Devant le miroir de ta salle de bain tu fais ton noeud de cravate, coiffes tes cheveux blonds et souffles toutes les deux secondes, en proie à des angoisses que tu ne saurais taire par le silence. Ce soir c'est le grand soir, le troisième où tu emmènes Darya depuis Halloween. Tu fixes d'un coin de l'oeil le coffret en satin noir de la bague de fiançailles que tu lui as réservé. Tu hésites encore Clovis, même si tu as donné ta parole à son père. Ton coeur s'accélère quand tu penses aux avantages (une lignée, une alliance, une légitimité à exercer ton pouvoir dans ce monde encore trop aliéné) et aux conséquences (tu vas lui briser le coeur à lui, et sûrement à elle aussi).

Dernier regard, tu fourres l'étui dans ta poche et c'est un peu déprimé que tu retournes ta chambre, ignorant l'armoire qui trône dan un coin de la pièce. Tu sors pour rejoindre l'entrée. Tes elfes de maison t'ont préparé ton long manteau noir, aux coutures dorées. Tu leur adresses un message silencieux, qu'ils comprennent et auquel ils répondent du même silence pesant. Finalement tu pars.
Tu transplanes au coeur de Londres, dans une ruelle peu fréquentée - mais quand même, deux loubards t'ont vu et tu leurs infliges un sortilège de confusion.

Tu as invité Darya à l'Observatoire royal de Greenwich. Un lieu typiquement moldu mais il s'y trouve un restaurant chic à l'intérieur, dont le plafond étoilé t'a fait penser au ciel de la grande salle à Poudlard. Arrivé devant le premier, tu sors ton pineapple et attends, appréhendant que la soirée débute. Tu ouvres, mélancolique, la liste de tes derniers messages et ton coeur loupe un battement quand tu aperçois le contact de Jasper.
Est-ce que je peux te faire confiance ?
Bien sûr que non.

— « Ah ! Darya... »

Tu relèves la tête pour l'observer, les mains dans les poches. Etires un léger sourire crispé alors que tu dis merde au reste pour prendre tes responsabilités.

— « J'ai réservé une table, allons vite à l'intérieur. »

Fais pas genre que t'es pressé Clovis, c'est toi qui refuse de prendre ton temps.

Les battements de ton coeur se font plus irréguliers et tu manques de t'étouffer dans une toux sèche quand elle retire son manteau. Face à son élégance tu te sens un peu lésé, Clovis. Tu as pourtant toi aussi sorti la tenue d'occasion, mais rien de plus beaux que les apparats d'une femme qui se met en valeur. Tu la laisses s'installer, évitant de loucher un peu trop sur le corps qu'elle exhibe. Merde, merde. C'est pas censé te mettre aussi mal à l'aise, vous avez même pas encore commandé. Au moins, elle semble apprécier l'endroit. C'est le principal.

— « Les moldus sont surprenants. Ils sont capables de faire des plafonds aussi réalistes sans magie. Je crois qu'ils appellent ça des écrans 3D, quelque chose dans ce style. »

Tu touches juste, tu ne le sais juste pas.
Darya complimente ton apparence et tu t'empourpres sans le vouloir. Et ça y est, tu commences déjà à perdre tes moyens. Ce n'est pas tant par réelle attente de la soirée que tu te mets la pression que par culpabilité. Tu es lucide sur les dégâts que tout cette mascarade va causer, et pourtant tu t'accroches désespérément à tes responsabilités.

Tu appelles le serveur en levant le doigt. Une bonne manière d'éviter que la conversation ne tourne autour de ce qui te tracasse. Tu regardes Darya avec un sourire, puis te caches derrière le menu du restaurant.

— « J'aimerai commander. Pas d'entrée pour moi. Je vais directement passer au plat de résistance. »

Pas le temps ni l'envie que le repas ne s'éternise.

— « Et je prendrai le plat du jour. »

Ni la force de choisir quelque chose.
Tu fermes la carte et lui tends, hausses un sourcil à l'intention de ta partenaire.

— « Alors ? »

A peine stressant.

