitude, qu'elle dit.

— Oh, vous suivez l’émission ? Ça alors...

Tu balances un sourire idiot à Chloé.

— Y a des gens importants qui regardent mon émission, qui l’eut cru ?

Elle rit et tu l'accompagnes. Grimace un peu plus quand Cassandre te parle technique. Tu passes une main dans tes cheveux, sourire jovial, confus, comme-ci tu faisais une confession.

— On a beaucoup de matière ce soir, Chloé est une invitée formidable pour ça. On va devoir monter l’émission en conséquence, mais je pense qu'on aura de quoi satisfaire nos téléspectateurs.

Tu prends une gorgée de ton verre.

— Évidemment, je t'enverrais le résultat final en avance.

Tu bombes le torse, soudain, fier comme un môme, aussi réceptif qu'un enfant aux cajoleries et autres approbations. Elle regarde régulièrement ton show. Une sang-pur regarde ton émission. Et elle apprécie ton bagou. Tu te sens rougir de plaisir, ne peux pas t'empêcher de glisser une œillade vers Chloé. Pas sûr que Cassandre apprécie le bagou de Zadig. Est-ce qu'elle le voit ? Est-ce qu'elle voit que tu as pour toi quelque chose que lui n'a pas ?

— Je suis flattée, mademoiselle Greengrass.

Tu lui offres un sourire, qui se déforme légèrement au "mignon" de Chloé. Mignon. Pourquoi mignon ? Tu détestes être mignon. Personne ne dit de Zadig qu'il est est mignon. Peut-être devrais-tu arrêter de jouer cette carte ? Mais tu n'as ni la carrure, ni la plastique pour laquelle elle bave, Chloé. Et tu n'as pas le don immonde de Zadig pour te faire passer pour plus beau qu'il ne l'est (pourtant dieu seul sait comment tu le trouves beau).

Tu captes la pression de la main de Cassandre contre ton avant-bras. Rapporte ton attention sur elle, tend l'oreille comme un ami complice qui écoute un secret. Ton cœur rate un battement, Chloé a mis un temps considérable à se faire belle pour toi. Alors qu'elle est magnifique qu'importe la tenue, qu'importe la coiffure ou la toilette. Mais elle s'était faite belle. Pour toi. Pour toi. Pour toi. Pour to-

Je pensais que, peut-être, il pourrait y avoir d’autres invités. On sait jamais !

Ton sourire s'affaisse l'espace d'une seconde, monté d'acide dans la gorge. Ah. Oui. Oui, bien sûr. T'as été con, Basile. Con de croire qu'une fille comme elle pouvait venir uniquement pour quelqu'un comme toi. Con de croire que y avait rien d'intéressé, y a toujours quelque chose d’intéressé. Soudain t'as envie de lui dire, à Chloé, qu'elle aura beau remuer son petit cul refait devant les "autres invités" que personne voudrait d'elle. Les Barbies égocentrique comme elles ont les prends dans les vestiaires et ont les oublies ensuite. T'as envie de lui dire que c'est tout ce qu'elle aura de la part de ses "autres invités". Quand toi t'aurai pu lui offrir plus, tellement plus. Encore une qui va finir le vide couille de gens trop bien coiffés. Soudain elle te dégoûte. Soudain elle a l'air de faire plus vulgaire que belle, Chloé. Crispé, quand tu lui réponds.

— Ça arrive, je suis allé faire une soirée avec Zadig Montgomery il y a pas longtemps. Il y avait du beau monde.

T'as envie de vomir rien qu'à voir ses yeux qui pétillent. Ah. C'est donc ça. Évidemment que c'est ça. Toutes les mêmes. Tu les hais.

— D'ailleurs, tu vois la demoiselle brune qui discute avec le réal de l'émission ? C'est Alice Fitzgerald, elle organise pas mal d’événements où le gratin participe. Tu devrais aller lui glisser ton contact et discuter un peu avec elle, après tout tu es dans la cours des grands, maintenant.