Elle est douce, Darya - trop douce et pourtant tu ne crois pas qu'elle puisse faire partie des honnêtes gens. Il y a des ténèbres en elle, tout comme les tiens en ton coeur se resserrent. Tu fermes la porte aux rancunes du passé, embrasses tes ambitions pour les assumer coute que coute. Si Darya doit être une excuse pour être définitivement accepté dans ce monde immonde, alors qu'il en soit ainsi. Au diable Jasper et tes sentiments ; au diable la liberté, bienvenue dans cette petite vie parfaite et préfabriquée.

— « Hm ? »

Tu as à peine le temps de retenir le serveur à ton tour pour demander également un verre de vin, mais pour toi ce sera du bon rouge (quand tu te doutes qu'ils lui serviront sûrement un blanc sec à elle). Tu soupires d'exaspération malgré toi quand elle a la politesse d'être prévoyante. Le fait est que Darya est charmante avec toi depuis Halloween (depuis la mort d'Uriel et de tes parents) et que si cela a clairement été source de motivation dans tes choix pour ton futur, elle ne te permet pas de déculpabiliser à un seul moment.
Tu tousses de nouveau dans ton poing fermé et prononces des excuses à t'en arracher la voix.

— « Pardonne-moi. Je suis désagréable alors que tu n'as rien fait. Ne t'en fais pas, je n'avais rien de prévu. Je veux dire... hormis ce diner. J'avais prévu ce diner, il est important. »

Putain tu commences à t'emmêler. Elle verbalise tout haut son inquiétude à ton égard, tu constates que sa vigilence lui a permis d'analyser ton comportement et le fait que tu n'agisses plus avec elle comme tu le faisais autrefois. Tu étires un sourire forcé comme pour feindre l'innocence. Il faut dire que tu n'es pas très subtil.

— « Moi ? Bizarre ? » Le serveur arrive à ce moment là. « Parfait ! Trinquons. Merci. » glisses-tu à l'intention de l'homme qui vient de déposer vos verres.

Il tourne les talons, vous laisse de nouveau seuls et tu ne sais pas comment réagir. Est-ce que c'est le genre de choses qu'on demande à la fin d'un diner ? Mais ça commence à être légèrement gênant, Darya attend quelque chose mais sûrement pas ce que tu comptes lui donner. Merde. Tu n'as plus l'habitude de perdre tes moyens Clovis, tu comprends au moins l'effet que tu leur faisais à tous. L'insaisissable Clovis Lestrange réduit à ployer le genou.

— « En vérité, c'est toi qui a raison. Je te fais des cachotteries. »

Tu oses poser ta main sur la sienne, l'autre permettant de tenir ta tête.

— « J'aimerai te demander quelque chose. »

Ah.

Clovis, j’aime autant te le dire d’avance... Quand elle a commencé à parler tu t'es figé. Avait-elle compris depuis le début de quoi il en retournait ? A croire qu'ils ont tous un sixième sens que tu n'as pas.
Elle amène le sujet d'Izar et tu soupires de nouveau - elle va finir par vraiment mal le prendre si tu continues, et alors ta demande ne sera qu'un échec de plus s'ajoutant à la longue liste que tu traines déjà.
Elle n'a donc en réalité aucune idée de ce que tu vas lui demander aujourd'hui. Tu te traines une sale appréhension, à la fois soulagé de pouvoir la surprendre et lâche face au fait qu'il y une chance qu'elle t'envoie chier (ça serait pourtant bien mérité après tout ce qu'il s'est passé).

— « Tu nous as vu ? La dernière fois ? »

Question bête, et tu feins l'innocence. En réalité tu avais très bien remarqué qu'elle se trouvait là puisque vous aviez échangé un regard avant qu'il ne rentre dans ton bureau.

— « Et non, Darya. Je ne suis pas là ce soir pour te parler de ton frère. A vrai dire, je mentirais si je te disais que je n'y avais pas en effet, songé à un moment ou à un autre. Mais Evonice n'aurait pas été facile à convaincre, et Mnemosyne... »

Tu étires un sourire gêné.

— « Je te comprends, tu sais. Je ne veux pas qu'on touche à ma petite soeur non plus. »

Elle s'excuse et tu comprends que vous avez un peu de temps avant que le serveur ne revienne. Après tout, vous n'avez pas pris d'entrée. Tu penses honnêtement que le diner sera plus léger si tu fais ta demande maintenant - vous pourrez discuter des formalités comme deux adultes plutôt que de te ronger l'esprit à attendre le bon moment.

— « Très bien. »

Tu te lèves brusquement, Clovis. Impérieux, ton regard s'assombrit alors que tu fais le tour de la table pour te planter devant elle. Tu la détailles un peu de haut malgré toi, mais l'appréhension prend en otage toutes tes émotions. Tu as le regard vide et lointain des rois déifiés. Un genoux à terre et tu sors de la poche de veste un écrin de velours noir. Tu l'ouvres devant elle, lui dévoilant un bijou que tu as commandé toi-même. Il était hors de question que tu voles le bijou qu'a légué ta mère pour le mariage de Mnemosyne. Inspires longuement, Clovis.

— « Alya Black, je sais que je n'ai jamais été ton premier choix, mais... »

Expires.

— « Tu es le mien, aujourd'hui. Veux-tu devenir mon épouse, pour le meilleur et pour le pire ? »

Surtout pour le pire.

Tu ne t'attendais à rien Clovis - une partie de toi espérait presque qu'elle se taise à jamais, qu'elle te juge en silence et t'abandonne ici pour ne jamais revenir. Ton esprit avait fantasmé l'humiliation de trop, celle qui te ferait définitivement échouer, celle qui te forcerait tant bien que mal à te remettre en question... toi et tes choix d'avenir à la con. Tu restes figé, attentif à la réponse qu'elle va te donner. Le souffle coupé, les yeux suppliants. Rejette-moi, Darya, rejette-moi et quand son sourire se fait doux et compatissant ton coeur se brise en mille morceaux. Tu lui rends, dissimulant la détresse sous un voile de détermination.

— « Très bien. Alors ... parfait. »

Tu te redresses, la tête légèrement inclinée sur le côté. Sourire crispé, épaules relevées. Sa voix résonne en boucle entre les murs fermés de ton esprit blessé. Tu attrapes sa main machinalement, sors la bague de son écrin noir pour la glisser avec lenteur à son doigt. Tu ne trembles pas une seule fois, Clovis - contemples ensuite debout, l'oeuvre de ton malheur. Darya va devenir ta femme. Tu vas te marier, tu vas te ranger. Et aussi belle est-elle, elle n'est pas lui. Tu lui voles sa vie au point de t'en imposer une. C'est ironique.

— « Appelle moi Clovis et seulement Clovis, veux-tu ? Lestrange, c'est le nom que tu vas porter. »

Elle t'intime de retourner t'assoir et c'est ce que tu fais. Tires la chaise lentement. Aurais-tu dû l'embrasser pour sceller ce moment ? Tu n'en ressens pas l'envie. Autour de vous émergent des applaudissement timides, provenant d'autres clients ayant assistés à la scène. Tu leur accordes un sourire timide et pudique, alors que le serveur revient à ce moment-là pour déposer vos plats. Il se permet de demander.

— « Félicitations monsieur, mademoiselle. Doit-on prévoir une coupe de champagne pour le dessert ? »

Décidément, ils ne cessent tous d'en rajouter.

— « Du champagne ! Parfait ! J'adore le champagne. »

Tu contemples ton assiette quelques secondes avant de te lancer. Tu réfléchis quelques peu à ce que Darya t'a dit : notamment sur cette histoire de premier choix. Tu ne sais pas pourquoi la perspective d'un romantisme hypocrite ne t'emballe pas plus que ça.

— « Ne mens pas Darya. Ton premier choix a toujours été Uriel. Tu n'as pas besoin de prendre soin de mon égo. »

Petit rire amer.

— « Je veux dire, pas encore. »

Tu hausses un sourcil quand elle confesse qu'Uriel n'était pas son premier choix. Sans blague... penses-tu, comment pouvait-il être le choix de qui que ce soit ? Tu l'écoutes d'une oreille distraite te confier que si elle avait pu choisir, ça n'aurait pas été dans les critères désirés par ses parents. Cela pique ta curiosité, mais tu n'es pas certain de vouloir délivrer en retour la nature (hors critères) de tes propres désirs. Tu te contentes de sourire poliment, avec une once de compassion à son égard. Tu n'as pas encore totalement idée d'à quel point Darya te ressemble sous de nombreux points.