Tu lui offres un sourire aussi mielleux qu'hypocrite. Aussi furieux qu'heureux de la voir courir comme un petit toutou à la recherche d'attention. Tu tend le bras à Cassandre, l'air de rien.

— Elle ira loin c'est certain.

Suceuse et opportuniste comme elle est.

— P-Pardon ?

Tes yeux s’écarquillent, surpris. Décontenancé par ce petit bout de femme qui te perce à jour et tu paniques, Basile, parce que tu pensais être passé maître dans le fait d’arnaquer ton monde. Et en même temps, ça fait mal à ton ego. Mal d'être vu dans le rôle du rejeté. Une position de faiblesse qui te fait doucement chier. Putain de Chloé. Tu veux tout sauf de la pitié. Elle te fait gerber la pitié. Tu le sais, déjà, qu'on ne te regarde pas.

Mais elle a le regard espiègle, intelligent. Tu comprends qu'il est vain de jouer au plus con. T'es grillé. Pour sauver ce qui reste de fierté autant acceptée la défaite, faire comme-ci elle n'était pas amère. L'histoire de ta vie, en gros.

— Hahaha, j'ai donc été à la fois trop et pas assez subtile.

Tu lui offres un sourire un peu tendu et pincé. Ton regard suit le sien. Devant vous, Chloé semble faire des merveilles avec son interlocutrice. T'as un goût acide dans la gorge. Elle n'a probablement rien remarqué, qu'elle te dit. Tu sais pas ce que tu aurais préféré. Qu'est-ce qui aurait été le moins douloureux ? Qu'elle soit trop aveugle et idiote pour te voir ou qu'elle soit, au contraire, plus que consciente de toi et qu'elle s'en serve ? L'un comme l'autre le sel reste le même. Tu détournes le regard, rester digne, rester droit, t'as appris que plus les échecs sont nombreux moins ils sont longs à digérer.

— Oh, désolé n'est pas vraiment le mot qui me serait venu à l'esprit mais...

Tu lui décroches un sourire. Quelque part ravis qu'elle n'en vienne pas à tapoter l'épaule (t'aurais hurlé s'il t'avait tapoté l'épaule), qu'elle décide de s’intéresser à toi à la place. Tu te racles la gorge désigne le plateau du menton.

— C'est nettement moins incroyable que ce qu'on peut penser, vous savez ?

Elle vous dirige vers le buffet, une femme sage et clairvoyante cette Cassandre ! Super, pas besoin de trouver une excuse subtile pour prendre un demi-verre de champagne (ton extrême limite avant la franchise) et noyer l'amertume sous les canapés aux saumons. Tu essayes de repérer les coupes au loin pour orienter votre marche, fronces les sourcils pour faire mine de réfléchir.

— Les enfants n'ont aucune vocation, ça a été... Un heureux concours de circonstance !

Tu remercies les dieux en arrivant pile devant les boissons, demande une demie-coupe de champagne, toujours ton bras mêlé au sien. Un sourire resplendissant et enfantin (le tien) quand elle complimente ton sourire et que tu tournes la tête vers elle.

— Ah, vous l'aimez ? C'est grâce à lui que je suis devenu acteur ! Un jour j'ai fait un graaaand sourire à un producteur de Disney et, pouf, magie !

Tu fourres un canapé au saumon dans ta bouche, savoures avant de glisser, le besoin de ton gonfler d'ego, d'un coup.

— D'ailleurs, j'aime penser qu'il est toujours aussi contagieux et efficace. Votre avis mademoiselle Greengrass ?

T'as une pensée malsaine pour Zadig, pour Chloé, pour tous ceux qui te font sentir comme une merde incapable de susciter autre chose que de la pitié.

Tu fronces les sourcils, perds l'instant d'une seconde l'éclat rieur dans ton regard. Pour une fois ce n'est pas calculé, mais la question qu'elle te pose remue plus de choses que ce que tu avais anticipé. Si tu pouvais te parler, te voir, qu'est-ce que tu te dirais ? Qu'est-ce que tu dirais au petit Basile ? De refuser de quitter ta mère, probablement. De rester avec elle, de ne pas être aveugle, de remarquer tous ces petits détails que tes yeux d'enfants ont (in)volontairement oubliés. Son sourire plus fatigué, le cachet dans le petit tiroir à droite de la commode, la bref lueur absente, presque rêveuse, de ses yeux quand tu lui parlais et qu'elle fixait sans raison un point quelconque dans la pièce. Quoi que... Non ? Tu ne maudis pas tant ton arrivée chez les Delacroix. Tu ne maudis même pas ton arrivée dans les écuries Disney. Non. Tu as aimé cela, tu aimes toujours cela. Le confort de ton train de vie, quelque chose que tu n'aurais jamais pu connaître en restant dans votre petit appartement au-dessus de la boutique, la lumière des projecteurs, l'admiration du public. Non, non, tu avais beaucoup trop aimé cela, Basile. Non, la vérité c'est que tu maudis juste qu'on t'a retiré cette lumière, qu'on a éteint tes projecteurs quand ceux de Zadig, eux, sont restés là, encore plus puissants qu'autrefois.

— Hm...

Tu reprends immédiatement ton sourire joyeux et enjôleur.

— Oui ! J'ai tellement de bons souvenirs, après tout !

Tu lui forces un sourire plus prononcé, profites d'avoir ta coupe à la main pour boire une très raisonnable et petite gorgée. Et tu ne sais pas ce qui te fait caresser cette idée saugrenue, probablement idiote. Quand tu vois son regard détailler ton visage, la façon dont elle passe ses cheveux avec élégance derrière ses épaules. Une partie de toi à conscience que c'est pour éponger l'ego malmené par Chloé. L'ego malmené par des années à ne pas briller comme tu le voudrais, avec qui tu voudrais. Et tu te dis, que c'est probablement stupide, oui. Mais tu as besoin de ça. En définitive, t'aurais jamais pu regarder le petit Basile et lui dire de ne pas chercher les regards des caméras. Car bordel qu'est-ce que tu aimes qu'on te remarque. Alors ton regard plus brûlant quand tu la regardes (elle fait 11 centimètres de plus que toi).

— C'est un peu le but, non ?

Même si tu ne lui diras pas que tu n'en as rien à faire, la majorité du temps, de ce que les autres te racontent. La vérité, c'est que tu craches allègrement sur la réussite de tes invités, sur tous les autographes qu'eux signent et toi non, sur toutes leurs opportunités qu'on ne te donne pas au seul motif de ton hybridité quand d'autres (toujours les mêmes bizarrement ((les semi-velane)) ) eux croulent sous les propositions. Tu souffles, il ne t'échappe pas qu'elle vous entraîne loin des regards.

— Mais je crois que ça me plaît bien que vous vous intéressiez à moi.

Et pour que la révélation ne soit pas trop audacieuse tu rajoutes avec espièglerie.

— C'est que je n'ai pas l'habitude !

Un léger rire.

— Mais pour répondre à votre question... Et bien... J'ai des passions assez communes. La cuisine notamment, les Échec sorciers, je bouquine pas mal aussi... Ah ! Et parait-il que je suis un très bon danseur de danse latine. Hormis ça, je crains d'être affreusement banal, haha.

Et ce qui suit est peut-être fichtrement audacieux, mais tu as un regain d'ego, soudain.

— Mademoiselle Greengrass est-ce que tout va bien ? Le plateau est affreusement brouillant, ma loge n'est pas loin vous voulez vous y asseoir ? On y sera plus au calme et j'ai de superbes plantes en pot !

Dis oui, dis oui, dis oui, dis oui.