— « Aaah les sang-pur, le conservatisme, les valeurs de paix, d'amour et de liberté. »

Tu lèves ce verre à cette doctrine. Sourire forcé, encore, et tu portes ta coupe à tes lèvres. Le champagne coule dans ta gorge, la réchauffe à son passage. Tu laisses échapper un petit rire quand elle te questionne. Tu ne réalises pas non plus. Pour détendre l'atmosphère à ton tour (vu que tu ne l'as pas vraiment laissé faire) tu prends un air farouche, presque inquisiteur.

— « Et bien... il va falloir t'habituer à la salle des tortures. »

Manques de t'étrangler toi-même avec une gorgée, tu ris de bon coeur et reposes le verre prudemment.

— « Je plaisante, de toute évidence. »

Tu entreprends de commencer ton plat, malgré la boule au ventre et la gorge nouée.

— « Tu devras venir t'installer à la maison. Je pensais organiser un mariage pour le début d'année prochaine, qu'en penses-tu ? »

Tu ne sais pas toi-même pourquoi tu es si pressé.

Elle a l'air d'accord pour forcer les choses. Tu te pinces la lèvre, hoches la tête vivement, un peu crispé. Comme d'habitude, c'est toi qui propose, espérant que l'autre personne soit celle raisonnable mais Darya semble s'accorder naturellement à ton état d'esprit (du moins celui que tu mets en avant). Tu te demandes si t'as pas de la fièvre Clovis, tellement tu te sens brulant, à demi-conscient. Ses lèvres bougent, mais le son te parvient en décalé. Tu mets plusieurs secondes durant lesquelles tu la regardes intensément. Tu essaies de raccrocher les wagons, privilégies l'eau pour boire un coup et comprends, enfin.

— « Ah. Oui. Des témoins... »

Vous vous étiez fait la blague quand vous étiez adolescents. Jasper et Clovis, évidemment le témoin et le garçon d'honneur pour vos deux mariages respectifs. Tu ne pensais pas à te marier, tu t'étais convaincu que tu serais le seul à endosser cette responsabilité pour lui. Et maintenant...

— « Je trouverai quelqu'un. »

N'importe qui.
Du moment qu'il accepte.

— « Je veux inviter naturellement toutes les familles de sang-pur. Je veux qu'ils puissent voir et comprendre une bonne fois pour toutes que je suis le chef des Lestrange désormais. »

Mais pas toutes ne seront conviées. Cela te parait évident, et tu penses qu'elle l'a compris - cependant tu veux le verbaliser à voix haute.

— « Pour les Fawley, je ne souhaite pas qu'ils soient là. »

Et ton coeur se serre, encore. Tu entreprends de finir ton assiette mais n'y arrives pas. Tu laisses, joues un peu avec ta fourchette dans la purée de patate douce. Relèves les yeux vers elle, le visage toujours posé dans le creux de ta main.

— « Tu t'installeras quand nous serons mariés. Quand les fiançailles seront rendues publiques, tu pourras venir déposer des affaires en avance, si tu le souhaites. »

Elle pique soudainement ta curiosité.

— « Un vivarium ? Ah oui, pour ton serpent. Et bien... je suppose que tu pourras l'installer... »

Dans notre chambre ?

— « Dans ta chambre. Enfin... la notre, quoi. »

Tu ne lui as pas encore dit que tu comptais garder la tienne, en plus de celle que vous partagerez... un jour. Bientôt.

Ah. Donc elle avait deviné la dernière fois, que ton élan de colère avait été provoqué par Jasper ? A croire que tout ce qui cloche dans ta vie tourne toujours autour de lui désormais - et tu sais que c'est réciproque. Tu m'as gâché la vie ; ses mots cruels te parviennent encore aux oreilles. Tu étires un petit sourire en coin, amusé mais amer. Tu reposes tes couverts, l'appétit coupé. La bienséance voudrait que tu fasses un effort mais tu n'as jamais été très déférent.