Une petite voix dans ta tête te glisse que t'es vraiment risible, vraiment en manque. Une petite voix, aux allures de celle d'Elyas et de Zadig te glisse que tu fais pitié. À quel point t'es conscient de chercher à plaire juste te sentir moins misérable, moins créature, plus homme ? Ton sourire plaqué aux lèvres, tantôt solaire, tantôt plus enjôleur ne bouge pas cependant.

— Vous surestimez mon charme, mademoiselle Greengrass.

Tu fais pitié, vraiment.
Pourtant tu te sens presque roi à l’amener loin de la foule, à voir cette fille qui joue dans la catégorie des inaccessible plaisanter avec toi, s’intéresser à toi. C'est que ça n'a même pas l'air de l'ordre de la politesse. Et au pire, si ça l'était, qu'importe. Tu veux juste soigner la plaie, non même pas en fait, juste la soulagée, juste la couvrir, tant pis si demain ce sera encore plus douloureux d'arracher le pansement. Parce que t'es pas si misérable. Toi aussi tu peux, non, prétendre à l'éclat ?

Tu l'entraînes doucement dans les couloirs, soupir de bonheur à mesure que le brouhaha du plateau s'éloigne.

— Le meilleur moment de la journée, c'est quand après plusieurs heures dans le bruit on goûte enfin au silence.

Tu lui adresses un sourire complice, pousses la porte de ta loge pour la laisser entrer.

— Après-vous.

Tu refermes derrière toi, la loge est assez spécieuse, c'est presque un mini studio. Le traditionnel miroir où s'étalent les produits utilisés par les maquilleuses avant que tu n'arrives sur le plateau. Coincé habillement entre l'habillage du miroir et la glace, des photos, avec des gens du publics, des invités, des membres de l'équipe. Un peu plus en retrait, jauni par le temps, une photo de ta mère, gobeline aux longs cheveux brun clair. Sur le bureau/coiffeuse une tasse de café abandonné, un livre (en l’occurrence un roman policier). Une banquette coincée contre un mur sur laquelle tu as fait bien trop de siestes, une petite bibliothèque juste à côté où s'entassent livres, classeurs, paperasses et des petites plantes en pot. Tu l'invites à s'asseoir viens lui tendre le livre posé sur la coiffeuse.

— Un peu compliqué de vous montrer mes talents de danseur mais pour ce qui est de la lecture... Voilà.

Tu lui souris vient tirer la chaise pour t'asseoir en face de la banquette.

— Je lis un peu de tout, avec le travail c'est un peu obligatoire. Mais j'avoue avoir une petite préférence pour les littératures de l'imaginaire ou les romans à suspense. C'est stimulant d'essayer de résoudre l'enquête. Et vous ?

Tu viens agripper ton menton, la regarder de haut en bas, une ride d'expression qui traverse ton front alors que tu te prends au jeu et réfléchis. C'est qu'elle a un beau sourire, Cassandre. Tu te demandes ce que ça ferait de les avoir que pour soit.

— Hm... Je pense que je vous cuisinerai quelque chose de très simple. Un plat de lasagne, des pâtes aux saumons, un hamburger, une pizza peut-être ?

Tu lui souris, espiègle.

— Je pense que c'est ce qui vous plairait le plus. Je pourrais m'improviser chef trois-étoiles, mais je pense que ce serait de trop. Je pense que l'expérience serait bien plus marquante si je vous proposais de manger avec les doigts une Margherita faite maison.

Tu penches la tête sur le côté, souris.

— Alors, j'ai tout bon ?

Tu lui décroches un sourire, tout ce qu'il y a de plus enjôleur.

— Oui, pas mal. C'est un peu comme une seconde maison.