— « Je ne sais pas à qui demander. »

Confesses-tu, à propos d'un témoin.
Tu n'avais jamais imaginé proposer à quelqu'un d'autre qu'à ton meilleur ami. Mais si l'ami était devenu plus qu'ami ; après cette annonce rendue publique tu savais que tu ferais désormais une croix sur son amitié et sur le reste.

— « Mais je trouverai bien. Alaric, peut-être. »

Quelle indignité de demander à son cousin d'être son témoin, mais dans cette ville et dans cette vie tu n'as qu'une poignée d'ex et des ennemis.

— « Hm ? »

Vous en revenez à la logistique. Tu joues du bout du doigt avec le verre en cristal, un peu ennuyé. Le serpent pas dans la chambre, une autre pièce, le serpent... pas dans la chambre, elle parle aux serpents, pas dans la chambre, une autre pièce. Tu mets un temps avant de faire le rapprochement, et t'exclames enfin.

— « AH ! Oui, pas dans la chambre. »

Tu réfléchis, avant de t'arrêter sur une décision.

— « Tu pourras prendre le bureau de ma mère. C'est une pièce qui est collée à la chambre. Mon père avait son bureau en bas, mais elle, elle préférait travailler au calme et nous voir dans le jardin au travers de la fenêtre. Mes soeurs finiront par quitter la maison quand elles seront mariées, et aucune d'entre elles n'a la main sur les appartements de mes parents. »

Tu conclus.

— « En clair, ça sera à toi de l'aménager comme tu le souhaites. »

Soupire.

— « Et pour le mariage ... tu sais que je n'ai jamais été un expert en la matière. Nous engagerons un traiteur et une personne fiable pour l'organisation. Si tu as des attentes particulières, je te laisse gérer. A la texture du gâteau jusqu'à la couleur des invitations. Je m'en fiche un peu pour être honnête. »

Quand elle te propose Mnemosyne pour être ton témoin, tu es un peu confus. Après tout, le tien doit être un homme et la sienne doit être une femme. C'est une tradition idiote qui n'a pas de sens, en soit - mais tu n'as pas fait tout ce chemin pour ne pas respecter les traditions idiotes jusqu'au bout. Tu étires un petit sourire et la corriges.

— « Mnemosyne est une femme, et ma soeur. Elle sera demoiselle d'honneur, au pire. Je pense que je me tournerai vers Alaric ou Nathanael. Ce sont des amis d'enfance, ils ne me refuseront pas ce service. »

Tu mentirais si tu n'es pas surpris de la voir aussi reconnaissance. La façon dont elle te remercie te donne la nausée. Tu te sens honteux et coupable, Clovis. Tu paieras cher le prix de cette décision, peut-être toute ta vie. N'est-ce pas ironique que vous en veniez à vous réjouir de ne pas avoir l'obligation de vous croiser autant ?

— « C'est naturel. »

Tu croises les bras sur la table, arbores un ton plus sérieux.

— « Darya. Si tu m'épouses, tu deviens mon égal. En droits comme en devoirs. Le manoir t'appartiendra à moitié, tu aménageras tes affaires comme tu le voudras. »

Frissons d'effroi qui se propagent le long de ta colonne vertébrale quand elle sous-entend que tu trouveras les personnes idéales pour tes soeurs. Elles le vivront comme une trahison, tu le sais. Tu t'es préparé à ce qu'elles te détestent encore plus que maintenant.

— « C'est d'accord pour l'elfe de maison. Tant qu'il sait se tenir et suit les instructions des deux autres présents sur place. »

Tu as du mal à suivre la conversation, les yeux rivés sur ton plat que tu as à peine touché. Tu joues avec ta fourchette dans l'écrasé de pommes de terre, manques de t'étrangler avec ta propre salive.

Est-ce que tu veux des enfants ?
Est-ce que tu veux des enfants ?
Est-ce que tu veux des enfants ?

Et ça tourne en boucle dans ta tête. Tu lâches tes couverts, inspires un peu en rougissant. Pas vraiment de gêne, Clovis, mais plutôt d'émotion.

— « Oui. Je veux au moins un enfant, plusieurs si cela est possible. Je ne te forcerai en rien. »