Et t'es fier de ce qu'elle a l'air d'en conclure. C'est malsain, mais beaucoup trop grisant de se sentir plus que ce que l'on est vraiment. Y a dans ses yeux une forme de curiosité qui te fait te sentir intéressant. Comme un goût de revanche, toi aussi tu peux être cet homme-là. Cet homme auquel on s’intéresse, cet homme qui veut la peine de quelques mots. Ils peuvent tous aller se faire foutre avec leur beauté et leur porte-monnaie bien remplit, toi aussi tu as de la ressource. Tu hoches la tête, t’intéresses. Ce serait encore mieux si vous aviez des points communs et, foutredieu, vous avez des points communs ! On a rarement vu plus cliché que des goûts littéraire en matière d'amorce mais c'est un début. Tu souris, sincèrement heureux.

— Non, je trouve ça fascinant. C'est rare de rencontrer quelqu'un qui s’intéresse vraiment aux autres.

Et tu crois rêver, mais tu penses bien qu'elle te fait une invitation, là. T'as peur de trop projeter, trop l'habitude de t'emballer pour être déçu mais ses mots sont autant d'indices que tu as du mal à ne pas surinterpréter. Une fossette se creuse dans le coin de ta joue. Est-ce que t'as le droit ? Est-ce que tu oses ?

— Je n'ai rien contre les plats végétariens.

Tu modères ton excitation, la conversation prend une tournure qui titille un peu trop ton ego. Et tu as envie, oui, d'être celui qui brille, d'être à leur place, à sa place.

— Pourquoi ne pas dîner ensembles, un soir ? Promis ça ne durera pas plus de deux heures et il y aura seulement une entrée, un plat et un dessert.

Tu lui décroches un sourire, t'enfonces un peu plus dans ton siège.

— Hm, j'aimerais bien jouer de nouveau un jour. Mais j'aimerais faire mes preuves dans des rôles plus sérieux. Malheureusement, il semblerait que je sois trop adorable pour jouer des grands méchants ou des héros tragiques.

T'aurais jamais pensé pousser l'audace aussi loin. Elle avait toutes les raisons du monde de te dire non, toutes les raisons du monde de se moquer. Peut-être allais-tu au-devant d'un râteau ou d'une unième humiliation. Aussi vite que la confiance t'es venue, s'enchaîne dans ton crâne les centaines de raisons pour lesquelles il est impossible qu'une femme comme Cassandre accepte l'invitation à dîner d'un sinistre inconnu.

1) C'est une Greengrass
2) Tu es un hybride
3) Tu n'es pas semi-velane
4) Ton appartement fait à peine la taille de sa salle de bain
5) C'est une Greengrass

Et dizaines et dizaines d'autres que tu n'as pas le temps de citer intérieurement puisqu'elle accepte, Cassandre. Tu clignes des yeux, un peu stupide. Elle accepte ? Vraiment ? Pour de vrai ? Tu la regardes, comme-ci tu avais mal entendu. Elle accepte. Tu secoues doucement la tête, ne prend conscience de la pleine réalité que quand elle te demande tes dispositions. Elle accepte. Tu sors ton pineaple, pianote maladroitement sur ton agenda pour regarder rapidement.

— Et bien il se trouve que je suis plutôt libre en soirée. Que diriez-vous d'un mercredi ?

T'aimes bien les mercredi.
Tu relèves les yeux vers elle, pose ton pinneaple, plus calme.

— J'avoue être surpris de vous voir accepter.

Ta paranoïa te force presque à penser que Zadig est de mèche, qu'il a manipulé cette pauvre fille pour te faire croire que tu avais du potentiel avant d’allègrement te marcher dessus comme il sait si bien le faire. Mais non, hein ? C'est pas ça, n'est-ce pas ? Tu racles un peu la gorge.

— Et bien je-

On toc à la porte. Tu te lèves, ouvres, découvres un assistant qui t'offre un léger sourire et te prévient que votre invitée cherche "sa copine" partout. Tu te tournes vers Cassandre, un sourire d'excuse au visage.

— Je crois que votre amie est en manque de compagnie.

Tu reviens vers elle, lui tend ton pineaple.

— Est-ce que je peux vous demander votre numéro ? Pour que je puisse terminer la fin de ma phrase.